Midnight Snack [loterie du rp]

Le Westway Dinner lui rappelle son enfance. Une jeunesse loin d’être dorée, où le moindre dollar était compté, où les sorties au dinner étaient si rares qu’elle pourrait les faire tenir sur ses dix doigts. Pourtant, l’ambiance du restaurant évoque sans complaisance l’ambiance des années 50. Les couleurs sont fanées, les néons crépitent dans l’obscurité de la nuit, le skaï troué des banquettes griffe l’arrière de ses genoux. Pourtant, elle se sent bien. Revenue à une époque où, certes, elle n’était pas heureuse, mais où, au moins, elle pouvait dormir la nuit, sans crainte de voir ressurgir ses vieux démons. La tarte devant elle est encore intacte, la fourchette à trois dents posée sur le rebord de l’assiette, attendant d’être saisie. Noix de pécan et caramel. Ça aussi, c’est un souvenir d’enfance. Un péché mignon qu’elle ne s’autorise que rarement ; quand elle vient ici. Des visites dont personne - personne - n’a connaissance. Pas même Destruction.

En entendant la clochette de la porte d’entrée sonner, la septuagénaire relève paresseusement les yeux, fixant la jeune personne trempée par la pluie torrentielle qui tombe dehors. Une voix rocailleuse l’interpelle alors, lui enjoignant de se servir, avant d’ajouter quelque chose au sujet du personnel. Un sourcil haussé, interrogateur, Rhea se retourne à peine, jetant un coup d’œil au vieil homme, qui ne se sort pas de sa quinte de toux. Et soudain… Un bruit, plus fort que les autres, attire son attention. Si elle ne se serait pas préoccupée de cela en temps normal, l’étrangeté de la situation la pousse à se lever pour partir à la recherche du bruit. Et derrière le comptoir… Un chinchilla. Qu’est-ce que…

J’arrive pas à m’endormir malgré les bras de Minnie, j’tente de me concentrer sur sa respiration, d’y caler la mienne, mais j’y arrive pas et ça m’frustre plus qu’autre chose. J’sais qu’il est crevé à cause de moi, d’mes angoisses, d’mes crises de larmes. J’veux pas le réveiller pour la dixième fois cette semaine. J’m’extirpe de sous la couette, alors, enfile un hoodie sur mon pyjama en pilou et mes crocs, puis j’quitte l’appart’ pour me traîner un peu dehors. Prendre l’air, marcher sans but, ça m’donne envie, sur le moment. Au début, la pluie est légère, ça m’dérange pas, mais au bout d’un quart d’heure j’me tape une drache de l’enfer, et non j’ai pas trop prévu l’parapluie pour ma p’tite sortie nocturne. Y’a pas trop d’abri dans l’coin donc j’cours jusqu’à la rue suivante et j’tombe nez à nez avec un resto, néon moche toujours allumé sur l’trottoir d’en face. J’pousse la porte sans m’préoccuper des heures d’ouverture. S’iels veulent fermer, iels attendront bien la fin d’la pluie du démon.

J’retire ma capuche vivement, secoue la tête et garde mes bras écartés comme un chat qui déteste l’eau, clignant des yeux face à la déco criarde. J’aime bien. Un vieux type me dit d’me servir et j’retrousse les lèvres, un peu dégoûté par sa quinte de toux. J’ai pas de thune sur moi de toute façon, mais j’repère une cloche avec des p’tits morceaux de tarte à déguster sur le comptoir du coup je splotche-splotche jusque-là quand un bruit bizarre m’interrompt dans mon élan en m’faisant sursauter. THE FUCK??, j’m’exclame trop fort en observant la cliente qui a abandonné sa place pour investiguer. J’me rapproche précautionneusement derrière elle, me dressant sur la pointe des pieds parce que j’veux pas trop m’pencher pour voir ce qu’il y a là derrière. C’est juste un chinchilla. J’fais le tour du comptoir pour m’accroupir près de l’animal, lui tendant la main : Hi, lil’ thing. You lost?, j’lui demande tout doucement comme s’il était capable de répondre. J’relève la tête vers la femme, plisse les yeux : It’s yours?

