throwback thursday | marlie

La soirée n’a commencé que depuis quelques heures mais pourtant le Nighthaven Club est déjà bien agité. C’est jeudi soir faut dire, et puis il y a toujours beaucoup de monde dans ce club. J’ai appris rapidement après y avoir été embauché que ce n’est pas n’importe quel club. L’atmosphère semble électrique ce soir, les soirées d’été apportent autre chose encore, je ne sais pas si c’est parce que les corps et les coeurs s’échauffent plus que le reste de l’année, ou bien que les musiques sont plus festives encore, mais il y a quelque chose de particulier. Ou alors c’est juste moi qui me fait des films, c’est pas comme si j’avais testé le même endroit cet hiver. J’étais plus en train de contempler mes choix de vie, l’hiver dernier. Ha. C’est peut être juste à cause du couple à côté du bar en train de se rouler des pelles depuis vingt minutes. Enfin, je dis tout ça comme si ça faisait des années que je travaillais ici mais c’est que mon deuxième mois.

En tout cas, j’aime bien cette ambiance, l’agitation, les gens. Je me sens toujours mieux, entouré de gens, c’est plus mon élément. C’est pas si mal, d’être barman, j’imagine. C’est un boulot temporaire acceptable, j’imagine. Y a quelque chose de satisfaisant à faire des cocktails et servir des shots, et puis voir des gens heureux qui font la fête. Y a aussi tous.tes celleux qui boivent pour oublier, celleux-là, iels me donnent mal au cœur, mais c’est pas comme si je pouvais faire le bureau des cœurs brisés tous les soirs (Y a une semaine, y a un mec qui a fini en pleurs dans mes bras et qui a fini par me vomir dessus. Je recommande pas l’expérience).

Mon collègue Sam passe derrière le comptoir et m’apostrophe. “Charlie! can you bring a bottle of roederer cristal 2013 to table 2 in the vip area yeah? Someone asked to see this special new dancer people talk about so… plus I need to give a phone call please thank youuuu” Je décoche un sourire, fais un signe aussitôt, terminant ma ligne de shots pour le prochain client au comptoir. “your brother again?! you should tell him to back off” Devant son regard, je capitule aussitôt. “yeah sure coming right up!” “be careful it’s not the first time they come here, they can be fucking annoying” il me lance à l’oreille et je hoche la tête. ça va, j’ai l’habitude des caprices de star. Enfin, Sam le sait pas trop, ça. “Don’t worry i can handle it”

Je termine d’encaisser le client et laisse Jess gérer le reste pour le moment, m’occupe de préparer la bouteille avec le seau, l’eau et les glaçons et puis les verres même s’il arrive souvent que les clients soient déjà trop saouls pour s’encombrer de ces formalités. Parfois ils achètent du champagne juste pour en foutre partout.

Avec dextérité, je ramène le tout vers le coin des vips, monte les quelques marches et me dirige directement vers la table en question, me presse un peu aussi parce qu’il y a du monde et du travail ce soir. “Hi ladies and gents and everything in between, your roederer cristal 2013” J’annonce en déposant mon chargement sur la table basse, prend la bouteille pour la déboucher - c’est à ce moment seulement que mon regard aperçoit enfin toutes les personnes autour de la petite table. Je me fige soudainement, sans doute un peu stupidement, avec la bouteille dans les mains. “Marcus?” Je demande, alors que je sais très bien que c’est lui, mais le voir ici me fait un choc. J’avais pas vraiment prévu ça.

« And then she looked in the mirror and let out the loudest shriek I’ve ever heard. Her hair was ruined, I tell you ! They had to emergency call her stunt double to do the scene – which honestly, I wouldn’t be surprised if she was the one who switched the hair products in the first place… » Marcus glousse joyeusement autour de sa paille, totalement investi dans l’histoire. Luke a un talent d’orateur indubitable, sa voix suffisamment porteuse pour couvrir le son des enceintes poussées à plein volume à l’intérieur du club, et rencontre aisément son public installé en arc de cercle autour de la petite table : acteur.ice.s, mannequins, idoles comme lui – une poignée de jeunes ambitieux aux poches bien remplies et aux sourires éclatants. Marcus est un habitué de ce genre de soirées : moins mondaines que celles organisées par Icarus mais tout aussi importantes pour son image, bien que la compagnie laisse souvent à désirer. Celle-ci était attendue avec impatience en revanche : entre les enregistrements avec Heather, son problème de stalker et les élections d’Icarus, trouver le temps pour une soirée de pure détente s’est révélé quasiment impossible ces-derniers mois. Alors il profite, parfaitement à l’aise dans l’ambiance bourdonnante du night-club malgré le volume sonore grâce aux oreillettes anti-bruit invisibles que lui a dégoté Dak-Ho. Révolutionnaire, ces trucs-là.

Le lémur sirote distraitement son mocktail, affalé contre le dossier, tandis que la discussion évolue et s’attarde sur la rumeur d’un nouvel employé du Nighthaven qui offrirait un numéro de danse aux clients les plus généreux. « All that talk won’t get you anywhere if you don’t take your wallet out now and see for yourselves… » nargue Marcus, jamais le dernier lorsqu’il s’agit de pousser au vice. Et comme il s’y attendait, il n’en faut pas plus pour que Luke fasse signe au premier serveur venu pour passer commande.

« Aaaah finally ! You almost had us waiting, I’m parched ! Are you the new dancer ? » La question lui fait tourner la tête, intéressé, lorsque leur champagne arrive enfin, quelques minutes plus tard… et ses yeux s’ouvrent grands comme des soucoupes en croisant ceux du fameux danseur. No way. « Char- » Il s’interrompt, jette un regard à droite et à gauche. « Wait a sec. » Sans réfléchir plus longtemps, Marcus se redresse sur ses pieds et se met à escalader le canapé par-dessus les deux personnes assises à sa gauche, ne veillant que par réflexe à n’en éborgner aucune avec le bout pointue de sa queue dans la précipitation. « Oi Marcus, where’re you going ? Come back !  » « Don’t mind me, go back to whatever you were doing. I’ll be back… or not, depends. » Y’a un concert de protestations que l’intéressé ignore aisément, son esprit déjà entièrement focalisé sur son ami d’enfance apparu de nulle part. Il ne perd d’ailleurs pas une seconde pour lui retirer le sceau des mains, poser ce-dernier sur la table, et le saisir par le bras avant de l’entraîner plus loin. Dans sa périphérie, il capte un mouvement lui signalant que Ludvig s’est légèrement déplacé de sa position contre le mur pour le garder à l’œil sans pour autant le suivre. Vigilant, comme toujours, mais inutile en l’occurrence. Marcus apprécie néanmoins sa discrétion.

