Une petite douceur ღ Rintarō

17/02/2023

Une petite douceur
@Kimura Rintarō | mars 2025

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Un café des plus banals. Un endroit simple, somme toute classique, loin des artifices du monde d'aujourd'hui, loin de cette polarisation qui intoxique le quotidien. Dans un quartier réputé neutre, Ayumi a choisi cette petite place aux allures d'autrefois dans cette ville si moderne qu'est New Blossom. Même Tokyo ne saurait rivaliser, bien qu'en avance sur son temps dans le passé. Des petits bouts de papiers accrochés dans quelques boutiques et autres tableaux d'affichage, la jeune femme invite tout compatriote éloigné de son Japon natal à venir la retrouver ici, assise dans ce fauteuil une tasse de thé entre les mains pour se réchauffer. Si elle n'a pas de difficultés pour sociabiliser, il faut avouer qu'elle a pas mal le mal du pays. Sa contrée lui manque, parler sa langue lui manque ; Hyun-Su lui manque, à chaque instant. Pour autant, elle apprécie être ici, cette nouvelle aventure hasardeuse dans laquelle elle s'est lancée il y a des mois, entreprenant son long voyage. Assise sans gêne en tailleur, chaussures déchaussées, elle a ce petit carnet qu'elle trimballe partout posé sur ses genoux ; un crayon dans le creux des pages attend qu'elle y glisse ses prochains mots.

Voilà maintenant plusieurs semaines qu'Ayumi se pointe ici chaque mercredi, en fin d'après-midi, la conviction que quelqu'un viendra réponde à ses lettres à la mer et la rencontrer. Quelqu'un d'autre que la serveuse adorable, avec qui elle a pris l'habitude d'échanger. Chaque fois que le carillon de la porte résonne, la douce relève la tête telle une suricate aux yeux ronds, espoir éphémère jamais épuisé. Tandis qu'elle soufflotte pour refroidir son thé, la petite mélodie captive son attention de nouveau. Cependant cette fois, il y a quelque chose de différent. L'homme venant d'entrer semble incertain, chercher son chemin. La jeune femme ne peut ignorer ses traits qui effacent le doute et la font s'élancer. A la hâte elle dépose sa tasse, son cahier sur la table et lui fait un grand signe joyeux de la main pour le saluer. Elle se redresse tout sourire, s'avançant vers lui chargée de douceur et d'ondes positives. Elle croit intensément au karma, persuadée qu'on ne peut que s'attirer la bonne fortune en apportant le bien. Tant pis, si elle fait erreur sur la personne. Que risque-t-elle après tout, si ce n'est le ridicule qui la touche difficilement ? La plus loufoque des situations devient d'une banalité déboussolante au contact d'Ayumi. < Je suis Ayumi, c'est moi qui ai écrit les petites invitations. C'est bien pour ca, que tu es ici ? >* Naturellement, la jeune femme emploie son japonais natal, trop enthousiaste pour ne pas le laisser filer à travers ses lèvres. < Tu souhaites du thé ? Un café ? Ou un gâteau ? Ils sont délicieux ! >* Elle demande à l'étranger, dans le plaisir d'offrir. Qu'importe qu'elle puisse faire fausse route, c'est parfois ainsi que de belles rencontres démarrent.

*les dialogues en italique sont en japonais
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19/12/2022

Ça fait presque sept ans, jour pour jour, que Rintarō a quitté son Japon natal pour s’installer à New Blossom. Sept longues années qui lui paraissent une éternité. Et pourtant, il se souvient de son arrivée comme si c’était hier, les yeux encore pétillants d’espoir et la tête pleine de rêves de gloire. Il était si jeune, à l’époque, gamin naïf en adoration devant les promesses d’une nouvelle vie et la perspective de rejoindre enfin l’écosystème Theseus. Toucher son rêve du doigt, il s’y voyait déjà. Rien n’aurait pu le préparer à la dure réalité qui l’attendait de l’autre côté du Pacifique.

