Unconditionally | HEATHER

Unconditionally

Déchirure courant dans ses veines infusées d'un violine lumineux, Aurea avait serré les dents ; parce qu'elle savait, parce qu'elle avait saisi l'essence de sa mutation. De manière inévitable, elle avait pris conscience que son évolution passait par la douleur et que, fatalement, elle devait souffrir pour exister à part entière.

Et tandis que sa mémoire avait ouvert la porte à ses plus grands démons, la mutante les avait laissé prendre place au sein de son esprit, lacérant par la même peu à peu son ADN afin d'en métamorphoser l'essence. Assez rapidement et tout à fait naturellement, c’était finalement auprès de Darius et de Willow que la Sinclair s'était réfugiée afin de survivre à son calvaire.

Lorsqu'elle avait ouvert les yeux pour de bon, réalisant qu'elle avait une fois de plus survécu à un enfer intérieur, elle avait réalisé que des jours étaient passés.

Des jours et des nuits.
Où elle avait laissé le chagrin l'engloutir.
Où elle avait laissé la douleur la dévorer toute entière.

Des jours et des nuits.
C'était tout ce dont son esprit avait eu besoin pour émerger.
Entier.

Et ainsi, Aurea s'était souvenue d'avoir été Evalia, puis d'y avoir renoncé afin de devenir Samara. Elle se souvenait de cette haine dont elle avait hérité et qui l'avait si longtemps brisé. Fatalement, elle se souvenait de cette vie passée, à aimer, à perdre, à fuir jusqu'à atteindre le point de rupture.

✧ ✧ ✧

Fraichement sortie de la douche, l'esprit encore empêtré dans le coton, Aurea passait une main dans ses cheveux humides tandis qu'elle songeait à tout ce qu'elle venait de vivre. Le corps encore las, elle chercha instinctivement son portable sans le trouver parmi ses affaires.

« Merise ?! » Articula-t-elle finalement, la gorge prise par l'inquiétude.
L'IA demeurée entre les murs du Sinclair sorti de son silence.
« Oui, Aurea ? »
« Je.. Mon portable ? »
« Je localise ton portable à cent mètres devant toi. »

Cent mètres.
D'accord.

Comptant ses pas, Aurea se laissa guider par Merise jusqu'à tomber sur son téléphone abandonné sur un coin de table de chevet. Attrapant l'objet, elle soupira de soulagement et l'alluma ; la réaction de l'appareil fut immédiate, elle reçue une salve de messages non-lus et d'e-mail en attente alors qu'elle rapatriait tout à coup Merise dans son microcosme afin de gérer le tsunami numérique.

« Ohlala.. » Souffla la mutante, horrifiée de constater qu'elle avait rater tant de choses.
« Aurea ? Puis-je m'occuper de gérer tes messages ? »
« Oui.. » Couina la principale intéressée. C'était une bonne idée, ça !

Un moment de silence s'en suivi alors qu'Aurea fronçait les sourcils. Il y avait forcément quelque chose qui n'allait pas..

« Merise ? »
« Oui, Aurea ? »
« La date est exacte ? »
« Oui. »
« Ah.. » Articula-t-elle, pensive avant de réaliser. De comprendre. De percuter. « OH NON ! NON ! »

L'esprit embrumé par la panique, ce fut ainsi que finalement, un courant violine électrisa la peau d'Aurea.
Et dans un souffle, elle disparue de la résidence Sinclair.

✧ ✧ ✧

Il ne fallut que quelques minutes à Clover pour prendre conscience que son corps était projeté sur le réseau. Internet lui apparaissait alors sous la forme d'une toile tangible tandis qu'elle circulait sur ses fils avec maladresse.

Elle ignorait tout du phénomène qui se produisait.
Et pourtant, elle savait qu'elle souhaitait rejoindre Heather.

Ce fut ainsi qu'elle se retrouva fatalement catapultée dans la chambre de la chanteuse. Atterrissant au pied de son lit, Aurea était désorientée et son souffle court témoignait de l'effort qu'elle venait de fournir. Sa chevelure brune désordonnée entourait son visage alors que son regard encore violine scrutait les alentours. Elle ignorait tout de l'endroit où elle se trouvait et bientôt, ce fut la peur qui prit le dessus alors qu’elle en prenait conscience. Pour seule réaction, elle redressa le buste pour rester à genou sur le sol.

