unknow to you

On croit parfois que la naissance d’un enfant peut consolider un couple en déroute. On croit toujours que l’amour se multiplie et que le nouveau-né devient l’être le plus important au monde. On oublie tout le temps la dépendance du bébé. Les pleurs, les couches, les repas. Tout est rythmé par les larmes, les cris. Les nuits se transforment en séances de torture durant lesquelles le sommeil est interdit. Le bébé qui naît ce jour-là rend une mère heureuse d’avoir une raison de vivre. Il rend un père joyeux de pouvoir transmettre son héritage. Pourtant, ce bébé ne resserre pas les liens du couple. Il les éloigne. La mère monopolise le gamin, le noie sous tout son amour. Le père reste en retrait, le prive de son affection. Il attend que le bébé devienne intéressant, soit enfin capable de parler, pour s’occuper de lui. Le gamin grandit au milieu, des disputes, des reproches. Trop couvé, trop pleureur, trop coûteux. Amour déséquilibré pour le bébé. Un amour sur une seule jambe, amputée de la deuxième quand sa mère part.

Des disputes qui n’en finissent plus. Un avenir à trois pas assez flamboyant. Ça en est trop pour sa mère qui l'aimait tant, qui projetait tant sur lui. Daisy. Il mettra du temps à connaître son prénom. Il lui faudra insister auprès de son père pour le savoir. Douze ans après son départ. C’est le temps qu’il a fallu pour que Finn connaisse enfin le prénom maternel. Il était trop petit pour avoir le temps de l’apprendre quand elle est partie. À peine deux ans que déjà, il se retrouvait en tête-à-tête avec un père tout juste capable de cuire des œufs dans une poêle. Des mois d’errance, dans une maison laissée quasiment à l’abandon. Des mois d’errance, dans un silence de plomb où père et fils ne se comprenaient pas. Jusqu’à ce que le père en ait marre de devoir gérer et trouve une autre femme. Celle qui deviendra sa belle-mère et la mère de sa sœur.

Morsure des larmes sur ses joues. Peau rougie par le coup parti trop vite. Brûlure de l’épiderme en pénitence. Il n’avait pas à être si faible. Il n’avait pas à pleurer pour une simple chute. Il aurait dû se relever. Lever le menton. Sourire. Il aurait dû rire aux éclats. Redresser ses épaules. Il aurait dû être un garçon courageux et fier. Il n’a été qu’une mauviette transformée en cascade de larmes. Pas assez dur, le gamin. Pas assez taillé pour ce monde. Il deviendra père de famille, patriarche autoritaire. Tel est son avenir. Ce n’est pas dans les larmes qu’il y parviendra. Alors, la violence sous forme de sentence pour tenter de lui endurcir l’âme. La compassion n’a jamais été présente dans le regard paternel. Ni même l’amour, quand Finn y pense. Mais il ne l’avait jamais vu aussi noir, aussi déçu. Il s’est promis que plus jamais ça n’arriverait : il sera à la hauteur de son père. Il repoussera les câlins maternels. Il éloignera les mains affectueuses. Il ne se plaindra plus. Il serrera les dents jusqu’à avoir tellement mal qu’il ne sentira plus rien. Et alors, plus jamais le regard de son père n’aura à se couvrir de noir.

La nouvelle est arrivée comme une éclaircie dans un ciel sombre. Un joli rayon venu réchauffer le visage du garçon. Une nouvelle qui l’a tenu en éveil pendant les mois qui ont suivi. Observant les images tirées des échographies. Admirant le ventre maternel s’arrondir de jour en jour. Devenant protecteur envers sa belle-mère, lorsque les disputes éclatent. Gamin de neuf ans, perclus par la solitude, heureux de voir quelqu’un d’autre arriver. Neuf ans et le voilà grand frère d’une petite Niamh. Une demi-soeur. Il aurait préféré un frère. Dégoût les premiers jours. Il sait comment elles sont. Papa le dit souvent. Elles pleurent. Elles ont mal. Elles sont sensibles. Elles sont faibles. Mais elles sont nécessaires pour servir, nettoyer, cuisiner. Il aurait juste préféré un frère, Finn. Pour avoir quelqu’un avec qui jouer. Pour pouvoir l’aider à préserver sa belle-mère. Au lieu de cela, il ne voit que cette deuxième personne à protéger. Un petit bout de chair trop innocent pour se rendre compte du poids de sa présence.