Ce serait mentir que de ne pas admettre avoir déjà envisagé faire le chemin inverse, rentrer à la maison et retrouver le confort de sa vie d’avant. Mais ce serait admettre un échec plus grand que son orgueil est prêt à assumer et il ne pourrait supporter de lire la déception dans le regard de ses parents. C’est lâche comme décision, certainement, et la culpabilité lui tord le ventre à chaque fois qu’il leur passe un coup de fil. Mais ça vaut mieux. Pour lui, pour eux. Pour tout le monde. Après tout, ce n’est qu’une chose de plus dans la longue liste de choses qu’ils ignorent à propos de leur fils. Alors Rin se contente de rares allers-retours, environ une fois tous les deux ans quand ses économies le permettent, pour retourner à Tokyo et se ressourcer quelques jours. Rarement plus. Ça lui manque, bien sûr, mais un séjour plus long ne ferait qu’éveiller les soupçons quant à son travail soi-disant important au sein de Theseus, sans compter les questions particulièrement gênantes et intrusives que sa mère ne manque pas d’évoquer une fois la joie des retrouvailles passée. Rin préfère éviter.

Malgré tout, il reste attaché à sa culture et un vif sentiment de compassion l’a étreint lorsque son regard s’est posé sur ce fameux petit papier, immédiatement happé par les charactères familiers soigneusement tracés. À l’époque, cette démarche ne lui aurait jamais traversé l’esprit, tout fier et réservé qu’il était – qu’il est – mais Rin la trouve très touchante, aujourd’hui. Il ne peut que se rappeler à quel point le changement de vie était difficile, à quel point il a pu se sentir seul dans cette ville si différente de la sienne avec son anglais bancal et sa politesse excessive. À quel point il aurait aimé avoir un.e compatriote à ses côtés pour partager ses joies, ses doutes et ses désillusions.

C’est Robin qui a réussi à trouver les mots d’encouragement pour le pousser à franchir le pas, au final. Quand arrive mercredi, Rin se retrouve donc devant le fameux café indiqué dans l’invitation, l’air un peu perdu en balayant du regard les différentes personnes attablées à la recherche de son autrice. Heureusement, il n’a pas à errer longtemps avant qu’une jeune femme ne lui fasse un signe de main enjoué, l’incitant à approcher avant d’elle-même se lever. « Ah ! Ayumi-san… ? » Les épaules de Rin s’affaissent en signe de soulagement tandis qu’un sourire timide vient étirer ses joues : même si la ressemblance s’arrête là, la jeune femme a la même frange que sa sœur il y a quelques années et ça lui fait un petit pincement de nostalgie. Elle a aussi un joli sourire, très contagieux, qui ne diminue pas d’un iota lorsqu’elle s’adresse à lui dans un japonais naturel. Et Rin répond de la même manière, forcément, trop heureux de pouvoir s’exprimer dans sa langue natale avec quelqu’un d’autre que sa propre famille. « Ravi de te rencontrer, Ayumi. Je suis Rintarō, je suis tombé sur l’une de tes invitations alors je me suis permis… »* Il avise le deuxième fauteuil, manifestement vide, à sa table. Peut-être attendait-elle quelqu’un d’autre ? Mais avant que Rin ne puisse s’inquiéter plus que de raison – comme d’habitude –, Ayumi l’invite à s’installer. « Un thé ce sera parfait oui, merci. Hum, j’ai aussi apporté ça... » Maigre présent qu’il est presque gêné d’offrir, le moment venu. Rin soulève puis présente à deux mains la petite boîte en carton qu’il a apportée : un assortiment de wagashi faits maison, loin d’être aussi beaux que s’ils avaient été préparés par un professionnel mais tout aussi bons… enfin il l’espère. « Pardon, ils ne sont pas très bien décorés mais je n’avais pas les bons outils alors… Hmm. Bref. Ça va bien avec le thé. Tu aimes ça ? »