« M.. Merise ? » Souffla Aurea, d'une voix brisée tandis que l'IA brillait par son absence.

Réalisant que l'IA tout comme son téléphone était aux abonnés absents, Clover sentie la panique lui nouer la gorge. Le rouge aux joues mettait en exergue ses taches de rousseur alors qu'elle apercevait enfin Heather.

Battant lentement des paupières, les iris de la jeune fille changèrent progressivement de coloration afin de retrouver une teinte brune plus ordinaire. Elle n'avait plus de mojo en réserve ; le voyage avait été trop éprouvant.

Habillée d'un débardeur et d'un jean simple, elle n'avait pas de chaussures à ses pieds. Surement étaient-elles avec tout le reste de ses affaires.. Chez son père.

Inquiète pour elle mais aussi pour Darius, Aurea sentie sa panique refluer alors qu'elle ne sembla pas encore identifier Heather comme étant UTA, ou même son Heather.

Elle était trop perdue.
Elle était trop affolée.

Les seuls mots qu'elle fut en mesure d'articuler à nouveau furent d'ailleurs.. « .. Où je suis ? »

Unconditionally

Encore agenouillée, l'esprit embrumé par le voyage ; Aurea cherchait son portable, appelait Merise. Mais finalement, c'était le silence et l'inconnu qui l'accueillait. L'angoisse grandissante au fond de la gorge, elle n'eut pas le temps de se redresser qu'Heather passait le pas de la chambre. Là, Aurea l'observa d'un regard passant progressivement du violine au brun.

L'esprit tiraillé dans un corps trop étroit, Clover demandait.. Elle voulait savoir où elle était, sans pour autant que les idées ne s'alignent dans son esprit.

En cet instant, la mutante avait la sensation que son corps à peine stabilisé peinait à accueillir sa psyché qui demandait à s'échapper. Prise dans la toile de sa capacité à se projeter, ses doigts cherchèrent un moment le contact avec une technologie quelconque. Mais sur le sol, il n'y avait rien. Alors, elle se résigna en relevant le regard pour observer Heather qui ne tarda guère à l'interpeler.

Une crispation glissa le long des épaules de la jeune femme alors qu'elle se décidait enfin à se redresser. Sur ses bras, les tatouages redevenus noirs se mouvaient lentement, régressant sur sa chair. Les feuilles frémissaient sur le passage de deux serpents jumeaux qui espéraient le repos. Levant ses doigts pour les glisser à sa tempe, elle dégagea ses cheveux bruns sur le côté ; le mouvement instinctif trahit tout à la fois son épuisement et la douleur de son esprit tiraillé.

« Je.. Oui. » Souffla-t-elle, ulcérée d'une inquiétude grandissante.

Le tissu de son débardeur laissait deviner à ses limites des cicatrices trop vieilles et trop profondes pour un corps si jeune. D'ailleurs, lorsque Aurea comprit qu'elle n'avait pas eu le temps d'enfiler un sweat, elle tenta de se dissimuler avec ses bras en arrêtant à nouveau son attention sur Heather.

Peu à peu, le puzzle se reformait dans son esprit épuisé.
Les traits du visage de l'idole.
Sa voix qui résonnait encore dans son esprit.
Son regard qu'elle portait sur elle.

« Heather.. » Murmura Aurea avec un soupir tout d'abord soulagé avant de se rapprocher et de trébucher. Elle n'avait pas réalisé que l'énergie lui manquait tant. Pas avant de ressentir le besoin de s'animer. Ainsi, elle se réceptionna sur Heather et tenta de se redresser dans la panique.

« Pardon.. Je.. Je ne sais pas.. » Comment je suis arrivée là. Aurea n'avait pas encore les idées claires. Du coin de l'œil, elle aperçut le portable d'Heather qui avait été son point d'entrée et le désigna de l'index. « J-je peux ? » Demanda-t-elle, en détresse, avant de se rapprocher de l'appareil pour l'effleurer. Echouant sur un bout de lit, elle attrapa timidement l'appareil et instantanément, ses iris s'illuminèrent de violine alors qu'elle tentait de comprendre ce qui venait de se passer et a fortiori de se stabiliser.

