love me like this [rurin #3]

Perfectionniste de profession et loin d’être du genre à faire les choses à moitié, Rin s’est mis en tête de préparer un menu traditionnel japonais de A à Z pour l’anniversaire de Ruben. Seulement voilà, une fois devant les rayons du supermarché, une variante non-négligeable s’est incrustée dans le problème : la météo. Parce que forcément, cuisiner quelque chose de gustativement satisfaisant alors que la température extérieure donne davantage envie d’avaler une salade fraîche qu’un plat de viande en sauce, ce n’est pas évident. Alors certes, l’été à New Blossom n’est pas aussi chaud et humide qu’à Tokyo, mais ce n’est pas non plus le moment idéal pour la grande majorité des recettes que l’ingénieur a en tête. Dilemme, donc. Après plusieurs minutes d’hésitation, c’est finalement le goût et l’appétence d’un bon plat préparé qui l’emportent – comme souvent dans ce genre de situations – contre les règles étriquées des convenances saisonnales. Et parce qu’autrement ce ne serait pas Rintarō, il se laisse néanmoins une porte de sortie slash plan B en attrapant plusieurs autres ingrédients au cas où. Ils auront de trop pour un simple dîner c’est certain, mais il pourra utiliser les restes pour le petit-déjeuner du lendemain.

Satisfait de sa décision, Rin peut régler son panier et sauter sur son hoverboard, sagement parqué à l’entrée du magasin, et filer en direction du Nexus. Il ne s’agirait pas d’être en retard. Le vent fouette dans ses cheveux et contre le tissu plissé de son pantalon – une revisite moderne d’un hakama noir – tandis que les rues défilent sous ses yeux, un sentiment de bien-être teinté d’excitation logé dans sa poitrine. Les semaines ont beau se suivre comme toujours, le temps semble lui ne répondre qu’à ses propres règles lorsqu’il s’agit de Ruben. Trop lent en son absence, trop rapide en sa compagnie, infini dans ses bras. C’est aussi le premier anniversaire qu’ils passeront ensemble et Rin ne peut que se réjouir à l’idée de débuter cette série de petites célébrations pour les années à venir : anniversaires, Noël, Nouvel An… De nouvelles traditions rien qu’à eux, aussi. La perspective lui colle un sourire niais au visage tandis qu’il accélère un brin, secouant la tête pour se forcer à se reconcentrer – et éviter de se prendre une voiture ou un piéton, accessoirement.

Y’a son cœur qui bat un peu plus vite lorsque Rin dépasse le dernier virage et que la maison de Ruben entre enfin dans son champ de vision. Devant la porte, Rin dépose son hoverboard sur le côté puis arrange ses cheveux ébouriffés dans le reflet d’une fenêtre, replace la fine chaîne en argent autour de son cou, avant de toquer deux fois de sa main libre, l’autre tenant toujours le sac de courses. Il n’attend pas de réponse pour se permettre d’actionner la poignée – comme l’a insisté à plusieurs reprises le propriétaire des lieux – et d’entrer. « Ruben ? Je suis entré, il y a quelqu’un ? » La question est plus une excuse pour annoncer sa présence qu’autre chose, Rin se souvenant que Dewey passe le weekend chez sa tante. « Ojama shimasu… » qu’il ajoute à voix basse par automatisme tandis qu’il commence à défaire ses lacets, en équilibre précaire pour ne pas laisser tomber son précieux cargo.

Sur les lèvres du cinéaste, un sourire fin et satisfait prend place lentement. Ruben porte une attention particulière à l'habit enfilé pour la première chez dans le confort de sa demeure, bien qu'un minutie profond a été nécessaire pour réaliser le sur-mesure qu'il aborde. Si Yuzuru a d'abord insisté pour un voyage de courte durée directement au pays pour obtenir un vêtement d'origine et authentique, Ruben s'est contenté de sourire doucement et de calmer les hardeurs de son ami - Plus tard, qu'il a dit. Pour le mariage, qu'il a précisé, chose que son ami retiendra sans le moindre doute - avant qu'ils ne tombent d'accord sur le meilleur couturier certifié des environs. Malgré tout, le japonais s'est permis un certain nombre de commentaires et d'avis lors du choix des tissus, des couleurs et de l'ajustement des vêtements. Ruben s'en est vu rassuré, confiant en l'avis de Keinen, toujours plus apaisé car son vieil ami tient les choix à son égard à coeur, comme s'ils s'agissaient des siens.
Il est plus que confiant, alors, tandis qu'il inspecte une dernière fois les habits traditionnels et japonais qu'il aborde.
Sur son portable, des emails provenant de Yuzuru attendent. Ruben sait parfaitement qu'une photo est nécessaire pour calmer l'afflux ; il s'en empare et parcourt les applications quand la voix de Rin se fait entendre dans sa demeure, lui arrachant tout autant une surprise qu'un sourire.
Comme Yuzuru, le téléphone est abandonné tandis qu'il quitte sa chambre pour rejoindre son partenaire.
La vue de Rintaro lui tire un sourire ; une main passe dans ses cheveux, les mèches se faisant un brin longue, le gel abandonné pour la journée, le japonais les préférant plus naturel. Certes, il s'agit de l'anniversaire du cinéaste, mais Ruben ne peut que vouloir le couvrir de multiples bonheurs également, en cette journée.
Le hakama qu'il aborde, sobre, ainsi que la veste kimono pale en sont la preuve.
Tout comme le :
- Okaeri, un peu maladroit qu'il souffle, n'ayant pas parfaitement entendu les paroles de Rin à son arrivé. Malgré tout, Ruben sait que la demeure deviendra sienne, un jour. La certitude est là, solide et douce, divulgée au travers de caresses et de murmures. Ruben prend son temps ; il ne désire pas lui faire peur.
- Laisse moi t'aider avec les sacs, s'il te plait. , qu'il demande en s'approchant son regard tombant sur le pantalon porté par Rintaro. Le regard brille d'une joie douce, et Ruben laisse un sourire en coin, comblé et espiègle, se glisser sur ses lippes. Et bien. Nous avons eu une idée similaire. Il se garde de partager la profondeur de sa propre idée et de son cachet. Ruben se penche plutôt vers Rin et pose ses lèvres contre sa joue, d'abord, puis contre les siennes. Le second contact dure un peu plus longtemps, accompagnant d'un bruit calme et satisfait, avant qu'il ne l'observe un moment presque trop longtemps. Je suis content que tu sois là, ce soir. Tu m'as manqué. Le nombre de jours passés sans lui est maigre, et Ruben n'a pas honte de l'affirmer.

