I wasn't looking for you but you found me | lilie

Voir Link dormir, c’est pas la première fois que ça m’arrive - il s’endort tout le temps dans le canapé devant les films que je lui fais regarder pour refaire sa culture cinématographique inexistante (et c’est lent, vu qu’on doit les regarder en plusieurs fois). C’est toujours quelque chose de précieux, parce qu’au moins il a l’air apaisé. Mais là, c’est pas pareil. Là, tout m’angoisse. Même si je pouvais me concentrer sur son visage et le fait qu’il a pas l’air d’avoir mal, vu qu’il dort, je peux pas ignorer tout le reste. La chambre froide d'hôpital, et les perfusions accrochées à son corps, et la machine qui surveille ses constantes. Et les heures, qui se sont accumulées, alors qu’il était dans le bloc opératoire et maintenant qu’il en est sorti. Et ce qu’a dit le chirurgien. Et la peur, là, qui me serre le ventre et qui veut pas me lâcher, malgré les mots du corps médical, malgré l’opération qui s’est bien passée, malgré qu’il soit traité, que son corps soit protégé de sa prothèse qui doit être changée au plus vite

J’me sens épuisé. J’ai envie de pleurer toutes les dix minutes, et c’est stupide vraiment, parce qu’il est tiré d’affaires, normalement, c’est ce qu’ils ont dit. Mais on sait jamais, non? y a toujours des complications dans les films et tout ça. Tant qu’il est pas réveillé, tant qu’il est pas de retour à la maison, tant qu’il aura pas changé de prothèse, je serai pas tranquille. J’y arrive pas. J’y arrive pas, quand j’pense que j’aurais pu le perdre. J’veux juste qu’il aille bien. J’veux juste qu’on rentre à la maison.

Ash s’est absentée. Pour manger, j’crois, ou autre chose, je sais pas trop. J’ai à peine capté ce qu’elle m’a dit, c’est entré par une oreille et sorti par l’autre. Moi j’veux pas bouger d’ici. J’bouge pas d’ici tant qu’il se réveille pas. J’ai avancé la chaise jusqu’au bord du lit, et j’me suis penché en avant, j’me repose sur le côté du lit, à moitié allongé. Le coude sur le matelas, ma tête posée dessus, et j’regarde la main de Link, sur le côté. Mes doigts ont glissé lentement autour de son poignet. J’murmure des trucs, à peine perceptible, à peine prononcés, juste pour moi. “i’ll cook for you when we’re home. i’ll carry everything. we’ll find a new prothesis. you have to wake up, and get better so we can go home. Pumpkin will miss you otherwise. and Dragon too. what movie you want to watch when we go home?” ça n’a ni queue ni tête, j’essaie de me rassurer. Je plisse le nez. Je fais une moue. J’ai même pas un de ses sweats, parce que j’suis parti en catastrophe. J’suis en vieux t shirt et les cheveux même pas coiffés. “you big stupid idiot. you scared me” j’articule dans un chuchotement encore, tout bas, tout bas. J'me frotte un oeil.

Juste, mes doigts simplement autour de son poignet, ça me rassure. Je sens son pouls, comme ça, et ça me calme. Il y a la machine, aussi, mais elle pourrait se tromper, ou avoir une défaillance, la machine. Je sais pas. Je préfère comme ça. ça dure longtemps. Je commence à perdre la notion du temps, au bout d’un moment.
J’attends, juste, quand enfin j’entends un grognement indistinct - et la main de Link qui bouge pour mieux prendre la mienne, ses doigts entre les miens. Dans ma poitrine, je sens que ça s’affole alors que je me redresse aussitôt pour le regarder, et rien qu’à le voir les yeux ouverts j’ai envie de pleurer - mais je me retiens, parce que franchement c’est pas le moment. J’souris, grand. “You’re awake” Je souffle - et puis je secoue la tête, à sa question “ah, no, I’m just happy” et ravale mes émotions. J’veux rajouter quelque chose, mais ses doigts, un peu incertains, se portent à mon visage pour dégager quelques unes de mes mèches folles. La douceur du geste me bouleverse, mon cerveau n'arrive pas bien à gérer toutes les émotions qui me traversent. “How do you feel?” Je demande, doucement, le détaille du regard pour m’assurer que tout va bien.

