the only thing I understand is zero sum of tenderness

avril 2025 w/ @Keith Lim
tw: paranoïa
Il y a quelqu’un dans chacun de tes pas.
Tu le sais, et plus que cela, tu le sens.
Tu en es persuadé, et c’est pire qu’une ombre qui se serait mêlée à la tienne, pire que quelqu’un qui serait en train de murmurer à ton oreille et pire encore que de sentir le souffle chaud de quelqu’un sur ta nuque. C’est pire que tout cela, le prédateur est beaucoup plus proche et si tu ne fais pas attention, il va finir par te sauter à la gorge, planter ses crocs dans ta jugulaire et se nourrir de tout ce qui fait Noah Carrington. Il ne restera plus rien si tu baisses ta garde et tu finiras vraiment par mourir.
Tu le sais, tu le sens, tu en es persuadé et tu n’es pas sorti de ton appartement depuis trois jours maintenant. Ici depuis trois jours, les yeux rivés sur cette porte à attendre l’inévitable et que l’assaillant rentre véritablement dans ton taudis pour mettre fin à tes jours. Tu ne vas pas lui laisser cette chance, non, tu vas accueillir ce connard en étant prêt, avec un sourire sur le visage et ton couteau de barbier à la main. Ledit couteau est toujours dans ta main droite, depuis trois jours, la lame s’est enfoncée et a taillé ta paume, l’hémoglobine a coulé, elle a séché et encore elle a coulé et encore elle a séché. Un petit cycle qui dure depuis trois jours et pourtant, tu n’as pas relâché la pression. Tu n’as pas mangé, tu n’as pas bougé de ton canapé, toujours ton regard sombre posé sur cette porte. Et tu n’as pas dormi.
Tu as quelque chose à fêter cependant, l’arrivée de ta troisième déchirure, le Red a été pris il y a quelques jours de cela, la dose a été salvatrice et ça a été tellement puissant que tu en es tombé de ton lit, tu as hurlé, on a tapé aux murs pour que tu fermes ta grande gueule, mais ça a été presque dévastateur. Tu ne t’y attendais tout simplement pas, mais c’est bien entre tes longs doigts fins que tu as fait apparaitre… le néant. Une masse informe et petite, une masse de ténèbres véritablement, qui ne laisse rien filtrer. Le rire que tu as eu a été dément, fier, bruyant, mais de courte durée. Car depuis, tu le sais, tu es en danger.
Dans le couloir, en dehors de ton appartement, des bruits de pas se font entendre. Ils sont lourds et maladroits et tu bondis sur la porte, y collant ton oreille, quelqu’un arrive, quelqu’un est là, c’est pour toi, c’est pour toi, c’est pour toi. Les mots martèlent dans ton esprit et annoncent une fin imminente, ton cœur bat le tambour alors que tu recules en unisson avec les pas qui se rapprochent. Tu entres en collision avec une chaise et tu prends ta décision alors, tu ne vas pas attendre que la grande faucheuse vienne te trouver elle-même. Tu attrapes ta veste en jean et tu te diriges vers la fenêtre, sans chaussures, couteau toujours à la main, l’air est presque acide sur ta peau mais tu ne laisses pas cela te freiner.
Tu atterris sur l’escalier d’urgence et tu fuis, tu cours. Tu cours parce que ta vie en dépend, parce que c’est la seule chose qu’il te reste, tout est à la fois trop flou et trop précis. Dans le métro, tu reprends ton souffle, cachant ton arme dans ta veste et personne ne te prête attention, tu ignores l’heure, tu t’en fiches, il fait nuit, tu devrais être dans ton lit, dans les bras de Morphée ou ceux d’un client, mais tu laisses le train te ramener à la surface et dans les rues de New Blossom. Il pleut, c’est la première chose que tu remarques, la pluie battante est rafraichissante, mais elle balaie tout sur son passage, nettoie tout et même toi, tu en es victime. Tu as mis de la distance entre toi et le prédateur, tu le sais, mais pour combien de temps, combien de temps ? Une voiture vrombit près de toi et c’est le signe pour que tu bouges. Il te faut un endroit sécurisé et fermé pour quelques instants, tu finis dans un autobus pour mettre de la distance entre toi et l’Underapple. Tout est plus calme dans Solaris et tu détestes la tranquillité du quartier et tu te détestes de trembler, mais tes pas ne ralentissent pas pour autant non, c’est une autre série de foulées pour trouver son appartement et plutôt que de passer par la porte d’entrée principale, tu trouves un chemin à l’arrière de l’immeuble et du bijou technologique, moins éclairé, plus sûr, et tu sais déjà à quelle fenêtre taper.

Tap-tap.

Une source de lumière est là dans la demeure, malgré la nuit et ton propre monstre qui te poursuit. Peu à peu le visage de Keith apparait dans la pénombre et quand la fenêtre est ouverte, tu n’attends pas son autorisation ou un mot pour t’engouffrer chez lui, trempé jusqu'aux os, pied nus, des cernes sous les yeux et ton teint blafard te donnant encore plus l’air d’un fantôme que d’habitude. “Ferme tout de suite cette fenêtre, on me suit.”

Les journées sont longues et si courtes à la fois ; Keith possède ce sentiment que tout file trop vite entre ses doigts. Il y a ce sentiment de changement dans l'air. Une agonie lourde qui coince dans sa gorge et lui donne envie de rester au lit, à l'occasion. L'homme est doté d'une capacité exaspérante à réfléchir trop longuement à ses actions. À préparer et envisager tous les angles avant de faire le moindre mouvement. Les dernières semaines, les derniers mois, apportent de nombreux bousculement. Trop de choses changent. Sa réalité régulière, sa routine ennuyante, si durement acquise après le départ de Clemente il y a un an maintenant, est changée. Plus rien ne se ressemble. Et Keith, il peine un peu à maintenir pied. À garder la tête hors de l'eau. Il y a cette petite anxiété dans sa tête, dans son ventre. Un sentiment que tout est glissant, que tout lui échappe. Les certitudes n'en sont plus et d'autres tâchent de l'être, s'efforcent de le devenir. La réalité tangue, change. Et Keith ne bouge pas, au travers de tout cela. Il est pris par un sentiment de vertige par moment, serre les dents et continue de rester droit. Il s'efforce, le détective, de ne dévoiler aucun signe de faiblesse, d'hésitation, qu'importe si beaucoup de choses vont trop vite autour de lui. Il y a quelque chose d'opressant dans la vitesse des événements. Moon lui échappe, entre les doigts. Le garçon est devenu un homme il y a longtemps maintenant et pourtant, Keith a le sentiment de le voir enfin pour la première fois. D'être soudainement percuté par le désir de Moon d'être un adulte, de posséder sa propre vie et surtout, de dépendre d'une autre personne que lui. Et Keith a le coeur autant brisé que rempli d'inquiétude. Il y a cette peur, en lui, que l'on brise son fils. Il se refuse à cette idée. Et puis il y a les appels fréquents de son copain, de ce Dak-Ho, depuis de nombreux jours. Des paroles délicates et rassurantes, honnêtes, pour lui parler des événements, pour plus expliquer le déroulement des dernières heures face au sevrage. Keith se sent impuissant ; incapable de faire quoique ce soit. Il ose être réprobateur, offrir des conseils et donner des ordres alors qu'il sait, au fond, que lui-même ne serait pas capable de faire quoique ce soit.
Il déteste l'idée de n'avoir aucun contrôle sur quoique ce soit.
Keith est capturé par le courant de sa vie, depuis un moment. Capturé par la marais que sont ses sentiments. Tout l'emporte, tout a raison de sa logique.
Il lui faut un peu de calme, une fuite, peut-être. L'homme serait si tenté de fermer son téléphone et de s'isoler un moment, de se perdre dans sa routine au travail mais même celui-ci possède des différentes. Keith est encore habité par cette envie de quitter le milieu. La conversation avec Haziran a laissé place à des semences qui grandissent, lentement.
La fatigue ne vient pas, certaines nuits. Elle reste ailleurs, hors de portée de ses mains. Keith, il possède cette folie dans son esprit, son besoin d'organiser les événements se déroulant, de se faire croire à un contrôle quelconque. Il écrit ou lit alors, pose des mots sur ce qui doit être fait ou alors, se perd dans d'autres paroles pour ne pas y penser.
Un bruit, à la fenêtre. Keith, il lève les yeux de son carnet, les plisse doucement. Le bruit vient d'en bas et non de la mezzanine. Il lui faut déposer son crayon et descendre les escaliers, s'inserrer dans l'ancienne chambre de Moon pour apercevoir une ombre de l'autre côté de la fenêtre.
- Mais qu'est-ce que - , qu'il peste, tout bas. Il imagine Curtis de l'autre côté, déjà. Il l'imagine en sang, clairement. Mais lorsque la fenêtre est ouverte, c'est un Noan nus pieds et inondé qui se faufile à l'intérieur du loft. Noah - , qu'il gronde déjà. Combien de temps ? Deux mois ? Peut-être plus ? Keith ne sait plus, ne préfère jamais compter le temps se passant quand les gens s'en vont. La douleur est moins terrible, ainsi. Elle pèse moins sur lui. Mais l'homme se tait et fronce des sourcils, ferme la fenêtre tel que le gamin lui dit. De quoi parles-tu ? , qu'il commente, non sans s'assurer que la fenêtre est verrouillée, comme la suivante. Il y a un regard lourd qui s'attarde sur l'extérieur, un signe envolé aux rongeurs des environs pour jeter un oeil. Il vaut mieux être prudent.
Le regard tombe de nouveau sur Noah, et un soupir le traverse.
- Tu ressembles à rien. Noah semble minuscule, ainsi mouillé. On pourrait croire qu'il a perdu du poids, aussi. Est-ce la vérité ou une simple inquiétude que Moon a laissé à jamais en lui ? Keith ne saurait dire. Viens avec moi. On doit te sécher. La salle de bain est juste à côté. Noah se doit de le suivre. Le regard de Keith le lui fait bien comprendre. et tes pieds. Noah, mais quelle idée t'a pris ? Je ne - Les mots s'arrêtent et il secoue sa tête. Keith pourra lui faire la morale plus tard, oui.