Dans sa quête, bientôt le portable d'Heather se mit à.. Parler.

« Aurea ? » La voix désincarnée aux inclinaisons féminines avait un je-ne-sais-quoi d'inquiet.
« Merise.. Qu'.. Qu'est-ce qui m'est arrivé ? » Couina-t-elle en observant timidement et brièvement Heather, le rouge lui montant aux joues.
« Ton corps s'est dématérialisé, il semble que tu ais voyagé au travers internet. Je détecte des traces de ton passage jusqu'à ton point d'arrivée. »
La description était très factuelle et ne provoqua qu'une réaction chez Aurea.. « Oh.. » Elle était étonnée, certes ; mais n'avait aucun mal à saisir l'information. « D'accord. Informe mon père que je vais bien.. Il doit s'inquiéter avec ce.. Enfin, avec ces derniers jours. »
« Bien. »
« Et Merise ? »
« Oui Aurea ? »
« Soit gentille avec lui.. »
« Je suis une intelligence artificielle aimable. » Aurea soupira, dépitée. Parce qu'elle savait que Darius avait grand mal avec sa création. « Bien, j'accèderais à ta demande. »
« Merci Merise. »

Merise retourna à son silence, ce qui laissa présager qu'elle n'était plus présente. Aurea déposa le portable à côté d'elle sur le lit et reporta enfin son regard (redevenu) brun sur Heather. Un léger sourire, aussi timide qu'inquiet, arqua ses lèvres alors qu'elle nouait ses doigts entre eux.

« J-je suis désolée.. Je voulais venir, mais.. » Confuse, Aurea baissa le menton alors que son regard rencontrait le sol. « Je n'ai pas pu. Puis quand enfin j'ai pu.. J'ai voulu et voilà. »

Tadam !
Surprise ?
Oui, pour une surprise, c'était une sacrée surprise.

Unconditionally

Poupée abimée qui se laissait entourer par la chaleur d'Heather, Aurea restait silencieuse en l'observant à la dérobée. A contrario de Clover dans le Metaworld ; Aurea avait cette timidité incroyable qui embrasait ses joues et nouait ses silences. Elle voulait oser pour s'excuser et s'expliquer mais finalement, ne demeurait que son mutisme tandis qu'elle s'installait sur le bord du lit.

Un soupir se coinçait dans sa gorge tandis qu'elle se sentait autant lasse que tiraillée. Sa peau lui semblait encore étrange tandis que le contact de la couverture lui envoyait des signaux contraires. C'était tout à la fois doux et réconfortant, mais aussi étouffant et irritant. Il fallut attendre qu'Heather retrouve ses propres esprits pour qu'Aurea retrouve un semblant du sien. Son regard brun remontant pour se figer sur les traits de son amie, elle la scrutait, sous le jour d'une normalité qui leur avait toujours échappé.

Peu à peu, Aurea glissait malgré elle vers une observation contemplative et admirative avant de finalement rougir tout à coup. Les joues en feu s’illuminaient de ses constellations rousses qui n’était pas sans rappeler son avatar dans le Metaworld. Puis, elle battait des cils. « Euh.. Oui. Oui.. J-je vais bien, merci. » Murmurait-elle en butant sur quasiment tous les mots. « Et.. et toi ? »

Instinctivement, sa lèvre inférieure était mordue alors qu'elle détournait le regard pour observer les bras de son amie occupés à l'entourer. Hésitante, elle leva une main pour glisser ses doigts sur l'un de ses poignets. Et tandis que contact l'effrayait autant qu'il la rassurait, la Sinclair ne comprenait pas les sentiments contraires qui tiraillaient sa pensée rationnelle.

Surement était-ce dû à sa mutation.
Oui, ça ne pouvait être que ça.

Sous la couverture, son autre main s'accrochait désespérément au portable d'Heather. Naturellement, l'objet était devenu son ancre, son assurance ; naturellement, il participait à calmer ses pensées erratiques. Pour autant, son cœur, lui, continuait de se jeter furieusement contre sa cage thoracique.