Malgré sa taille impressionnante, la maison de Ruben a cette atmosphère chaleureuse qui s’accompagne d’une vague de calme dés lors où Rin pose le pied à l’intérieur. Il y fait bon vivre, comme l’expriment les multiples photos de famille accrochées au mur ou posées sur les étagères, une douce odeur de cèdre en guise de parfum d’ambiance. Il craint parfois de déranger ou de s’imposer inopportunément, surtout quand Dewey est là, mais il suffit bien souvent d’un mot ou d’une caresse du propriétaire des lieux pour apaiser ce sentiment.

Aujourd’hui, aucune de ces angoisses ne pourrait venir assombrir son humeur et Rin accueille d’un sourire aussi timide que charmé la façon dont Ruben le salue. Depuis quelques semaines, l’ingénieur a en effet surpris à plusieurs reprises son partenaire réviser son Japonais sur son téléphone — dans sa voiture, le matin devant son café… L’effort est d’autant plus apprécié qu’il est fondamentalement inutile (comme si Rin avait besoin de ça pour le trouver terriblement sexy…). Alors il choisit de ne pas s’attarder sur la véritable signification de la formule de politesse et s’apprête à répondre volontiers avec celle qui l’accompagne traditionnellement… avant d’enfin relever la tête. « Ta- tadaima… » Le cerveau — ce traître — qui se déconnecte à la vue de Ruben vêtu d’un authentique ensemble kimono et hakama. C’est si inattendu que Rin en reste bouche bée, clignant bêtement des yeux tandis que l’homme finit de s’approcher et lui retire les sacs des mains pour les poser sur le côté, en sécurité. « Uh-huh… » Rin a la présence d’esprit de se redresser sur ses deux jambes, histoire de s’épargner le ridicule d’une chute, alors que l’information arrive péniblement à destination dans son cerveau. Ruben en tenue traditionnelle. L’allure est royale, le tableau tout droit sorti de ses rêves les plus dégoulinants de romantisme.

« Oui enfin, j’ai l’impression d’être carrément underdressed par rapport à… » Les mains qui désignent vaguement l’habit de Ruben, si élégant comparé au simple t-shirt noir accompagnant son propre pantalon, et puis un souffle lâché du bout des lèvres suivi d’un rire incrédule. Y’a une lueur sincèrement touchée dans son regard quand Rin attrape le bleu du sien. « Ça te va bien. Très bien, oui. Parfait. T’es beau, magnifique. » Plus que jamais, Ruben ressemble à un prince de conte de fées et le japonais manque de vocabulaire pour exprimer toute la profondeur de ce qu’il ressent. Le sourire ne faiblit pas quand les lèvres du cinéaste se promènent sur sa joue avant d’enfin tendrement capturer les siennes. « Joyeux anniversaire, Ruben. » qu’il répond sur le même ton, une sensation indescriptible au creux de l’estomac. Il est important cet anniversaire, oui ; c’est le premier qu’ils passent ensemble et ils se doivent de le célébrer dignement. Enfin, si Rin arrive à un jour à cesser de lorgner sur les larges épaules de Ruben, particulièrement mises en valeur par son nouvel habit. « Pardon, j’arrive pas à m’en remettre… Où est-ce que t’as été cherché ça ? C’est de bonne qualité en plus, ça a dû te coûter un bras. » Il ne peut s’empêcher de demander, fronçant les sourcils avec une pointe d’inquiétude en imaginant le prix d’un tel ensemble de ce côté-ci du Pacifique.  

L'amusement valse sur ses traits avec une tendresse apparente. Ruben se nourrit des expressions de Rin, si uniques et parfaites, à chaque instant. Le fait de le voir ainsi, d'entendre le timbre de sa voix cassée, la manière dont son regard change et son expression fige le comble de bonheur. Le cinéaste est testé à bomber le torse, presque, mais possède la décence de ne pas le faire. Il possède, après tout, une certaine classe. Ruben a conscience de ses réussites et de ses échecs - en silence, souvent, bien que  - et ne cherche pas à se venter. L'artiste se contente uniquement d'être ravi par la manière dont Rintaro réagit à son exploit, bien décidé à remercier Yuzuru de nouveau, la prochaine fois qu'ils se contacteront. Ruben lui offrira une soirée dans un restaurant de son choix, certainement. L'idée de lui présenter Rintaro l'effleure, mais il sait qu'autant son ami se meurt d'envie de poser un jugement sur sa personne, autant il sera hanté par la perspective de cette soirée et de sa perfection. Autant prévoir une surprise ; bien que, il le sait parfaitement, Yuzuru n'en sera pas ravi. Qu'importe ; Ruben cherche la meilleure solution, pas la perfection selon son vieil ami. Celle-ci manque parfois de finesses et de sentiments, qu'importe si son ami en possède une multitude. Il possède une subtilité similaire à celle de ses films, par moment. Ruben parvient à le comprendre, ainsi.
L'homme hume doucement sous les compliments de Rin, ravi. Si les réactions de son compagnon l'ont comblé, ses paroles n'accentuent qu'encore plus son bonheur. Ruben est déjà heureux de leur journée, de sa compagnie. De son anniversaire, tout simplement. Il lui tarde d'être un peu plus tard, quand Rintaro pourra lui retirer ses habits avec une douceur tremblante, par anticipation et aussi, par peur de les ruiner.
Ruben ne se garde pas de penser qu'il n'a rien, absolument rien, contre l'idée que son partenaire les ruine.
Il possède l'argent pour s'en approprier d'autres, après tout.
- Tu es constamment d'une beauté à en couper mon souffle, Rin., qu'il lui dit, ses lèvres cherchant une seconde fois les siennes. Le contact, cette fois, est bien plus simple. Ruben se redresse et prend un court instant pour l'admirer. La simplicité du japonais est idéale, à ses yeux. Il est aisé de l'aimer. Si aisé que la chose pourrait lui faire peur. Mais Ruben ne possède aucune peur face à l'amour, face à ce que la chose implique. Il y fonce sans le moindre doute, cette fois.
Il possède une certitude solide lorsqu'il est question du japonais. Les sentiments sont précis et honnêtes, et Ruben sait ce qu'il désire. Chaque bonne chose, malgré tout, demande un certain temps.
- Dois-je te révéler tous mes secrets ?, qu'il demande, une plaisanterie dans le ton de sa voix. Les sacs en main, Ruben se dirige vers la cuisine, assuré que Rin le suivra. Les sacs sont déposés sur le comptoir puis, il en retire le contenu et dépose chaque chose avec précision sur l'îlot, curieux face au achat. Le tout en continuant de parler : L'un de mes plus vieux amis est également japonais. Il possède des goûts précis et ... raffinés. Yuzuru a été d'une aide exemplaire pour me conseiller un tailleur compétent et traditionnel. Le regard se lève, se pose sur Rin. Ruben sourit au simple fait de le regarder. Je désirais te faire une surprise. Et quoi de mieux que de tester sur ma personne avant de t'obtenir quelque chose ? Certes, Rintaro insistera certainement sur le fait que les tissus sont plus coûteux, et Ruben l'imagine déjà très bien. Il le laissera malgré tout choisir quelque chose de moins dispendieux. Ruben a déjà observé, dans la boutique, ces options. Il m'a également conseillé un couturier au Japon. Je lui ai dit qu'un tel achat pouvait attendre pour une occasion plus importante. Qu'en penses-tu ? La question est vague, l'idée précise. Qu'il soit question de la rencontre des parents de Rintaro ou alors, d'un mariage futur au pays du soleil levant, Ruben a déjà envisagé certaines options. Il possède une foi immense en la chose. Rintaro est son présent et son futur. Il le sait sans le moindre doute.
Enfin, les aliments sont tous sortis. Ruben plie avec précision les sacs, puis observe les items. Il hausse d'un sourcil, curieux, les lèvres créant un nouveau sourire.
- Tu as acheté beaucoup de choses. Compte-tu me faire un festin ? Le festin est, en soi, déjà sous ses yeux. Ruben cache moindrement la manière dont il l'observe, une lueur amusée dans l'oeil, avant d'être pris d'un rire délicat et de passer sa langue contre ses lèvres. Il me tarde de voir tout cela.