Tu le sais au moment où tu passes le seuil de la demeure de Keith. Ici, il y aura du répit, ici, il y aura un semblant de repos et personne ne pourra vraiment t'atteindre. Du moins, si quelqu'un essaye, Keith s'interposera très certainement parce que ça l'ennuierait un peu de te voir disparaitre. Et merde, que tu penses la seconde suivante, tu interviendras aussi, parce que tu sais te protéger, tu mords dans la chair de tes propres adversaires tout seul en temps normal... et ça te ferait chier de voir le sang de Keith sur le sol ou pire encore sur tes mains. C'est comme ça que tu imagines l'autre homme, en train de se faire plaquer au sol par ton assaillant invisible, en train de se débattre pour esquiver les coups, et ça gronde à l'intérieur de toi, plus profondément que tes tripes, plus profondément que ton cœur et tu sais que tu interviendrais.
"Je sais." Que tu ne ressembles à rien, que tu n'as pas envie de crever ce soir, que tu ne laisserais pas Keith mourir ce soir ou même un autre soir et que tu es en train de foutre de l'eau partout dans son appartement. Tu t'en fiches, ça n'a pas d'importance, tu prends une profonde inspiration, ton cœur s'est presque calmé et dans les iris de Keith, il y a un semblant d'inquiétude. Tu te demandes alors, comment brille tes propres yeux, ce que lui, lui qui est un minimum perceptif et qui a su t'apprivoiser, peut y lire alors. De la folie ? La détresse ? Cette putain d'envie de voir un jour de plus ? Une nuit de plus ? Mais si, ce putain de truc qui t'a permis de survivre jusqu'ici et que tu n'abandonnerais pour absolument rien au monde.
"Non." Tu as un mouvement de recul sous le regard de Keith, ton regard sombre se pose sur la salle de bain, puis sur lui, tu n'as pas lâché ton couteau, tu ne veux pas qu'on te sèche, tu ne veux pas de sa gentillesse ou de sa considération. Tu ne veux pas être putain de confortable, tu veux... tu veux... Tu ne sais pas ce que tu veux, pour la première fois depuis longtemps, pour la première fois depuis des années d'existence et cela te terrifie presque. "T'as les oreilles bouchées ?" Tu ne sais pas à qui tu poses la question en fait, à Keith ? Ta propre personne ? Un peu des deux, c'est certain et quand tu fais un pas vers le détective, c'est pour te planter à seulement quelques millimètres de son visage, envahir son espace vital et de nouveau murmurer. "On me suit." Le monstre n'est pas parti, celui qui veut ta peau, celui qui veut ta mort, tu le sais qu'il a dû te rattraper. Qu'il doit être en train de faire le tour de l'immeuble, surveiller le périmètre, te surveiller toi et qu'il sera prêt à bondir dès qu'il va apercevoir ta maigre silhouette. Tu recules de trois pas, puisant encore de l'oxygène de manière trop brutal, tu en tousses la seconde suivante, parce que l'air est trop doux et trop pur autour de Keith, tellement que cela vrille dans tes poumons. "Quelqu'un veut ma peau, vraiment, si j'étais resté chez moi, je serais déjà un cadavre plus que chaud à l'heure actuelle... et alors quoi, Keith,  tu te serais chargé de faire mon autopsie, hmm? Monsieur le détective ?" Il a le droit à une litanie de mots complètement décousus et qui ne font pas vraiment de sens, surtout si on ne vit pas dans ta tête. Surtout si on ne possède pas autant de cicatrices que toi, surtout si on n'a pas vu le pire du monde, le pire de la misère, la crasse humaine qui pourrit le cerveau et qui bouffe absolument tout sur son passage. Le genre de parasite qui te permet de faire ton métier et d'aller trouver quelqu'un, soir après soir, parce que tu as déjà vu le pire, déjà connu le pire. Accepter les sous de différentes personnes trop inadéquate pour trouver un vrai partenaire ? Ce n'est même pas en haut de ta liste, vraiment pas.
"Ta porte est fermée ?" La question est postée et sans la réponse de Keith, tu vas en direction de cette dernière, parce qu'il faut que tu t'en assures par toi-même. Parce que tu es venu ici pour marchander quelques minutes de plus. Avec qui ? Avec la grande faucheuse elle-même, et elle te doit beaucoup, autant que tu lui en dois, mais même, elle admettra que Keith ne mérite pas de la voir ce soir, pas vrai ? 

