hole in the sun (skelton)

Tiny se perd dans les profondeurs des profondeurs ; il fuit la lumière; la vraie et la fausse, les reflets et les éclats présents dans les yeux des gens. C’est quelque chose qui le frappe, parfois, par moment ; une peur qui naît d’un détail précis, d’un moment sans prétention, sans grand fracas. Tiny est différent ; décousu, ailleurs. Les rouages de son esprit sont emboîtés d’une autre manière, différents de ce que l’on connaît. La créature de l’Under voit des ennemis qui n’existent pas, voit des démons qui n’ont pas raison d’être. Il les méprise et les déteste, sait à l’occasion qu’ils ne sont que des miracles flous de son esprit dont la matrice est mensongère.
Il sait. Tiny sait que plusieurs pensées, réflexes n’ont aucune logique. Qu’il s’égare et creuse, alimente sa propre folie, sa propre démence.
Il n’y échappe pas ; voit la chose, l’observe et en comprend les contours, un peu mieux qu’avant du moins, mais cède.
C’est la voix de Big Earl, forte et solide, qui résonne encore dans son esprit qu’importe le nombre d’années qui s’est écoulé depuis qu’il n’a pas vu l’homme. L’Étrange personnage.
Aucune lumière, aucune lueur. Tiny possède des tanières dans la pourriture et dans les profondeurs délaissées. Le parasite aime s’aventurer et se terrer loin des sentiers battus, se terrer dans une forteresse moindre bâtie par ses soins où il se sent confortable le temps que son esprit se calme. Ici, son téléphone fonctionne une fois sur deux. Les messages de Komo rentrent plus lentement. Tiny fixe l’appareil et le ferme pendant de longues heures, sait qu’il ne devrait pas, mais il désire préserver la batterie. Il est parti trop rapidement ; sans chargeur externe pour s’autosuffire s’il y a un problème.
Tiny n’a pensé à rien, uniquement pris par la panique, la peur. Par la voix de Big Earl, dans son esprit, l'incitant à fuir loin des regards et se terrer quelque part, disparaître pour un temps indéterminé.
L’Underdam est un antre dans laquelle le parasite s’est forgé une tanière. Une chose laide et peu confortable, une demeure qui empeste et qui gronde. Peu de gens savent, peu de gens connaissent. Gigi et Kyoka ignorent les emplacements, comme Komo. Il pense le dire à Komo, un jour. Lui montrer ; lui montrer à quel point sa tête ne fonctionne pas bien, parfois.
Skelton sait. Skelton sait car Skelton comprend, un peu, Tiny croit. Il pense. Il ne sait pas.
Mais Skelton sait et quand des bruits résonnent dans l’endroit étrange, Tiny lève les yeux et fixe dans la noirceur, de longues secondes, avant d’avoir une lampe de poche lui massacrer la rétine.
- mes yeux, qu’il peste, comme un animal sauvage. Tiny porte ses mains à ceux-ci et les frotte. Ils sont sensibles ; fragiles. Il ne fixe pas les écrans trop longtemps, joue toujours avec la luminosité, sait que le soleil pourrait le blesser. Tiny vient d’en Bas, pas d’En Haut. quelqu’un t’a suivi ? Tiny quitte l’endroit où il est posé depuis de longues minutes. Ses jambes lui font mal ; il se rend compte qu’il s'est assis trop longtemps. S’étirant le cou, il observe derrière Skelton, tâche de voir dans une obscurité différente pour lui. t’as fait attention ? Ils sont partout. Il peut être retrouvé si facilement. Tiny serre, dans sa main, une lame de couteau.

Tiny a des insectes dans les veines, dans la tête. Des parasites qui lui murmurent des pensées sombres et viles, des images qui n’ont ni queue ni tête, qui ressemblent à des fanfares plus qu’à la réalité. Tiny possède son propre monde, son univers. Il n’est pas aligné avec ce que les autres pensent. Jamais il ne se demande si on le comprend ; Tiny suppose trop souvent que ce n’est pas le cas. Il ne cherche pas à l’être, de toute manière. Il ne cherche pas à expliquer quoique ce soit, offre des explications souvent maigres quand on ose demander. Sa logique est cassée ; unique. Le terme change selon la personne qui en parle. Tiny n’écoute pas vraiment.
Cassée ou unique ? Qu’en pense Skelton ? Tiny ne sait pas ; ne se demande pas.
Entre ses doigts, le manche de la lame lui massacre la paume de la main. Il continue de le serrer malgré tout ; Tiny refuse de le lâcher. Il a confiance en Skelton à un certain point. Il a confiance jusqu’à preuve du contraire.
Le mort-vivant lui demande de le croire. Tiny le fixe et ne cille pas. Devrait-il ? Il ne sait pas. Sa tête est pleine de doutes. Il ignore beaucoup de choses. Le monde est si étrange. Tiny échappe à le comprendre. Il est si large; trop vaste pour lui.
Il tend le cou, Tiny. Observe loin derrière ; loin dans l’obscurité qui n’est pas si sombre, pour lui. Il essaie de croire ce qui est invisible et sa vision créer des fantômes.
- Des gens - , qu’il commence. Il veut expliquer mais les mots lui échappent. Comment expliquer quelque chose lorsque les gens ne comprennent pas, ne connaissent pas son univers ? Tiny vient d’ici et d’ailleurs ; sa place dans les profondeurs est si particulière qu’il n’en comprend pas la finesse lui-même. Il y a des gens., qu’il dit juste, pour former une phrase. Tiny observe encore et finit par s’approcher ; rejoindre Skelton sans envahir son espace ; sans l’inclure dans le sien. Il y a toujours une bulle autour de Tiny ; un décalage. Tu as amené quoi ? Sa voix est calme et rauque. On dirait toujours qu’il n’a pas parlé depuis des jours. La chose est souvent fréquente ; Tiny parle pour dire ce qu’il faut dire, jamais pour s’égarer. Les longues conversations en sa compagnie sont précieuses et rares. Tiny ne les accorde qu’à très peu de personnes. Skelton y goûte, parfois. Montre moi. Loin des gens. Tiny se recule ; s’éloigne d’un pas. Ici, ils sont à découvert. Cachés dans sa tanière et exposés en même temps. Tiny a un instant de silence ; de vide ; d’égarement ; puis, il s’empare de l’une des mains de Skelton et l'entraîne à sa suite. Deux couloirs plus loin et ils seront plus en sécurité. Assez pour qu’il puisse respirer et se calmer.