De cette période, il ne se souvient que du regard effrayé de sa belle-mère, de l’odeur âcre du repas en train de brûler au fond de la casserole, du contact froid du sol sur lequel il s'est réfugié et des bruits de combat diffusés à la télévision. Les images qu’il voyait sont trop violentes pour un gamin de son âge. Douze ans et il assiste à la destruction d’une ville. Les enjeux sont trop importants pour qu’il comprenne. Mais déjà, il sent que le monde sera différent dès cette date.

Monstruosité dans le reflet du miroir. Monstruosité dans ces poings qui frappent dans la cour. Monstruosité dans ces émotions verrouillées. Monstruosités dans sa vision du monde. Il ne s’aime pas. Il déteste tout en lui. Il met ça sur l’adolescence. Il se dit que ça va changer. Il espère que demain, il se réveillera en allant mieux. Parce que c’est ainsi qu’il doit être, qu’il sera un homme, un vrai. Un homme dont son père sera fier et qu’il n’hésitera pas à montrer à ses amis. Oui, mais voilà, les lendemains s’enchaînent sans que ça aille mieux. Alors, il a besoin d’un pansement. De plus en plus, il note les verres avalés par sa belle-mère. La manière dont elle s’accroche aux bouteilles comme à des ancres. La façon dont une simple boisson lui donne le courage d’avancer. Ce courage liquide est à portée de main de Finn. Suffit de se servir dans les réserves parentales, de trouver les cachettes maternelles. Et le bon moment. Attendre que Niamh détourne le regard. S’assurer qu’elle est bien occupée. Et boire. Boire sa détresse. Boire sa tristesse. Boire sa haine.

Petit job en petit job, l’argent s’amasse. Sans trop savoir quoi en faire pour le moment. En fait, si, il sait. Il aimerait passer le permis, s’acheter une voiture. Il aimerait emmener Niamh voir d’autres coins du pays, la sortir de l’enfer familial. Il aimerait quitter la maison, ne jamais y revenir. Alors, il travaille après les cours. Jusqu’à trouver un job d’été dans une mine. La mine, elle est le seul espoir des adultes. Elle sera bientôt leur tombeau. Pour l’instant, elle est un lieu d’acharnement, de douleurs, de sueurs. Finn n’y trouve pas sa place. Perpétuellement à côté des autres, jamais dans le groupe. Jusqu’au jour où l’oreille traîne, capte une conversation. Ça chahute, ça se moque. Infidélité supposée d’une femme. Il voit là une opportunité de se faire bien voir par ses collègues. Alors, il propose d’”espionner”. Les mots d’un gamin. La proposition est acceptée. C’est ainsi qu’il se retrouve à suivre une parfaite inconnue dans ses déplacements. Un piètre espion, à peine discret. Un miracle que la femme n’ait rien remarqué. Expérience suffisante pour s’apercevoir qu’il aime ça. Offrir des réponses aux autres. S’assurer de la fiabilité de leurs proches. Creuser là où personne n’a envie d’aller. Ça l’aide - un peu - à décrocher de l’alcool. À le rendre assez motivé pour se créer un dossier universitaire en béton. Maintenant, il a un objectif.

Cette période est un brouillard épais, dont il ne subsiste que des fragments. Il ne se souvient plus tellement de cette année. Pas plus de celles d’avant ou de celles d’après. Il se rappelle uniquement de cette sensation de sombrer. Sombrer quand les conflits éclatent de plus en plus nombreux, de pire en pire. Sombrer un peu plus quand Niamh se réfugie dans son lit pour se rassurer et qu’elle lui rappelle son impuissance. Sombrer encore plus quand il se dresse contre leur père. Sombrer toujours face à la pression qu’il se mettait pour obtenir les meilleures notes. Il se rappelle des soirées où il laissait à Niamh sa console en secret. Il se rappelle des Wonka Nerds qu’elle devait chercher pour lui. Tout ça pour l’éloigner de la maison et qu’elle ne le voit pas boire. Il ne voulait surtout pas. Il fallait la protéger. Il se rappelle aussi du déclic en la voyant grandir, s’affirmer. Sa petite sœur n’a jamais été la petite fille modèle, toujours polie, toujours serviable, toujours souriante. Elle n’est jamais rentrée dans cette image tant aimée de leur père. Il a compris, Finn, qu’ils sont bien plus qu’un sexe assigné à la naissance, qu’iels sont juste des êtres humains à la recherche d’individualité. Et cette demi-sœur, c’est tout ce dont il avait besoin pour le réaliser. Avec sa force, sa détermination, son courage. Prête à tout pour défendre les autres. Une cadette qu’il fallait préserver.