A la place, Link se met à rire, et je le regarde un peu interdit - et à son commentaire, je reste un peu stupide - il a dit quoi là? Et il continue à rire, et je comprends vraiment pas grand chose à ce qu’il se passe. Mais j’ai pas le temps de réagir, parce qu’il essaie de se redresser et ça, ça m’inquiète beaucoup - surtout que ça a l’air compliqué, pour lui. “Link… it’s better if you keep lying down. You had a very difficult surgery” J’explique avec douceur, et remonte un peu le drap, d’ailleurs.

La situation me paraît si étrange, et rien ne s’arrange quand ses doigts viennent glisser dans mes cheveux - et son compliment, là, qui me prend encore par surprise. Stupidement, je réagis instinctivement. “You do?” Et puis, enfin, je réalise qu’il est juste, juste, complètement dans les vapes de l’anesthésie générale et des anti douleurs, probablement, et je me trouve très stupide d’avoir mis tant de temps à capter l’information. “Ah” J’agite la main, j’ai honte d’avoir répondu ça, maintenant, je veux pas avoir ce genre de discussions surtout quand il n’a pas envie de dire les ¾ des mots qui sortent de sa bouche, à cet instant. “Nevermind” Je réajuste mes lunettes sur mon nez, un peu nerveux, et me retourne pour récupérer un verre d’eau. “You must be thirsty…” Je souffle doucement, et me rapproche pour l’aider à boire. “There. You want more?”

Je l’observe, toujours inquiet. Il a l’air si insouciant, à cet instant, et je sais que c’est factice mais après l’angoisse des dernières heures, c’est rassurant. Si rassurant, de le voir bien vivant, un sourire sur les lèvres. “Does it hurt somewhere?” J’interroge, calme. Je me mords un peu l’intérieur de la lèvre. Je sais pas s’il est en état d’écouter toutes les informations des dernières heures, honnêtement. Il y aura le temps plus tard. “Ash left for a bit but she should be here soon” J’ajoute avec un sourire.

Link ne s’arrête pas de dire, et même si c’est juste les médicaments et l’anesthésie qui en sont responsables, ça me réchauffe à l’intérieur de le voir comme ça. C’est communicatif, aussi, ça chasse un peu mes angoisses. Elles sont toujours là mais elles s’éloignent un peu et j’ai un rire qui m’échappe doucement, sans pouvoir m’en empêcher.

Les jolis mots reprennent, sa répartie me fait cligner des yeux une nouvelle fois, j’ai beau savoir que c’est parce qu’il est dans les vapes, c’est si éloigné de son comportement habituel avec moi que chaque phrase est un nouveau choc. Je tâche de mon mieux de ne pas y faire attention, même si je ne peux pas ignorer la chaleur qui m’étreint, à l’intérieur. “Tell her what?” Il faudrait peut-être que je lui envoie un sms, d’ailleurs. Je me sens un peu coupable de ne pas y avoir pensé tout de suite, et sort mon téléphone.

Ma tête qui se redresse aussitôt au nouveau compliment. Link ne s’arrête pas. Et moi, je le regarde, de plus en plus surpris de seconde en seconde. J’sais pas où me mettre. Tant de mots que j’ai pu rêver d’entendre, dans la dernière des situations que j’aurais pu imaginer. Je sens la gêne m’envahir et mes joues brûler sous l’attention. J’suis pas quelqu’un qui rougit trop vite d’habitude, pourtant, j’ai eu l’habitude d’être couvert de compliments pendant des années. Mais Link c’est - Link. C’est beaucoup trop pour moi, sans m’y attendre, et après tout ce qu’il s’est passé les dernières heures. J’ai la tête qui tourne, un peu. J’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose, mais toujours respecté ce qu’il semblait vouloir, mais avoir une sorte de confirmation, ainsi, ça m’affole un peu, à l’intérieur. Et culpabiliser, aussi, beaucoup parce que c'est égoiste comme pensée.