Tiny voit ce qui existe et ce qui n’existe pas. Tiny a son propre monde ; celui de l’Under est étrange même pour lui ; il en dessine un autre unique ; les traits ont été gravés par Big Earl et déformé par un garçon de la noirceur. Il ne sait pas ce qui est vrai pour l’univers, il ne sait pas ce qui est vrai pour les autres. De toute manière, le monde est rempli de mensonges. C’est la première chose qu’on lui a dit ; dont il se souvient. Le mensonge est la chose la plus fréquente que l’on peut voir et croiser, dans ce monde. Le mensonge est un monstre qui possède des visages si nombreux que l’on ne peut ni les compter, ni les décrire. Ils changent de forme selon les interprètes qui les prononcent.
Tiny est un menteur, lui aussi. Il est le menteur des autres et le sien aussi, à l’occasion.
Tiny ne sait pas quand il dit la vérité ; il ne sait pas, depuis un temps, si ce qu’il croit est vraiment véritable.
Tout lui échappe ; le monde qu’on lui a dessiné depuis toujours commence à ressembler à un mensonge.
- Aveugle ? Hallucination ? Qui sait. Tiny ne sait pas lui-même. Il saura un jour. Pour l’heure, il croit ce qu’il veut. Ce qu’il peut.
Loin des gens. Loin des regards. Plus noirs sont les ténèbres et plus confiant il est. Pour lui, l’obscurité n’existe pas vraiment. Ses yeux sont trop sensibles ; humain ? Monstre ? Certains diraient qu’il est un cauchemar. Tiny ne sait pas. Ses cauchemars ne ressemblent pas à ça.
Ses cauchemars, c’est sa vie sans Komo. Juste ça.
Il n’y a rien de plus monstrueux.
- Tout ? Tiny s’approche et envahit sa bulle ; brise les barrières qui peuvent exister et ne les voit simplement pas. Les lois de la nature n’existent pas pour lui. Tiny est dans son propre monde. Ici mais surtout ailleurs. Contre son front, certaines mèches de cheveux tombent ; collent. Tiny fronce des sourcils à observer les trésors de Skelton. C’est quoi ? Les doigts s’emparent de la canette d’Energy Seven et Tiny l’approche de son visage, lit les inscriptions et grimace. Poison. Il balance le contenant au loin sans retenue. Le bruit d’impact et puis, un sifflement. La canette s’est ouverte sous le choc et coule, quelque part. Les doigts s’emparent de la banane et il l’ouvre, prend une bouchée démesurée avant de humer. Des bêtements ? Bouche pleine ; mots déformés. Tiny observe avec une curiosité presque naïve, le regard brillant dans la noirceur. Je sais pas. On verra La banane est coincée dans sa gueule, entre ses lèvres, et Tiny fouine dans le sac pour voir ce qui a été apporté. Il ne connaît pas les marques, il ne connaît pas la plupart des groupes de musique. Tiny a son propre monde ; teste uniquement les textures. Hm, qu’il fait, bouche pleine. Tiny avale difficilement un bout de banane et laisse le reste tombé sur le sac, lève dans les airs un bout de tissu bien maigre qu’il dévisage. Ew, qu’il fait, après quelques secondes. Un visage qu’il n’a pas vu depuis des mois. Un groupe de musique qu’il a enterré seul. On lui a bien envoyé des messages ; surtout Hotshot. Mais Tiny a fait son choix; Tiny abandonne les gens. C’est trop petit. Pour lui, en tous cas. Il hausse d’un sourcil et tourne son regard vers Skelton, le dévisage et baisse les yeux sur son entrejambe. Ça te fait ? Le ton est plat ; commentaire indiscret mais Tiny est sans gêne. Surprise, vraiment.