Le premier de la famille à débarquer à l’université. Bachelor en Cyber intelligence et Sécurité entrepris. On ne l’en croit pas capable. Il se prend pour le gars intelligent de la famille. Mais chez les Callahan, on n’a jamais eu besoin de faire des études pour s’en sortir. Gaspillage d’argent, de temps quand il pourrait déjà travailler. C’est ce qui se dit face à lui et dans son dos. Ça brise la confiance. Ça le pousse un peu plus vers l’alcool, dont il était parvenu à se défaire, un peu. Il découvre les fêtes étudiantes où il est normal de finir la tête dans les wc, le ventre en vrac. Il s’épanouit dans ce monde et parvient tant bien que mal au bout de ses études. Quatre années loin de la maison. À ne rentrer que pour les vacances. Trop heureux de laisser l’Alabama derrière lui. Trop honteux que l’on découvre son état. Quatre années après lesquelles il retourne dans l’État qui l’a vu naître.

Mutation découverte. Déchirure exposée. Niamh est une mutante. Finn, un humain. Ça pourrait les séparer encore plus. Encore plus que le sang différent. Ça a failli. Jalousie embrasée, consumée chez lui. Il ne comprend pas. Pourquoi elle et pas lui. Pourquoi pas les deux. Pourquoi il a fallu qu'il naisse d'une mère qui l'a abandonné. Il aimerait avoir ses capacités. Il rêverait d’être capable de choses extraordinaires. Il ne la croit pas au début quand elle lui dit ne pas prendre de sérum. Jalousie enflammée, paranoïa alimentée par une consommation d’alcool importante. Puis finalement, obligé d’accepter cette réalité. Il ne sera jamais extraordinaire. Ce n’est pas ce qui compte à cet instant. Le plus important, c’est Niamh. L’alcool est délaissé, la sobriété est retrouvée. Petit à petit. Il se met à fuir les soirées, à jeter les bouteilles pleines. Pas après pas. Il sera là, en pleine capacité de ses moyens, quand sa demi-sœur en aura besoin.

Cabinet ouvert à Birmingham pour revenir au plus près de sa famille. De sa demi-sœur. De sa belle-mère. Le début est timide. Les affaires ne sont pas nombreuses. Jusqu’à celle qui changera sa vie. Affaire classique : épouse soucieuse à l'idée que son mari, conférencier, vive une double vie. On attend de Finn qu’il se rende à sa prochaine conférence pour l’épier. C’est ainsi qu’il se retrouve à Memphis. À assister à une conférence. Installé à côté d’Elle. Margot, il le saura plus tard. Sur le moment, il est seulement intrigué par celle qui se cache derrière cette longue chevelure brune, par celle qui lui offre un grand sourire poli, par celle qui cache tant de mystères derrière ses yeux bleus. C’est d'ailleurs son regard qui l’a fait chavirer en premier. Et c’est son rire qui a terminé de l’achever.

Ça va vite. Trop vite. Beaucoup trop vite. Assez vite pour en avoir le tournis, pour sentir l’estomac se soulever, pour vouloir fermer les yeux. Mais la vitesse est grisante. Elle colle le sourire sur les lèvres. Elle rend le regard brillant. Elle déclenche l’euphorie. C’est exactement ce qu’il ressent, Finn. Semblant de vie normale qui s’installe. Le début d’une histoire banale, tranquille, dans laquelle il s’imagine coller à toutes les images de familles parfaites. Si le couple n’y est pas encore, déjà il se laisse à rêver d’une jolie maison, d’un chien, de quelques enfants peut-être. La première fois qu’il respire, qu’il se sent bien. Il est à sa place. Année aussi de sa première altération. Premier implant oculaire. Choix réfléchi, pesé. Il a hésité jusqu’à craquer.

Mariage intimiste, modeste. À l’image de leurs caractères, de leurs familles. Pas beaucoup de personnes à inviter. Seulement la famille proche, quelques rares amis, des collègues amicaux. Il pourrait y avoir des centaines de personnes autour d’eux que Finn n’y prêterait pas attention. Il n’a d’yeux que pour elle. Il la trouve belle. Il la trouve rayonnante. Il se trouve chanceux. Terriblement chanceux de pouvoir l’observer s’affirmer, s’épanouir, grandir d’aussi près. D’assister au premier rang aux changements qui feront d’elle la femme qu’elle sera demain. De pouvoir la soutenir dans ses projets et dans tous les obstacles. Il voit déjà déjà les années futures passées à ses côtés. Il imagine déjà les rires, les pleurs qui rythmeront leurs journées. Il pressent déjà le duo inébranlable qu’ils formeront. Ça durera deux, cinq, dix, vingt ans ou une éternité. Peu importe. Chaque jour aura été vécu à fond. Ensemble.

