when fire meet gasoline

when fire meet gasoline
I can barely breathe like smoke darkening the sky

Perdue dans tes pensées, tu ne vois pas le temps défiler. Aucune âme pour venir te déranger en ce jour sacré. Papier et encre noir annonce la fin d'une histoire, tu rédiges ton testament. Et contrairement à la plupart des gens, ça t’apporte un véritable réconfort de penser à la mort, ta mort. Repos éternel. Délivrance suprême. Rien ni personne ne peut rivaliser avec sa majesté. Encore quelques mois avant de connaître le baiser funeste de sa délicate promesse. Tu profites du temps qu'il te reste afin de mettre en ordre tes affaires mais ce n'est pas simple. Ayant beaucoup à te faire pardonner, répartir tes biens relève d'un défi corsé. Naturellement, tu lègues la boutique à la petite Dani qui t'apporte énormément de douceur au quotidien. Un vraie bouffée d'air frais. Cependant l'échoppe contient beaucoup d'antiquités dont elle ignore la valeur et l'utilité alors tu prévois de les offrir en guise d'amende honorable. La liste est longue considérant le nombre de victimes à ton actif. Des malheureux, des m a l c h a n c e u x.

Focalisée sur ton oeuvre macabre, tu n'entends pas la clochette de la porte retentir. Il te faut quelques instants pour remarquer la présence d'un individu en ton antre. Tête légèrement levée, les pupilles partent à la découverte de l'invité. Il explore les lieux pendant que tu l'explores, lui. La rétine décortique l'allure, devine la couleur de l'aura. Un intrus. Tu les reconnais à des kilomètres, ceux qui viennent fouiner, fouiller, feindre un intérêt avant de révéler leurs intentions cachées. Entre les membres des gangs et les fervents des corporations, le choix ne manque pas. Vu la tenue du client, tu penches pour la deuxième option. Y'a peu de gens qui portent des costumes taillés sur mesure et coïncidence incroyable, arpentent le parterre de Nevermore. Ça se limite aux collectionneurs et aux vautours. La différence entre les deux ? Tout est dans le mouvement des épaules. Les unes concèdent que nous appartenons au monde, les autres prétendent que le monde leur appartient. Et les épaules que tu perçois portent définitivement le manteau de l'arrogance.

Soupir creuse tes lèvres, tu reprends ta rédaction. En vain. Tu l'entends approcher d'un pas sournois; prédateur flaire proie, prépare l'attaque. Sauf que t'es pas n'importe quelle proie. Quand la voix conjure le silence, tu te contentes de notifier l'évidence. « I'm busy. » Clair, net, précis. Trois mots, trois syllabes, trois secondes pour anéantir la tentative. Tu te fais une joie de l'ignorer, les traits maquillés d'une indifférence royale. Le genre à tenir en échec tes adversaires mais celui-ci refuse d'abandonner la lutte sans se battre. Pourtant c'est un combat perdu d'avance. Il se met à ordonner, exiger, revendiquer la totalité de ton attention avec ce ton condescendant qui te perce les tympans. La colère contracte les muscles de ta mâchoire néanmoins tu demeures parfaitement immobile, les coudes placardés sur le comptoir en bois massif, seul ton regard se lève à son encontre. Surprise. Tu le connais. La certitude enveloppe le contour de tes yeux qui cherchent à deviner son identité. Souvenirs passent en revue comme les pages d'un inventaire. Mémoire tourne et virevolte, quelque chose cloche. La tenue peut-être ?

Les années défilent à l'envers, compte à rebours lancé lorsque soudain ça te revient. La perte, la déchirure, l'hôpital, la vengeance, la délivrance, l’imposture, l'i m p o s t e u r. Les pièces du puzzle s’emboîtent et tu finis par te redresser entièrement, confuse que le destin te joue une aussi mauvaise blague. Rictus écorche tes lèvres, ironie manque de te flinguer sur place. Docteur Nelson, de son vrai nom Darius James Anderson, se trouve face à toi en chair et en os à cet instant précis. Pourquoi ? Pourquoi l'univers s'évertue à te pourrir la vie à ce point ? Par chance, le mutant ignore complètement qui tu es, qui tu es véritablement. Ton nom, ta nature, ta famille, ton ancêtre. Tout ce qu'il voit c'est une ombre, l'ombre de ton reflet. Et tu n'as pas l'intention de t'attarder plus longtemps en sa compagnie. « Like I said, I'm busy so you wait until I'm done or leave... it's up to you. » En d'autres termes, tu lui indiques poliment d'aller se faire voir. Bon sang jamais tu n'aurais imaginé le revoir, surtout pas dans ces circonstances. A croire que ton propre pouvoir se retourne contre toi à la façon tordue du karma.

14/10/2022

Depuis qu’il s’était installé à New Blossom, il appréciait le côté plus paisible de Solaris, la Time Avenue du Nexus et même la diversité de Neo Arcadia. Mais Crimson Bay ? Darius Sinclair n’avait rien à gagner dans ce quartier malfamé où il risquait carrément de se faire agresser s’il se trouvait dans un endroit isolé. Surtout qu'il détestait être forcé de froisser son costume pour donner une raclée à des voyous qui ne méritaient pas son attention.