Le ronronnement de Ruben contre ses lèvres fait rougir la nuque du Japonais. « Arrête. » qu’il se plaint mollement, alors que les plis au coin de ses yeux et son sourire ravi à peine dissimulé n’expriment que le contraire. Ce n’est pas juste, la facilité qu’il a à sortir de tels compliments sans broncher. Certainement que ça l’amuse profondément de rendre Rin aussi niaiseux qu’une collégienne un jour de Saint-Valentin, ça ne l’étonnerait pas. Terrible, il est terrible. Et Rin répond de bon cœur aux baisers, le manque des derniers jours enfin comblé par un bonheur toujours aussi incrédule. Il lui faudra bien plus de temps pour s’y faire ; des mois, des années, peut-être jamais. Ça ne le dérange pas, bien au contraire. Il y a pire comme futur, après tout, que de se transformer en pivoine à chaque flatterie de Ruben.

Ce qui l’intrigue en revanche – autre que l’image de son compagnon en habit traditionnel complet (de quoi alimenter un bon mois de rêveries ça, de la plus innocente à la plus salace) – c’est l’origine et le prix qu’une telle trouvaille ait pu lui coûter. Parce qu’il ne s’agit pas d’un tissu premier prix comme on peut en trouver dans la plupart des attrapes-touristes de Shinjuku, Rin peut aisément le sentir sous ses doigts et le voir dans les discrètes broderies du vêtement. Il plisse les yeux d’un air faussement suspicieux en suivant Ruben dans la cuisine, après avoir proprement aligné ses chaussures à côté du porte-manteau. Et puis les sourcils qui se haussent à l’écoute des explications. Le cinéaste s’est vraiment donné du mal. Comme toujours, il n’entreprend jamais quelque chose dans le but de la réaliser à moitié. C’est un trait qu’ils ont en commun, bien que l’échelle de Ruben soit infiniment plus grandiose que la sienne. « Oh. Tu remercieras Yūzuru-san de ma part dans ce cas. Il a bon goût. » approuve Rin en le rejoignant derrière l’ilot central pour vider les sacs de course.

La suite de ses explications, en revanche, récolte un rire nerveux et une grimace du Japonais qui secoue rapidement une main devant son nez. « N’y pense même pas ! Ce serait beaucoup trop. » Il a le pressentiment que Ruben ne compte pas abandonner cette idée – tant pis pour lui, Rin devra insister. Les cadeaux lui font plaisir, comme à n’importe qui, mais ils ont davantage tendance à le mettre dans l’embarras, surtout lorsqu’il s’agit de choses couteuses. Il ne peut pas tout refuser bien sûr, surtout lorsque Ruben est si sincère dans sa démarche, mais poser des limites de temps en temps ne fait pas de mal. Pour adoucir sa réaction, Rin cogne légèrement son épaule contre celle de Ruben, un doux sourire au coin des lèvres. « Si tu veux oui, on ira le voir ensemble. » Concessions, concessions. Il ne soupçonne aucunement ce qui se trame dans la tête du cinéaste, mais rien que l’idée de faire découvrir à Ruben son pays natal le réjouit d’avance. Ils auront tout le temps de se chamailler sur les dépenses à ce moment-là. « J’ai aussi quelques ensembles chez mes parents, ma mère a dû les garder. Je te les montrerai hum- enfin » Une pause. Un pli soucieux entre ses sourcils en imaginant présenter Ruben à ses parents. Encore un nid de serpents. « Un jour, oui. T’auras le droit à un défilé de mode. » qu’il ajoute finalement, roulant des yeux au ciel en anticipation du rire de son compagnon.