*les dialogues en italique sont en japonais

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17/02/2023

Une petite douceur
@Kimura Rintarō | mars 2025

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Si heureuse d'avoir finalement un nouveau visage faisant irruption dans ce café, lieu de rendez-vous pour qui veut bien se saisir de l'invitation, une nouvelle belle âme à découvrir, que mon sourire est incapable de quitter mes lèvres. L'enthousiasme trop grand pour pouvoir s'amenuir d'une quelconque manière. < Enchantée, Rintarō ! > Je le salue en m'inclinant poliement puis invite naturellement l'étranger qui ne le reste que quelques secondes à s'installer à mes côtés. Je me serais empressée de commander le thé pour lui, toujours au petit soin, s'il ne m'avait pas tendu une jolie boîte entre les mains. Ma surprise a le mérite d'accorder un bref temps de répit à l'homme, un silence d'étonnement qui se transforme en rougissement. < Oh mais tu n'avais pas à amener un cadeau. Je n'ai rien pour toi moi… > Gênée, désemparée, si l'inconfort est soudain, il a aussi quelque chose d'agréable malgré tout. Je n'avais pas reçu de cadeau depuis longtemps, un sentiment de maison et de chaleur qui avait eu tendance à se dissiper ces dernières semaines. Mon sourire repart de plus belle, à ouvrir délicatement la petite boîte. Des pâtisseries de chez nous. C'est sûrement des yeux admirateurs que je redresse sur lui, émerveillée. Ils auraient pu être moches à souhait, ma réaction aurait été inchangée. Mais c'est loin d'être le cas. < Ils sont magnifiques. > Je lui rétorque rapidement, gentiment pour le rassurer. < Tu as dû y passer un temps fou ! J'adore ces pâtisseries, c'est parfait. > Doucement je pose la petite boîte sur la table, range mon carnet et commande un nouveau thé pour nous deux. < La prochaine fois, c'est moi qui cuisine. > Je lui promets naturellement, lui parle comme si nous nous connaissions déjà depuis longtemps et qu'une nouvelle rencontre n'était qu'une banalité. Chaussures de nouveau abandonnées au sol, je m'installe en tailleur sur mon fauteuil, à mon aise. Mes yeux posés sur l'homme, je ne traîne pas pour engager la conversation, l'habitude de rendre la plus loufoque des situations tout à fait banale. < Tu es à New Blossom depuis longtemps ? > Je lui demande simplement, pour enchaîner plus en détails. < Tu sais, il y a des jours où je me demande ce qui attire tant dans cette ville, avec tous ces clivages sociaux. Y a comme un gouffre qui sépare la population. > Je lui énonce un peu pensive, les derniers mots griffonnés dans mon carnet flottant encore dans mon esprit. < Tu fais quoi toi ici ? > Je lui demande avec un sourire comme si de rien n'était, l'envie plus forte d'échanger que de m'arrêter sur des différences qui pourraient nous diviser. Et je me penche un petit peu vers ses wagashi, une main tendue retenue en l'air, < Je peux en goûter un ? > Je lui demande trop polie, n'osant pas perturber la beauté de son œuvre culinaire.

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19/12/2022

Une nervosité naturelle, inévitable, à la perspective de rencontrer une inconnue. Il y a pourtant cette anticipation presque enfantine au moment de pousser la porte du café, de chercher du regard des traits familiers, d’imaginer un visage à partir des quelques phrases griffonnées sur un bout de papier. Et puis il y a ce sourire chaleureux qui fait fondre toute trace d’appréhension comme neige au soleil : Ayumi a ce genre d’aura qui inspire la bienveillance, Rin le remarque tout de suite.

Des présentations polies échangées, l’ingénieur s’empresse de présenter le cadeau – un bien grand mot – qu’il a apporté sous forme de petits gâteaux. Il est loin de se prétendre pâtissier, préférant le réconfort d’un bon plat cuisiné – mais il se doit d’avouer en toute modestie que ses wagashi n’ont rien de ridicule malgré la grossièreté des décorations en pâte de riz. « Ça me fait plaisir, ce n’est pas grand-chose… » qu’il répond, gêné que flatté, éternellement incapable de recevoir un compliment.

Tandis qu’Ayumi accepte la boîte et en décolle les bords pour admirer les friandises à l’intérieur, Rin s’installe délicatement sur le fauteuil en face du sien, laissant ses yeux se poser sur les motifs ornant le papier-peint. Ce café est décoré avec goût, ne peut-il s’empêcher de noter, appréciateur. Les thés commandés, la jeune femme lui propose de se charger de la cuisine pour leur prochain rendez-vous et Rin lui retourne un sourire sincère, pas le moins du monde surpris par la mention d’une seconde édition. « Oh, tu cuisines aussi ? Je suis sûr que ce sera très bon. » Quand il est question de bouffe, l’ingénieur n’est pas difficile. Encore moins s’il s’agit – comme il le soupçonne – de cuisine japonaise. ~~Oui, même le natto~~.