@Mr. Brightside

Avertie par le bruit mouillé de l’arrivée d’une autre personne derrière elle, Rhea relève à peine la tête dans sa direction. Manifestement aussi surprise.e qu’elle, lae brun.e lâche une exclamation retentissante, avant de la dépasser et de s’approcher précautionneusement de l’animal. Il faut à la septuagénaire tous les efforts du monde pour retenir une grimace dégoûtée à l’idée de toucher cette bestiole. Rhea n’a jamais été l’amie des bêtes, et encore moins de ces nouveaux animaux de compagnie que les jeunes de New Blossom ont l’air de s’arracher. Le regard qu’elle renvoie à l’inconnu.e suffit à répondre à sa question. Do I look like it’s mine? demande-t-elle néanmoins. Not yours, either, I’ll assume. La présence de l’animal est déjà assez incongrue comme cela.

Hey, man, is – what? Elle s’interrompt, réalisant que l’homme a disparu. A sa place, il ne reste que les reliefs de son repas, et rien d’autre. Se redressant pour de bon, l’attention de Rhea est attirée par un nouveau bruit en provenance de la cuisine, en même temps que la musique s’arrête, pour mieux reprendre quelques instants après – revenue en arrière sans qu’aucun d’eux ne touche au vieux jukebox. Did you do something? La voix, impérieuse, ne laisse aucun doute. Elle n’acceptera pas de mensonge. Elle connait déjà la réponse, cependant. Dehors, l’éclair la fait sursauter pour de bon, et elle pose une main tremblante sur le comptoir, submergée par les souvenirs du laboratoire. De l’effondrement de l’immeuble. Le cœur battant, elle jette un coup d’œil aux ampoules au filament encore rougeoyants, priant que celles-ci se rallument rapidement. Autour d’elleux, la musique semble avoir des ratés, rejoue en boucle les mêmes mesures. Un nouvel éclair révèle le mouvement lent de la porte, grinçant sur ses gonds. What the actual fuck. Les dents serrées, alors qu’elle jette un coup d’œil à la personne à ses côtés. Puis à la porte. Care to see what’s behind?

J’lance un regard suspicieux à la cliente qui n’a pas l’air d’aimer les animaux. Moi j’aime pas les gens qui n’aiment pas les animaux. J’secoue la tête à sa question et j’fronce les sourcils en ramenant mon attention sur le chinchilla. Il semble assez peureux, peut-être qu’il se rapprochera si j’lui donne quelques miettes de tarte ? J’vais pour me redresser doucement et récupérer les morceaux en dégustation, mais un nouveau bruit m’fait sursauter et le rongeur prend la fuite. Nooo, j’me lamente en me contorsionnant du côté du comptoir pour essayer d’voir où il est passé. La femme me parle et j’réponds un What? pas très poli, parce que j’comprends pas où elle veut en venir.

Et puis, y’a un éclair, les lumières sautent, et moi j’sursaute tellement que j’me retrouve sur le cul par terre après m’être cogné la tête contre le comptoir. Non sans avoir échappé un p’tit cri de surprise, gueulé à la douleur et lâché une flopée d’jurons en coréen. J’me sens pas spécialement plus serein maintenant, il fait noir, la musique s’la joue film d’horreur, et les portes s’y mettent aussi en synchro parfaite avec un nouvel éclair, ce à quoi je hurle un : THE FUCK!!! en me relevant très, très vite pour retourner d’l’autre côté du comptoir, et me planquer derrière la femme. You go first! I’m too young to die!! J’hésite quand même à juste me barrer en courant, parce que s’iels faisaient ça dans les films d’horreur, y’aurait jamais personne de mort à la fin, hein. Mais l’orage dehors me fait flipper aussi, en fait. J’sors mon téléphone et allume la lampe torche que j’fais aller vers la porte de l’enfer, puis m’empare d’la cloche à gâteaux pour m’en servir comme arme. You should take a weapon too!