Le regard rivé sur les aliments étalés sur le plan de travail, Rin est pris de doutes. Il s’est peut-être légèrement emporté. « Oui, je me suis hum… un peu perdu dans les rayons. Mais il devrait y avoir tout ce qu’il nous faut là-dedans. » Une moue pensive s’installe sur ses lèvres, analysant les ingrédients sous ses yeux et la meilleure manière de procéder. Stratégiquement, il serait préférable de commencer par les préparations les plus longues. Confortable dans cette organisation (que la cuisine a de similaire à la mécanique), Rin attrape le sachet de wakame parmi les différentes denrées et se met à la recherche d’un saladier, le tout en entamant ses explications sur le menu du soir. « Je vais faire des oyakodon. C’est un de mes plats préférés mais je prends rarement le temps de les préparer correctement, alors je me suis dit que ce serait l’occasion. C’est un gros bol de riz avec du poulet, des œufs et du bouillon, principalement. » Son récipient trouvé, il le pose sur un plan de travail après l’avoir rempli d’eau et commence à y déverser le contenu du sachet. « Le reste, (son bras s’écarte pour englober ses achats) sera pour les accompagnements. » Très rapidement, Rin s’installe dans ses habitudes, parfaitement à l’aise derrière les fourneaux. Le saladier est laissé à reposer le temps que les algues s’hydratent, il avise ensuite les aubergines. « Tu veux t’occuper du poulet ? Il faut le couper en cubes. » Un coup d’œil est jeté au cinéaste, puis sur les longues manches de son kimono (probablement) hors-de-prix. Rin s’arrête dans ses mouvements, la tête inclinée sur le côté en signe de réflexion. « Ruben, où est-ce que je peux trouver un ruban ? Une ficelle ferait l’affaire, tant qu’elle est longue. »

Un sourire retenu face au ton moqueur, aveu de culpabilité à peine dissimulé. « Hmm. » Ce n’est pas nouveau que Rin se retrouve submergé par son perfectionnisme et son envie de bien faire – en l’occurrence, de faire plaisir à Ruben pour son anniversaire. C’est une occasion spéciale, il mérite que son dîner soit parfait. Il y a une certaine impatience teintée de nervosité à l’idée de partager avec son compagnon l’un des plats de son enfance, à imaginer son expression lorsqu’il prendra sa première bouchée, alors Rin a vu les choses en grand pour ne pas le décevoir.

La domesticité s’installe avec un naturel désarmant tandis que Rin prend l’initiative de la répartition des tâches – non sans que Ruben en profite pour glisser un sous-entendu mielleux. Le Japonais se contente de lever les yeux au ciel, faussement exaspéré, avant de se mettre à la recherche d’un bout de ruban dans le fameux troisième tiroir. Mais le troisième tiroir en partant de quel côté, là est la question. Les sourcils se froncent légèrement, la main qui hésite autour d’une poignée. Et puis celle de Ruben qui effleure le bas de son dos pour aller ouvrir le bon tiroir à sa droite, provocant un frisson agréable sur son passage, avant de se retirer aussi (trop) vite. « Ah, merci. » Ce n’est pas le moment de se laisser distraire, ces oyakodon ne vont pas se préparer tous seuls et Rin compte bien préparer les meilleurs oyakodon que Ruben ait jamais goûté. Concentration, donc.

Avec une petite moue pensive, Rin tourne la tête à la question de son compagnon et lève une main au niveau de son visage, l’index replié à quelques centimètres du pouce. « Hm, comme ça ? Pas besoin qu’ils soient réguliers au millimètre près. » Son ruban trouvé puis coupé au ciseau à une dimension jugée acceptable, Rin s’approche du cinéaste et de ses manches trop longues avant qu’il n’ait l’occasion de les salir – ce serait dommage. « Je peux ? » demande-t-il sans vraiment penser à préciser ses intentions. D’un geste habile, il passe le cordon derrière la nuque de Ruben, veillant à garder un côté plus long que l’autre, puis tapote son coude du bout des doigts. « Lève un peu, s’il-te-plaît. » Rin se concentre, appliqué à la tâche. Le bout le plus long est passé son un bras, puis l’autre, remontant avec lui les manches du kimono pour les raccourcir. La manœuvre se termine en un nœud au niveau de l’épaule, et Rin sourit, satisfait. « Voilà, ça fera l’affaire. » L’habit hors-de-prix est sauvé, les angoisses de Rin apaisées avant même qu’elles ne montrent le bout de leur nez. D’autant que maintenant, les avant-bras de Ruben sont totalement exposés et c’est encore mieux que ce qu’il aurait pu imaginer. Win-win. « Tasuki. » qu’il explique, enfin, en vérifiant que le ruban n’est pas trop serré. « Pour ne pas tâcher tes manches. »

Il y a trois petits mots au bord de ses lèvres. Ils s’y pressent, réclament de sortir. Difficilement, Rin les ravale avec un sourire tendre, ses yeux bruns cherchant les bleus de son compagnon, pour à la place déposer un chaste baiser au coin de sa mâchoire avant de se détourner pour se laver les mains à son tour. Chose faite, il attrape l’aubergine au milieu des courses et se prépare à la découper en petits morceaux après l’avoir passée sous l’eau claire.

S’il en était anatomiquement capable, probablement que Rin se mettrait à ronronner tel un chat affalé au soleil à chaque fois que Ruben se met à lui parler de cette façon. Quelle hypothèse profondément humiliante. Heureusement pour sa dignité (quoique), y’a que le rythme de son palpitant qui accélère et le souffle qui reste bloqué dans sa gorge quand les bras du cinéaste viennent encercler sa taille tandis que ses lèvres caressent délicatement la courbe de sa nuque. Terrible, il est terrible. Comme s’il avait actionné un bouton, Rin sent le rouge enflammer le bout de ses oreilles et cette-même zone que Ruben vient d’embrasser. Aucune chance de feindre l’indifférence, même s’il le voulait. Parce qu’il aimerait bien rester concentré, Rin, mais l’autre homme lui rend la tâche bien difficile (comment aurait-il pu en être autrement quand Ruben est Ruben et ressemble à ça, c’est un autre débat et l’ingénieur se complait dans le déni).

Un sourire qu’il ne peut retenir malgré des lèvres résolument pincées trahit son amusement. « Je vois ça… » acquiesce-t-il en constatant que le poulet a été parfaitement préparé selon ses instructions (bien que Ruben aurait parfaitement pu se débrouiller sans). Et puis le retour des mains baladeuses tandis que Rin s’occupe de découper l’aubergine en dés réguliers et qui, cette fois, rassemble toute son énergie pour se forcer à ne pas réagir. (NDLR ; L’effort est surhumain.) Il ne peut malheureusement rien faire contre la chair de poule qui traverse soudain son épiderme de sa hanche jusqu’à ses épaules. Traitresse. « J’en connais un qui n’est pas très concentré, en revanche, hm ? 'Faudra pas te plaindre si je me trompe dans le dosage du wasabi. » C’est une menace sans fondement, vraiment, puisque Rin est trop perfectionniste pour commettre de telles erreurs que ce soit en cuisine ou dans son atelier, mais ça Ruben n’est pas obligé de le savoir. Tout ce qui importe, c’est de terminer cette recette correctement et sans se laisser distraire davantage.