Il entend encore la voix, même plusieurs minutes après que la télé ait été éteinte. Il l’entend tourner en boucle dans son cerveau. Il continue de fixer l’écran, mais il n’y a que son reflet qui lui rend son regard déboussolé. Finn n’arrive pas à digérer l’information. Il n’arrive pas à déterminer ce qu’il ressent. La logique voudrait qu’il soit triste et éploré. Alors, pourquoi ce n’est pas ce qu’il ressent ? Pourquoi est-ce qu’il a la sensation d’être soulagé ? Il pense à sa belle-mère dont le calvaire vient de prendre fin. Il pense à sa demi-sœur dont les libertés viennent de se multiplier d’un seul coup. Il pense à lui qui n’aura plus à voir la déception dans les yeux de son père. Il pense à ce que ça fait de lui. Un fils indigne, incapable de pleurer son propre géniteur. Il pense à ce que ça dit de son père. Un parent mal aimant qui n’a jamais su donner un peu de douceur et de bienveillance.

New Blossom, terre promise. Remplie de jolis discours et de promesses alléchantes. Margot et Finn avaient besoin de nouveau. Iels voulaient un endroit sûr dans lequel construire leur avenir. Iels l’ont trouvé à New Blossom. L’activité de Finn a été importée jusqu’ici. Installée à Crimson Bay. Il n’y a pas de meilleur quartier pour un détective. Les rues sont crasses. L’ambiance est sombre. Mais ce n’est pas pire que l’Underapple, ses territoires désolés, ses immeubles détruits. La ville n’est pas aussi glorieuse qu’on veut bien le leur raconter. Mais il s'y sent bien, Finn. New Blossom lui renvoie sa noirceur. Lui rappelle ce qu’il a été, ce qu’il est encore, ce qu’il sera un jour. New Blossom lui ouvre les portes de ses terribles secrets. De ces familles déchirées par les cyberpsychoses, par les disparitions de 2005, par les guerres de gang. New Blossom lui apporte du travail. Des cabinets d’avocats, des veuves éplorées, des pères perdus, des enfants déboussolés. L’entreprise est florissante. L’entreprise grandit. L’entreprise devient leur promesse de pouvoir fonder une famille. Leur famille. Dans le Nexus. Loin des horreurs auxquelles il est confronté. Ses enfants n’auront pas l’avenir de ces personnes perdues. Ils auront une vie innocente, préservée.

La colère. Elle tonne dans la voix qui s’emporte contre l’avocat. Elle gronde dans son estomac retourné. Elle se ressent dans ses muscles tendus. La colère, nourrie par une injustice dont Niamh est victime. Un belle attention détruite par des hommes qui l’ont jugée coupable. Et ça s’arrête là. Fin. Ça s’arrête avec ce procès qui la condamne à rejoindre une prison pour adultes. Il savait le procès difficile. Il savait la fin possible. La chute est pourtant terrible. Niamh est condamnée. Emmenée vers son terrible destin. Nouvelle routine qui s’installe, alors. Nouveau quotidien rythmé par les allers et retours entre New Blossom et la prison de Julia Tutwiller. Pour montrer à Niamh qu’il est là. Pour l’aider à surmonter l’épreuve. Lors d’un de ces voyages, il emmène sa belle-mère avec lui. Impossible de la laisser seule dans cette maison devenue trop grande pour elle. Il l’aide à s’installer à New Blossom, à trouver de nouveaux repères, loin de chez elle. Et toujours, ces voyages vers l’Alabama. Dans l’espoir que sa demi-soeur tienne le coup encore un peu.

Il voit double. Deux bébés à réconforter, à nourrir, à décrypter, à changer, à laver. Il voit double. Deux bébés pour qui s’inquiéter, à qui raconter des histoires, pour qui penser l’avenir. Deux bébés. La panique ne l’a pas quitté depuis l’annonce de leur arrivée jusqu’à leur naissance. Encore maintenant. Il ignore s’il est à la hauteur. S’il le sera un jour. Au moins essaye-t-il. Investissement maximal, jusqu’à construire une cabane bancale, alors qu’il n’a jamais été bricoleur. Jusqu’à faire une couvade pendant la grossesse. Nausées, douleurs abdominales… victime de ses propres angoisses, de sa propre empathie. Mais maintenant, les jumeaux sont là. Lou et Jonah. Et il faut assumer. Oublier les nuits paisibles, les grasses matinées agréables. Consacrer chaque minute de son temps à ces deux petits êtres humains. Et être là. Surtout être là. Leur donner l’amour qu’il n’a jamais reçu, leur offrir l’affection qu’ils méritent.