Il y a quelque chose qui ne va pas, avec Noah. Mais quand y a-t-il quelque chose qui va, avec Noah ? Keith s'inquiète autant pour l'un que pour l'autre, bien que les mots sont souvent absents de ses lèvres. Ses commentaires sont trop souvent vivement rejetés pour qu'il ne les formule librement. Noah ne les désire pas ; il lui a dit plusieurs fois par le passé, et leur dernière conversation a attisé la colère du plus jeune. Un silence, malgré tout, ne ternit en rien l'inquiétude ressentie par Keith. Il y a cette tension, ce flux de pensées et d'interrogations qui ne cessent de le tourmenter au sujet de Moon, dernièrement. L'absence de son neveu - de son fils. son fils - pour traverser une désintoxication si longuement attendue hors de sa vue lui amène de l'anxiété, qu'importe les appels nombreux de son petit ami et les efforts de le calmer. Clemente et Curtis tentent, chacun à leur manière. Keith est une bête têtue ; il ne déloge que très difficilement de ses mauvaises habitudes, et partager ses maux ne fait pas parti de ses activités favorites. Il s'occupe ailleurs, alors. Une part de lui s'est concentré sur Noah, qu'importe le silence des derniers mois. Keith guette sur le plus jeune, sur le chat errant qu'il a récolté il y a des années déjà. Des rongueurs veillant par ci et par là sur la présence du gamin, sur l'état de sa santé et son apparence. Les informations sont moins approfondies qu'il apprécierait, mais Keith est capable de déduire l'état de Noah par une simple vision venant d'un rat ou d'un écureuil. Il vit de ces miettes d'informations, alors, depuis deux mois.
Est-ce cela ? Est-ce cela que Noah sent autour de lui, derrièrement ? Keith ne pourrait que se sentir coupable. L'homme observe le gamin d'un air calme, camoufflant son inquiétude - non pas pour lui, mais pour Noah - tandis que le couteau est encore brandi dans les airs. Keith n'a pas peur des lames. Il est plus paisible, même, de voir Noah avec un couteau pour se défendre que pour faire la cuisine. Il n'a pas confiance en le second.
- Mes oreilles sont très propres, Noah , qu'il répond comme un fait, car c'est la réalité. Nul besoin de répondre certainement, mais Keith n'apprécie pas que l'on insulte son hygiène personnel. Il s'occupe très bien de sa personne. Noah devrait prendre exemple sur lui.
Le regard va du gamin aux alentours. Des signaux reviennent vers lui, constamment, outre la conversation décousue ayant lieue. Il n'y a personne outre les habitants de l'immeuble. Keith en est persuadé. Aucun intrus surveillant dans la rue, aucune personne qui n'est pas connue des environs. Les rongeurs des environs le confirment. Les visions également. L'homme voit deux choses à la fois ; Noah de son oeil encore intact, et les visions de l'autre. Nul besoin d'un troisième oeil.
Noah recule. Keith ne bouge pas. Il y a quelque chose dans ses gestes qui appellent à fuir et se rapprocher. Keith connait cette danse, bien que les pas de Noah sont plus bordéliques qu'à l'ordinaire. Il y a quelque chose qui ne va pas. Keith ne saurait dire quoi, exactement, mais il le sait. Il est difficile d'ignorer le terrible état dans lequel se trouve Noah. Noah qui manque de souffle, Noah qui se bat contre lui-même et ses pensées, ses paroles, tandis qu'il lui offre une explication qui part dans un sens et dans un autre.
- Noah, respire. Prends deux minutes, veux-tu ? Personne est ici, sauf toi et moi. Je surveille les environs. , que Keith lui répond, encore dérangé de le savoir mouillé ainsi. Laisse moi te chercher une serviette, veux-tu? Et des vêtements. On doit juste monter les escaliers, pour les vêtements. , qu'il lui explique, en désignant l'escalier en question. Sur la mezzanine, tu vois ? On voit tout, de là.
Un soupir le prend tandis que Noah l'ignore et va vers la porte, déjà. Elle est verrouillée, bien évidemment. Keith est obsédé par la sécurité. N'a-t-il pas accentuer celle chez Clemente et Curtis, déjà ? Il continue de le faire. À sa porte, un verrou additionnel se trouve pour empêcher quique ce soit avec la clé de rentrer. Moon ne peut pas venir à la maison, dernièrement. Et Curtis, il n'aime pas avoir une clé. Ou peut-être ne comprend-t-il pas l'idée. Clemente préfère envoyer un message avant, quant à lui.
- Noah, c'est fermé. S'il te plait, viens avec moi ? , qu'il lui demande de nouveau, las et un brin impatient. Je ne veux vraiment pas que tu tombes malade. Tu peux garder ton couteau autant que tu veux, ne t'inquiètes pas pour ça. Mais réchauffe toi, bon sang.

Respirer ? C'est une option, un luxe dans ton monde, quelque chose qui permet de pousser quelques minutes de plus, mais tu n'es pas certain que cela va réussir à te sauver dans la présente. Tu n'es même pas certain que Keith arrive à faire quoi que ce soit, c'est ce qu'une partie de ton esprit te murmure déjà, et si tu as envie de la faire taire, ce n'est pas une mince affaire. Parce que dans ta tête, il y en a des tas de voix qui se bousculent, ça grouille et ça grésille, il n'y a pas de silence. C'est une cacophonie de sons et de hurlements, le tout suivant le tambour de ton cœur qui bat et tu n'es pas en paix, bien sûr que non et ta main qui va se poser sur la porte tremble. Mais tu appuies bien sur cette dernière, elle est verrouillée et c'est quelque chose de plus pour vous protéger et t'assurer quelques minutes de plus. Combien ? Putain, tu n'en sais, le mal est toujours tapi dans l'ombre, ironique quand on sait que c'est là que tu te sens le plus en sécurité. C'est de là que vient la terreur, pas vrai ? Parce que tout ça est en train de se retourner contre toi, car l'obscurité a toujours été ton refuge, tu n'as jamais craint les monstres qui pouvaient s'y terrer... bien sûr que non, tu en fais partie toi-même. Pas aujourd'hui, pas ce soir, tu n'es qu'un gamin paumé, perdu, trempé et un peu effrayé. Et tu détestes cette notion, c'est ce qui te fait reculer et revenir vers Keith, c'est pour cela que tu hoches négativement la tête, une fois, deux fois, puis encore une autre. Tu n'as pas ressenti ce genre de peur depuis longtemps, trop longtemps, ça remonte à des années en arrière, au moment où tu devais courir en permanence, où il n'y avait pas vraiment de New Blossom ou quoi que ce soit de tangible.
"Entre tomber malade et crever, mon choix est déjà fait." Que tu finis par marmonner, parce que pour avoir une conversation avec Keith, il faut bien que tu répondes. Il ne te croit pas, tu le sais, il s'impatiente, il a la même voix que lorsque tu l'interromps ou que tu viens de dire quelque chose de particulièrement stupide. Tes yeux retombent sur le détective et sa silhouette si familière, pourquoi est-ce qu'il ne t'a pas encore posé les bonnes questions. Pour savoir qui te suit, pour savoir qui veut ta mort, pourquoi ? Est-ce qu'il est de mèche avec eux ?  "Tu m'accuses de mentir, hmm ?" La question quitte tes lèvres avant que la raison ne puisse intervenir, avant que tu ne réalises à quel point tu es stupide, vraiment, avec un peu plus de sommeil dans le sang, moins de Red dans les veines, tu réaliserais à quel point tu es idiot, pas pour le moment. Non, pour le moment tout est flou et tu doutes même de Keith alors que c'est toi qui es venu le déranger.
"Je sais ce que je dis, Keith, et si je te dis que quelqu'un me suit, alors c'est le cas." Tu insistes sur la dernière partie de ta phrase, ta voix tremblant de plus belle, ta tête recommence à te faire mal, comme au moment où ta nouvelle déchirure est apparue. C'est déplaisant comme sensation, tu fermes les yeux, pour trouver un peu de réconfort derrière tes paupières, et tu fronces les sourcils, alors que tu imagines quelqu'un te taper dessus avec un marteau. C'est la seule façon de le décrire. "Il faut que je te le montre, c'est ça ?" Tu n'es pas aussi terrifiant que d'habitude, tu le sais, tu peux l'entendre, il manque quelque chose, tu te tiens beaucoup plus droit que ça en temps normal et tes mains ne tremblent pas autant. Tu finis par lâcher ton couteau, l'arme retombe sur le sol dans un bruit plat et tu as conscience d'être désarmé, et ça ne fait qu'intensifier le son des voix.

Ramasse ton arme Noah.
Bravo gamin, tu vas finir par crever comme ça.
Il pourrait venir maintenant et t'arracher à ton moment de paix, tu ne peux pas te défendre.


"... Il y a quelqu'un là, je le sais, je le sens..." De ton index, tu tapes sur ta propre tempe, pour désigner ton crâne et toutes les pensées néfastes qui s'y trouvent. Tu n'es pas fou, pas encore, tu le sais, ton instinct ne t'a jamais défaut, sinon tu ne serais pas là, sinon tu ne serais pas en vie, tu ne serais même pas là, face à Keith.