Y’a un grand sourire qui illumine ses traits mouchetées tandis qu’ils s’éloignent du groupe et vers le bar, et puis ses sourcils qui se haussent lorsqu’il réalise soudain. « Dude when the hell did you get so ripped !? What did they feed you in Korea ? » qu’il lâche de but-en-blanc, sincèrement émerveillé par la fermeté des muscles sous ses doigts – à tel point que sa deuxième main vient automatiquement rejoindre la première pour tripoter jusqu’à l’épaule de Charlie tout aussi dénudée. Fascinant, mieux que des balles anti-stress. Marcus secoue la tête – on se concentre – et récupère sa seconde mimine. « Forget that : what are you doing here ?! Since when are you in New Blossom ? Why didn’t you tell me ?! Man, it’s been so long !! »

Je le regarde, complètement sous le choc. Je ne m’attendais pas à le voir ici. Je n’avais pas prévu, dans ma nouvelle vie, de le recroiser. Pourtant, de nous deux, c’est lui qui devrait être le plus surpris. Marcus, il sait pas que je suis de retour au pays. Je lui ai rien dit. Mon regard est complètement obnubilé par mon ami d’enfance (le meilleur, vraiment, celui qui comptait le plus), là devant moi. Il a changé, forcément, moi aussi j’ai changé - mais malgré tout il a les mêmes traits sur le visage que je peux lire aisément comme à l’époque. Marcus, qui semble prendre en main la situation bien plus rapidement que moi, abandonnant aussitôt toute sa compagnie et m’entraînant plus loin malgré les vives protestations des autres invités de marque à la table vip. “Marcus - the bott-” Je proteste aussi mais faiblement et je me tais aussitôt, après tout clairement pas contre ce qui est en train de se passer - de toute façon faut bien donner de l’attention aux vip qui le demandent, non?

Marcus commence la discussion et j’sors un peu de mon état de stupeur, me met à rire soudainement à ses propos si spontanés, aussitôt lui lance un clin d'œil amusé. “Discipline, eating healthy and going to the gym will do that to you” J’le laisse toucher, pas peu fier, flatté et aucunement offensé - on parle de Marcus, ça me dérange pas. Et puis c’est pas comme si les gens ne se gênaient ici déjà de base. C’est un mode de vie, vraiment, et j’suis content de l’avoir. J’l’ai abandonné pendant quelques mois, avant de revenir ici. Plus jamais. J’étais vraiment dans un sale état. Le sport, c’est mon exutoire. J’peux pas m’en passer. J’ai peur, surtout, de ce que je serai sans. J’ris un peu à son regard si fasciné, j’suis dans un état d’euphorie étrange, y a quelque chose, de retrouver Marcus, quelqu’un que j’connais, quelqu’un qui a été proche, dans un monde auquel j’ai encore du mal à me raccrocher. Il commence à poser les questions qui fâchent mais j’me laisse pas démonter, tâche de ne pas laisser d’ombre au tableau alors que je viens de le retrouver, c’est difficile de pas rendre les choses un peu awkward pourtant. “Ah you know, gotta work yeah! Only temporarily though, I’ve got big plans” J’explique rapidement. “I’ve been here for a few months!” presque huit, mais on ne va pas entrer dans les détails non plus, et ma main dans ma nuque doit trahir mon inconfort. J’essaie de ne pas me défaire pourtant : Marcus, il a tout suivi. Marcus il sait tout, enfin j’crois, on a pas vraiment parlé, mais il m’a envoyé plusieurs messages. Et ça me met dans une position vulnérable que j’ai du mal à complètement assumer, mais je me laisse pas démonter. La situation me dépasse toujours un peu, j’ai du mal à croire que j’ai vraiment Marcus en face de moi. Après 10 ans. C’est long, dix ans. Dix années, et un bon nombre d’entre elles où on n’a plus vraiment parlé. “I know! 10 years, look at you! All grown up!” J’le taquine un peu, attrape un pan de sa chemise pour l’observer un peu. Il y a quelques changements notables avec sa mutation, et même si je les avais déjà remarqués avec les réseaux, c’est quelque chose de les voir en vrai. “Come here!” Je l’entraine dans mes bras, et puis j’le serre fort. Ptet que j’traine, juste un peu. Ptet que j’le serre un peu trop fort, ptet que j’compense un besoin d’tendresse que j’ai pas reçu depuis des mois. ça me tort le ventre, j’me retrouve submergé par une émotion douloureuse difficile à porter. Ptet, personne a besoin d’le savoir, et puis j’le lâche finalement et me racle un peu la gorge, soudainement un peu embarrassé, mais j’reprends rapidement. “I can’t believe you’re actually here” J’ris un peu. J’ai pas répondu, à sa dernière question. La vérité, c’est que j’voyais pas comment lui dire. Ou imposer ma présence dans sa vie bien chargée. “What about you?! What news?! I’m still waiting for your future rap masterpieces!” J’le taquine un peu. J’ai jamais lâché ce rêve dans mon coeur - le sien, aussi - pour lui.

« That’s too many words that I hate, I’m afraid. » grimace Marcus, faussement contrit, lorsque Charlie lui dévoile les secrets derrière son nouveau corps d’athlète. La dernière fois qu’ils se sont vus, avant le départ du danseur pour la Corée du Sud, ils étaient probablement aussi maigrichons l’un que l’autre et maintenant dix ans ont passé et le tour de bras de Charlie est à peu près aussi épais que la cuisse de Marcus. Loin de se sentir vexé par la chose, le lémur glousse de bonheur, réalisant à peine que son ami d’enfance se trouve en chair et en os devant ses yeux – dans un endroit pareil, en plus. Il a une demi-seconde de confusion, sourcils froncés, quand Charlie lui explique travailler (??) au Nighthaven et pas seulement être de passage à offrir des bouteilles de champagne à tout le monde pour son bon plaisir. Quelle idée, vraiment. « I’m sorry : a few months !? How did that happen !! » Mettez la faute sur le coup de la surprise et de l’euphorie du moment : le filtre est aux abonnés absents et Marcus ne songe à aucun moment que cette situation puisse être inconfortable pour Charlie, bien plus préoccupé par le fait que celui-ci est de retour à New Blossom depuis plusieurs mois dans l’anonymat le plus total. Scandaleux.

Les questions additionnelles se bousculent dans son esprit, à commencer par pourquoi je suis pas au courant suivie de près par qu’est-ce que tu fous à servir des cocktails alors que tu vaux bien mieux que ça, mais l’ex-idole reprend la parole avant que la première ne franchisse la barrière de ses lèvres. « I don’t know about grown… Oh ! » Y’a un instant de pur réflexe pendant lequel le corps de Marcus se fige de la tête aux pieds, si peu habitué à ce que ce soit les autres qui initient le contact physique, et puis chacun des muscules qui se détend soudain dans les bras de Charlie. Ses yeux qui se ferment, le menton posé dans le creux entre son cou et son épaule. La pression sur ses os est bienvenue, la chaleur aussi. Y’a quelque chose qui s’apaise sous son épiderme alors que l’étreinte se prolonge, un grondement permanent qui devient ronronnement. Il sent bon, Charlie. Les mêmes effluves qu’à l’époque sous une légère couche d’eau de Cologne. Quand ils se séparent, le lémur cligne rapidement des yeux et toussote pour se donner une contenance – et masquer l’humidité qui vient d’apparaître dans son champ de vision. « Yeah, hum… yeah. » De l’eau a coulé sous les ponts depuis dix ans. Ils ont bien changé les gamins qui jouaient à la GameBoy en cachette et s’amusaient à reproduire les chorées de 2NE1 dans le salon de leurs parents.

« I live here, funnily enough. » Contrairement à Charlie qui a dû traverser le globe pour sa carrière, lui ne s’est déplacé que d’une trentaine de kilomètres depuis Newark. Mais ce n’est pas un secret et le sarcasme n’a rien de mordant. Aussi, quand Charlie lui retourne la politesse, Marcus balaye la question d’un vague geste du poignet, comme si ses propres projets ne méritaient pas autant d’attention. Ce n’est pas lui qui cache des infos aussi importantes qu’un emménagement, après tout. « Ah well, same old, same old. Campaigns, interviews, livestreams… yada yada, y’know the drill. It’s pretty hectic these days, not gonna lie ; which is why I couldn’t come here and see you earlier ! » Hop là, technique de la loutre pour refocus la conversation sur ce qui l’intéresse réellement (soyez impressionnés svp). Tout sourire, Marcus balance un bras autour des épaules de Charlie et vient pointer l’index de son autre main sur la joue du danseur, là où il sait qu’une fossette se cache. Maintenant qu’il l’a retrouvé, il a bien l’intention de ne plus le lâcher.