Parfois, il n’avait cependant pas le choix de se rendre en bordure de ville, là où les bâtisses rouges se ressemblaient et la pauvreté dominait. Parfois, le devoir l’appelait et ce n'était pas l’ambiance ou la réputation d’un quartier qui allait l’empêcher d’effectuer son travail. Il ne faisait pas de consultations à domicile, mais aujourd’hui, il avait accepté de faire une exception pour une amie de Katharina. Darius pouvait rarement refuser un service à sa petite-fille — âgée de 81 ans — d’autant plus que l’amie en question, Jolene, était une True Blood du même âge prise de douleurs paralysantes depuis trois jours. Si elle ne pouvait se payer mieux qu’un appartement miteux à Crimson Bay, hors de question pour elle de se rendre à l’hôpital de Solaris — ou tout autre hôpital, vraiment.

L’examen médical chez la vieille dame se passa à merveille. Docteur Sinclair était tout ce qu’il y avait de plus attrayant auprès de ses patients : poli, confiant, souriant, rassurant. La pauvre mutante n’allait pas pouvoir sortir de son lit avant encore une semaine, mais si elle suivait les recommandations, les douleurs devraient diminuer. “If she doesn’t get any better in two days, give me a call, alright ?” qu’il conclut en s’adressant au mari.

Il s'apprêtait à prendre la sortie lorsque sa patiente l’interpella une dernière fois. “My dear… could you do this old lady a favor and fetch something at the Nevermore store down the street ?” S’arrêtant dans son élan, Darius hocha doucement la tête en direction de Jolene. “Of course,” répondit-il en toute douceur. La boutique n’était pas loin, et l’horaire du médecin était libre. “Ask the owner for Jolene’s deck. She’ll know what you mean,” précisa l'alitée.

D’ordinaire, l’Originel ne prêtait pas attention aux boutiques comme Nevermore. Contrairement à ce que son âge et les époques traversées pouvaient laisser croire, il ne tenait ni à décorer sa demeure d’objets à la fois inutiles et démodés, ni à se lancer dans des pratiques divinatoires. Toutefois, un violon exposé dans le coin de la vitrine — presque caché derrière un vase au motif cauchemardesque — attira son attention. Darius s’y attarda quelques secondes avant d’entrer dans le bâtiment.

La forte odeur d’encens qui se dégageait de la pièce lui fit presque regretter d’avoir franchi le cadre de porte. Retenant une grimace, il tenta d’aller examiner le violon de plus près, mais l’accès à la vitrine était aussi bloqué de l’intérieur par une panoplie d’objets encombrants. Après avoir examiné quelques babioles de mauvais goût, le visiteur se dirigea sans plus tarder vers le comptoir derrière lequel une femme était en train d’écrire.

“Good afternoon,” salua-t-il avec courtoisie, mais la fermeté de son ton laissait paraître son désir d’effectuer une transaction rapide. Un souhait que la propriétaire, de son côté, ne semblait pas pressée d’exaucer lorsqu’elle lui répondit qu’elle était occupée sans même lui accorder un regard. Sans même s’excuser ou lui demander de patienter.

Le Sinclair se pinça les lèvres le temps de déterminer s’il avait affaire à une personne socialement inepte ou si elle se foutait de lui. Il lui accorda un généreux dix secondes pour se rattraper, mais elle ne leva toujours pas le bout de son nez.

Soupir.

“I’m here for Jolene’s deck. Surely you can spare a few minutes of your mildly inappropriate journaling schedule ?” Les premières paroles de la vendeuse n’avaient pas fait bonne impression et clairement, ce qu’elle gribouillait devant Darius n’avait rien à voir avec les notes de travail rapides qui justifiaient normalement l’attente d’un client.

À ces mots, la brune leva enfin la tête et une expression de surprise vint remplacer son air antipathique. Le mutant soutint son regard en se demandant s’il avait affaire à une autre fan : étant donné sa renommée dans le monde médical et les présentations adressées aux non-initiés qu’il donnait parfois, il arrivait que des inconnus le reconnaissent, même s’il était loin d’être une grande célébrité. Si c’était le cas, elle devait probablement regretter son manque flagrant de manières l’instant d’avant.

Ou pas.

Le rictus de la femme se refléta sur le visage de Darius tandis qu’à la surface du comptoir qui les séparait, les doigts de l’immortel pianotaient.

“Between your lack of decency and the name of this place, one could think you’re actively trying to chase customers away.”

Néanmoins, il patienta devant elle en observant chacune des lettres tracées sur le papier, faisant bien sentir sa présence malgré le silence. Si elle espérait le voir partir, il n’allait pas lui accorder le plaisir.