Surement paniquait-elle comme d'habitude.
Oui, ça ne pouvait être que ça.

Remontant son regard enfin sur les traits d'Heather, elle ne put s'empêcher de crisper ses doigts sur son poignet. « Non ça va, j'ai pas faim. » Lança-t-elle précipitamment avant de réaliser qu'elle avait surement mit trop d'entrain dans sa réaction. « Je.. Enfin, on peut ne pas bouger ? J'ai besoin d'un peu de temps. Et.. Je suis bien comme ça. » Avec toi, aurait-elle voulue ajouter mais elle n'osait pas.

« Je suis désolée.. De pas être venue. Je voulais vraiment venir. » Insista-t-elle en observant Heather, un maigre sourire fatigué aux lèvres avant que celui-ci ne perde son peu de superbe. « Mais.. J-je.. J'ai commencé à me souvenir et tout s'est enchainé trop vite. » L'ombre d'une tristesse passée se glissait dans son regard tandis qu'elle le détournait. « Je me souviens de tout et.. J'ai encore du mal. » Du mal ou juste mal ? Juste mal. Mais Aurea avait la peine pudique. Elle avait la douleur secrète.

« Je comprendrais que tu m'en veuilles, tu sais. Je n'ai pas tenu parole.. » Murmura-t-elle dans un souffle. Celui de sa crainte de décevoir.

Unconditionally

Confuse et inévitablement honteuse, Aurea n'avait pourtant qu'une seule certitude en tête à cet instant ; c'était qu'elle se sentait bien tant qu'elles restaient toutes les deux, ainsi. Elle n'avait besoin de rien d'autre, ne désirait rien d'autre.

Focalisée par intermittence sur les sensations perdues de son corps qui lui revenaient peu à peu, Ascii s'accrochait malgré elle à Heather ainsi qu'à son portable. Elle se crispait dans l'espoir de ressentir normalement ; de ressentir en toute simplicité.

Au contact des lèvres d'Heather contre sa tempe, elle battit des cils de surprise. Non pas à cause du geste ; mais plutôt pour la chaleur que l'attention diffusait dans son corps. La sensation lui était inédite, presque autant que toutes les sensations qu'elle expérimentait sur l'instant. Alors, fatalement, Aurea ne saisit pas pourquoi ses joues s'embrasaient, pourquoi elle rougissait.

Avait-elle à nouveau de la fièvre ?
Non, évidemment que non.

« Je suis contente alors.. » Souffla-t-elle, en remontant un regard timide vers Heather tandis qu'elle constata qu'elles étaient proches. Vraiment très proches. Assez pour qu'Aurea établisse un de ses constats habituels : « Tu sens bon. »

Ou presque.
Parce qu'à d'autres, elle leur aurait plutôt dit qu'elle était en capacité de les sentir.
Et que c'était trop.
Simplement trop.

Etonnée par ses propres mots, Aurea réalisa d'ailleurs qu'il était surement étrange de faire un tel compliment à quelqu'un. Encore plus lorsqu'il s'agissait du premier commentaire jamais fait. Pinçant les lèvres, elle se retint néanmoins de faire tout commentaire dans la crainte d'aggraver la situation.. Si tant est que la situation soit véritablement grave. L'était-elle d'ailleurs ? Peut-être.. Peut-être pas. Perdue, elle détourna le regard, ouvertement confuse.

Alors même qu'Heather acceptait ses excuses jusqu'à révéler le fond de ses pensées, Ascii demeura muette en reportant son regard sur elle. Elle la scruta avec cette étrange stupéfaction au fond du regard. « Pourquoi.. ? » Devant le vague de sa propre question, elle se rattrapa tant bien que mal. « J-je.. Enfin, je veux dire, pourquoi est-ce que j'aurai pas voulu te rencontrer ? » Murmura-t-elle, un ton plus bas, comme si elles avaient besoin de faire preuve de discrétion.

Mais pour qui ?
Elles étaient seules.
Toutes les deux.