Alors qu’il s’amuse à taquiner son ami, le regard du lémur accroche celui d’un employé du bar qui les regarde de loin avec les bras croisés, la mine suspicieuse. « Hmm I think one of your little barman friends is looking at you over there… doesn’t seem very happy. » glisse Marcus sans pour autant retirer son bras. Ses lèvres se plissent en une moue pensive. Ce serait embêtant de laisser Charlie reprendre son service alors qu’ils ont encore tellement à se raconter. « You can’t just… stop working, can you ? » Autant poser la question, même s’il se doute de la réponse.

Je ris un peu. Je le reconnais bien là, déjà à l’époque Marcus était loin d’apprécier les cours de sport. “Ha that’s fine, you’re beautiful just the way you are” J’lui ébouriffe les cheveux, une réminiscence d’un geste passé que je faisais souvent. ça l’emmerdait toujours. Moi, ça me faisait rire, et je le trouvais cute. “As long as you eat enough!” Je rajoute, m’exclame. J’fais attention aux gens autour de moi pour ça. J’ai vu trop de gens qui se nourrissent mal, ou pas assez, dans mon entourage ces dernières années.
Moi, j’suis vraiment heureux de retrouver Marcus, mais il y a une part de gêne, importante, qui arrive, qui me submerge un peu. Il est facile de prétendre être quelqu’un d’autre avec des gens qui ne vous connaissent pas, mais c’est bien moins le cas avec celleux qui savent qui vous êtes et ce que vous avez traversé. La réaction de Marcus, pourtant, me fait réaliser qu’il est sans doute loin de se douter de l’ampleur de la chose. Et c’est tant mieux, vraiment. Je peine à savoir comment répondre exactement à cette question. “Oh you know, a lot going on! It was time to say goodbye to Korea and explore something else” J’affiche un immense sourire. Un peu trop, peut être. Il est plus facile de présenter les choses ainsi que d’expliquer que ce n’était pas un choix - mais de la survie. J’ai jamais voulu faire dans le dramatique, alors.

Je détourne l’attention sur lui, aussi, et le calin traine un peu trop. Jcomprends que lorsque je lâche que j’étais pas le seul à en avoir besoin. Je dis rien, à ce qui brille dans ses yeux, respecte sa pudeur et lui sourit, simplement, heureux de le retrouver; et de retrouver le Marcus que j’ai quitté y a dix ans. Y a peut être beaucoup de nouvelles couches, mais je le vois bien là, au fond de ses yeux : qu’il est toujours là. Je l’écoute parler. Y a une culpabilité qui m’envahit, parce qu’à ses mots, au lieu de me réjouir directement pour lui, je reconnais d’abord quelqu’un que je ne suis plus, et la sensation me pèse là, à l’intérieur. Mais j’suis heureux pour lui, vraiment. Même si jpense qu’il mérite encore plus. “Haha yeah tell me about it!” Je m’exclame, et puis fait un signe de la main. “Well you know it’s only my second month here so it’s not been that long!” J’ai fait mon petit effet, déjà, et j’en suis fier - si on peut être fier d’être le phénomène d’un club comme celui-ci. J’ai rien contre, hein, mais en terme d’audience ça a drastiquement diminué et j’ai plus l’impression de toucher le fond qu’autre chose. Enfin, soyons pas négatif. ça va mieux que y a huit mois, déjà.

Et puis, j’peux pas m’empêcher de sourire, un vrai, un de bonheur, quand Marcus passe son bras autour de mes épaules et vient pointer son index sur ma joue. Je ferme les yeux, les plisse un peu peu sous mon sourire. J’glisse un bras autour de sa taille, le serre un instant.

Et puis une grimace alors que je m’éloigne un peu quand il mentionne mon collègue. ça me rappelle que oui, je dois travailler. ça me rappelle que ma place ici n’est pas à la place des vips mais derrière le bar. J’fais un signe de main rapide à Sam. “Well you can talk, your giant bodyguard built like a tank isn’t discreet over there” J’fais un signe de tête. “does he know i’m a not a creep? i’m a bit scared for my life here Marzie” Le surnom utilisé il y a des années se retrouve facilement. Et puis, à sa question, j’me dis que j’aimerais bien, juste tout arrêter et passer le reste de la soirée avec lui, mais les choses fonctionnent plus trop comme ça maintenant. “Not really” J’finis par dire, avec honnêteté. Parfois, il vaut mieux ne pas mentir. “I kind of need the money” J’sais pas s’il sait, Marcus. Qu’ils m’ont tout pris. “But! We can talk after my shift? Your crew over there will be jealous I stole you from them” je fais, dramatique, parce que tout le monde sait que Marcus is the life of the party. D’un autre côté, j’ai pas trop envie d’le quitter. J’grimace un peu. “Or you can come with me and stay at the counter, i’ll be busy but we can talk a bit and you can tell me everything you’re up to!” J’lui fais un clin d’oeil. “I’m the king of the cocktails now, so it’ll be on me” Ouai, parce que c’est raisonnable de payer des cocktails hors de pris quand on galère déjà - mais bon, y a des priorités. Marcus, c’est une priorité.

Y’a un instant de flottement bizarre, à peine une demi-seconde, auquel Marcus n’aurait jamais prêté attention si son interlocuteur était n’importe qui d’autre que Charlie. Quand ce-dernier s’enthousiasme et semble compatir à l’emploi du temps chargé du lémur, et puis… ah, juste là. Le sourire qui se fige et ne remonte pas jusqu’à ses yeux pourtant d’habitude si expressifs. Ça le prend de court, Marcus, de remarquer ces choses-là et de les trouver étranges sur le visage de son ami, comme si elles n’y avaient pas leur place. Les choses ont changé depuis dix ans, qu’il se répète. Charlie n’est plus le même, et lui non plus. Peut-être aurait-il dû prendre ça en considération avant de le noyer sous ses questions et son manque de tact. Réfléchir avant de parler, surtout avec Charlie, ça ne lui plaît pas. Il n’a jamais eu besoin de filtre avec lui. Seulement, la réalité le frappe pour la première fois depuis leurs retrouvailles – non, depuis des mois, depuis le scandale de la sextape auquel il n’a assisté que de loin : leur carrière a beau être similaire, les chemins empruntés ne pourraient être plus différents et leurs bagages respectifs ne peuvent être ignorés.

Ils ont des choses à se dire, oui. Des tas.