Les doigts suspendent leur mouvement un instant lorsque Rin relève les yeux vers Ruben qui s’est dirigé vers le frigo. Ce kimono et hakama lui vont terriblement bien, on dirait qu’ils ont été faits pour lui (c’est peut-être le cas… littéralement). D’un autre côté, il a très envie de les lui retirer… Plus tard. La cuisine d’abord. « Je ne vais pas voler le jus de Dewey ! » proteste-t-il avec un rire après avoir écarté ces pensées importunes. « Hmm… Du vin, peut-être ? Juste un verre, sinon tu vas devoir me ramasser à la petite cuillère avant même qu’on atteigne le dessert. Choisis la bouteille que tu veux, ça m’ira. » Il ne s’y connait pas autant que le cinéaste, après tout, et ses choix lui ont toujours plu jusqu’ici. Tandis que son compagnon prépare les verres, Rin se remet à découper le légume en faisant attention à ne pas laisser ses doigts trainer sous la lame du couteau. « Comment s’est passée ta journée ? »

Rin lève les yeux au ciel avant de secouer doucement la tête, faussement exaspéré par l’affection débordante que Ruben n’a aucun mal à exprimer à son égard. Vaguement, il se demande si le cinéaste aimerait qu’il lui rende la pareille ou si ça le dérange que Rin ne soit pas aussi expressif avec ses sentiments. La réponse est négative, il le sait, Ruben ne s’est jamais plaint, au contraire, ravi d’énumérer ces minuscules réactions dont même l’auteur ne soupçonnait l’existence jusqu’à ce qu’elles lui soient révélées. C’est rassurant, dans un sens, apaisant pour son esprit en perpétuel recherche d’une raison pour angoisser.

« Il est presque fini en fait, il me reste juste quelques ajustements à bidouiller… J’espère qu’il sera à la hauteur de ses attentes. » Pour être tout-à-fait honnête, Rin a passé une bonne partie de la nuit il y a quelques jours dans son mini-atelier à avancer sur le dinosaure de Dewey, jusqu’à recevoir un message de l’un de ses voisins du dessous qui n’arrivait pas à dormir. Évidemment, Rin s’est aussitôt confondu en excuses auprès du pauvre Link, estimant de toute manière qu’il était plus que l’heure d’aller dormir. Le projet est depuis sagement posé sur son plan de travail, en attente d’un coup de peinture et de quelques gadgets supplémentaires que Rin aimerait ajouter par-ci par-là. Un sourire enfantin se dessine aisément sur ses lippes lorsqu’il imagine Dewey découvrir son cadeau et lui donner vie grâce à sa toute nouvelle mutation. Peut-être réussira-t-il à convaincre l’enfant de l’appeler Gojira, et peut-être pourra-t-il aussi lui fabriquer un robot et qu’ils pourront faire un remake de Pacific Rim version jouets… Un gloussement joyeux lui échappe à cette idée fabuleuse tandis que Ruben se rapproche avec les verres de vin qu’il a fini de remplir.

L’ingénieur écoute Ruben lui raconter sa journée d’une oreille intéressée. C’est un milieu qu’il ne connait que par les récits de son compagnon – et certes, Ruben pourrait lui lire l’encyclopédie de la faune marine que Rin trouverait le sujet fascinant – mais c’est la passion du cinéaste pour son travail et son théâtre qui lui offrent une perspective nouvelle. « Arigatō. » le remercie-t-il avec un sourire lorsque son verre est posé à sa portée. « Hmm. Si c’est une histoire de code je peux y jeter un œil, oui. Avec plaisir. » C’est objectivement peu comme service (et sans doute que Ruben a de nombreuses autres personnes compétentes à qui demander), mais ça lui fait plaisir qu’il pense à lui pour l’aider dans ses projets. Il aime rendre service, Rin, parce que Ruben est important. Important… le mot paraît trop faible, en vérité. Pausant ses gestes avec le couteau, Rin laisse sa tête cogner doucement contre celle de Ruben comme un chat en en quête d’affection. Il ne la relève que pour lui faire face, quelques secondes après, quand son compagnon lui propose d’aller voir ensemble une pièce inspirée du folklore japonais. Au lieu de lui répondre, Rin prend le temps d’observer son visage de près : ses yeux clairs, son nez haut et droit, ses lèvres ; avant de déposer un chaste baiser sur ces-dernières. « Oui, bien sûr. Tout ce que tu voudras. » C’est enivrant comme sentiment ; encore plus que ce vin qu’il n’a pas encore touché. Quelque chose de chaud sans être brûlant, de tendre et de doux, presque étouffant tant son cœur semble gonfler à l’intérieur de sa poitrine. Amour. Un mot dont il découvre la puissance chaque jour passé en compagnie de Ruben et qui paraît sans limite.

Par égard pour la préparation de son plat qui est loin d’être terminée, Rin est presque reconnaissant lorsque Ruben s’éloigne pour aller chercher son propre verre, lui permettant de se reconcentrer sur sa tâche. L’aubergine est à présent entièrement découpée alors le Japonais place les morceaux dans un bol sur le côté, puis s’attaque à la panure des tempura qui serviront d’accompagnement. « Le client dont je t’ai parlé l’autre jour est venu faire installer sa prothèse à la main. L’installation m’a pris toute la matinée mais ça valait largement le coup : le résultat était vraiment cool, il était content. » Un soupire satisfait, un rien fier, tandis que Rin s’applique à mélanger les jaunes d’œuf et la farine. « J’ai adoré ce projet, j’admets que ça me fait un petit pincement au cœur que ce soit terminé... Un gadget dans chaque phalange… même moi je n’y aurais pas pensé tout seul ! » ajoute l’ingénieur avec un éclat de rire et les yeux pétillants.