Keith pourrait croire que la situation lui échappe, mais il n'est pas insolent au point de croire qu'il l'a eu en main à un quelconque moment, déjà. Noah est venu à lui telle une surprise. Le détective s'est certes inquiété pour lui au cours des dernières semaines et l'a surveillé d'une certaine manière, mais jamais il n'a eu l'insolence de croire qu'il allair revenir vers lui aussi rapidement. Certes, l'homme a été porté par quelques rêveries. Keith n'est pas, après tout, à l'abris de la chose. Rares sont les occasions où il n'imagine pas une situation plus favorable pour lui-même ou d'autres sotises de la sorte. Keith est un grand lecteur, après tout. Il écrit dans son esprit. Les exploits les plus récurrents sont certes un lot d'insultes assez salées envers diverses personnes, mais qu'importe. Le détective trouve le conrtrôle dans ses songes éveillés plutôt qu'ailleurs, et Noah amène avec lui un lot certain de cauchemars. Les siens, de mauvais rêves. Keith ne saurait quoi en faire. Il fuit les siens. Il n'aime pas être confronté à ceux des choses. La chose est terriblement gênante et tout autant, il méprise l'idée que Noah soit sujet à quelque chose de si négatif et hors de son contrôle. Keith aimerait l'enfermer dans une cage de bonheur, mais Noah s'en sauverait bien rapidement pris de peur. Il ne connait pas la chose. Il préfère se rouler dans la crasse et la boue. Mais jamais, certainement, que celles-ci se sont glissées si profondément en lui. Quelque chose l'a infecté. Noah n'est plus le même.
- D'accord Noah. Quelqu'un te suit. Je comprends., qu'il répête calmement. Keith comprend certes, mais il ne le croit pas. La chose est ailleurs que dans la réalité. Les rongeurs ne mentent jamais. Noah a-t-il pris cette nouvelle drogue qui a circulé dans les rues ? A-t-il abusé de la red, peut-être ? Le détective déteste le fait qu'il ne connaisse pas en détails les mutations du gamin. Il en connait le relief, les couleurs. Pas les détails. Et pourtant, vu sa manie de tout savoir, la chose est étonnante ; mais Noah est friands de ses secrets et sait les garder à l'abri. Il ne s'agit pas du fait que Keith ne soit pas doué ; c'est Noah qui l'est trop, malheureusement.
Le couteau tombe au sol.
Keith le suit des yeux, surpris. Les paroles de Noah sont ensuite brisées et surtout, elles le brulent. Keith pince ses lèvres, les sourcils toujours froncés. Les lignes se creusent entre ses sourcils et ses inquiétudes ne font que grandir.
- Dans ta tête ?, qu'il demande, et il lui faudrait une centaine de précision, mais Keith sait qu'il ne les aura certainement pas. Lentement, le corps se penche. Le couteau est attrapé, et Keith lève un regard vers Noah. Penses-tu être capable d'écouter ma voix plus que la sien ? , la question est lente, et Keith avance dans le néant, dans le vide. Il ne saurait que faire, vraiment, d'une telle situation. Mais l'idée de laisser Noah entre les mains de quelqu'un d'autres le tourmente. Il s'y refuse. Noah. Je vais te redonner ton couteau, d'accord ? Mais il faut venir avec moi t'essuyer, et il faut m'écouter. Il n'a pas nécessaire de faire attention à ce que je dis. Mais tu peux écouter ma voix, et je peux tenter d'étouffer celle que tu entends, d'accord ? Du moins, Keith présume qu'il entend une fois. Y a-t-il des cas de schizophrénie avec la prise de Red ? La pensée intrusive est une chose, aussi. Keith ne saurait dire. Il faudra chercher. Par sécurité. Pour savoir quoi faire de Noah. Est-ce que tu penses que tu pourrais le faire ? Je n'en demande pas beaucoup, cette fois. Et tu sais, j'adore parler pour rien dire. , qu'il dit, un léger sourire sur les lèvres, les yeux toujours terriblement inquiets. Parce qu'il ne peut pas vraiment faire quelque chose. Pas réellement, du moins. Outre être là. Je peux te montrer Colonel, ensuite. Et Rihanna. Je t'ai déjà parlé de Rihanna et ses petits ?

Tu as fermé les yeux sans t’en rendre compte. Parce que le monde autour de toi est un peu trop lumineux, parce qu’il y a tout dans l’appartement du détective, tout ce qui pourrait te faire flancher dans un lieu sûr et sécurisé et tu sais très bien pourquoi est-ce que tu es venu ici. Pourquoi est-ce que tu es là ce soir et ce même si tu es en train de combattre beaucoup de tes instincts. Mais survivre implique bien d’être seul la plupart du temps, de faire des choses horribles pour se retrouver au sommet et voir le jour se lever un jour de plus. Des choses absolument horribles. Que Keith ne voudrait pas entendre, que même toi, dans le fond, tu n’as pas envie d’entendre, ce n’est pas parce que tu les as vécues que cela rend la réalité des choses un peu moins effroyables ou que c’est plus facile d’y repenser. Et de hocher la tête. Pas ce soir, pas maintenant, pas quand la tempête fait rage dans ta tête, que les vagues sont froides et salées et que tu t’accroches, de façon un peu désespérée, à ce putain de rocher. La voix de Keith résonne, alors qu’il te pose une question, et tu ouvres les yeux, battant des cils pour faire la focale sur l’homme plus âgé et ne voir que lui.
Tel un possible fard dans la nuit, une ancre pour ton navire qui a clairement connu de meilleurs jours et son ton plus que raisonnable. Il te pose une autre question alors qu’il fait un pas vers toi, l’interrogation est valide, Keith s’inquiète. Dans une autre vie, tu aurais roulé des yeux, lui aurais dit de se détendre et de penser à autre chose que ton confort, pas maintenant, pas ce soir, peut-être est-ce de ce dont tu as besoin. Quelqu’un qui, sans t’avoir payé, sans abuser de quoi que ce soit, se soucie de ce qui t’arrive pendant les prochaines heures de la nuit. Ce serait différent des autres soirs au moins. “Je...” Tu ne sais pas, à l’intérieur de ton occipital, un rire résonne, quelqu’un te dit de reprendre ce couteau et de le planter dans sa jugulaire, parce que tu es un grand fan de la vue d’hémoglobine et que rien n’a d’importance, pas vrai ? Ouais, ou pas, ce serait une perte de temps, une perte cruciale de temps quand tu pourrais juste partir, ou retourner à ton appartement, aux rues... Il faut que tu prennes une décision et c’est trop pour le moment, fuir implique d’être de nouveau seul, dehors, dans le froid, dans la misère, et oui, ce sont tes éléments. Sauf que tu es fatigué, presque sur le point d’abandonner et que se battre... c’est putain d'épuisant mine de rien, tu ne sais même plus pourquoi tu le fais la plupart du temps. Tu as tapé à sa fenêtre pour une raison. Just give up, que murmure une autre voix, just fucking give up. “Je vais essayer.” Ta propre détermination t’étonne, mais elle est là, elle prend le pas sur tout et tu hoches la tête, une fois, deux fois.
Tu récupères ton arme et elle est rangée dans les poches de ta veste avant que tu ne croises les bras sur ta poitrine. “Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas encore foutu à la porte ?” Tu réalises à peine que tu dis tout ça à voix haute, à peine et tu acceptes enfin de suivre Keith vers la salle de bain qui est dans son appartement. Tu pousses un profond soupir et tu te hisses sur l’espace qui sépare les deux lavabos, pas forcément contenté d’avoir stoppé ta course, d’avoir arrêté la chute. “Si ce n’est pas ce soir, ce sera un autre soir, peut-être qu’on devrait arrêter d’éviter l’inévitable... et que je devrais juste aller me jeter du haut d’un pont... t’en penses quoi ?” Non, vraiment, tu n’as pas conscience que tu parles, ou de ce que tu dis, de ton point de vue, ta voix est faible et elle vient se joindre à la cacophonie de sons que tu peux percevoir, que tu peux entendre. Tu soupires, alors que tes bras remontent le long de ta propre silhouette, et que tu trembles, alors que tu étreins ton propre corps, comme si tu possédais assez de chaleurs pour te réchauffer toi-même. Comme si.