“Link…” Je souffle simplement, cherchant à me reprendre, sans me résoudre à détacher ses doigts des miens. ça ne veut rien dire, je tâche à m’en convaincre, et ce n’est aussi surtout pas le moment, parce qu’il est encore très fragile.

Et les derniers mots, c’est pour m’achever. Je pose de nouveau mon regard sur lui, j’suis très sérieux pour le coup, et tant pis s’il s’en souviendra pas. “I already told you, Link. I’m never leaving you if you don’t want me to” C’est une promesse, aussi. Elle est là depuis longtemps. J’me demande si ça vient de notre conversation récente, et mon entrevue avec Jae-Seok et sa tentative vaine de me faire repartir avec lui.

Je souris doucement, alors que je serre ses doigts dans les miens. J’ai du mal à les lâcher. “You already know what I think of all that.” Je fais lentement. “But Link - you should stop saying all these things because you will regret them in a few hours…” ça me fait de la peine de le reconnaître, et de le formuler, mais je ne suis pas stupide, je sais bien que ce sera le cas. Je peux le comprendre, quelque part. L’important, c’est qu’il aille bien, de toute façon.

Je crois que je l’ai jamais vu sourire autant, et pendant aussi longtemps. ça lui va bien, je décide. Il est beau quand il sourit, Link. Mais il est beau tout le temps, donc vraiment ça ne change pas de d’habitude. Je souris, doux, à ses mots. “Yes. Always” C’est peut-être gros comme parole, trop lourd de sens, mais je l’ai déjà dit et je n’ai aucun doute sur le sujet. Link, c’est ma maison maintenant. Je ne peux plus imaginer ma vie sans lui. Alors, tant qu’il veut bien que je reste à ses côtés, je le serai.

…Même quand il me prend par surprise avec des compliments beaucoup trop directs auxquels je ne suis absolument pas habitué de sa part. C’était peine perdue de tenter de changer de sujet, apparemment. Je souris simplement alors. “Thank you, Link” Je réponds avec douceur. Je ne peux nier que l’entendre me fait quelque chose, mais ce sont les mots qui suivent qui sont difficiles à assimiler. Non pas qu’ils soient durs à entendre, mais parce qu’ils font dérailler un peu trop le cœur, à l’intérieur. Une confession qui n’en est pas vraiment une, je le sais bien, mais qui me donne envie de lui dire aussitôt tout ce que j’ai sur le cœur, tout ce que je ressens pour lui. Bien sûr, je ne le fais pas parce que ce serait vraiment stupide et pas attendu, à cet instant. Mais je ne sais pas trop quoi dire. J’ai peur de l’encourager, quoique je fasse et quoique je dise, une part de moi aussi craint d’avoir entendu des choses qu’il ne pense pas forcément, même si Link ne m’a jamais menti.

Je ne dis rien pendant un moment, alors. Je le laisse jouer avec ma main de la sienne, je l’observe en silence, et je lui souris simplement, alors qu’il me sourit lui aussi. J’ai le cœur qui cogne. “Okay” J’exhale finalement. “We can talk about it when you wake up again, if you want, alright?” J’ajoute dans un souffle, caresse sa paume de mon pouce quelques secondes. “You need to sleep a bit more, yeah?” Mon portable vibre, et je le récupère de ma main libre pour rapidement consulter le message. “Ah, Ash should be here in a minute. She’ll be relieved to see you awake” J’me dis qu’il va sans doute regretter de lui dire ce qu’il va lui dire - même si j’espère que d’ici qu’elle arrive il aura un autre sujet de conversation.

C’est un florilège de compliments qui passe la barrière de ses lèvres, et j’essaie de le prendre simplement. “You want me to sing now..?” Je souffle, et je m’apprête à rajouter quelque chose mais mon téléphone vibre et mon attention est happée par le message de Ash - toute distraction est la bienvenue.
Toute la tendresse qui transpire de Link me bouleverse un peu, et c’est fascinant aussi de le voir ainsi, avec un sourire qui ne se détache pas de ses lèvres, le rire qui monte jusqu’à ses yeux et une timidité certaine. Ces choses-là ne me sont pas inconnues, elles ne sont pas étrangères à Link. Je les ai déjà vu et noté dans un coin de mon esprit, au fil des mois, mais elles n’avaient jamais été aussi flagrantes, franches et assumées. Il y a une retenue chez Link qui est toujours là, comme s’il s’interdisait de ressentir les choses trop fort. ça me rend triste, parfois, parce que  Link mérite tellement d’être pleinement heureux, et de penser à lui avant tout le reste.