Aussi, la perspective de devoir laisser l’ex-idole reprendre son travail n’enchante guère le lémur, d’autant que son collègue derrière le bar a l’air aussi aimable que Ludvig en pleine cocktail party. D’ailleurs, en parlant du loup… « Nah don’t mind him. » glousse Marcus en suivant du regard la direction indiquée. L’intéressé n’a pas bougé d’un pouce, bras croisés et les yeux rivés sur eux avant de les détourner rapidement vers le reste de la salle quand il croise ceux du blondinet, comme un gamin pris la main dans le pot à cookies. Plutôt que de s’agacer de se sentir constamment surveillé (il a l’habitude, depuis l’temps), Marcus esquisse un sourire amusé, se demandant ce qu’il peut bien se passer dans la tête du garde-du-corps et ce qu’il s’imagine à propos de Charlie. « He’s alright, just wary of new faces. Nothing personal. »

Sans grande surprise, Charlie ne peut pas planter son taf pour continuer à lui faire la causette – rude – mais la raison à ça fait s’incliner la tête de l’idole, l’air sincèrement confus. In extremis, il réprime le réflexe de lui demander (très naïvement) pourquoi il aurait besoin d’argent au point d’être réduit à faire des cocktails dans un nightclub alors que Marcus pourrait aisément le loger et lui donner de quoi se remettre sur pieds. Il l’admet, la question serait probablement mal passée. « Yeah, my absence is sure gonna make a toll on their vibes… » qu’il se contente de soupirer, faussement compatissant du pauvre sort de son groupe. Ils vont s’emmerder sans lui, c’est certain. Et puis un clin d’œil espiègle avant de finir de rassurer Charlie. « They’ll do just fine without me, I’m sure. Let me come with ya ! » Il ne lui laisse pas trop le choix, en fait, quand Marcus lui attrape le bras pour l’entraîner en direction du bar, sa queue pointue remuant fièrement derrière son dos.

« That’s gonna sound so stupid but I’ve never sat at the bar before. This is fancy ! I feel tall ! » Les pieds qui se balancent sous le haut tabouret avant de se croiser sagement au-dessus de la barre, le regard qui scanne avec intérêt les dizaines de bouteilles colorées disposées sur les étagères installées jusqu’au plafond, les doigts qui pianotent avec impatience sur le revêtement en bois vernis. Ça change des carrés VIP, il a un peu l’impression d’être dans un film. « Alright King of Cocktails, what do ya recommend ? I like sweet stuff, the sweeter the better, and… ah, no alcohol. » informe Marcus à l’attention de Charlie une fois celui-ci repassé de l’autre côté du comptoir.

Je considère son garde du corps un instant, de l’autre coté de la salle, toujours en train de me dévisager comme si j’allais mettre Marcus à terre dans les prochaines secondes. Il voit bien qu’on est amis pourtant non? Y a des gens, faut vraiment qu’ils se détendent. Autant de stress pour rien, c’est pas bon sérieux. Il va finir avec des cheveux blancs l’année prochaine lui si ça continue comme ça. Enfin, j’imagine que c’est son job. J’me rappelle de Kwang et Du-ho - ils rigolaient pas du tout. Kwang, j’l’aimais vraiment beaucoup, vraiment, il m’connaissait bien que les trois quart des gens à la fin, jcrois. J’crois qu’il a presque pleuré quand il a fallu que j’parte, il m’a ramené à un hôtel et il m’a dit des trucs, c’était - bref, il me manque beaucoup. C’était un chic type, Kwang. Il m’a jamais jugé. Je hume. “Alright, as long as he’s good!” J’espère que l’autre armoire à glace qui fait deux fois ma taille, il est un peu comme Kwang, avec Marcus. Marcus, il mérite bien quelqu’un comme ça. En plus, un garde du coup on se le coltine h24 dans ce milieu, pas bien s’entendre avec eux c’est vraiment pas un cadeau.

J’ai franchement honte de moi, de reconnaître que y a une part au fond de moi qui attend qu’une chose, c’est que Marcus reste avec moi ce soir, plutôt que de rejoindre ses potes qui ont clairement pas foiré leur carrière comme moi. Tout autant que l’autre partie de moi, qui voudrait qu’il m’oublie, parce que j’sais pas si j’suis capable de tenir toute une conversation sans que ça m’atteigne - j’ai pas envie, aussi, qu’Marcus ait honte ou j’sais pas. Mais au final, après tout ça, Marcus reste cet ami d’enfance, le plus cher à mon cœur, et tous mes autres états d’âme, franchement, c’est rien du tout. J’ai de la chance de l’avoir retrouvé. J’ai de la chance d’avoir Marcus dans ma vie, qu’importe la façon. J’ris un peu et puis le laisse m’entraîner dans son sillage, le coeur gonflé, jusqu’au bar - heureusement il reste une place libre sur le côté, où il s’installe pendant que j’fais un signe contrit à Sam et que je prends déjà une commande d’un gars qui a déjà un peu trop bu. Je jette un coup d’oeil à Marcus, écoutant sa demande tout en m’occupant du shot de l’autre client avec aisance, et affiche un sourire un peu mystérieux - alors que j’vais juste faire un mocktail on s’entend, mais il faut cultiver son génie. “I think i got just what you need .. - 9 dollars please” J’annonce en même temps à l’homme et récupère l’argent avec un rapide remerciement alors qu’il est déjà reparti aussi sec, j’range l’argent et puis me retourne vers Marcus, m’affaire à faire le meilleur virgin strawberry margarita de ma soirée - à vrai dire, le seul, y a peu de gens qui ne boivent pas ici, et surtout ils ont tendance à prendre juste des softs, pas des mocktails. Pendant ce temps, j’demande déjà la commande de deux autres personnes, ça commence à se bousculer un peu, j’fais un clin d’oeil ou eux quand on me demande si je danse ce soir, et termine mon mocktail en même temps. “So, hectic yeah? Good hectic or bad ?” J’connais les deux, honnêtement, quand t’as envie d’tout faire et qu’en même temps tu pourrais t’écraser tellement t’es crevé, parfois le bon crevé, mais parfois c’est juste aussi trop de personnes qui viennent te foutre la pression et d’te forcer à faire plein de trucs. J’me rends compte, en fait, que j’ai tant de choses à lui demander et en même temps j’sais pas vraiment quoi. Marcus c’est une familiarité que j’oublierai jamais, et en même temps y a quelque chose de nouveau, dix ans ont passé et ça laisse forcément des traces. “Any new stuff coming?” J’l’ui fais un clin d’oeil, termine le mocktail et fait une légère révérence en la plaçant devant lui. “Et voilà!” Je m’exclame avec un sourire, et avant qu’il puisse en placer une, j’fais un signe de la main. “ha, it’s on the house!” j’sors le seul billet qu’j’ai en poche et paye pour lui. “We got to treat our vips” J’le taquine, un peu.

Perché sur son haut tabouret, Marcus suit les allers-retours de son ami d’enfance derrière le bar d’un regard félin. Il a l’air si naturel dans son rôle de barman, offrant volontiers sourires et clins d’œil charmeurs à ses clients, et assuré dans ses gestes lorsqu’il manipule les différent verres et ustensiles avec une agilité insoupçonnée. Il semble bien loin le Charlie incapable de faire deux choses à la fois et qui s’emmêlait régulièrement les pinceaux quand Marcus s’amusait à le distraire exprès de sa tâche. Le métier d’idole doit y être pour beaucoup dans ce changement, il suppose. Ça lui va bien, même si Marcus ne peut s’empêcher de penser que Charlie mérite mieux que servir des cocktails à quinze dollars pour des types déjà à moitié ronds comme des culs de bouteilles.

La tête remue doucement au rythme de la musique électro crachée par les enceintes et rendue tout-à-fait supportable grâce aux confortables oreillettes anti-bruit glissées près de ses tympans en début de soirée. Le lémur n’a aucune gêne à demander du sans alcool au moment de passer commande et encore moins à réclamer une boisson ultra sucrée pour satisfaire ses papilles d’enfant de six ans (à peine exagéré). « Surprise me then. » approuve Marcus en inclinant légèrement le menton pour le poser dans la paume de sa main, coude sur le comptoir. Y’a l’autre client qui tend un billet à Charlie, deux autres qui jouent des coudes pour demander quand sera le prochain numéro de danse de l’ex-idole et les lèvres de Marcus qui s’étirent en un sourire amusé devant leur enthousiasme. « That’s quite the fans you got there, huh ? You’re planning a little show for them later ? » qu’il commente, espiègle, lorsque son ami se trouve à nouveau à portée de voix de son côté du bar.