La discussion évolue naturellement sur les raisons de leur présence à New Blossom. « À peu près sept ans, je suis arrivé en 2018 pour finir mes études et… ah, je ne suis jamais reparti. Ça fait un bout de temps. » ajoute Rin avec une grimace. Parce qu’il a bien dévié du plan initial depuis qu’il a pour la première fois posé le pied en terre américaine. Parce que cette ville lui a réservé son lot de surprises et, comme le souligne si sagement Ayumi, son lot de remises en question. Il acquiesce du menton. « Hmm. Oui, elle est loin d’être parfaite. » Rin se garde bien de défendre le contraire, il aime New Blossom presque autant qu’il la déteste. Malgré tout, il ne se voit pas vivre ailleurs. Peut-être plus tard, un jour, quand il aura mis un peu d’ordre dans sa vie. « Et toi ? Qu’est-ce qui t’as poussé à venir ici ? Je crois me souvenir que tu as mentionné dans ton invitation que tu venais de Tokyo ? » Il est curieux, forcément, d’autant plus si Ayumi semble si attristée par les clivages sociaux de la ville. Une mutation professionnelle, peut-être ?

« Je suis mécanicien dans un garage. Je répare des mods, principalement. » Rin explique brièvement lorsqu’on le questionne sur son occupation, édulcorant par habitude la vérité. Il suppose que l’information "altérations" se suffit à elle-même, New Blossom étant après tout la capitale mondiale des cyber-technologies.

Et lorsque la jeune femme lui demande l’autorisation de goûter un de ses wagashi, Rin hoche la tête avec enthousiasme. « Oui bien sûr, sers-toi ! Ils sont là pour ça. Ceux-là sont aux fruits et ceux-là aux haricots rouges. » Il l’observe choisir l’un des gâteaux puis en porter un à sa bouche, un poil nerveux quant à sa réaction. « Qu’en penses-tu ? J’espère ne pas les avoir trop sucré. »

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17/02/2023

Une petite douceur
@Kimura Rintarō | mars 2025

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Ma tête se penche légèrement de curiosité à observer Rintarō. Si je ne connais l'homme que depuis quelques minutes à peine, il y a quelque chose en lui qui le classe dans mon top trois des belles rencontres depuis mon départ. Quitter le pays un choix difficile, s'étant révélé autant nécessaire que libérateur. Retrouver mes habitudes sociales m'est agréable, cette réserve naturelle qu'il exprime. Toutefois il y a aussi cette infinie gentillesse qui étincelle dans ses iris, sa simple présence ici en réponse à mes appels anonymes en est la preuve. Voilà assurément une personne aussi belle qu'intéressante. C'est avec la sensation de le connaître depuis des mois, des années, que je m'exprime à lui. L'envie transpirante de faire perdurer ce contact, nos interactions, avec l'unique volonté de lier une amitié capable de durer autant que possible.

< Je cuisine surtout pour les autres oui, comme toi ! > Je lui réponds, aussi douce qu'enthousiaste, pensant à ses bouchées d'amour réalisées. < J'essaie de garder mes expériences culinaires pour moi, ne réservant que mes succès aux autres. > J'ajoute comme une confidence, comme s'il m'arrivait réellement de gâcher des plats. Trop d'années de pratiques, trop de tests réalisés sur cet âme-sœur perdu, pour réellement rendre une casserole impropre à la consommation.

Attentive à toute information qu'il me laisserait apprendre, volonté de mieux le connaître, je pose mes grands yeux ronds sur lui, la tasse chaude de mon thé entre les mains. < Tu t'es laissé capturer de l'autre côté des océans… > Je lui réponds comme un échos à ses pensées semblant se perdre, dans la trajectoire qu'a pris sa vie, des chemins et décisions l'ayant mené jusqu'à sa présence ici aujourd'hui. < C'était quoi, ton piège à toi ? Tu t'en es libéré tu crois, aujourd'hui ? > La supposition qu'un jour une chose ou un être l'ait retenu ici. Questionnements peut-être déplacés, l'indiscrétion n'a pourtant pas cette consonance invasive, plus cet air de normalité qui n'interpelle pas vraiment. < Je viens du Japon oui, d'Aizuwakamatsu plus exactement. J'ai vécu dans tant de villes, que j'en ai perdu la notion d'un 'chez soi'. La maison finalement, c'est seulement là où se trouvent ceux qu'on aime. > La nostalgie qui s'échappe de mes lèvres, le cœur qui se serre à prendre conscience de ces mots prononcés. S'il y a eu mille rencontres, un seul être signifiait maison. Sans lui aujourd'hui, mes mots perdent soudainement leur sens. L'émotion perceptible, la tristesse ressentie n'étire pourtant pas mes traits, un sourire sur les lèvres quand j'en viens à la raison de ma présence à New Blossom. < J'ai perdu ma moitié. > Je lui explique comme une évidence, la peine de la culpabilité me traversant. Être aimé tel un frère, unique représentant d'une famille éternelle qui s'est finalement éteint. < Le changement a été nécessaire. Puis on n'était encore jamais venu sur ce continent. Une sorte de promesse exhaussée pour lui. >