L'inquiétude est aussi lourde que son arrogance. Elle lui ronge les veines et dévore son âme, un brin à la fois, comme un murmure infini qui ne connait pas la fin. Keith reste attentif à l'état de Noah. Il aimerait trouver les mots pour soigner les peines, trouver des paroles précises pour calmer les peurs, mais Keith sait que les mots ne veulent rien dire, sauf s'ils sont répétés longtemps et que les actes y sont accordés. Il faut du temps pour cela, et ils ne possèdent aucun temps. Trop de temps s'est écoulé déjà depuis leur dernière rencontre et Keith ignore ce qui s'est passé dans la tête de Noah pendant ce temps. Les informations venant des rats sont limitées à un certain point ; certaines choses ne possèdent aucune réponse, outre si on demande. Outre si on possède un coeur inquiet qui ne demande qu'à savoir. Et Keith s'inquiète, tandis que le silence de Noah s'étire et que les lueurs valses dans ses yeux. Il semble à la recherche de quelque chose, de quelqu'un, outre qu'eux. Et Keith ne voit pas, ne sait pas, et donc, ne peut pas chasser cette présence. Vraie ou fausse, elle fait du mal au gamin en face de lui et le détective est nullement enchanté par la chose. Les bleus sur la peau de Noah sont aussi nombreux que les rougeurs par moment, et Keith devine parfois que la cause est commune, et le fait simple d'y penser, de le savoir, lui tord le coeur. Il ne possède aucun contrôle sur la vie de Noah, comme il en possède aucun sur Moon. Il ne peut rien faire, outre être présent. Outre tendre sa main et attendre que l'on s'empare de ses doigts. Une part de lui est terriblement offensée que Moon soit allé vers son petit ami, bien qu'il soit rassuré. Une autre est affolée de savoir Noah en face de lui, qu'importe la chaleur présence dans son coeur. Le gamin compte pour lui. Keith écrit les noms dans ses rapports pour les oublier, ensuite. Celui de Noah n'a jamais quitté son esprit. Keith ne s'est jamais vu comme un sauveur, trouve le mot trop arrogant pour être sien. Il n'a jamais fait de sa mission d'être une délivrance pour le gamin ou une connerie du genre. Ce genre d'histoires appartient aux romans, et il faut être un bon écrivan pour parvenir à quelque chose de décent. Keith écrit sa vie, mais trop lentement, pas vraiment avec talent. Il ne saurait écrire un sauvetage acceptable.
Et pourtant, Noah est là, face à lui.
Keith doit écrire les pages à toute vitesse, maintenant.
Les mots de Noah lui comptent le souffle, le font avaler de travers, brusquement. Keith cligne des yeux, ne le quitte pas du regard tandis que le gamin s'empare du couteau, de nouveau. Keith a peur de faire un mouvement brusque. De perdre le peu d'avancer qu'il vient de faire. Il ne sait pas où les choses vont, et y penser lui fait peur. Il a la trouille. La trouille de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir comment aider Noah convenablement. Mais Keith ne compte pas laisser tomber, encore moins le laisser tomber.
Le couteau disparait. Noah croise les bras. Une barrière. Une barrière prend place, lègère et transparente, certainement rassurante. Elle permet au détective de souffler. Elle lui fait du bien autant qu'elle a fait à Noah, certainement.
Keith souffle et se permet de se rendre à la salle de bain. Il sent Noah le suivre. Il l'entend de ses soupirs, puis de ses paroles qui tombent. Elles possèdent un sérieux qui le laisse sans mot, un moment. Keith pince ses lèvres, et cherche les mots justes, les mots vrais, ceux qui ne sont pas trop intimes et qui ne feront pas peur à Noah. Ils sont peu nombreux, cachés quelque part. Le détective s'occupe à sortir une serviette, puis une lingette, et ajuster l'eau du robinet. Il n'a pas le temps de formuler quoique ce soit que le gamin parle encore, évidemment qu'il parle encore, et qu'il dit -
qu'il dit des choses que l'on ne veut pas entendre.
Des choses qui hurlent, vraiment, dans les oreilles de Keith. L'eau brûlante sur ses doigts est moins douloureuse que ce qu'il entend. Il lui faut une seconde pour réaliser, avant de lever un regard froncé vers Noah, presque sombre.
- Ne dis plus jamais ça, qu'il dit avec un ton brusque, se surprenant lui-même. Entre ses doigts, la lingette est bien humide, bien chaude aussi, et Keith la tord sans se rendre compte. Tu ne peux pas - Non, Noah. Ne dis pas ça., qu'il répête, et ses mots perdent déjà un peu de leur fermeté. Avec les paroles de Noah vient une blessure, et de cette blessure nait une agonie et une angoisse qui s'empare de Keith.
Il avale difficilement. Si l'homme cligne des yeux plusieurs fois, il n'en a pas conscience. Les larmes créent un voile sur ses iris et la chose est si habituelle, si normale chez lui, qu'il n'en est pas gêné. Keith a toujours eu tendance à pleurer lorsqu'il est question de fortes émotions. Et d'inquiéter pour Noah, à l'instant, lui demande beaucoup. Pas trop ; jamais trop. Mais beaucoup.
Keith arrête l'eau. Il tord le torchon entre ses mains, plusieurs fois, pour en retirer le surplus d'eau. Cherche les mots, aussi, pour répondre.
Une inspiration est prise, et le regard toujours humide, une larme coulant déjà, Keith se met devant Noah, et lui essuie le visage. Il est couvert de sueur. D'autres choses, peut-être. Keith juge important de le nettoyer, présentement. Ignore ses propres larmes.
- Tu peux venir aujourd'hui, et demain, et les jours suivants. Peu importe l'heure, peu importe si je suis là ou pas. Tu peux avoir une clé, ou briser une fenêtre, ou vider le frigo et boucher les toilettes. Je n'en ai rien à faire. Mais rends toi sur un pont ne serait-ce que pour le traverser et je ne te pardonnerais jamais, compris ? Les mots viennent tandis qu'il nettoie avec une douceur contrastant sa voix sévère, paroles solides comparées à ses larmes fragiles. La porte est ouverte ici, pour toi. Peu importe où je suis, la porte est ouverte. , qu'il précise, quand les traits sont un peu plus nets. Keith l'observe un moment, sourcils froncés et regard sérieux, avant de secouer sa tête. Gamin stupide. , qu'il peste, bas, avant de poser sa main sur son bras et de serrer légèrement, délicatement, avant de le lâcher. Keith soupire ; un souffle tremblant et contenant beaucoup d'émotions, tandis qu'il va s'occuper de la douche.