Une douce chaleur – qui n’a rien d’étranger au vin dégusté pendant le repas – s’est installée sur les pommettes du Japonais, rosissant sa peau, alors qu’il s’applique à rincer les dernières assiettes. Tout au long du dîner, Ruben n’a cessé de complimenter sa cuisine et Rin a enfin pu relâcher les quelques grammes de pression qui s’étaient inconsciemment posées sur ses épaules concernant le succès de ses diverses préparations. Y’a une certaine satisfaction, une certaine fierté, à faire plaisir à son compagnon de la sorte et de le voir sourire, de l’entendre rire, d’être le principal sujet de son attention sans que la chose ne semble forcée. De se sentir aimé, finalement. D’aimer en retour, au moins autant, malgré le fait que les mots semblent encore trop gros pour passer la barrière de ses lèvres. C’est quelque chose de confortable, de doux et de chaud, une émotion qui lui donne envie de se rouler en boule et de ronronner comme un chat au coin du feu. Paisible et serein.

La réaction est automatique quand Ruben lui demande de le rejoindre de ce ton aussi ferme qu’il transpire d’affection : une lèvre mordue pour retenir un sourire amusé et Rin qui coupe le robinet avant de se retourner pour lui obéir volontiers. « Tant mieux. Joyeux anniversaire, Ruben. » Ça gonfle, ça gonfle dans sa poitrine alors que Rin laisse ses lèvres se fondre contre les siennes et ses hanches céder à la pression de la main dans son dos. Il se perd dans les sensations quelques secondes, son esprit réduit au silence, entrouvrant aisément les lèvres pour approfondir le baiser avant que Ruben ne s’écarte avec regret. Se mordant doucement la langue afin de réprimer un son terriblement embarrassant, Rin relève une main et glisse ses doigts entre les mèches blondes du cinéaste pour les replacer en arrière, un petit sourire se dessinant lorsque les rebelles retombent aussitôt sur son front. « J’aime beaucoup tes cheveux comme ça. Tout doux. » commente-t-il à voix basse dans leur maigre espace partagé. C’est un spectacle si rare, si précieux, que de voir Ruben délaisser le gel et son artistique coiffé-décoiffé du quotidien pour un look plus décontracté. Ça lui donne un air plus abordable, plus doux, et Rin en raffole.

A sa proposition, le Japonais acquiesce de bon cœur. « Vraiment ? Lequel ? » Ça ne devrait pas tant le surprendre que Ruben Hopkins, cinéaste de renommée internationale, puisse se procurer n’importe quel film aussi aisément qu’un claquement de doigts, mais quand il repense aux heures passées à éplucher les sites de streaming les plus obscurs que l’on puisse imaginer pour trouver ces films (sans même parler de versions sous-titrées…), ça ne peut que l’impressionner. Une fois s’être assurés que la cuisine est parfaitement en ordre, Rin suit donc Ruben au salon et prend place sur le grand canapé d’angle en attendant que son compagnon s’occupe de mettre le film en route. Lorsque c’est chose faite, l’ingénieur lui laisse à peine le temps de s’installer à ses côtés pour attraper son bras et se glisser par en-dessous, laissant du même coup reposer sa tête contre son épaule avec un petit soupir d’aise. « Tu vas aimer ce film, je pense. Ça se situe pendant l’ère Edo, deux samouraï rivaux qui se battent parce qu’ils aiment la même femme… Enfin, ça c’est la version officielle. » commente Rin avec une petite moue pensive alors que la bande-sonore (d’une qualité impressionnante considérant l’ancienneté de la production) commence à résonner dans le salon. « Moi je pense qu’ils sont plus que ça. Mais je te laisse me faire tes commentaires en direct. » Évidemment, grand amateur inavoué de fanfictions qu’il est, Rintarō ne se contentera jamais d’un scénario qui ne lui plaît pas, surtout lorsque le scénario en question déborde littéralement de subtext homoérotique tel que le cinéma japonais en a le secret. Il est curieux d’entendre les analyses de Ruben sur le sujet.

Rin ne se qualifierait pas de grand cinéphile. Depuis toujours, il était plutôt du genre à se plonger dans les jeux-vidéos que dans les films, et ceux qui parvenaient à gagner son intérêt sont loin de ceux que l’on retrouve aux cérémonies de récompenses. Il aime les scénarios simples, les personnages attachants et surtout, les effets spéciaux hauts en couleurs et les scènes d’action. Au début de sa relation avec Ruben, Rin ressentait parfois trop brutalement l’écart entre leurs cultures et intérêts respectifs – il y avait un peu de honte, aussi, à admettre ses goûts qu’on pourrait juger enfantins ou immatures. Pourtant, le cinéaste ne s’est jamais ouvertement moqué et, au contraire, semble ravi – une fois la surprise passée devant son ignorance certaine – de lui expliquer ou, encore mieux, de lui montrer lui-même ces chefs d’œuvre dont il ne sait rien.

« A Perfect World ? » répète doucement Rin, l’air pensif. Sa position est terriblement confortable ainsi lové contre le corps chaud de Ruben. « Je connais pas, je crois. » L’aveu lui vient plus naturellement ces temps-ci, même s’il aimerait parfois pouvoir discuter plus profondément des sujets qui animent son compagnon sans être toujours celui qui doit apprendre. Ça ne le dérange pas tant, en soi, et il adore écouter Ruben parler de ses passions – il ne veut simplement pas que ce dernier s’ennuie. D’ailleurs quand vient le moment de répondre à sa question, Rin hésite et fait la moue. « Tu connais déjà la réponse pour moi… Pacific Rim. » admet-il en retenant un sourire embarrassé. Le seul film qu’il pourrait voir et revoir sans jamais se lasser, sans doute. « Promis c’est pas le seul film que j’ai vu de toute ma vie, même si on pourrait le croire. Et c’est certainement pas le meilleur non plus niveau émotions, tout ça, mais… Je l’aime beaucoup. » Il est parfait de A à Z ce film, il a tout ce qu’il faut. Des robots, des kaijus… Charlie Hunnam. Que demander d’autre. A l’écran, la dernière bande-annonce s’achève et le film démarre sur une musique d’époque. Rin lâche un léger soupir de contentement, ajustant sa position pour caler ses pieds sur le canapé, genoux repliés sur le côté.

Confortablement installé, Rin hume doucement en réaction aux commentaires de son partenaire. Loin de manifester un quelconque ennui, ces-derniers lui offrent une nouvelle perspective sur le film et lui font découvrir une nouvelle manière de l’apprécier, un nouvel angle, comme s’il le visionnait pour la première fois. L’œil expert de Ruben lui fait remarquer le cadrage, les décors, les costumes, tout un tas de détails que Rin ne fait en général que survoler, toute son attention happée par les dialogues et le jeu des acteurs. « Ah, j’adore cette scène. » pointe-t-il de temps à autre, les yeux grands ouverts et la main qui se serre légèrement autour d’un pli de tissu au niveau de l’abdomen du cinéaste. Il ne doute pas que l’attention de Ruben soit focalisée sur le film, mais il ne voudrait pas qu’un instant d’inattention lui fasse rater un moment clé.