« Good ? I mean, I wouldn’t say no to a few more hours of sleep here and there but I manage. I hate doing nothing anyway so I’m perfectly fine to be kept busy. Means business’ doing well. » Il y a une part de vérité là-dedans : Marcus est incapable de rester sans rien faire pendant trop longtemps, il a besoin de bouger et que son esprit soit stimulé constamment. Icarus l’a bien compris et en profite largement mais le lémur ne s’est jamais sérieusement plaint de son emploi du temps parfois trop chargé. Parce que c’est mieux que l’inverse ; parce que d’un côté, c’est rassurant de toujours être en mouvement. Il a encore tellement à faire, tellement à accomplir. C’est pas le moment de freiner. D’ailleurs à ce propos… « Yeah actually, I have a song coming out in like… a week ? Damn that’s soon… Anyway yeah, it’s something I did with UTA, I don’t know if you know her, but- » Un haussement d’épaules. Ce n’est clairement pas la chanson du siècle ni même le genre de musique qu’il aime écouter, mais le résultat aurait pu être bien pire considérant les circonstances. « We’re adjusting the last tidbits in the studio and then we’ll perform it live in the MetaWorld, choreo and all. » Rien d’aussi poussé que ce que Charlie a pu produire de son temps chez RWAR, Marcus n’en doute pas (et clairement il n’aurait jamais eu la patience ni le cardio pour de telles chorées).

Le lémur ouvre de grands yeux et se redresse sur son siège lorsque son mocktail est glissé sous son nez, mais Charlie le coupe avant même qu’il ne puisse dire quoi que ce soit. Sa petite moue vexée de s’être fait interrompre dans son élan s’efface cependant rapidement pour prendre un air flatté. « Well thank you then ! I’ll make sure to leave a nice tip just for you. » glisse-t-il en attrapant la paille du bout des lèvres, une lueur facétieuse dans ses yeux de chat. « Anyway, enough talking about work ! I want the gossips. D’you find a hot American boyfriend yet ? » Il mérite, franchement, après l’enfer qu’il a subi à cause de l’autre connard en Corée – non pas qu’il n’y en existe pas du même acabit de ce côté du Pacifique. Mais ça lui changerait les idées, à Charlie.

J’éclate de rire. “Looks like it” Je fais humblement. “I dance sometimes at the end of the night” Presque tout le temps; maintenant, parce que mon bosse demande, ça fait venir de la clientèle, il paraît. J’suis pas payé mieux, on m’a déjà dit de réclamer, mais honnêtement ça me donne juste un moment où jpeux danser. Parfois, ça me fait du bien. Souvent, ça me déprime.

Je souris et j’acquiesce à ses mots, ils me parlent directement. Je comprends que trop bien cette urgence de tout faire, tout accomplir tant que tout va bien, et que dès que le rythme ralentit, les craintes qui viennent se loger là à l’intérieur et te faire douter, et te pousser à en faire encore. J’crois que je comprends encore mieux, maintenant. J’ai jamais vraiment traîné les pieds quand j’étais au sommet, j’étais pris dans l’engrenage, j’étais heureux et j’avais de l’ambition. Mais c’est déjà arrivé, bien sûr, que de temps à autre, j’ai eu une envie de freiner un peu, de temps à autre, une frustration, une colère des pressions. Maintenant, y repenser ça m’fout dans une sale humeur. J’aurais jamais dû avoir la moindre de ses pensées. J’réalisais pas la chance que j’avais, et maintenant c’est trop tard.

J’oublie mes propres préoccupations de loser pour relever mon regard brillant vers mon ami quand il fait référence à cette chanson qui sort bientôt. “Really in a week! Wow yeah I heard about it quickly online, I didn’t realize it was so soon” Marcus, il est né pour fait ça, moi je suis certain qu’un jour ça sera un artiste reconnu en plus de son statut d’idole d’icarus. J’y crois, j’y ai toujours cru. Il a un truc et tout le monde le voit. “I really can’t wait to listen. I don’t know this UTA girl, but I know you, and I know you’re going to smash it” J’lui souris pleinement, heureux pour lui, vraiment.

Je place son mocktail devant lui et rit légèrement à sa réponse, lui adresse un clin d’oeil pour toute réponse avant de prendre la commande d’une nouvelle cliente qui semble avoir pour idée d’avoir mon numéro ce soir (c’est pas la première fois qu’elle revient) et moi au lieu de lui faire comprendre que y a aucune chance, je me complais dans un rôle que j’ai tenu pendant beaucoup trop d’années.

Mais y a la question de Marcus, elle qui le regarde complètement interloquée quand elle comprend qu’il me parle, la rougeur brutale sur ses joues quand elle réalise qu’il s’agit de Leemur, et puis ses bafouilles et sa fuite, quelques secondes plus tard (comme si la bisexualité existait pas non plus aussi, vous noterez). Je ris un peu et puis regarde Marcus. “No, but I wish” Je termine de remplir une pinte de bière. “I’m in love” J’explique le plus simplement du monde, parce que j’ai toujours été proche de mes émotions, et que j’ai prétendu le contraire pendant trop longtemps pour pas être authentique à ce sujet maintenant. “The name’s Link and he’s my roommate. It’s like a freaking movie, I’m telling you. d’ya know he was a fan of RWAR and I appeared at his door looking for a place to rent?” J’ris, quand je repense à sa tête, à l’époque. “Anyway, he’s perfect for me but he thinks he’s too old for me” Je roule des yeux. “Bullshit but yeah. nothing happened” Il est facile de parler avec Marcus, a l’époque, j’lui racontais tout.

Je fais payer le client, prend une nouvelle commande, me rapproche de Marcus, encore. Je l’observe, un instant, y a un sourire qui se loge là, sur mes lèvres, je ris un peu pour moi même et secoue la tête. Jrepense au fait que Marcus, c’était mon premier crush, avant même que jcomprenne vraiment cette partie de moi. "And did someone made the fiery leemur cave in?" J'lui fais un clin d'oeil.

Y’a le nez qui se fronce et un geste nonchalant du poignet en réaction à l’enthousiasme de Charlie pour sa musique. C’est pourtant pas son genre de rechigner à prendre les compliments, à Marcus, mais quand il s’agit de la musique, c’est différent : il se sent pas encore légitime, c’est un sujet trop sérieux par rapport à l’effort et le temps qu’il y consacre et il sait qu’il peut faire mieux, bien mieux que toxic boy. Le son est loin d’être merdique (quoique, il entend déjà les critiques des élitistes et la plupart seraient probablement justifiées), mais ce n’est pas le genre d’art qui le représente vraiment. « It’s not really… well it’s work. People will like it or hate it, they’ll talk about it for a month and then it’ll disappear into the void. » Marcus hausse les épaules avant d’adoucir son cynisme d’un clin d’œil espiègle. Il s’en fout un peut que toxic boy ne reste pas dans les annales. S’il peut éviter un bad buzz ou de se mettre l’entièreté des Utafanas à dos, ça lui suffira amplement.