"Hmm ?" Keith te dit de ne plus jamais dire ça, de quoi parle-t-il au juste ? Il y a trop de pensées qui se bousculent dans ta tête, tu ne sais pas quel genre de mots tu as laissé échapper en réalité. Qu'est-ce qu'il a entendu le détective ? Qu'est-ce qui a été beaucoup trop lourd pour ses épaules ? Peut-être que tu devrais arrêter de le pousser dès que tu peux, ce cher Keith, oui, c'est marrant dans un sens, sauf que tout le monde a une limite. Les tiennes sont un peu hautes et tu tolères beaucoup, mais certains possèdent de l'amour-propre, certains n'aiment pas qu'on leur rappelle qu'ils ne sont pas en contrôle de tout et certainement pas des autres. Et si Keith pouvait juste comprendre que ce n'est pas de sa faute... mais tu es là ce soir, chez lui, poursuivi par quelque chose de dangereux et létal et en même temps, protégé par la présence de l'autre homme et du fait qu'il se soucie encore de ta personne. Alors pourquoi pas ?
Tu demeures silencieux alors que l'émotion le saisit, c'est lisible et visible sur le visage de Keith, il n'essaye pas de le cacher et tu le regardes, tes yeux ont un peu plus de vert que d'ordinaire alors que tu concentres sur le plus important. Sur cet homme que tu es venu déranger en pleine nuit, pour avoir un semblant de paix et une once de silence. Il répète ton prénom et tu murmures un : "Okay." qui manque de tout, et qui est peut-être là pour le rassurer lui. Pas toi, rien ne te rassure, tu as tout vu du monde, tu sais à quel point tout est dangereux et sale, la souillure est autant sur ton corps que sur ton âme et personne ne peut te sauver. Keith essaye, c'est... c'est… tu n'as pas le mot, tout ce que tu vois ce sont les larmes qui roulent sur le visage de Keith. Le rendant encore plus solide, encore plus réel. Il n'est pas le premier homme qui pleure devant toi, beaucoup le font pendant l'acte ou même après, en te jetant un regard, parce qu'ils regrettent, parce qu'ils réalisent ce qu'ils viennent de faire. Ce qu'ils viennent de te prendre, ce que tu viens de leur donner et ça les répugne un peu. Ce que tu comprends toujours alors que tu les regardes faire avec un léger sourire sur le visage, toujours à la recherche de ton paquet de clopes. Tu ne souris pas aujourd'hui, au contraire, tu laisses Keith te rendre un peu plus présentable et dans le maigre espace qui le sépare, tu laisses une de tes mains se lever, lentement, pour essuyer les larmes sur sa joue droite. Il ne devrait pas pleurer pour toi, certainement pas pour toi, voilà ce que tu te dis alors que ton pouce vient trouver tes propres lèvres, que tu fais disparaitre les larmes de Keith, qui ont un goût salé, alors qu'il essaye toujours.
Il t'ouvre la porte, et peut-être, que si ton chemin avait croisé le sien il y a des années de cela, quand tu n'étais qu'un mendiant qui tente de survive, peut-être que les choses auraient été différentes. Il aurait pu te protéger et te prouver que tu as quelque chose à offrir. Sauf que tu le sais, penser en hypothèses est dangereux, tu n'as pas le luxe de rêver ou d'avoir de l'espoir, c'est stupide, ça pourrait te tuer. Ouais, t'es un gamin stupide, ça tu le sais.
"Je suis stupide et t'es bizarre, tu ne me connais pas, j'aurais pu tuer quelqu'un avant de venir ici, ou même pire, et tu m'offres un toit et un refuge ?" Il est là, le Noah qui fait face à Keith d'ordinaire, celui qui est un peu plus joueur, plus assuré, et plus destructeur. "Who hurt you ?" C'est lui qui pose la question et tu hausses les épaules, avant de commencer à te dévêtir de tes vêtements mouillés. L'idée d'une douche ou d'un bain chaud, quoi que ce soit de relaxant, est plutôt bonne et ça ne te donne pas du tout envie de fuir, bien au contraire. Une petite victoire en soi, et tu ne sais pas pourquoi Keith fait de toi une exception et non une statistique. Tu n'as jamais su pourquoi, mais d'habitude, tu ne le questionnes pas, tu prends ce qu'on te donne, parce que tu le mérites, parce que tu gobes tout et que tu disparais ensuite. En sous-vêtement maintenant, tu trembles un peu, ayant plus froid que jamais, mais tu ne t'arrêtes pas pour le moment. "Ne réponds pas à cette question, quelque chose me dit que tu es comme moi, pas du genre à te confier de façon inutile. Et même si tu me racontais toute ta vie maintenant, je sais déjà que dans mon état actuel je ne m'en souviendrai pas demain matin... Désolé." Tu n'as jamais été pudique, on ne peut pas l'être avec le métier que tu fais, et ça te traverse un moment l'esprit que Keith va voir toutes les marques sur ton dos, celle du passé et de la vie sur la route, celles du présent et de l'esprit dérangé de certains de tes clients, mais tant pis, tu n'y peux rien.
"Te barre pas." Que tu marmonnes, refusant qu'il te laisse seul maintenant, tu finis par trouver la baignoire et l'eau, n'ayant aucune réaction alors que ta peau trop blanche rougit un peu. Mais tu es enfin assis dans cette baignoire, comme il le voulait sûrement depuis le début, et tu attrapes une bouteille de shampoing, pour la tendre à Keith avec un regard plus qu'appuyé.

Les larmes sont là ; elles ne partent jamais faciles. Pour Keith, il est toujours plus aisé de pleurer que de se calmer. C'est un mécanisme qui s'expose de lui-même quand l'homme, il n'a pas le temps de dissocier totalement. Il essaie de ne plus le faire, au fil des années. De se défaire de cette habitude qu'il possède depuis l'enfance à cause de sa mère, ses parents. C'est dur ; dur d'être sentimental, d'être à vif et honnête mais mine de rien, Keith fait les efforts. Il se fait sur ses problèmes même s'il connait le nom de chacun, se soucie un peu plus - trop - des autre que de lui-même. Et la peine de Noah, elle lui malmène le coeur. La douleur de Noah, elle le traverse en plein coeur. Et Keith, il est foudroyé par la peur. Par la peur que le gamin pourrait faire une connerie, pourrait faire quelque chose, n'importe quoi, pour se faire du mal. Keith, il aimerait chasser ses maux et ses peines d'un simple coup de vent, de trouver les coupables et de les faire payer, terriblement. C'est un amour pur, le même qu'il porte pour Moon peut-être, bien qu'ils ne possèdent aucun lien de sang, dans leur cas. Mais Keith, il a choisi Noah de la même manière qu'il a choisi Moon. Des gamins qui se sont retrouvés sur son palier un jour, l'air paumés et brisés, et qui ont demandé des choses avec leurs yeux, jamais avec leurs mots. Peut-être est-ce que quelque part, enfant, il était celui qui demandait avec les yeux, jamais avec les mots, et que personne n'écoutait. Peut-être qu'il souhaitait une personne comme ça, et qu'il tente de son mieux de l'être, pour eux, à sa manière.
Une larme est essuyée, menée ailleurs, loin de ses joues humides. Keith détourne les yeux et son corps, un peu, à peine. Il y a une honte, encore, à être si à vif, à être émotif. Mais le regard revient déjà, car le moment est important. Car Noah est important, et que l'homme désire fortement que le gamin le sache. Qu'il ait conscience que les mots ne sont pas dits à la légère. Le détective ne cherche pas à mentir. Il a toujours été honnête sur ce genre d'histoire. Il n'a jamais menti à Noah. C'est pour ça, il y a quelques mois, que le gamin a claqué la porte et ne voulait plus le voir. Car les demandes étaient sincères et étouffantes, et que Noah ne pouvait pas s'y enligner.
Il ne peut toujours pas. Keith le sait, mais il n'en demande plus autant.
Il veut sa sécurité, simplement.
Il veut son bonheur, aussi.
- Tu l'as fait ? , qu'il demande, sourcils froncés et regard sérieux, lorsque le gamin lui parle d'un meurtre quelconque. Keith pourrait cacher le corps, s'en débarraser. Ça ne serait pas la première fois. Il y a des silences à propos d'un des ex de Moon, celui qui osait laisser des marques sur son corps. Keith s'en est débarrassé, de celui-là. Moon n'a jamais demandé, mais le détective sait que son neveu se doute bien de la raison.
La question qui suit, elle tombe comme les vêtements de Noah. Les mots ne blessent pas. Ce sont les marques qui s'affichent, plutôt, qui le font terriblement froncer des sourcils. Il sent cette colère en lui, ce démon qui gronde dans ses entrailles. Keith n'a pas besoin de grand chose pour détester le monde entier, pour détester les gens en général. La chose passe souvent comme un sentiment d'agacement, comme une moue agacée sur ses lèvres et des soupirs qu'il retient difficilement.
- Noah - , qu'il commence, des questions au bord des lèvres, mais le gamin l'arrête et part sur un autre sujet. Les mots sont sincères. Il y a une fragilité dans le moment à laquelle ils ne touchent que très rarement, mais qui est vrai. Keith en a conscience.
Il ne peut qu'hocher de la tête faiblement, des plis agacés sur le front, alors que Noah lui offre le premier désolé sincère de toute leur relation.
- Quoi ? Les mots, il les entend à peine. Peut-être car ils sont trop nombreux. Peut-être parce qu'ils sont tous sincères. Keith est dépassé. Son regard est perdu, un brin, tandis qu'il brille de larmes qui demandent à couler encore. Je pars pas, Noah, qu'il annonce, la voix ferme malgré le tremblement qui se trouve à l'intérieur.
Il y a une absence dans ses gestes, dans ses réflexions. La dissociation qui cherche à prendre les choses à main face à la surcharge d'émotions qui se bouscule en lui, qui crée un grésillement puissant. Keith revient à lui car Noah lui tend une bouteille, car Noah a besoin de lui et attend quelque chose de lui.
Les doigts tremblent, quand il s'empare de la bouteille. L'homme s'assit sur le bord du bain et renifle ses émotions.
- Tu veux un shampoing ? La question est aussi bête que sidérante. Keith inspire et secoue sa tête, avant de faire couler du liquide dans sa main. Faisons un shampoing, alors, c'est absurde et irréel, mais Keith veut bien s'y coller. Ça le sort de sa tête, mine de rien, de faire quelque chose physiquement plutôt qu'émotionnellement. Keith a le sentiment que le geste, l'acte, est beaucoup plus de choses qu'un simple shampoing. Mouille tes cheveux dans l'eau, d'abord. La chaleur va te faire du bien, Noah. Keith, il se demande parfois à quel point Noah se sent froid, à l'intérieur. Qu'importe les vêtements, qu'importe l'eau chaude, parfois, il y a toujours quelque chose qui reste froid. Keith a ce sentiment là, parfois. Il ne le souhaite à personne. C'est un venin qui revient parfois, qui coule des mots de sa mère et qui ne s'en va jamais totalement.
Le jet lui mouille les bras, un peu les manches, aussi. Qu'importe. Keith n'a pas peur de se mouiller, pour Noah. De l'eau ou du sang, il n'en a rien à faire. Et même si le gamin est géant, immense, Keith tend les doigts vers sa crinière folle et mouillée pour lui faire le shampoing que le gamin lui demande. Il se demande, quelque part, quand quelqu'un lui en a fait un pour la dernière fois. Sa mère, peut-être, avant tout ça ? Peut-être qu'elle a été la dernière personne a faire attention à lui ainsi. Ça lui tord le ventre, à Keith. Ça lui remue les entrailles, ça éveille une colère, aussi.
- Attention à tes yeux, qu'il prend la peine de dire, comme si les siens ne piquaient toujours pas.