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind

C’est vraiment lui ? Voilà la question qui te tenaille en silence, ayant bien du mal à concevoir la réalité dans son ensemble. Deux tableaux deux ambiances. L’un peint les traits d’un homme arrogant, charmant et sophistiqué, l’autre dessine les contours d’un alter ego sanguinaire, dangereux, implacable. Le monstre Dracula. Un mythe pour les enfants mais tous les mythes ne sont-ils pas des vérités détournées ? Oui c’est vraiment lui. Ta raison tente peut-être de semer le doute au creux de tes pensées mais ta mémoire désamorce l'inceritutde. Tu te rappelles des journaux de ton ancêtre; des croquis et chapitres consacrés à le décrire. Amalia était vraiment mordue du vampire, sans vilain jeu de mots. A l'évidence, tu ne partages pas ses sentiments. Pour qui il se prend au juste ? Parce que c'est un mutant vieux de 200 ans qui peut te briser la nuque d'un claquement de doigts, Darus pense avoir le droit de te juger ? « Maybe I do with customers like you. » Les fantômes appartiennent au passé pour une bonne raison : ils se conjuguent mal au présent. Alors oui, tu espèces sincèrement qu’il disparaisse sans se retourner, sans se rendre compte de l’ironie sournoise du d e s t i n.

Hélas Darius est un homme patient et il attend patiemment que tu délivres tes dernières volontés sur papier. Dans d’autres circonstances, tu aurais joué le jeu jusqu’au bout mais ta concentration souffre de son indésirable présence. Tout ce que tu entends, c'est le bruit assourdissant de ses doigts sur la surface en bois. Tout ce que tu perçois c'est l'intensité incomodante de son regard sur toi. Tout ce que tu ressens c'est l'envie lancinante de lui faire avaler ton testament à la force de tes mains. « And maybe I’ll call Jolene like I said I would when I get her order… » C'est l'une des plus ~~pénibles~~ anciennes clientes de Nevermore. A vrai dire elle demeure une des rares personnes en ce bas monde à connaître le numéro de la ligne fixe de la boutique. Toi même tu l'ignores mais malgré ta mauvaise foi actuelle, tu espères revoir son corps flétri dans les prochains jours. Voilà donc la raison de ce fâcheux imprévu : son état de santé s'est dégradé. Ce n'est pas faute de lui avoir conseillé de consulter un médecin sauf que les gens de ce quartier se montrent réticents à cette idée.

Faut dire qu'il n'existe aucune infrastructure dans le coin. Pourquoi faire ? Le gouvernement espère que Crimson Bay se noie dans les eaux troubles de la criminalité. Personne ne se soucie de cette communauté. Personne ne se soucie du dernier pilier de New-York. Le monde garde les yeux rivés sur la star du cinéma peu importe ce qu'il se passe pour le reste des figurants. Une vraie calamité. Tu constates cependant que Darius exerce toujours. Tu parles d'un docteur, la dernière fois tu faisais le sale boulot et il se récupérait les lauriers. U s u r p a t e u r. N'en déplaise à son égo exorbitant, la rancune ne motive pas ton attitude à son égard. Seulement l’envie d’arriver au bout de ta manœuvre avant de t'ouvrir les veines. Tu finis par lui accorder la décence de le regarder alors tu le jettes ~~encore~~ dehors. « So maybe you can just go away and let me finish my inappropriate will before I actually die on my desk. » Sincérité de la voix sublime l'aveu sans chercher l'empathie, tu conserves ce léger rictus au bord des lèvres. Il n'exprime ni joie ni espoir, à l'image du monde il est l'expression de l'éternelle déception.

@Darius Sinclair

14/10/2022

Darius ne prit pas la peine de relever les accusations voilées sous la remarque infondée. Il était là pour récupérer un article, pas pour tenter de se faire apprécier ou prouver à l’insolente qu’elle ne savait rien des clients comme lui. Il ne pouvait pas la blâmer de le juger que par sa tenue distinguée : elle et lui appartenaient à deux mondes diamétralement opposés. Si l’immortel n’avait pas accepté d’aider l’amie de sa petite-fille, il n’aurait jamais mis les pieds dans l’absurdité qu’était cette boutique d’antiquités. Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour sa chère Katharina.

Au jeu de patience, le Sinclair était un participant aguerri. L’astuce était de ne pas rester passif : il fallait déstabiliser son adversaire, lui laisser croire qu’elle obtenait ce qu’elle désirait sans pour autant lui permettre d’être à l’aise dans son choix. Rares étaient ceux qui ne finissaient pas par céder, que ce soit par culpabilité ou par exaspération. Quelque chose lui disait que le cas de miss Nevermore correspondait à la seconde option.

Sans interrompre ses écrits, elle l’informa finalement que la commande n’était pas encore arrivée. Les lèvres du docteur s'étirèrent de plus belle.

“Now that wasn't so hard, was it?”

Si elle avait commencé par lui donner cette information au lieu de cette réaction puérile, elle aurait pu leur épargner le reste de cette interaction inutile. Les yeux remplis de jugement, le docteur toisa la vendeuse en verrouillant son attention sur les traits de son visage, toujours orienté vers les pages de son cahier. Quand l’instant d’après elle daigna poser à nouveau son regard sur lui pour lui demander de partir, quelque chose lui parût familier. Un air qui ne lui semblait pas totalement inconnu, mais l’Originel n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

Les mentions de mort et de testament qui accompagnaient la demande ne firent pas réagir le vampire qui, sans chercher à savoir s’il s’agissait d’une moquerie ou de la vérité, ne se souciait guère du sort de celle qui avait initié les hostilités. Il se détourna du comptoir pour se diriger vers la sortie, mais sa trajectoire se modifia à mi-chemin.