La vie est cruelle, parfois. Elle vient vous choper en pleine route, quand vous pensez être invincible. C’est ce qu’il s’est passé avec Margot et Finn. Un dîner-surprise organisé, directement livré au bureau. Une soirée à refaire le monde et à dessiner leur futur. Une promesse formulée : celle d’avoir un troisième enfant. Le dernier. Celui qui complètera la famille. Mais ce soir, la vie en a décidé autrement. Un homme, plutôt. Un voleur. Qui s’en est pris à Margot, quand Finn était encore au bureau, juste cinq minutes. Cinq minutes qui ont suffi à laisser quelqu'un s'en prendre à Margot. Agression violente. Blessure grave, presque mortelle. Projet d’un troisième enfant oublié. Traumatisme à jamais enraciné. Margot a mis des mois à s’en remettre. Pendant cette période, Finn a tout fait pour la laisser respirer. Pour qu’elle se concentre sur sa guérison. Il s’est occupé du matin au soir. Il s’est assuré de rentrer le midi pour ne jamais la laisser seule trop longtemps. Il a essayé d’être là, autant qu’elle le lui permettait. Et ils n’ont plus jamais reparlé d’un troisième enfant.

Moment important pour les Callahan. La cadette est enfin libérée de sa peine injuste. Elle rentre après trop d’années emprisonnée. Immédiatement, nécessité de lui offrir une maison. Ce sera chez Margot et Finn qu’elle trouvera refuge. Ils lui laissent cette dépendance au fond du jardin. Pas un grand luxe, mais elle y a son intimité, son espace. Dès lors, plus besoin de traverser le pays pour la voir pendant un temps limité. Suffit de traverser le jardin pour discuter jusqu’au bout de la nuit. Refaire le monde, assis sur la balançoire des enfants, à fumer ensemble. Rattraper le temps perdu pour combler tous ces mois passés à distance. Les jumeaux sont fans d’elle. Et Finn aimerait qu’ils prennent exemple sur elle. Qu’ils n’aient jamais peur de défendre qui que ce soit. Quels qu’en soient les risques.

À peine plus d’une année depuis que Niamh est rentrée. Déjà, la famille se retrouve amputée d’un membre fondateur : la mère de Niamh. Décès qui vient déséquilibrer les Callahan. Finn n’était pas prêt à la perdre si tôt. Il espérait qu’elle soit encore là des années et des années encore. Les mois suivants sont difficiles. Il faut pourtant assumer les responsabilités. Continuer de gérer son cabinet. Être présent pour les enfants. Vie en apnée, jusqu’au retour de la nuit où la réalité le frappe. Soeur et frère doivent apprendre à compter seulement l’un sur l’autre. Présence essentielle de Niamh dans son quotidien. Même s’il y a des conflits. Même s’il y a des chamailleries. Peu importe. Elle est la dernière survivante de leur famille. C’est tout ce qui compte.

Tentation qui titille, qui frôle le “oui” au V² jusqu’à découvrir les images à la télévision. Celles de tous·tes ces altéré·e·s qui perdent le contrôle. Celles de ces personnes qui semblent souffrir de leurs nouvelles conditions. Celles d’une ville devenue dangereuse. La tentation a vite disparu. Il a fallu se concentrer sur d’autres choses plus importantes. La sécurité, la préservation de ses enfants. Des semaines à s’inquiéter qu’un altéré débarque à l’école et provoque une tuerie. Des semaines à se demander quoi faire pour endiguer le problème. Et puis, les cas de plus en plus importants au cabinet de gens jamais sortis du Block-Nine, laissant leurs proches sans aucune réponse. Finn a eu de quoi s’occuper, de quoi s’inquiéter encore plus. Si les autorités rassurent, la réalité est différente. Les doses continuent d’exister, de circuler ici et là, achetées avant que les autorités ne s’en mêlent. Autant de bombes à retardement. Un seul constat : New Blossom n’est plus aussi sûre qu’avant. Mais l’a-t-elle déjà été ?