Assez parlé de moi, sensation désagréable de m'attirer toutes les lumières quand l'ombre me sied si bien, je préfère en découvrir plus sur lui. < Oh c'est super ca les mods ! Tu en as, toi ? J'ai lu tellement d'études sur leur élaboration, sur la connectique au corps humain, c'est passionnant ! Tu me montreras ton garage ? C'est toi aussi qui les installes sur les gens ? > Curiosité piquée de son activité, curiosité pour tous les milieux, même si les technologies constituent un bel appât. Je m'empresse de goûter entre deux gorgées de thé ses gourmandises, petits gâteaux délicieux, le rassure sans une hésitation, un second déjà entre mes doigts. < Ils sont parfaits tes wagashi ! Ceci dit, ils ne vont pas survivre à notre rencontre. > Je lui précise, amusée et l'appétit ouvert tandis que je lui tends la petite boîte, l'invite à manger aussi de ses merveilles.

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19/12/2022

Chose étonnante, Ayumi a ce phrasé délicatement poétique qui lui donne un air plus sage et mature que sa frange et ses yeux rieurs ne laissent deviner de prime abord. Comme si elle avait déjà vécu mille et unes expériences de vie malgré son jeune âge.

Sa question laisse Rin un bref instant songeur, jugeant qu’elle mérite une réponse réfléchie. Sans aller jusqu’à raconter l’histoire de sa vie ou les obstacles qu’il a pu rencontrer, évidemment – ni l’un ni l’autre ne sont appropriés pour une première rencontre. Il pince les lèvres. Qu’est-ce qui le retient ici ? La culpabilité, la honte, la responsabilité de réparer ses erreurs passées… Un cynisme bien trop lourd pour être partagé avec une inconnue, aussi chaleureuse soit-elle. A la place, l’ingénieur reste vague, sans pour autant mentir. « Le travail, entre autres… Rendre mes parents fiers, je suppose ? Une quête sans fin, » ajoute-t-il sur le ton de l’humour avec une petite grimace complice. Pour ce qu’il en est d’être libéré, il ne doute pas un seul instant que sa réponse sera peu ou prou la même dans vingt ans et au-delà… Une histoire de culture, probablement.

Toujours poli, Rin retourne l’amabilité et s’interroge sur ce qui a pu pousser la jeune femme à traverser le Pacifique. Le nom de sa ville natale est vaguement familier, ça sonne comme un souvenir lointain, nébuleux. Il se rappelle d’une sortie scolaire, d’un long trajet en bus, de contes de samouraïs vivant dans un immense château, de bentō préparés avec soin et dévorés dans un parc à l’ombre d’un grand arbre. Un sourire doux vient étirer les lèvres de Rin aux mots empreints de poésie d’Ayumi. « Oui, c’est vrai. » Lui a du mal à réfléchir ainsi, éternel cartésien, mais l’idée le bonheur puisse se trouver n’importe où pourvu qu’on soit près de ceux qu’on aime lui plaît.

La jeune femme semble pourtant hésiter à poursuivre et une ombre passe brièvement sur son visage lorsqu’elle en vient à expliquer la raison de son déménagement. Son ton reste égal malgré le chagrin qu’on devine dans la force des mots employés, et Rin ne peut empêcher ses épaules de s’affaisser, touché, regrettant presque d’avoir demandé. « Oh… Je suis désolé. » C’est terrible de perdre quelqu’un de si cher et, bien qu’ils ne se connaissent que depuis peu, ça le peine sincèrement qu’Ayumi ait dû traverser ce genre d’épreuves. « Je te souhaite d’y trouver ce que tu cherches, dans ce cas. Malgré tous ses défauts, New Blossom est l’endroit idéal pour un nouveau départ. » Rin lui offre un sourire candide, pesant chacune de ses paroles.