“One more thing,” dit-il en se rapprochant plutôt de la vitrine près de l’entrée, celle qui n’était pas accessible aux clients. “This violin right here, between the vase and the statue — I’d like to see it more closely.” Depuis qu’il avait aperçu l’instrument, Darius ne pouvait se défaire du doute qui s’était implanté dans son esprit. Une égratignure particulière au niveau du manche en combinaison avec l’allure de bois vieilli lui rappelait le violon qu’il avait laissé derrière lui lors de la guerre civile. Son violon.

Il ne pouvait toutefois en être certain sans d’abord le tenir entre ses doigts. Il ne demandait que ça. Ensuite, il comptait bien disparaître de la boutique aux odeurs aussi irritantes que sa propriétaire — en espérant ne plus jamais avoir à y retourner.

@Anastasia Hoxha

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind

Ton regard demeure rivé sur l’indésirable, à l’affut du moindre geste, du moindre mot de sa part. Tempête silencieuse bat son plein. D’un murmure, tu lui souffles la direction à prendre. Quelques secondes d’espoir au compteur. Il se dirige vers la sortie avant de s’arrêter à mi-chemin. I n t e r d i t e, tu l’observes s’avancer vers la vitrine, retenant le soupir qui menace de s’évader de tes lèvres. C’est une blague ? Une blague de très mauvais goût. Hélas pour garder les apparences, tu dois jouer le jeu, maintenir ton rôle dans cette partie dérisoire. « Sure. » Le manque de motivation fait vibrer tes cordes vocales mais tu laisses ton testament en attente afin de quitter le comptoir. Jupe courte et collant résille, ta tenue n’est pas vraiment adaptée à l'exercice qui implique de grimper sur l’estrade et t’élancer à corps perdu dans la devanture. N’en déplaise à l’usage, tu vas lui chercher l'objet de sa convoitise, du moment qu’au bout du compte, le mutant disparaisse de ta boutique et de ta vie. « Ok give me a hand. » Ta langue dessine ni plus ni moins les contours d’un ordre en bonne et due forme. Tu attends qu’il te tende la main et tu attends patiemment à ton tour.

« Thanks. » Avec son aide, tu te hisses au niveau des merveilles exposées à la vue de tous. Quelques mètres seulement te séparent du violon cependant il est dissimulé par d'imposantes pièces de collection. Une statue du VIIème siècle et un vase plus vieux encore. Personne n’achète ces antiquités historiques mais elles donnent du cachet à l’échoppe alors tu les laisses en exposition. « I found it a few months after the civil war. » Spectacle sinistre. Tu te souviens des bombardements, des cris, des corps sillonnant les rues comme d’une pluie de sang. « The whole place had been robbed I mean there was really nothing left… except this guy. » Enfin tu arrives à sa hauteur. « This guy was just waiting for someone. » T’es pas du genre à t’émouvoir facilement. Pourtant face à l’instrument, tu ressens un certain pincement au coeur. Les gens ne se rendent vraiment pas compte de la valeur de la musique. « So I took it with me. » Maintenant il te faut effectuer le trajet en sens inverse. Si Darius se ravise et ne l’achète pas, tu vas véritablement considérer de lui trancher la gorge avec l’archet.

« I think he miss his owner. » Prise dans ton histoire, tu prêtes peu attention aux obstacles sur ta route. Quand ton pied glisse sur un tapis en bordure d’estrade, ton corps emporté valse subitement en arrière. La chute t’attend au tournant sauf que le mutant te rattrape d'un mouvement. Main posée sur son torse emballé dans une veste de costard parfaitement repassée, tes billes translucides le dévisagent un court instant, se perdent au creux de ses prunelles avelines plus anciennes que tes propres souvenirs. Difficile d’imaginer qu’il s’abreuve de s a n g au quotidien. Non en fait, c'est plutôt facile à imaginer. Les gens sont toujours capables du pire. T’en es la preuve vivante. Gênée de cette proximité inappropriée, tu finis par te redresser. « Thanks. » Attention Ana, deux mercis et deux contacts, le troisième pourrait être fatal. A cette simple pensée, tu lui tends le violon. « Do you want to try ? » Oh non, bon sang non. Pire idée au monde. Sincèrement, t’as aucun instinct de survie. L'originel sent les ennuis à des kilomètres à la ronde. Et pour cause, c'est Dracula.

@Darius Sinclair

14/10/2022

Considérant la façon dont elle avait dédaigné le servir à son arrivée, Darius s’attendait à moitié à ce qu’on lui refuse la requête. Mentalement, il était déjà prêt à lui énumérer les raisons pour lesquelles l’attitude de la brune était à la fois honteuse et injustifiée, indigne de n'importe quel commerçante. Il tenait vraiment à l’examiner, ce violon — assez pour changer d’idée quant à la résolution de quitter.