Ce fut surement pour cette raison qu'elle ne ravala pas sa mine honteuse concernant sa perte de contrôle.. Qui, fondamentalement, n'en était pas une. Mais elle n'avait pas spécialement envie de s'étendre davantage sur le sujet. Glissant une main à sa tempe, elle la massait distraitement avant de laisser retomber sa main.

« J'espère que tu n'es pas trop déçue.. » Souffla-t-elle, naturellement, en réponse à cette rencontre qui se faisait enfin. Réalisant la portée de ses propos, elle riva son regard sur les traits d'Heather. « Je veux dire.. Enfin, tu es toi et moi.. Bah voila. » Aussi simplement, oui.
Voilà.

Même si cela n'était pas vraiment clair.
Voila.

Unconditionally

Un léger sourire amusé se dessina sur les lèvres d'Aurea alors qu'Heather lui proposait de lui donner le nom de son parfum. Il était vrai que la chanteuse ne connaissait pas la petite habitude étrange de la mutante. Et à la simple idée de la révéler, la Sinclair se sentie un peu bête. Mais tant pis.. Oui, tant pis. « Non.. Enfin, je pense qu'il sera toujours mieux sur toi. » Se contenta-t-elle de lui répondre de prime abord avant de finalement prendre quelques secondes. Dans son silence, il y avait une pointe d'hésitation tandis qu'elle se mordait la lèvre inférieure.

Puis, après une nouvelle réflexion qu'elle prit soin de ne pas éterniser, elle enchaina maladroitement. « C'est.. Enfin, c'est une manie chez moi. » Ça n'était pas très clair, son histoire. « Enfin, je veux dire.. Je ne suis pas très à l'aise avec la proximité des gens, donc, j'ai développé une habitude qui doit être bizarre en fait. » Vraiment, oui, à bien y réfléchir, c'était bizarre. « Je me fie à mon odorat. Si je peux sentir l'odeur de la personne, ça veut dire qu'elle est trop proche.. Sinon, c'est que ça va. Ça me permet de moins être angoissée en présence de.. Gens. »

C'était un stratagème comme un autre ; pour autant, Aurea réalisa bien assez rapidement que l'explication pouvait prêter à confusion. « .. Enfin, te concernant, j'aime bien sentir ton odeur. Ça ne me dérange pas que tu sois proche. » Lança-t-elle rapidement avec le rouge aux joues, soucieuse d'avoir créé un malaise chez son amie.

Lorsque finalement cette dernière s'interrogea sur les raisons de sa supposée déception, Aurea réalisa qu'elle avait toute une liste prête à se dérouler pour lui répondre. Mais elle fut arrêtée dans sa réponse lorsqu'Heather lui saisit les joues. Là, elle riva son regard brun dans le sien avant de le porter sur ses lèvres à sa question qui inversait la tendance. Rouge comme une tomate, Aurea ne put s'empêcher de secouer le visage négativement avant de relever son regard. « .. Donc, on n’est pas déçue. »

Voilà, excellente conclusion.
Une conclusion qui s'agrémenta d'un léger sourire.

Tandis qu'Heather lui montrait finalement son coin Metaworld, puis celui dédié à la musique, Aurea suivit avec assiduité chaque explication. Elle observait chaque détail avec attention, émerveillée par le matériel qu'elle ne possédait pas.. Parce qu'elle n'était pas du tout musicienne. C'était un talent propre à son amie. Un talent qui lui allait à merveille.

Prête à lui demander une musique, pour le plaisir d'entendre sa voix, la Sinclair s'arrêta néanmoins dans son élan tandis qu'elle comprit qu'elle était la première personne extérieure à venir dans cette chambre. Sa réaction première fut de s'en étonner, la seconde fut – étrangement – de penser à Marcus.

« Ah.. » Souffla-t-elle, perdue dans ses pensées. « .. Pas même Marcus ? » Demanda-t-elle tandis que les mots avaient échappés à sa vigilance habituelle. Son filtre d'analyse avait laissé passer cette interrogation plutôt étonnante qui la fit instantanément rougir. « J-je.. Enfin, je me demande parce que.. J'ai vu que vous étiez proche. » Murmura-t-elle confuse. Confuse face à ses pensées et peut-être même face à cette jalousie qui lui était étrangère. Elle détourna même le regard pour fuir celui d'Heather. « ..Il cherche à savoir qui je suis. 'fin, à savoir que je suis Clover. Il ne faut pas qu'il le sache. » Confessa-t-elle, comme pour détourner l'attention, ou peut-être justifier maladroitement sa question.