L’idole suit l’échange de loin entre Charlie et sa cliente, sirotant bruyamment et d’un air innocent sa boisson fruitée quand cette-dernière le dévisage soudain avec des yeux de merlan frit avant de prendre la fuite en bafouillant. People are gay, Samantha. L’amusement passé, y’a une brève inquiétude à l’idée de ne pas avoir été assez prudent ou délicat vis-à-vis de Charlie – dont le coming out forcé reste relativement récent, tout de même – mais le rire du barman suffit à le rassurer… et la suite finit de le convaincre. Dans son dos, sa longue queue pointue esquisse un grand mouvement de droite à gauche et Marcus doit se contenir pour l’immobiliser et ne pas éborgner quelqu’un. « Oooh big words !! Mah boy’s in luuuuuv ! » roucoule-t-il en joignant ses deux mains sous son menton. « He’s a fan ?? Damn do you think he has posters of you in his room ? PHOTOCARDS ?? That’d be hi-la-rious. » Ou complètement tordu et alarmant selon la tronche du type en question, mais ça, Marcus se garde de l’ajouter. En ce qui le concerne, ses fans sont adorablement timbrés et certes c’est comme ça qu’il les aime, mais ça ne lui viendrait pas à l’idée de fricoter avec autrement que pour du fanservice. Dans le cas de Charlie, il avoue que la situation peut être très drôle. « How old are we talking ? 30 ? 40 ? More ? I mean we’re venturing into creepy territory for sure but eh, I’m not kinkshaming. Age is only a number when you’re both consenting adults. More importantly : is he hot ? » Parce que n’est-ce pas ce qui nous intéresse, finalement. « What’s his Argo ? » Le téléphone est déjà dégainé de nulle part quand les dernières paroles de Charlie sont prononcées, et Marcus fait la moue. « Booo. Nothing ? Man, if he’s not falling at your feet every time you walk around the house without a shirt on he’s not worth it. Or he’s blind. Or both ! »

La paille délicatement tenue au bord des lèvres, le lémur relève le nez de son écran quand son ami lui retourne la question sur sa vie sentimentale. Ça le fait souffler du nez. « Nah, I’m too hot to handle. » Une épaule qui se hausse et un sourire amusé, fier de son mot d’esprit. Il serait pas contre l’idée, en soi. Il voit bien avec MinHo ou Dak-Ho, ils ont l’air d’aimer ça, être en couple, et parfois il se trouve à se demander ce que ça ferait de se poser. Mais y’a toujours une ombre au tableau qu’il identifie simplement comme une contrariété à l’idée de devoir adapter sa routine à une nouvelle personne – et de s’attacher suffisamment pour avoir l’envie de le faire, déjà. Non vraiment, il est mieux tout seul.

“You should believe in yourself more, Marcus. I’ve always believed in you, and that hasn’t changed. You have talent and you have that something else. I know you can do it” moi, j’ai toujours été son plus grand cheerleader, et peut-être que les années ont passé et peut-être qu’on s’est éloignés pendant un moment, mais Marcus, il fait toujours partie d’moi. On a peut être changé, d’une certaine façon, mais au fond, c’est toujours le même Marcus avec qui je rêvais de gloire et de projecteurs dans mon salon et devant notre petite télévision. Il y a de la familiarité et du confortable, avec lui, malgré cet embarras, ce décalage immense qui se dresse maintenant entre nous. Moi je veux pas que ça brise notre amitié.

Alors, à la place de parler de travail, de rêves brisés et d’ambitions perdues, je parle de Link. C’est rassurant, de parler de Link, et des sentiments que j’ai pour lui. Moi, j’ai jamais eu peur de ce que je ressens, et la chose me paraît évidente, l’afficher devant Marcus n’est pas un problème. “Yes, I am! What can I say?” C’est un fait, et ça fait partie de moi, et c’est important pour moi, alors qu’on se retrouve tous les deux, d’en montrer également cette partie. La chose me fait rire, de voir mon ami aussi excité et impliqué dans cette histoire, et moi je me fais pas prier. Sa supposition me fait vraiment pouffer de rire, la chose est imaginée et assez comique, je dois l’avouer. “I never thought about that…” Je secoue la tête, la chose dans l’esprit, un sourire aux lèvres. “I don’t know if he was that fan” Je pense tout haut. “I mean, considering his face when he saw me, i’d say pretty fan, but I’m not sure, he’s vague about it. I don’t even know if I was his bias either. I like to think I was” J’admets, un peu fier. “but ah, it’s probably not Link’s thing. He’s not really into these things I’m pretty sure” Je commence à verser une bière pression pour un client, tout en continuant à parler, amusé par l’immense curiosité de mon avis. “We only have 8 years difference! He’s going to hit 32 in october. and yes! he’s hot - look” Je dégaine mon portable et lui sors un selfie que j’ai fait avec Link sur le canapé. Il a l’air de vouloir dormir plus qu’autre chose, mais il est adorable. “See? so beautiful, and soft too” Une pause. “Ah, he doesn’t have an argo. His parents were a bit strange, on the hippie side kinda? He didnt have tv and stuff like that” Je fais un signe de main, termine la bière, l’encaisse. Un petit sourire amusé, aux mots de Marcus, je hume un peu. “Hm, I feel like he always deviate his eyes, so I’m kind of feeling he does like it, but i’m not completely sure” Faut dire, Link est pas toujours exactement très direct. Mais c’est ce que je crois, en tout cas. “He never said he wanted me to stop, so…. i’m just hoping he likes me and he’s just too stuck on this age thing… well, I think part of it is also him not thinking he’s worthy or something… anyway” Je réalise que je parle beaucoup. “Sorry. I talk a lot” C’est facile, quand ça concerne Link - pour éviter de repartir sur ma lancée, je lui retourne la question. Je ris, un peu, à la réponse qui ne m’impressionne pas des masses. J’ai toujours été le plus romantique des deux - ouvertement, en tout cas. “That’s right you are!!” Je sais aussi qu’avec un rythme comme le sien, et un domaine comme le sien, ce n’est pas toujours évident. J’en sais quelque chose, après tout. Je souris, et reprends, pour chasser la chose. “But anybody would be super lucky to have you” Y a plein de sincérité, dans mes mots - j’aime pas mentir, jamais. ‘You know’ J’écoute une commande, hoche la tête. “y’were my first young love. big crush. I realized when I left” La chose est offerte avec douceur.

Leurs retrouvailles sont encore trop récentes pour que les encouragements de Charlie sonnent autrement qu’une bouillie prémâchée telle qu’on a pu lui enseigner pendant sa formation d’idole en Corée. Croire en ses rêves, croire en son talent… C’est très joli tout ça mais franchement, dans le monde réel… ? Marcus est peut-être un peu trop cynique pour son bien mais, jusqu’ici, il ne s’en porte pas plus mal. La musique reste un projet secret, un projet de cœur, un trésor qu’il est réticent à partager, encore. Il veut bien le polir avant, le rendre parfait, afin qu’aucune critique potentielle ne puisse le toucher s’il venait à le dévoiler. Parce qu’il sait. Il sait que c’est bien l’une des seules choses sur lesquelles on peut l’atteindre à travers sa carapace de Leemur.  