Pour une fois, miss Nevermore le surprit dans le bon sens. Indifférent face au manque flagrant d’enthousiasme, l’immortel lui tendit la main pour l’aider à se hisser sur l'estrade — tout pour obtenir l’objet de sa convoitise dans les plus brefs délais. Mais alors que la femme avait enfin saisi le violon entre ses main, elle s’arrêta un instant là-haut, gardant pour elle seule le privilège d’en observer les détails.

Ce n'était pas ce qu’il avait demandé. Se râclant la gorge pour lui rappeler sa présence, Darius lui tendit à nouveau la main dans l'espoir d'accélérer le processus — à croire qu’il était seulement patient lorsqu’il s'agissait de casser les pieds de son vis-à-vis. La mention spontanée de la guerre civile lui fit toutefois ravaler son impatience. Il tendit l’oreille, à l’affût de tout indice pouvant confirmer ou infirmer son hypothèse pendant que l’autre entamait lentement sa descente. Il finit par se rendre compte que celle qui méprisait sans difficulté un parfait inconnu semblait beaucoup plus sensible lorsqu’il s’agissait d’un instrument abandonné. À vrai dire, le musicien ne pouvait pas la blâmer.

“Then perhaps this little guy could benefit from better neighbors,” suggéra-t-il lorsque son interlocutrice eût terminé son récit. Comment espérer lui trouver un propriétaire si elle le gardait planqué là-haut entre une abominable statue et un vase démodé ? Ce n'était pas de quoi le mettre en valeur, parole de ~~très ancien~~ commerçant. “For instance—”

Comme si son expérience du 19e siècle faisait de lui un expert en gestion de magasin, il allait indiquer où afficher un trésor comme celui-ci la prochaine fois, mais s’interrompit subitement lorsqu’il vit la vendeuse perdre l’équilibre sur un bout de tapis. Ses réflexes aiguisés prirent la relève et avant qu’elle ne puisse cligner des yeux une seconde fois, le vampire s’interposa entre la femme et le parquet. Ses mains se heurtèrent à son torse plutôt qu’au sol et leur regard se croisèrent dans un moment d’hésitation malaisée. “Careful,” se contenta-t-il de dire en se détachant. “You could’ve wrecked that poor thing.” Ç’aurait été dommage, après tout ce temps.

Miss Nevermore s’empressa de lui tendre le violon, gênée. Une émotion qu’il croyait inexistante à peine quelques instants plus tôt. “Very much so,” admit-il à l’idée de l’essayer. Il s’empara d’abord de l'instrument et se mit à en examiner les formes. L’égratignure caractéristique sur le manche, celle qui avait d'abord capté son attention, était bel et bien ce dont il se rappelait. C'était cependant la gravure au dos de celui-ci qui confirmait les doutes : la simple lettre D y était incrustée, bien que devenue moins visible avec l’usure.

Lors de la guerre civile, il avait assez rapidement fait le deuil de ses anciennes possessions, ayant appris à ne pas s’attacher à ce qu’il pouvait facilement racheter. L’idée de retrouver sa précieuse possession le remplissait soudainement d’une sorte de nostalgie qu’il n’avait pas imaginée avant ce moment.

Il se concentra sur l'ajustement minutieux de l'instrument, puis tendit une main pour qu’on lui passe l’archet. Il se mit à jouer quelques notes, rien de long ni de complexe — il s'assurait simplement de renouer un lien perdu avec cet ami de longue date.

Après une trentaine de secondes, il s’arrêta brusquement et brandit le violon devant lui. “I’ll take it,” annonça-t-il sans détour. Sans même avoir regardé le prix. Aucune monnaie n’entrait dans l’équation de retrouvailles avec une partie de soi-même.

@Anastasia Hoxha

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind

Naturellement tu recules de quelques pas pour lui laisser de l’espace. Tous les musiciens ont besoin de cette bulle qui les plonge au fond d’eux-mêmes. Coupure nette avec la réalité. Loin du brouhaha incessant du monde. Loin du tumulte de chaque instant. Bras croisés sur la poitrine, tu écoutes attentivement les notes qui se mettent à chatouiller l’air. Quelques secondes à peine mais c’est mieux ainsi. C’est mieux de ne pas remuer les émotions à la surface de ta poitrine endolorie. « Ok. » Un murmure et tu récupères le violon pour lui emballer au comptoir. Tu ne montres pas ta peine de t'en séparer. Un souvenir de plus à graver au sein de ta mémoire. Ta mémoire qui vacille, s’égare au fil des décennies alors tu te raccroches à ce(ux) que tu peux. Pourtant, il te faut laisser partir certains fragments. Rien ni personne ne reste. Ni rien ni personne ne dure éternellement. En ce sens, tu manipules l’objet dans tes mains avec une douceur inédite. Du bout de tes doigts au creux de ta paume, tout est une invitation à la poésie. Et tu oublies presque la présence de Darius mais ce dernier a l’art et la manière de te rappeler qu’il est là… à ton plus grand désarroi.