Tandis qu’à l’écran, les deux protagonistes sont en plein milieu d’un duel dramatique entrecoupé de flashbacks reconstituant leur amitié, Rin gigote discrètement pour ajuster sa position. Sa jambe gauche est tout engourdie, ainsi coincée sous celle en acier. Il en profite pour glisser un peu plus bas sur le canapé, posant sa tête contre le torse de Ruben et sa main sur son ventre. « T’as pas chaud avec tout ça ? » qu’il murmure en levant les yeux vers l’intéressé, tapotant les plis du kimono du bout des doigts. « On peut mettre en pause si tu veux enfiler quelque chose de plus confortable, ça me dérange pas. » Le costume a beau être magnifiquement bien porté, Rin ne souhaite pas non plus que Ruben y sacrifie son confort. Un kimono d’une telle qualité n’est pas fait pour rester allongé, après tout. (Quoiqu’il serait pas contre de le lui retirer lui-même… Non. Le film. Ruben a l’air d’aimer et c’est bientôt la fin, ils ne répèteront pas leur « fiasco » Pacific Rim.)  

Il y a une douce chaleur qui court dans ses veines, sereine et veloutée, à peine troublée par les quelques bulles de joie pétillant encore dans son système, vestiges du verre de vin consommé un peu plus tôt dans la soirée. Rin pourrait rester ainsi pendant des heures, un murmure de plaisir au fond de la gorge à chaque fois que Ruben dépose un baiser contre ses cheveux ou frotte le bout de son nez contre son oreille. Il se demande si la sensation est semblable pour Kuro lorsque celui-ci paresse dans un carré de soleil printanier réchauffant le coin de son tapis préféré. L’image le fait sourire. Ruben est son carré de soleil, oui.

« Hmm. Comme tu veux. Yūzuru-san a raison, ce genre de tissu se froisse facilement si on ne fait pas attention. » admet Rin, amusé à l’idée que son partenaire se soit autant pris la tête pour enfiler le vêtement et ses innombrables couches et accessoires. C’est bien son genre, après tout : Ruben a en horreur de faire les choses à moitié et ne néglige jamais ses efforts pour atteindre le niveau de perfection qu’il s’est fixé. Rin ne peut que l’aimer davantage pour cela, même s’il apprécie l’intention encore plus que le résultat, aussi grandiose soit-il. A ses paroles suivantes pourtant, l’ingénieur ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel tandis qu’une petite moue amusée se dessine sur ses lèvres. « Je suis toujours sage. » Même plus défectueux que la moyenne, son radar parvient à relever le sous-entendu et la promesse sous-jacent, faisant courir un léger frisson le long de sa colonne vertébrale. Rin gigote à nouveau pour replacer sa jambe avant de se reporter son attention sur le film. Il joue distraitement avec les doigts de Ruben, les entrelace puis aligne leur mains de la paume à la pointe du majeur comme pour en comparer la taille, puis entrelace leurs doigts à nouveau et serre doucement.

Quelques minutes plus tard, alors que le générique de fin se met à résonner dans le salon, Rin s’étire comme un chat sans lâcher la main de Ruben avant de poser son menton sur son torse pour observer son visage par en-dessous. « Alors ? Qu’est-ce que tu en as pensé ? » Son avis est important, il est curieux de savoir si sa perception du sous-texte – aka la relation entre les deux protagonistes – est la même que lui ou s’il en a fait une autre lecture. « Les couleurs et certains dialogues ont un peu mal vieilli, c’est dommage, mais ça m’a rappelé de bon souvenirs de le revoir. » Avec un bâillement bienheureux, Rin pousse un petit soupir avant de s’arracher avec difficulté à la chaleur agréable du corps de Ruben, se redressant sur ses jambes pour attraper la télécommande et éteindre la télé. Il se tourne ensuite vers le cinéaste et lui tend la main, encore un peu engourdi d’une paresse apaisée. « Chambre ? »

Rin se laisse sagement entraîner à travers la maison à la suite de Ruben, une vibration familière mais encore ténue naissant dans ses cellules. Il ne se prive pas pour admirer son dos en montant les escaliers, particulièrement mis en valeur par la coupe impeccable du kimono – le tissu s’est légèrement froissé aux endroits en contact avec le canapé, c’était inévitable, mais rien d’irrémédiable. Il n’arrive toujours pas à réaliser, d’ailleurs – il faut vraiment qu’il trouve une autre raison ou occasion en guise d’excuse pour que Ruben porte à nouveau cette tenue.

Arrivés dans la chambre, Rin incline la tête de côté avec un air amusé devant le spectacle que lui offre son partenaire, avant que son rire ne soit délicieusement étouffé contre les lèvres de ce dernier. « Avec plaisir. » Les baisers de Ruben sont tendres et débordent d’affection, faisant gonfler le cœur du Japonais à chaque contact, si bien qu’il monte discrètement sur la pointe des pieds pour appuyer le second un peu plus longtemps. De retour à plat (bien à contre-cœur), Rin crochète ses doigts dans les nœuds attachant le hakama au niveau de la taille de Ruben, puis commence à les défaire studieusement. « Il faut faire ça bien, hmm ? » Le regard remonte pour aller chercher celui du cinéaste, à peine taquin – vraiment, ce genre de jeu n’est pas son fort et il les laisse volontiers à Ruben ; il sent déjà le rouge lui chauffer l’arrière de la nuque.