Lae client.e sursaute alors qu’un éclair illumine violemment le dinner, lâchant ce qui ressemble à une bordée d’insultes dans une langue qu’elle ne comprend pas. Il faut bien l’avouer, Rhea ne fait pas plus la fière dans cette situation. Les souvenirs s’accumulent derrière les paupières, la ramenant à un endroit, une époque, qu’elle préférerait largement oublier. Se maudissant d’avoir choisi ce soir pour quitter l’Empire, elle grince des dents lorsque l’inconnu.e vient se réfugier derrière elle, après lui avoir vrillé les tympans. Enough! intime-t-elle, tentant de lui imposer le silence, sinon le calme. Avec la musique, les éclairs, les lumières, et maintenant les portes qui grincent, elle n’arrive pas à se concentrer. A tenir éloignée la peur.

Iel lui suggère aimablement de passer la première, au prétexte qu’iel est trop jeune pour mourir, et elle lae fixe, sarcastique. And I’m not, is that what you’re saying? Si iel savait. La lumière vive d’un flash jaillit brusquement, alors que lae client.e attrape la cloche à gâteaux pour se défendre. Roulant des yeux, la septuagénaire suit néanmoins son exemple et glisse la main dans les nombreux replis de son manteau, à la recherche d’une de ses lames. L’acier du couteau papillon jaillit et après un nouveau regard exaspéré à l’intention de l’inconnu.e, Rhea avance vers la porte, qu’elle ouvre lentement, le grincement accompagnant le mouvement.

Dans la cuisine, la lumière est aussi partielle et vacillante que dans la salle, et au premier coup d’œil, elle ne voit rien d’anormal. Peut-être que ce qui était à l’origine du bruit a disparu, effrayé par les éclairs… I can’t see shit, glisse-t-elle à saon protégé.e, toujours soigneusement planqué.e dans son dos. Avançant un peu plus, le bruit se faire à nouveau entendre et Rhea se fige, tendant l’oreille pour en deviner l’origine. Finalement, au détour d’un imposant piano de cuisine, un mouvement attire son attention. Une silhouette en tenue de chef se tient là, leur tournant le dos, manifestement occupée à la préparation d’une commande. Cependant, la silhouette semble délavée, comme sortie tout droit d’un film en noir et blanc. Un nouvel éclair illumine la cuisine brutalement, révélant toute la transparence de la silhouette. Sentant la terreur s’emparer d’elle, Rhea commence lentement à reculer. Th-that’s a-a-a… that’s a ghost? murmure-t-elle d’une voix blanche, espérant ne pas attirer l’attention du fantôme.

J’hoche vivement la tête pour lui faire plaisir en lui répondant – j’me dis peut-être qu’elle va me défendre comme ça –, même si sa question m’semble complètement absurde. Entre nous deux, on s’demande pas qui est lae plus jeune. Moi j’sais pas pourquoi les gens s’vexent toujours sur leur âge, j’vois aucun mal à être un·e ancêtre tout ridé·e. Minnie aussi, il stresse d’avoir des rides et j’peux pas dire que j’comprends, mais j’continue à lui acheter ses crèmes. Du moment qu’ça apaise ses angoisses. D’ailleurs, pour apaiser les miennes j’aurais dû rester dans l’lit avec lui et pas partir en vadrouille à minuit.

La femme devant moi sort carrément un couteau de fou de son manteau. Wooooooow, j’peux pas m’empêcher d’m’exclamer, plein d’admiration. Nice knife, you should put stickers on it, it be even more cute, j’fais, doux, grimaçant un sourire face à son regard qui m’indique que j’lui tape déjà sur les nerfs. C’est bon signe. Celleux qui m’aiment au premier regard sont cinglés, en général. J’jette un œil quelque peu dépité à ma cloche à gâteaux, j’aurais dû prendre ma hache avec moi. Elle me manque.