Furtivement, ton regard frôle le sien et tu attrapes ta tasse de thé encore chaude afin d'en boire une gorgée. Une très longue gorgée où tes lèvres froissent sournoisement la céramique. Il est capable de tout entendre n’est-ce pas ? Le moindre petit crépitement. Les battements de ton c o e u r rugir. Le froissement de ton chemisier sur ta peau. Le grincement du plancher sous tes pieds. Oui à ne pas en douter les notes d’Amalia. Tu sais ce qu’elle sait. Tu sais que si tu te coupais avec une feuille de papier, il sentirait l'odeur du sang avant même qu'une seule goutte ne tombe à terre. Tu sais plus qu’il n’en sait. Excepté un léger détail. « How do you know Jolene ? » Le violon posé devant toi crie son désespoir, attend que tu refermes le couvercle pour partir avec son ~~nouveau~~ propriétaire mais tu ne le refermes pas. Retenu contre son gré, la situation ressemble soudainement à une prise d’otage. « She never mentioned… » Un connard suffisant au costume impeccable qui habite les quartiers huppés de New-Blossom. « You. » Tu connais l'intégralité des fils et petits-fils de ta cliente car elle tente vainement de te fiancer à l’un d’entre eux depuis une décennie. Alors non, il ne peut pas être de sa famille et pourtant le voici, dans ta boutique, à sa demande. Sans aucun doute venu dans le cadre d’une visite médicale mais comment le connait-elle ? Ta question cache ton intention, t’assurer que vos chemins ne se recroisent plus. Et si pour cela, tu dois passer encore un peu de temps en sa compagnie, alors tu te contenteras de serrer les dents. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que tu doives supporter les contraintes d'une réalité étouffante. T'as l'habitude de suffoquer comme les gens ont l'habitude de respirer. Avoir mal est pratiquement devenue une seconde nature.

@Darius Sinclair

14/10/2022

L’envie de se laisser emporter par la musique improvisée était certainement au rendez-vous. Dans de meilleures circonstances, il aurait pu fermer les yeux et faire un retour imaginaire dans les années ‘20, visualisant la scène sur laquelle il avait l’habitude de voir Sybil performer et reproduisant une mélodie qu’il avait profondément gravée dans sa mémoire. Il aurait pu offrir à miss Nevermore un spectacle qui l’aurait transportée dans sa propre psyché et peut-être faite reconsidérer l’image qu’elle gardait des gens comme lui. Car des gens comme lui, Darius était persuadé qu’il n’en existait pas ; il détestait être aussi rapidement casé dans l’une de ces boîtes préétablies. Il savait néanmoins que l’attitude désagréable que la vendeuse avait adoptée plus tôt n’avait rien à voir avec lui, et tout à voir avec elle. L’originel avait assez d’expérience et de sagesse pour ne pas le prendre personnellement — après tout, que savait-il des malheurs et des maux qui hantaient les misérables de la baie ?

C’est pour cela que suite à la serviabilité soudaine de la vendeuse, le Sinclair eut la décence de lui épargner plus de temps en sa compagnie. Quelques notes essayées avant de rendre le violon et de se diriger à nouveau vers le comptoir — il aurait amplement le loisir de se plonger dans ses précieux souvenirs une fois rentré à la maison. Pourtant, la brunette devant lui prenait tout son temps pour emballer l’instrument, priorisant une longue — et pénible — gorgée de thé dont les vapeurs venaient se mêler à l’encens déjà trop envahissant. Voulait-elle le voir partir au plus vite, oui ou non ? Si elle avait changé d’avis entre-temps, c’était bien dommage, car le vampire aux sens agressés se voyait de plus en plus impatient de retrouver l’air frais.

Ce fut à son tour de pousser un soupir lorsque la propriétaire des lieux prolongea encore leur interaction en l’interrogeant sur Jolene. “I like making my own introductions,” sourit-il en prenant soin d’éluder la question. Ses relations avec ses patient.e.s, aussi récentes pouvaient-elles être, n’avaient pas à être dévoilées.

Posant la main sur l’étui en cuir pour en refermer le couvercle et le rapprocher de lui (décidément, il devait maintenant faire le boulot de l’incompétente), Darius jeta un regard malicieux en direction de son interlocutrice. “Don’t you have a will to write ? I thought your days were numbered,” lui rappela-t-il gracieusement. Chop chop, qu’ils en finissent une bonne fois pour toutes avec cette transaction.