Une fois dénoué, le vêtement est retiré aisément, une jambe après l’autre. Rin prend le temps de le plier en deux puis de le poser sur une chaise, à défaut de pousser l’effort jusqu’à le ranger dans le dressing. « T’es tout chaud. » note-t-il en effleurant du bout du doigt le triangle de peau visible entre les pans du kimono encore attaché à la ceinture. C’est tentateur, vraiment ; il aimerait y poser ses mains, ses lèvres, sa langue, partout, effleurer sa peau comme pour lui exprimer tout ce qu’il n’ose dire avec des mots.

cw : bisous bisous

Il a ce regard, Ruben. Ce fameux regard espiègle et brûlant à la fois qui ne manque jamais de déclencher les frissons sur la peau de Rin et de rosir sa nuque sous son intensité. C’est étourdissant, parfois – souvent, tout le temps. Sortilège délicieux. Addictif. Comment résister ? L’idée ne lui traverse même pas l’esprit, trop heureux de se laisser porter, parfaitement en confiance. Sa main est attrapée et il regarde Ruben embrasser chaque doigt avec un tel degré de révérence que ça lui fait un peu tourner la tête. Cette sensation… Il ne s’y habituera probablement jamais.

Un sourire esquissé et un rire amusé en réponse aux paroles de Ruben. Pendant un instant, Rin est tenté de souligner que pour l’aider à se dévêtir, comme il le dit, il aurait besoin de ses deux mains, mais les mots restent bloqués au fond de sa gorge autant que son souffle lorsque l’homme délaisse ses doigts pour ses lèvres. Y’a une main qui glisse dans son dos, se faufile sous son t-shirt pour caresser sa taille. « Ruben… » Les souffles sont chauds et Rin proteste – un peu, pour la forme – malgré ses commissures qui s’étirent involontairement. Il a toujours autant de mal à accepter les compliments, ce n’est pas naturel – et c’est probablement la raison pour laquelle Ruben se délecte autant de son embarras à chacune de ces occasions. Le rouge s’est déjà installé dans sa nuque et gagne du terrain à chaque nouvel éloge tandis que son partenaire s’aventure le long de sa mâchoire, puis dans son cou. Rin ferme les yeux, lui accorde plus de place en inclinant la tête, se perd dans les sensations. Le frottement de sa barbe, le contour de son nez, l’humidité de sa bouche, la fermeté de son corps tout contre lui. Ça tambourine dans sa poitrine. « Ah… » Lèvre mordue pour réprimer un gémissement alors que Ruben s’attarde sur une zone particulièrement sensible. Terrible, il est terrible… C’est trop et pas assez, il en veut plus, toujours plus, torture merveilleuse. « Tu- ah… me rends pas la chose facile… » souffle Rin autour d’un rire entre deux baisers. Ses mains se sont naturellement installées autour de la nuque du cinéaste et ne glissent de quelques centimètres que pour écarter légèrement les pans du kimonos vers ses épaules et se faire une place contre la peau délicieusement chaude sous l’épais tissu.

cw : nsfw, semi-nudité

Les souffles sont chauds et lourds, le goût subtil du vin sur sa langue et les frissons qui parcourent son épiderme comme un millier de minuscules et délicieuses décharges électriques sous les caresses expertes de Ruben. Rin se perd rapidement dans les sensations, trop conscient de son cœur qui tambourine à présent dans sa poitrine comme s’il anticipait déjà la suite des montagnes russes. La tête lui tourne de la meilleure des manières. L’inspiration se bloque dans sa gorge quand Ruben fait soudain pression de sa cuisse contre son entrejambe, lui faisant prendre conscience de la sensibilité grandissante à l’intérieure de son pantalon. Le gémissement fébrile aussitôt capturé par un baiser du cinéaste tandis que les doigts de Rin se resserrent autour de ses épaules, de sa nuque. Y’a des doigts qui glissent entre les mèches décoiffées à l’arrière de sa tête et agrippent doucement les racines, Rin qui hume son appréciation.

« Huh-huh. » C’est toute l’approbation ce qu’il est capable de formuler, vraiment, avant que son t-shirt ne lui soit retiré. Le frisson est immédiat bien qu’involontaire, bientôt apaisé par la chaleur du contact sur son torse, sur ses flancs, dans son dos. Aucune zone de peau dénudée ne semble épargnée et Rin ne peut s’empêcher de répondre par un mouvement automatique de ses hanches, soupirant de plus belle contre les lèvres de son amant à la pression ainsi accentuée. Il voudrait l’embrasser pendant des heures durant. Il voudrait arrêter le temps. Il voudrait… Ruben, entièrement, maintenant, et demain et le jour d’après. Chacun de ses doigt trace une empreinte brûlante et divine dans son sillage, chaque baiser plus tendre et ferme que le précédent.

Malgré le nuage d’envie qui trouble ses sens, Rin a encore la présence d’esprit de s’accrocher lorsque Ruben le soulève pour le déposer sur le lit, ses cheveux formant un halo sombre autour de son visage lorsque sa tête retombe sur les draps. La perte de contact le chagrine, la chaleur du corps de Ruben lui manque déjà, mais Rin en profite pour calmer sa respiration et reprendre ses marques, sans pour autant quitter son compagnon des yeux. Ce n’est que maintenant qu’il prend conscience de son état, alors que l’embarras d’être ainsi l’objet de l’attention soutenue de Ruben refait monter le rouge à ses oreilles et jusque sur son torse. « Ruben… » Faible protestation tandis qu’il remonte une main dans une vaine tentative pour se couvrir. L’homme est trop loin, et puis le voilà qui retire lui-même son beau kimono. Rin fait la moue, déçu. « J’aurais pu le faire… » Enfin ; la déception est de courte durée. Le regard qui dévore le spectacle du tissu qu’on retire et de la peau qu’on dévoile, les muscles fermes, les courbes et les creux délicatement taillés dans le marbre. Il est beau à s’en damner, Ruben, et Rin est partagé entre la terrible envie de se redresser pour y mettre ses mains ou celle de l’attirer à lui pour l’embrasser à nouveau.

Un compromis est trouvé lorsque l’ingénieur se redresse finalement pour se mettre à genoux – dans une position relativement inconfortable sur le long terme à cause de sa prothèse mais qu’il peut parfaitement endurer pour ce qu’il s’apprête à faire – sur le matelas, ses paumes traçant avec un émerveillement intact les captivants reliefs sous ses yeux. Ses lèvres retrouvent bientôt celles de Ruben tandis que Rin hume son bien-être. Sur le corps du cinéaste, ses mains continuent leur lente exploration, suivent la ligne de son abdomen, survolent son nombril et marquent une pause au niveau de l’élastique de son boxer avant de continuer leur descente par-dessus le fin tissu. « Je peux… ? » Rin murmure dans le creux de son cou, hésitant et brûlant d’embarras malgré l’envie dévorante de voir et d’entendre le plaisir de Ruben croître sous ses doigts.