Unconditionally

Alors que les émotions se bousculaient chez Aurea, son attention toute entière se focalisait sur Heather ; elle voulait la découvrir, elle avait besoin de la comprendre. Distançant le Metaworld et le virtuel qui avait tissé leur lien, la Sinclair se projetait désormais au-delà de leurs zones respectives de confort. La pensée pour Marcus fut d'ailleurs le témoin privilégié de cette volonté silencieuse ; pour autant, Aurea ne s'attendit pas à capter une ombre de contrariété sur les traits fins de son amie.

La jaugeant de son regard marron, elle assimila sa très légère variation d'expression et demeura silencieuse dans l'attente d'une suite. Et puis, la question tomba, en tout simplicité mais en parfaite résonnance avec la contrariété d'Heather. A présent, la mutante était convaincue d'avoir porté ombrage à l'humeur de son amie et cela lui fit pincer les lèvres tandis qu'elle haussait machinalement les épaules.

Ses pensées au sujet des rumeurs unissant Heather et Marcus n'avaient rien de rationnelles, elle le savait. Et au-delà de cela, Aurea n'avait aucune envie de se lancer sur dans cette voie, d'exposer le désordre de sa psyché. A l'instar de son esprit qui se voulait particulièrement analytique, elle vivait plutôt mal le fait que sa mutation puisse altérer ses réflexions au point de laisser une forme de sentimentalité étouffer sa rationalité. Et surement était-ce pour cela qu'elle avait posé la question.. Surement. Finalement, c'était une manière simple, efficace (et pleine de déni) de voir les choses.

Ainsi, elle l'adopta.
Se renfermant un peu sur elle-même.
Un peu trop naturellement.
Parce que c'était la voie de la facilité.

« J'en sais rien, je n'ai pas eu le temps d'y penser. » Répondit-elle alors concernant les rumeurs. C'était honnête et soufflé sur un ton calme. Un peu moins timide ; juste égal.

Elle acquiesça simplement concernant l'explication qu'elle se retint de considérer comme une justification, simplement parce qu'elle préférait laisser le bénéfice du doute à son amie. Parce que dans le fond, elle la croyait. Et c'était là l'essentiel.

Ce fut finalement au tour d'Aurea de froncer subtilement les sourcils pendant une seconde à peine lorsqu'Heather confessa qu'elle ne prenait pas tout cela à la légère. Elle était spéciale. L'entendre le dire lui réchauffa autant le cœur que cela lui crispa l'âme. Déboussolée, Aurea se releva enfin en ôtant de ses épaules la couverture placée là par la chanteuse.

« Heather, je.. » Les mots moururent entre ses lèvres alors qu'elle secouait le visage négativement. « Je vais plutôt rentrer. J'ai besoin de me reposer pour ensuite travailler sur.. » Elle désigna silencieusement les tatouages grimant ses bras en croisant timidement le regard d'Heather. « On remet ça ? Je.. Je pense que ça sera mieux lorsque je n'aurai pas l'esprit.. Brouillé. » C'était une manière comme une autre d'expliquer qu'elle entendait encore la voix de sa défunte mère, qu'elle revoyait par instant les murs de sa prison, que les douleurs fantômes lui froissaient encore le corps.

Attrapant le portable abandonné sur le matelas, elle riva son regard sur les traits d'Heather et lui adressa un sourire. « Toi aussi, tu es spéciale. » Conclut-t-elle avant de finalement laisser son corps se délier en filaments violines qui se faufilaient au travers du téléphone qui échouait sur le lit une fois la mutante disparue.

Ainsi, elle tentait de repartir.
Elle tentait de retourner chez son père.
Chez qui elle trouverait repos et calme.
Chez qui elle recollerait les morceaux de son âme morcelée.