Devil in the mirror

TW : violence physique

La pupille dilatée, les sens déployés, les pensées désagrégées et la faim - cette faim vorace qui ne se satisfait que de violence crasse, la consument en entier. Ce qui s’empare d’elle écrase l’entièreté de sa personnalité. L’effet papillon a débuté, le battement d’ailes qui génère le chaos. Après avoir sillonné le quartier en quête de témoignages, l’esprit encombré par l’affaire sordide qu’on lui a confié, la détective s’est éloignée de l’agitation pour rejoindre son véhicule. Trois rues remontées dans un silence morbide, trois maudites allées empruntées avec ce bruit de pas qui ne lui appartient pas. La paranoïa en unique alliée, la sensation d’être suivie, observée et le besoin de reprendre un rôle plus adapté, elle s'est alors retournée pour l’aviser. Ça l'a frappée avant même qu’elle ne soit en état de le conscientiser. Fantôme de son passé ou tout du moins, sosie inquiétant d’un de ses harceleurs qui s'est glissé sous ses yeux terrorisés. Il n'en a pas fallu plus que cette ressemblance dans ce contexte particulier pour que Daevy se mette à vriller. Elle inverse la tendance, bascule de proie en prédateur sans que la transition ne soit visible ou même cohérente. Avant qu’elle ne comprenne elle-même l’impact de sa propre angoisse, le Wendigo s’est redressé et s’est mis à pourchasser celui qui lui emboitait le pas. Les premiers instants de confrontation lui échappent, la mémoire déchiquetée par l’afflux d’adrénaline. Ne demeure que la suite, la course entreprise pour rattraper l’ombre, la faire parler. Tout se confond à mesure que les enjambées sont prises. Monstre parmi les Hommes, elle s’engouffre dans l’obscurité pour bondir sur son gibier. Les odeurs se mélangent, la trajectoire est mal évaluée, tout n’est qu’un stimulus de trop.

Ainsi, la prochaine silhouette à se découper du décor est interprétée par un instinct altéré. Elle se méprend sur la cible, se jette sur l’inconnu sans s’annoncer, le contournant pour qu’il reste dos à elle. Elle le plaque alors avec brutalité contre la façade la plus proche, le visage se mange la brique. Elle y ajoute un coup de poing dans la foulée, porté aux côtes pour s’assurer de le désarçonner. L’identité de sa victime se dessine difficilement sous l’impulsion du chaos, cette question demeure futile, bercée comme elle est par l’attrait du sang et du carnage que sa mutation lui souffle toujours plus viscéralement. Le bras se relève dangereusement, se pose sur le cou pour le comprimer, le caler, pour lui assurer l’ascendant. « Pourquoi tu me suivais ? » Ça vrombit entre ses babines, prend une dimension terrifiante, cette voix-là ne lui appartient pas, ébréchée par une dureté et une malfaisance certaine. Elle ne se reconnaitrait pas pour peu qu’elle avise la scène qu'elle est occupée à jouer, désincarnée de l’entité qu’elle a composé pour assouvir une vengeance inutile. Démon qui frappe aveuglément les âmes en déroute. Animal qui ne reconnait même pas ceux qui ont, un jour, fait partie de sa meute.