Keith ne réalise très certainement pas l'anomalie d'une telle soirée. Cela ne te ressemble pas, personne ne te voit ainsi, personne ne s'occupe de toi de cette manière. Personne. Tu ne laisses pas les gens te voir aussi affaibli, aussi pathétique, tu préfères te retirer dans l'ombre et soigner tes blessures tout seul, tu l'as déjà fait, tu le fais toujours, tu continueras de le faire pendant un petit moment si ça continue comme cela. Parce que l'on est jamais mieux servi que par soi-même, parce que cela fait naitre une rage sans fin au fond de ton estomac que les gens puissent te voir de cette manière. Pas maintenant, tu n'as pas la force de te battre, pas avec lui, pas ici alors que Keith te protège, pas maintenant alors que l'eau chaude semble avoir engourdi tous tes membres et avoir fait taire une partie des voix dans ta tête. Elles hurlent toujours mais c'est minime, c'est devenu un bruit de fond et pas quelque chose qui t'arrache le cerveau et tu hoches la tête, écoutant les ordres de Keith, tu te laisses retomber en arrière pendant quelques instants, pour mouiller tes boucles trop noires et pour regarder quelques instants le plafond.
Puis Keith, qui tente de ne pas verser plus de larmes, et qui est beaucoup trop bon pour être vrai. Peut-être que tu es en train d'imaginer tout ça et que tu es toujours dans ton taudis, en train de voir des couleurs et un autre monde alors que le Red s'immisce dans tes veines. Mais non, tu le sais, à la minute où Keith s'exécute, lentement, te lave les cheveux et fait ce que tu lui as demandé, que ce n'est pas un rêve. Tu aurais bien été incapable d'imaginer quelqu'un comme Keith et il a le droit à un regard en coin avant que tu ne fermes les yeux pour les prochaines minutes, le laissant s'occuper de toi. C'est réel, ça te serre la gorge de savoir qu'il ne va pas te malmener et c'est triste d'en arriver là, c'est tout. "Je n'ai pas toujours été comme ça, tu sais..." Tu ne sais pas pourquoi tu as besoin de le dire, pourquoi tu tiens à te défendre, mais tu le fais tout de même. Tu le fais en ouvrant les yeux et plutôt que de rester passif, tu attrapes une autre de ses bouteilles, du savon, pour te le passer sur la peau et frotter et tenter de ne plus être aussi sale et misérable. Ouais, comme si cela allait vraiment fonctionner. "Je ne me souviens pas de tout, parfois j'oublie son visage, plus j'essaie de me rappeler ma vie d'avant, plus j'oublie et plus je me trouve con, ça remonte à tellement loin." Avant, quand tout était plus simple, quand quelqu'un était là pour te protéger et veiller sur toi. Parce que les choses qui te sont arrivées ne sont pas normales, ce n'est pas normal d'apprendre à survivre comme tu l'as fait, d'apprendre à se débattre comme tu le fais, ou d'avoir la relation que tu as avec sa propre image et celles des autres.
Et ce n'est certainement pas normal de laisser les gens se servir de toi, de ta plastique et de ton semblant d'innocence, comme tu le fais, en prétendant que tout cela ne t'atteint pas. "Je sais que les choses auraient pu être différentes, qu'elles auraient dû être différentes, mais hein..." L'espoir n'est pas quelque chose que tu as facilement, c'est une denrée rare dans ton univers et tu laisses filtrer un soupir, fermant de nouveau les yeux. Tes mains se posent sur ta poitrine alors que tu continues d'articuler, alors que tu continues de parler, quelque chose te dit que tu es bien incapable de te taire maintenant, maintenant que les mots sont là, maintenant que tout commence à faire un peu plus de sens. "Il y a un trou juste là, là où devrait être mon cœur, il est là depuis longtemps, et je sais que tout ce qu'il y a eu de bon ou de doux chez moi s'est échappé petit à petit et il ne reste plus rien du tout maintenant." Plus rien, tu ne te fais pas de doute à ce sujet et le dire à voix haute te rassure plus qu'autre chose. Le dire à Keith est important aussi, pour qu'il comprenne d'où vient toute la noirceur que tu possèdes, elle a remplacé le reste, c'est elle qui te permet de te débattre et d'avancer au quotidien. "Mais je suis là, pas vrai ?" Tu ne sais pas pourquoi tu es là, tu sais que Keith ne peut pas te sauver, juste retarder l'inévitable. Tu hausses les épaules avant de commencer à te rincer et faire disparaitre les traces de savon. Le moment est passé et tu ne te sens plus de trainer dans la baignoire en réalité. "Je crois que je vais m'endormir sur ton canapé et oublier cette soirée, okay ?" Tu dis cela en faisant un mouvement pour te lever, en étant déjà prêt à fermer les yeux.