Et puis c’est tout son visage qui s’illumine face à l’enthousiasme de la jeune femme pour les altérations, seul un léger rose au niveau de ses oreilles en témoin d’une gêne toute timide causée par l’attention soudaine. « Tu trouves aussi ? Ah, ‘faut pas me lancer sur ce sujet, je pourrais en parler pendant des heures… » Rin échappe un rire nerveux, trop conscient de sa tendance à palabrer jusqu’à plus soif sur un sujet qui peut vite se montrer rébarbatif pour les non-initiés. Il est pourtant difficile de résister à un regard aussi pétillant et avide de savoir que celui d’Ayumi. « Tu as bien fait de venir à New Blossom si les altérations t’intéressent, il y en a partout. J’en ai quelques-unes, hum… Ma jambe, principalement, mais elle n’a rien de très spécial. » explique-t-il modestement, tapotant doucement son genou droit où le tissu de son pantalon recouvre le chrome de sa prothèse. Elle est spéciale, à ses yeux, même si elle n’est dotée d’aucun gadget. « Tant que l’installation ne requiert aucune chirurgie lourde, ça m’arrive de les installer moi-même oui. Mais j’évite en général, ce n’est pas ma spécialité. Tu devrais passer au garage un de ces jours, la porte est toujours ouverte ! »

D’un geste discret, Rin fait signe à la serveuse et commande un simple thé vert tandis qu’Ayumi goûte un des gâteaux. Il observe du coin de l’œil sa réaction, attentif au moindre signe, et se détend visiblement lorsqu’elle le complimente généreusement. « Ne te retiens pas ! Ils sont meilleurs frais. » l’encourage-t-il en acceptant la boîte tendue avec un remerciement du bout des lèvres. Il attrape un de ceux aux fruits, très sobrement décoré de quelques graines de sésame, avant de l’enfourner tout rond.

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17/02/2023

Une petite douceur
@Kimura Rintarō | mars 2025

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Rintarō prend le temps de réfléchir à mes questions, certitude qu'elles touchent une corde plus sensible, intime. Faculté innée d'aller creuser dans les âmes en quelques mots, sans en prendre réelle conscience. La volonté unique de découvrir chaque être, d'ouvrir le dialogue, leur venir en aide si cela m'est possible. Si c'est parfois mal perçu et refait se refermer les gens comme une coquille d'huître, lui m'apporte une réponse, personnalité aussi douce que gentille. Je souris à son rire, lui réponds sans reproche < Tant que tu fais ce que tu aimes. J'espère juste que cette quête est bien la tienne, ta propre voie. Vivre pour les autres, c'est épuisant. > Dit celle qui voue les siècles de son existence à tendre la main vers autrui. Toutefois je ne l'ai jamais ressenti tel un poids.

Le sujet de Hyun-Su évoqué, je pourrais presque percevoir sa présence à mes côtés. Entendre ses idioties qui ne cherchent qu'à me tirer un sourire, avec succès. Sentir ses bras autour de moi, dans une étreinte protectrice, tandis que je deviens livré à moi-même. Les paroles de mon nouvel ami font s'étirer mes lèvres, < Tu n'y es pour rien. > Je lui réponds paisible, plutôt heureuse de pouvoir raviver son souvenir, malgré la peine qui l'accompagne. < Je ne suis pas sûre de réellement chercher quelque chose. En l'occurrence, c'est plutôt toi qui m'a trouvé. > Amusée puis rapidement gênée, mes joues s'empourprent et mon regard se perd sur la table. < Merci d'ailleurs, d'être venu. Tu es le premier et je n'aurais pas pu espérer meilleure rencontre. > L'attache déjà présente, à cet étranger qui ne l'est plus, au fur et à mesure de la conversation. L'attache qui a toujours été trop aisée, quand les années finissent par faire leur effet et nécessiter une distance jusqu'à l'oubli.

< J'ai tout mon temps ! > Je lui réponds amusée, euphémisme dont il n'a pas conscience. L'œil attiré sur sa jambe, je n'aurais pas deviné l'existence d'une prothèse. Je me demande bien lesquelles sont ses autres altérations mais n'irai pas à m'aventurer sur ce terrain. Je garde ma curiosité pour moi, espérant qu'il garde ainsi la sienne pour lui. < J'ai cru comprendre oui, qu'il y a une grande passion ici pour les altérations. J'en vois beaucoup passer, au centre d'accès au soin où je travaille. … Ce n'est pas une population très aisée dont je m'occupe, et on ne soigne que le corps humain. Peut-être que je pourrais t'envoyer ceux ayant besoin de petites réparations ? Je suis chirurgienne moi, en retour je pourrais t'aider, si jamais tu en as le besoin ? > L'envie d'aider toujours au-devant, mes intérêts propres relégués au second plan.

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