J’reste bien derrière elle, tandis qu’elle avance, la cloche et le téléphone brandis devant moi comme épée et bouclier. La p’tite loupiote de mon portable éclaire pas grand-chose, et j’sursaute à répétition, à cause d’la musique qui redémarre pour la quarante-cinquième fois, et du reflet d’ma lampe torche dans une casserole. J’range mon téléphone dans ma poche, du coup, et m’concentre sur son dos. Pour une fois, j’suis content que quelqu’un soit plus grand qu’moi. Un nouvel éclair me fait sursauter et j’lâche un Fuck! alors que j’me cogne contre elle. Elle recule ? Pourquoi elle recule ? J’écarquille les yeux à ses mots, m’penchant sur le côté pour apercevoir la silhouette fantomatique devant la cuisinière. AAAAAAAAAAAAAAAA…, elle chuchotait sans doute pour pas attirer l’attention, AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH!!!!, mais ça a jamais été mon genre de pas attirer l’attention. A la place, je balance la cloche à gâteaux sur le cuistot qui n’en a rien à branler, parce qu’elle passe au travers. Mes deux bras libérés, j’m’agrippe à elle comme si ma vie en dépendait. I DON’T WANT TO FUCKING DIE!!! DO YOUR KNIFE KILL GHOSTS??? Ouais. On dirait pas qu’mon job c’est de jouer à un jeu d’horreur en réalité virtuelle. Mais une grosse partie d’mes stratégies consistent à détourner l’attention d’mes adversaires en hurlant.

J’fais le signe à vos ordres de la main, avec un regard admiratif parce qu’elle est terrifiante et ça me fascine. Pas au point d’avoir un couteau dans la cuisse, par contre, donc j’me tais, pour une fois. Ça m’empêche pas de crever ses tympans deux minutes plus tard dans la cuisine, mes ongles bien enfoncés dans ses bras comme un chat qui s’agrippe à un pull. Sauf qu’elle apprécie pas mon geste et me menace dans la seconde. I’M SCARIED, OKAY???? J’me lamente en la lâchant, dans mon anglais qui devient de plus en plus approximatif avec la peur. J’attends qu’elle reporte son attention devant elle pour attraper un pan de son manteau, parce qu’il est pas question que j’la laisse aller quelque part sans moi. J’veux surtout pas me retrouver seul, là, peu importe si on s’rapproche dangereusement du fantôme. Faut bien, si elle doit en faire des sashimis avec son couteau de la mort.

J’plaque ma main libre sur ma bouche pour essayer d’pas la déconcentrer en hurlant à nouveau, mais j’trouve rien de mieux à faire que de humer la musique pour me calmer. Enfin, jusqu’à ce que le cuisinier fantôme se tourne vers nous, avec un visage tout cramé. Elle se met à crier, alors je crie aussi, elle recule et m’marche sur les pieds, du coup je gueule encore plus. FORFUCKSSAKE J’reprends son bras pour la tirer avec moi vers la porte. En tout cas là où j’pensais qu’il y avait la porte. Y’a plus q’un mur. Sans porte. WHERE’S THE FUCKING DOOR??? J’tourne la tête dans tous les sens, aux quatre coins de la pièce, à chaque fois qu’les éclairs illuminent les lieux. Aucune porte. THERE’S NO FUCKING DOOR!!!! A ce stade, je peux plus m’exprimer autrement qu’en hurlant. DO YOUR KNIFE CUT THROUGH WALLS??? J’demande, en voyant le cuistot s’avancer vers nous à la vitesse d’un escargot. HE’S COMING FOR US!!! FUCKING SLOW!! MAYBE WE CAN GO AROUND THE MIDDLE STUFF... – j’sais pas comment on dit un ilôt de cuisine – ...TIL SOMEONE COME SAVE US???