Le coeur est lourd. Le coeur est léger. Keith est pris entre deux instants, entre deux sentiments. La visite de Noah est, après tout, une surprise à laquelle il ne s'attendait pas. Il est tout de même heureux que ni Clemente, ni Curtis se trouvent dans le loft ce soir. Certes, l'homme espérait leur présence au tout début, mais il préfère les choses ainsi, maintenant. Le détective sait avec assurance que Noah n'aurait pas été aussi ouvert et fragile en leur présence. C'est quelque chose qui n'appartient qu'à eux. Le moment est tangible et fragile, si délicat qu'il amène un certain nombre de larmes sur les traits de Keith et de multiples peurs dans ses trippes, mais avec un peu de repos, il appréciera amplement la manière dont les choses se déroulent.
Noah ressemble à un enfant. Il possède des blessures qu'il aborde depuis toujours, des marques sur sa peau mais aussi sur son âme qui ont longtemps été vu comme des paroles acides, des regards haineux et des actes inconscients. Une part naive de Keith aimerait effacer le passé mais il sait, aussi, que sans le passé, il ne saurait pas là aujourd'hui. Ils ne sauraient pas là aujourd'hui. Il serait bon de souhaiter une meilleure vie à Noah avec des parents aimants et un autre parcours, mais Keith est égoiste malgré lui. Il choisit ce parcours, qu'importe la douleur, si Noah finit à ses côtés, au bout du compte. S'il peut prendre soin de lui. Il y a une part de lui doutant de ses capacités à y parvenir, mais une autre doute terriblement des capacités du monde entier pour accomplir cette tâche. De la même manière, certainement, qu'il possède encore une certaine misère à gérer le fait que Moon soit en couple avec son punk et vive avec lui, maintenant.
Dans les doigts, les mèches de Noah possèdent quelques noeuds. Elles sont douces, malgré tout, et il lave son cuir chevelu avec attention. Quelque part, l'homme se dit qu'il devrait acquérir un shampoing fait pour les boucles de Noah. Ses propres cheveux ondulent un peu, mais pas à ce niveau là. Peut-être que Moon pourra aider. Enfin, si Noah décide de rester un peu plus longtemps. Plus qu'une nuit.
Keith espère que oui. Il n'a pas envie de le savoir loin, qu'importe s'il possède ses rongeurs pour veiller sur lui. La distance est une chose qu'il ne contrôle pas. Savoir Noah habité par une voix haineuse, visérale, lui tord le ventre. Le gamin ne mérite pas cela. Il mérite plus de choses qu'il possède, qu'importe sa manière d'aboyer et de montrer les dents.
Le shampoing se rince de la crinière quand Noah se met à parler. Les mots se lavent de ses lèvres comme la saleté quitte sa peau et sa chevelure. Keith pince ses lèvres, les mouvements stoppés, tandis que les paroles déferlent avec une honnnêté crue et délicate, trop légère pour appartenir à Noah. C'est une cruelle chose ; de mots si légers et simples, et si coupants. Ils lui enlèvent le souffle et Keith soit se reprendre, mettre le revitalisant sur ses doigts puis la crinière de Noah rapidement, qu'importe son coeur battant plus fortement dans sa tête, qu'importe son envie horrible de l'enlacer et lui faire milles promesses.
- Noah..., qu'il souffle, alors que le gamin affirme être encore là, être là. Comme si la chose effacait ou justifiait sa douleur. Comme si tout était bon, maintenant. Et Keith se déteste pour apprécier cette réalité car le gamin lui est tombé dans les bras. À quel point peut-il être égoiste ? Noah mérite mieux. Noah mérite que sa mère soit encore en vie, et avec lui. Elle aurait pu lui donner l'amour dont il avait de besoin. L'amour que Keith n'est toujours pas certain de pouvoir lui donner. Et le simple fait d'y penser lui retourne le ventre, le coeur, car Keith aimerait être capable, mais on lui a dit trop souvent ; il est incapable. Il a peur de ne pas y parvenir. De ne pas offrir à Noah tout ce dont il mérite.
Le revitisant est rincé alors que l'homme trouve la force de dire :
- On trouvera comment boucher le trou, alors, pour commencer. Parce que c'est logique. C'est sensé. Keith se retrouve dans la logique pour ne pas avoir le coeur fragile, plus fragile que présentement, et pleurer de nouveau. L'humidité de la pièce garde les larmes dans ses prunelles. Et quand ça sera fait, on pourra voir avec quoi on peut le remplir. Un regard offert à Noah, ferme mais tremblant, avant qu'il hoche de la tête, les lèvres plissées. Keith se redresse et se retourne, s'empare d'une serviette qu'il enroule autour de Noah, sorti de la baignoire. Il arrête l'eau, ensuite. Puis, une autre serviette est prise, plus délicate et faite pour les cheveux, et Keith la met sur la tête du gamin et essuie délicatement.
- Tout ce qui est vide peut se remplir. , qu'il dit, autant pour le gamin que lui-même. Moon était un peu vide, quand il est arrivé chez lui. Keith aussi, il était un peu vide, avant Clemente, avant de se retrouver. On commence tous un peu vide, et on se remplit lentement, et on se vide un peu, ou beaucoup, pendant qu'on essaie de se trouver. Et il n'y a jamais de ligne d'arrivé. C'est un cheminement sans fin. Même si, d'une manière, Keith cherche toujours la fin parfaite et inexistante, car on l'a attendu de lui longtemps. Je vais aller cherche des draps pour le canapé lit. qu'il finit par dire, avant de quitter la pièce. Les cheveux de Noah sont toujours humides, comme les iris de Keith, mais rien ne tombe sur le sol.

Dire ton prénom en boucle ne va pas vraiment te sauver. Tu ne sais pas pourquoi Keith insiste, pourquoi il continue de t'appeler, Noah, Noah... ce prénom dans un sens, c'est le souvenir d'un passé un peu différent, la seule chose dont tu souviennes à propos de ton ancienne vie. La seule que quelqu'un t'a donnée sans aucune condition, sans attendre quoi que ce soit de toi en retour et c'est idiot que tu n'es pas donné à Keith ton alias. Histoire de garder de la distance entre vous et de t'assurer qu'il ne se passe pas... précisément ce qui est en train d'arriver. Parce que Keith s'attache, de la pire façon qui soit, il est en train de t'imaginer avec des ailes et voler vers quelque chose de plus doux, alors que ce n'est pas qui tu es, ou ce que tu es. Tu n'es qu'un petit monstre affamé qui va uniquement le tirer vers le bas et ce même s'il te donne un bain et tente de déguiser la vérité avec beaucoup de douceur et de tendresse. Ce serait plus simple si Keith pouvait le voir, tout le monde gagnerait du temps en fait. Pas ce soir il te semble, c'est le beau milieu de la nuit et quand il parle de te réparer tu as envie de rire. Ou de pleurer, alors que vous regards se croisent. Il a encore des larmes dans les yeux le détective et ça ne fait tellement pas de sens que tu t'en veux et que tu en veux un peu à Keith aussi. Il aurait dû te foutre à la porte en fait.
"Tu vas détester l'entendre mais... tu perds ton temps, sache-le." Tu l'annonces alors que tu te lèves toi aussi et que tu acceptes la serviette enroulé autour de ton corps nu, pour te protéger et te réchauffer. Une autre serviette est là pour tes boucles brunes et il continue sa rhétorique, comme s'il restait quoi que ce soit à sauver. "Je veux dire de nous deux, il faut bien que quelqu'un soit réaliste." Que Keith reste optimiste, tu ne peux pas lui prendre cela, ce serait cruel de ruiner tout ses espoirs et tu n'es pas aussi méchant que le laisse sous-entendre ton regard. Tu aimes bien faire croire que tu l'es, mais ça s'éloigne un peu de la réalité. La preuve en est ce soir. La preuve en est avec la façon dont tu le laisses te traiter, une instance rare qui ne doit pas se répéter. Tu pourrais y prendre goût et revenir, t'attendre à ce genre de traitements, de la part de Keith mais aussi de tout ton entourage. Que tout le monde te dise que tu mérites de vivre, que tout le monde t'accorde un moment de paix, parce que cela aussi tu le mérites. Quelle blague vraiment.
"Mais okay." Okay, il fait ce qu'il a à faire et tu le feras aussi. Tu hoches la tête, le canapé lit, tu quittes la pièce un peu plus lentement que Keith et tu trouves le fameux canapé lit dont il parle. Si ta première intention est de t'asseoir, et d'attendre Keith, cela ne dure pas bien longtemps. Tu finis par t'allonger sur le canapé, dans une position qui s'apparente plus à une position fœtale qu'autre chose et tu fermes les yeux. Les voix sont toujours là, à flotter, dans la distance, mais, chose surprenante, les mots de Keith aussi sont là.

La porte est ouverte ici, pour toi. Peu importe où je suis, la porte est ouverte.
Tout ce qui est vide peut se remplir.

Ce n'est pas la vérité, cela s'apparente plus à un rêve qu'autre chose et ce sont des pensées qui n'appartiennent pas à ta réalité mais bien à un rêve. C'est sûrement pour cela que tu réussis enfin, pour la première fois depuis des jours, ou est-ce des semaines, à te glisser dans les bras de Morphée. Oui, le sommeil te trouve, ce n'est pas une bataille, pas une grande balade, tu reposes tout simplement les armes, parce que tu le sais, tu n'as pas besoin de te battre et rien ne va t'arriver.

Pas ici et pas ce soir en tout cas.