Lorsqu’un autre sujet est abordé – et quel sujet ! –, Marcus saute sur l’occasion. Ça lui fait plaisir de retrouver une expression si solaire sur les traits de son ami : malgré tout, Charlie a l’air heureux et bien dans ses baskets dans son nouveau rythme. Probable que ce fameux Link n’y soit pas pour rien, d’ailleurs. « Or maybe he was and now he’s silently freaking out that he’s literally living the Y/N life. » contre-attaque le lémur lorsqu’il s’agit de déterminer le genre de fan qu’est le type en question. Casual ou hystérique ? Inutile de préciser que pour son amusement personnel (et celui de Charlie, accessoirement, avoué ou non), il préfèrerait la seconde option. « You’re pretty sure ? Did you ask ? Honey, you gotta make a move before he » Une pause pour l’effet dramatique. « moves out. » qu’il assène avec panache, très sérieux, en illustrant ses propos d’un mouvement du pouce derrière son épaule. Connaissant Charlie, il serait capable de piétiner tel un chiot en manque d’amour pendant des mois et Marcus n’a pas ce niveau de patience. Quand on veut quelque chose, on va le chercher. C’est pas plus compliqué que ça. « 32 isn’t bad…» Toujours la paille au bec, Marcus se penche au-dessus du comptoir pour observer la photo affiché sur le téléphone de Charlie. Plisse les yeux. « Ah ! Oh ok, he’s cute ! In a… tired salaryman kinda way, I guess…? » Un sourire de travers est généreusement offert. Mais attention : Marcus ne juge pas. Il ne se permettrait pas, voyons (… si). C’est simplement que Charlie est Charlie, aka son meilleur ami d’enfance, quasi son frère, danseur beau gosse aux biceps aussi gros que des jambons, et que rares sont les personnes capables de rivaliser. Mais il juge pas. Il faut de tout pour faire un monde. (On y croit.) « Only one way to find out… » qu’il glousse quand même, le nez dans son mocktail, lorsque ce-dernier fait mention de regards inassumés envers Cha et Li (les doux noms de Biceps Droit et Biceps Gauche, suivez un peu). « Not worthy ? Of you ? Of course he ain’t ! But that isn’t necessarily a problem, we’re past the Middle Age. » La morale selon Marcus Yeong, finalement : les règles c’est pour les ploucs, on emmerde les convenances et que tout le monde se fasse plaisir en tout bien tout honneur. Le monde se porterait tellement mieux.

Forcément, quand il s’agit de son propre cas, Marcus se défile avec le genre de pirouette dont il a la spécialité. C’est pas quelque chose qu’il recherche activement, de se mettre en couple – encore faudrait-il trouver quelqu’un qui réponde à ses critères pharamineux et rien que ça, ça lui semble plus pénible qu’autre chose, comme démarche. Le sourire s’étire en une expression féline. « Oh I know. » C’est pas quelque chose dont il doute, Marcus : s’il a bien une force, c’est sa confiance en lui à toute épreuve. La déclaration de Charlie le fait relever les yeux et se redresser sur son tabouret. Un soupir théâtral. « Ah sweet Charlie boy… What a shame, how unstoppable we could’ve been, eh ? » Il s’attend à partager un rire complice, une rêverie nostalgique du bon vieux temps, mais quand un ange passe, l’idole est prise d’une hésitation. Il fronce les sourcils, incline la tête comme pour jauger l’expression de son ami. « What, you didn’t know ? I was so obvious though ! I had a crush on you too, from middle school to when you left ! Man, I can’t believe it… You really didn’t notice ? » Quand même, ce serait lunaire... non ?

Il paraît évident que Marcus ne semble pas trop vouloir s’épancher sur le sujet de la musique, et je décide de laisser couler. Il y a des choses sur lesquelles il vaut mieux sans doute pas insister, surtout après autant d’absence. Malgré l’intensité du lien qui nous unissait à l’époque, et qui existe encore, il a une distance indéniable et normale, aussi, faut dire que des années sans se parler ça laisse forcément quelques traces même si on est content de se voir. Du coup, j’peux comprendre qu’il veuille pas forcément parler davantage de ça, j’ai sans doute pas toutes les infos, aussi.

La conversation tourne sur Link et les réactions de Marcus me font rire, vraiment, rien qu’à imaginer les scènes dans mon esprit. La suite de ses propos me fait froncer les sourcils et le regarder avec offense. “Don’t say that!!” Moi, j’veux pas que Link déménage, ça me fait mal au coeur rien que d’y penser. Et puis moi, j’veux continuer à être là pour lui, lui faire à manger quand il oublie et lui rappeler de prendre ses médocs, aussi, continuer à regarder des films avec lui. Que Marcus ne me parle pas de malheur. “What do you think! I’ve told him how i felt! and our conversations are always…weird when it comes to it.” Je fais une moue boudeuse et soupire un peu. “Anyway it’s fine, i dont mind waiting until i’m old enough” une pause avant que’j’rajoute en marmonnant “except i'm not sure when that'll be” Mais j’sais bein que ça vaut le coup. J’lui montre sa photo, mais j’ai pas la réaction escomptée alors j’fais les gros yeux. “Tired salaryman?!” je grimace “okay okay, he’s _tired_ but he’s so freakin handsome and kind” Et puis je souris et secoue un peu la tête à ses mots, mais secrètement ravi qu’il me prenne encore en si haute estime. Faut dire qu’il a pas tous les détails de ce qu’il s’est passé en Corée. Je ris un peu et fais un signe de main “Oh well, I’ll let you know how it develops, if it develops at all’ Je fais un signe à un client qui arrive au comptoir et m’occupe de sa commande.

Quand j’reviens près de Marcus, c’est pour parler de lui, et puis pour me confier un peu. J’sais pas pourquoi je lui avoue ça. Parce que c’est plus d’actualité, parce que je m’étais toujours demandé à l’époque, ce qui aurait pu se passer si j’avais dis les choses; parce que c’est peut être le moment. La réaction me fait sourire - puis mon sourire s’efface alors que je le regarde un peu interdit, tâchant de comprendre la teneur de ses mots, servant une pinte en face de moi. J’dois tirer une de ses tronches parce que Marcus clarifie ses propos et j’écarquille un peu les yeux “you had..?” alors que mon cerveau enregistre enfin pleinement. “How would I have noticed, we were friends! And you didn't notice either!!” Je m’offusque, avant de rire, un peu. J’secoue la tête, toujours un peu décontenancé. “ah we were really stupid weren't we” J’ai de la nostalgie et de la tendresse dans le regard. J’ris plus clairement. “We would have been such a power couple people wouldn’t have handled us” j’lui fais un clin d’oeil.

Appelons ça une déformation professionnelle, le premier réflexe de Marcus à voir la réaction abasourdie de son ami est de croire que ce dernier se fout de sa gueule. Ça lui parait tellement lunaire que Charlie n’ait pas remarqué, absolument rien soupçonné de son crush d’ado alors qu’il ne l’a jamais caché. Ce n’est pas dans ses habitudes de cacher ce qu’il pense, ça ne l’a jamais été. « Because I was so obvious ! » répète Marcus en insistant sur le dernier mot comme si ça allait rendre la chose plus évidente. Alors ils étaient jeunes et naïfs à l’époque, c’est sûr qu’ils n’allaient pas se faire de grandes déclarations – non pas que ce soit du genre du lémur, même aujourd’hui – mais les signes étaient là. Certainement que même MinHo devait se douter de quelque chose. Un haussement d’épaule à se remémorer quinze ans en arrière ; Marcus se voit encore marchander avec sa mère pour le laisser sortir après l’école et rejoindre Charlie chez lui pour prendre le goûter. Il a jamais voulu d’autre ami, Marcus. Charlie, ça a toujours été quelqu’un d’à part. Et puis au fond, sa révélation ne l’étonne pas tant que ça. Marcus ricane en jouant avec les glaçons au fond de son verre. « I didn’t- I mean – no offense – but I tend to assume most people have – or had – a crush on me at one point so I’m not that surprised you actually did. I just thought you were in denial or – god forbid – straight. Can’t blame me for not reading your mind, Charles. » Le sourcil qui se hausse dans une expression d’insolence exagérée. Une tragédie digne des plus grands dramaturges, vraiment. Shakespeare quaking in his boots.