@Anastasia Hoxha

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind

Depuis qu’il est entré dans ta boutique, un rapport de force s’établit silencieux entre vous. Patience et insolence dictent les règles à suivre ; n’en déplaise à Dracula qui joue son rôle sans s’égarer. Ce rôle lui sied vraiment à merveille. A r r o g a n c e caresse les contours de sa mâchoire, glisse depuis les boutons de ses manchettes. Difficile de concevoir que c’est le même homme révélé dans les notes de ton ancêtre. Et pourtant aucun doute ne peut et ne doit te détourner de la réalité. Vampire un jour, vampire toujours. Tu pressens le pire pour la suite, questionnant la destinée, cherchant à comprendre la raison de cet imprévu désagréable. Décidément l'année commence mal Ana. « Oh I’m sure you like to hear youself talk... » Qu'il t'épargne les détails insignifiants par pitié. « But it’s not what I’m asking for. » Le ton demeure léger, le regard inflexible. Tes cils se sont arrêtés de battre. Suspense à son comble. Exigence mise en avant du bout de la langue, du haut du palais.
Tes doigts se déposent sur l’étui du violon, marquent la contradiction. Refus de soumission. S’il ne veut pas répondre à ta question, libre à lui de partir les mains vides. Et à toi de râler contre l'univers suite à cette perte de temps invraisemblable.
Sans jamais lâcher la boite, tu fais le tour du comptoir, te plantes devant lui. Proximité réduite, opposition marquée. Le geste semble imprudent mais tu ne le crains pas. Tu ne crains pas non plus une soudaine prise de conscience de sa part. Docteur Nelson était trop préoccupé à l'époque par sa petite réputation pour se soucier du reste du personnel. Pour se soucier de toi, de ton sale boulot ou plutôt de ton oeuvre macabre. Ça t'arrache presque un sourire, de voir la combine du karma tenter de t'avaler d'une bouchée sauf qu'à ce jeu-là, tu détiens une longueur d'avance. Alors oui, tu te permets d'exiger quelques demandes. Juste de quoi assurer tes arrières, parvenir à anticiper le prochain mouvement de ton ennemi. Et ton ennemi n'est point Darius malgré l'impression véhiculée par ton attitude à son égard. Ça pique et ça frôle sans toucher les organes vitaux. « Do you want it or not ? » Ignorant volontairement la malice de sa remarque, tu te focalises sur la tienne. Instrument pris au piège. Faux prétexte utilisé afin d'obtenir véritable information.

@Darius Sinclair

14/10/2022

Un rictus amusé vint étirer le coin de sa lèvre. Ou était-ce plutôt un tic agacé atténué par son savoir-vivre exceptionnel ? Ne quittant pas des yeux miss Nevermore, Darius se livrait tout autant à cet affrontement silencieux qui ne servait qu’à mettre en valeur l’obstination de chacun. Soudainement, la relation entre Jolene et son docteur semblait bien plus importante que le testament ô combien urgent l’instant d’avant, ou que la carte de crédit qu’il était prêt à utiliser. La brunette ne voulait pas son argent, elle voulait une réponse. Quitte à contourner le comptoir pour lui bloquer le chemin vers la sortie. Le concours de regard dura encore plusieurs secondes.

Finalement, le vampire fut le premier à lâcher prise. “Friend of a friend. That’s how I know her.” Parfois, il fallait perdre une bataille pour gagner la guerre. Même si en premier lieu, il ne comprenait pas entièrement pourquoi cette étrangère faisait tout pour lui rendre la vie difficile. “And now I need to let her know that her package still hasn’t arrived, and that you’ve got no idea how much longer ‘till it does...” Laissant sa phrase en suspens, Darius lui jeta un regard quasi accusateur. “Let’s just hope it gets here soon enough.” La santé de Jolene s’était détériorée, c’était certain. Darius n’avait pas menti à sa patiente lorsqu’il lui avait fait part de son optimisme quant à son rétablissement, à condition qu’elle suive les recommandations. Il ne comptait pas la laisser tomber, pas comme ça — Katharina lui en voudrait. Mais qui savait combien de temps encore Jolene devait tenir bon avant de recevoir son petit paquet bonheur ? La propriétaire de la boutique n’avait pas été d’une grande aide à ce sujet. Peut-être que le sous-entendu allait la motiver un peu. Ou peut-être pas. Il voulait bien aider la vieille femme, mais il n’allait pas insister plus que cela pour des cartes de tarot.

“So are you gonna let me buy that violin or what?” Ça, par contre, il y tenait. Il lui suffisait de passer la carte sur la machine pour enrichir l’endroit de plusieurs dollars (il se doutait que ses Lion coins ne passaient pas ici) et repartir avec son précieux. Pourquoi autant insister sur Jolene quand l’exaspération avait envahi son ton la première fois qu’il avait mentionné son nom ? La logique de miss Nevermore lui échappait. Pas qu’il cherchait à la comprendre.

@Anastasia Hoxha

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind

C’est certainement une perte de temps. Dans le fond, peu importe la façon dont il connait Jolene ou plutôt dont elle le connait, tu vas devoir faire attention. Sa venue imprévue déploie d'épais nuages noirs sur ton ciel, prémices de la tempête qui gronde au loin et tu crois un peu trop au mauvais présage pour ignorer celui-ci. Surtout quand il prend une forme aussi concrète, aussi désagréable. T’es prête à lâcher l’affaire quand il cède avant toi, lâche la confidence attendue, s’avoue vaincu mais Darius n’aime pas perdre la partie. Et il s’empresse de t’entraîner au fond de l’océan avec lui, de te noyer sous un amas de culpabilité lancinante, de se frayer un chemin jusqu’à ton humanité en perdition. Hélas, c’est une bataille qu’il ne peut remporter même avec toute la volonté du monde. Y’a plus aucune humanité en toi, hein Ana ? Certitude posée, vérité inéluctable. Trop de sang sur les mains, trop d'erreurs commises, trop de vies emportées. Tu continues d’en faucher, d’en briser, d’en consumer jusqu’à l’usure et ce n’est pas toutes les âmes que tu aides en échange qui vont changer la donne.
Monstre un jour, monstre toujours.
Pas de fin heureuse n'attend la malheureuse.
« I would like to tell you that I’m sorry... » Enfin décidée à lui facturer l’instrument de musique, tu tapes le montant sur le terminal avant d’achever ta remarque à son encontre. « But I never lie except if I have to so…» Donc il peut ravaler sa vaine tentative. L’ironie du sort te poursuit néanmoins. Presque deux siècles après la disparition d’Amalia Hoxha, ton ancêtre, la voilà qui se retrouve au bord de tes lèvres, s’insère au creux de tes mots. Quelle est la probabilité pour que vous utilisiez exactement la même expression sans vous être jamais rencontrées ? Proche de 0. Et pourtant, ta langue claque contre ton palais, remuant les entrailles d’un passé douloureux. Un passé ravagé par les choix de l’un, les sentiments de l’autre. Un passé dont tu ne connais que les lignes posées sur le papier; chaque seconde passée en compagnie de Dracula est un risque d’embraser les braises d’une vieille histoire, tu ignores simplement à quel point. « You have to swipe your card here. » Consciente qu’il doit partir au plus vite maintenant que tu as obtenu réponse à ta question, tu t’empresses de lui indiquer la démarche à suivre. Faut dire que le vampire ne daigne pas réagir. Tu veux bien avoir de la répartie mais au point de clouer le bec à sa majesté ? Etrange. Même si l’attitude de Darius t’interpelle, tu n’y prêtes guère attention, réfléchissant déjà à ce que tu vas mettre sur ton testament dès l'instant où l'indésirable partira. Puisse-t-il ne jamais revenir dans ~~ta vie~~ ta boutique.

@Darius Sinclair

14/10/2022

Les paroles de la vendeuse sonnèrent l’alarme dans son esprit, libérant des images conservées bien profondément au creux d’une mémoire scellée à clé. L’espace d’un instant, les traits blasés de la brune devant lui se changèrent en ceux d’une blonde espiègle partageant les mêmes iris verts. Clignant des yeux afin de rétablir sa vision, le vampire prit une longue inspiration avant de demander calmement, “What did you just say?” Il avait bien compris, pourtant — son ouïe n’était pas du genre à le tromper. Et miss Nevermore, aussi utile qu’au début de leur rencontre, ignora la question en se contentant de lui présenter la machine électronique chargée de recevoir le paiement.

Se mordant l’intérieur de la lèvre, Darius compléta la transaction dans un silence absolu. Depuis les premiers mots échangés, il avait l’impression lancinante que la propriétaire des lieux lui rappelait quelqu’un qu’il avait connu. Maintenant, il n’avait plus aucun doute sur l’identité de ce fantôme lointain. Amalia Hoxha. La martyre, la princesse, l’exécutrice, la traîtresse. Amour impossible bravé envers et contre tous ; défaite inévitable ayant fracassé la paroi du déni. Ils s’étaient déjà demandé, dans une sorte de vœu pieux, s’ils auraient droit à une fin heureuse malgré ce qu’ils étaient, malgré ce qu’ils avaient fait. Finalement, il eut la réponse à cette question lorsqu’il dut la chasser de ses souvenirs comme elle l’avait chassé de sa vie — brusquement et douloureusement.

There are no happy endings for monsters like us.

Ses pensées retrouvèrent le moment présent quand miss Nevermore lui enleva la machine des mains pour y détacher le reçu et le lui offrir. Darius le rejeta d’un geste de la main et s’empara officiellement de son violon. “You have my thanks,” dit-il machinalement, l’expression démodée venant trahir un réflexe du passé. Il était temps de sortir d’ici avant de finir étouffé par des émotions inappropriées.

Il poussa la porte principale, mais avant de disparaître pour de bon, il tourna la tête une dernière fois. “For what it's worth, I wish you the best for the time you have left,” lâcha-t-il dans un élan de compassion. Malgré leur échange peu commode, faire face à la mort n’était pas chose facile pour le commun des mortels et il était loin de s’imaginer le véritable désir de la femme.

L’originel fut soulagé de retrouver la fraîcheur de l’hiver. Il prit le temps de laisser l’air froid remplir ses poumons tandis qu’il remettait ses pensées dans l’ordre. Les mots sortis de la bouche de l’inconnue n’étaient qu’un autre reflet de son impertinence, mais il pouvait lui pardonner. Elle n’était pas Amalia ; elle n’avait rien à voir avec Amalia.

What an unfortunate coincidence.

@Anastasia Hoxha

━━━━━━━━━ ✧ ━━━━━━━━━

Humanity isn't a species

it's a state of mind