Le rire du danseur est contagieux. Marcus hoche la tête, sourire aux lèvres. « Yeah. » L’idée l’amuse : que seraient-ils devenus s’ils avaient été moins bêtes, à l’époque ? Quid de leur carrière respective ? Est-ce que leur couple aurait un tant soit peu modifié leur trajectoire de vie ? De l’autre côté du bar, Charlie s’occupe d’un nouveau client tandis que le lémur sirote bruyamment son mocktail, plongé dans sa réflexion. « Say, Charles. » qu’il l’appelle lorsque l’autre revient devant lui. « Would you wanna be an idol again ? Here, in NB. » Il l’observe d’un air énigmatique par-dessus son verre, sa longue queue décrivant de petits arcs de cercle derrière son épaule. Avant que Charlie ne puisse répondre, il reprend. « I’m just curious, don’t make me say what I didn’t. But I have contacts, if that’s something you could be interested in… Not like tomorrow, of course, but yeah… one day. The door is open is what I mean. »

Je secoue la tête avec un sourire au coin à sa réponse, à son explication en longueur, un éclat de rire me traverse devant la confiance en lui débordante de Marcus. Il a raison, quelque part, j’comprends pas quelqu’un qui pourrait pas avoir un crush à un moment ou à un autre pour lui. J’repense à nos jeunes années, et j’ai un sourire nostalgique sur les lippes. Parfois, je me demande si j’en ai assez profité, mais la pensée s’échappe rapidement. Je savais ce que je voulais, et je me suis battu pour l'avoir. Ça a payé, avant que je gâche tout avec mes conneries. Mais ça va changer. Y a pas le choix. Je m’esclaffe, quand même. “Straight? please I was obsessed with dancing, girl groups dances and being a star” Mais il y a bien une once de vérité, au fond de tout cela. Je n’ai jamais été aussi à l’aise que d’autres avec les choses de l’intime, et n’ai acté sur tout cela bien tard dans ma vie. Il y avait mon éducation, et puis il y a eu les années de training, et c’était la priorité - après… le travail était la priorité. Le reste, franchement, c’était accessoire, jusqu’à ce que je devienne amoureux, et là, c’était beaucoup moins accessoire. Franchement, je suis ridicule un peu. “I didn’t realize you were that obvious.. ah, i was young and stupid I guess” Je plaisante, avant de m’occuper d’un autre client.

Il y a un petit silence où je me perds dans mes pensées tout en m’occupant des gens au comptoir pendant que Marcus sirote son cocktail, et je le regarde quand il m’apostrophe, curieux, et puis ensuite - et bien il ne sait trop comment réagir, à cette proposition. S’il doit rire, la rejeter directement, ou franchement, l’accepter aussitôt. Les opinions sont contradictoires, à l’intérieur. J’me demande ce qu’il veut dire, par idole, ici. Je suis pas sûr que la définition soit pleinement la même. Moi, j’veux surtout faire de la musique, et danser. Et puis - “Ah, don’t worry about me yeah? I have very specific plans!” Je m’exclame, en levant la main. J’encaisse un client, et puis je me penche en avant vers Marcus, mes bras posés sur le comptoir, comme dans la confidence. “First, I get some money back” Comment lui dire que j’suis clairement sur la paille, franchement. “And I’m studying at the same time, management and stuff” j’explique d’un geste de la main. Parce que c’est vrai, j’me sens clairement pas légitime. Faut dire que j’ai même pas mon bac, enfin, j’lai eu vite fait en équivalence, vraiment rien de glorieux, et les cours me donnent mal à la tête. La comptabilité…. “Because you know what? I’m gonna open my own label” J’lui souris, radieux, en me redressant. “I’m telling you Marzie, it’s going to be great. I’ll take my revenge. It’s going to be a great success, I’ll be big and i’ll even sign you because you won't be able to say no!” Je me mets à rire, mais y a de l’idée derrière la tête.

Comme il s’en doutait – et c’était volontaire, sa question prend Charlie par surprise mais Marcus ne se démonte pas. Il l’observe sans détourner le regard, sincèrement curieux de la réponse, et espère que l’autre n’essayera pas d’esquiver. Après tout, Charlie n’est pas fait pour moisir derrière un bar ; non, lui il est fait pour la scène et les projecteurs, aucun doute là-dessus. Ce serait dommage que les récents événements lui aient fait tirer un trait définitif sur sa carrière. Finalement, Marcus hausse un sourcil intéressé face à l’enthousiasme de son ami d’enfance lorsque celui-ci s’accoude au comptoir pour lui exposer ses fameux plans. « Sounds boring but sure, go get it~ » glousse le lémur sans méchanceté lorsque sont mentionnées les études. De nos jours, vraiment, est-ce si important que ça de potasser des bouquins à longueur de journée et de collectionner les diplômes ? Une perte de temps plus qu’autre chose, selon son (pas si) humble opinion. M’enfin, il ne se permettrait pas de faire la remarque à Charlie. Pas si vite après leurs retrouvailles, du moins.

« Oh really ? » Sourire espiègle scotché aux lèvres, Marcus croise les bras à son tour et se penche légèrement en avant lorsque Charlie se redresse. « So you plan on fighting with the big dogs ? I’m expensive, y’know. » Clin d’œil charmeur à l’évocation d’un future contrat. Celui qui le lie actuellement à Icarus est parfaitement solide et le barman doit s’en douter, mais Marcus est amusé par l’idée. Un jour, pourquoi pas, lorsqu’il en aura marre de foutre sa merde chez les Supers – ou qu’on aura décidé que l’utilité de Leemur est arrivée à péremption. Un petit rire, pour lui-même, en se disant qu’une telle fin ne risquait probablement pas de finir d’un commun accord et qu’il il laisserait sans doute des plumes... enfin des poils. « Well in any case, if you need anything from me, I’ll be happy to give it to ya. And I meant it, just send me a text ! » insiste-t-il avec un geste semi-menaçant de l’index. Connaissant l’énergumène, il va certainement lui répondre un oui oui mais ne jamais oser admettre avoir besoin d’aide et préférer galérer des lustres dans son coin juste pour pouvoir dire à la fin je l’ai fait tout seul. Au moins Marcus aura essayé et sa conscience pourra dormir sur ses deux oreilles.

En parlant d’oreilles, y’a un éclat de rire atrocement bruyant – et tristement familier – qui lui fait tourner la tête en direction de la zone VIP. Sans grande surprise, son regard rencontre celui de Luke qui détourne immédiatement le sien avant de continuer à ricaner avec son voisin. Hmm. La queue du lémur fouette d’un côté, en écho à son agacement. Se reconcentrant sur Charlie, Marcus soupire d’un air théâtral. « Gotta go back to my table before they get too brave yappin’ behind my back. » Il se penche par-dessus le bar pour attraper une serviette en papier et un stylo avant de se rasseoir sur son tabouret, et profite que son ami soit occupé par un client pour sortir un gros billet de sa poche intérieure. La note, griffonnée de son numéro de téléphone (au cas où l’autre l’aurait égaré, vu le silence radio de ces dernières années) et d’un « Call me~ ♡ » aussi ambiguë que possible, est ensuite glissée sous son verre vide accompagnée du billet. « See you soon, Charles, don’t be a stranger ! And I’ll keep an eye out for that little dancey dance of course~ » promet le lémur en sautant souplement de son siège, non sans un salut militaire à deux doigts adressé à son ami derrière le bar.