Je sens son regard qui ne me quitte pas, intense et calme, et ça aussi, c’est déstabilisant. Link, il évite de me regarder, la plupart du temps. J’essaie de ne pas y faire trop attention. J’essaie de lui faire penser à autre chose, en parlant de Ash.

Peine perdue.

Les mots sont prononcés, clairs et distincts. Dans ma poitrine, ça fait une embardée sévère, mes yeux se posent sur lui, alors qu’il se met à rire sous l’embarras, alors qu’il se cache le visage, alors que j’imagine ses lèvres, que je l’imagine m’embrasser - et je dévie le regard. “Ah. I-..” Il se remet à rire, moi je me tais, j’ai le cœur qui bat jusqu’à mes tempes et j’essaie de reprendre contrôle de moi même et de chasser les pensées intempestives parce que ne pas savoir gérer Link qui plane simplement et complètement, c’est franchement pas être à la hauteur.

Je me rappelle pourquoi on est là. ça me calme un peu - et Ash débarque brusquement, et je crois que j’ai rarement été aussi soulagé de la venue de quelqu’un dans une conversation. Sa simplicité me calme. J’acquiesce. “Yeah, he really is” - et quand il me complimente encore en réponse à une question qui n’a aucun rapport - je me sens rougir encore légèrement. La précision à sa question a le mérite de me faire rire un peu nerveusement, glisser ma main libre sur ma nuque. L’autre n’a pas lâché la main de Link, encore. “I do” Comment je pourrais faire autrement? Un léger sourire. “It’s not his fault” et ça, malgré tout ce que ça remue chez moi et les craintes que ça apporte.

Je crois, d’ailleurs, que j’ai besoin de quelques minutes. Je me relève. “I’ll go grab a coffee and snack at the cafeteria now that you’re here. You want something?” Je demande à Ash - alors que la vérité, c’est juste que j’ai besoin de prendre un peu l’air, juste quelques instants. Link - il proteste. J’peux pas m’en empêcher, y a mon cœur qui se gonfle et je serre ses doigts gentiment, en souriant avec douceur. “I’ll be right back okay. Just grabbing a coffee. I’ll be right back, promise.”

Franchement, avec Link qui me regarde comme ça et me demande de rester, j’aurais pu céder, mais j’ai aussi vraiment besoin de cinq minutes pour me remettre de mes émotions. Et heureusement, je peux compter sur Ash pour faciliter ma sortie de la chambre. Et elle veut quelque chose au chocolat, donc en vrai ça me donne une excuse. Un sourire. “Alright, I’ll get that” Et puis je souris de nouveau à Link, qui a lâché ma main, répète que je reviens vite. Même si je sais que c’est aussi bien que Ash soit seule avec lui, je me sens quand même un peu coupable de fuir. Dans les couloirs, j’inspire profondément, et à la cafétéria, je m’assois cinq minutes avec un café, je me prends la tête dans les mains, aussi. ça cogne un peu trop fort dans ma poitrine, et c’est difficile d’avoir du recul sur tout ça dans ces circonstances. Mais ça ne dure pas longtemps, parce que je me trouve rapidement stupide de me mettre dans des états pareils alors qu’il y a Link encore en haut, et après ce qu’il s’est passé. Alors je me reprends, et je reprends l’ascenseur, un snickers à la main pour Ash.
Quand je rentre dans la chambre, Link s’est assoupi.
*
Je suis nerveux, devant la porte de la chambre. Je me demande si Link est déjà réveillé. Je sais que Ash n’est pas là, mais qu’elle devrait arriver un peu plus tard. J’ai réussi à négocier quelques heures plus tôt, hier, jcrois que j’allais un peu pleurer et qu’on a eu pitié de moi. Ou alors ils font des exceptions parfois, j’sais pas. En tout cas, c’était déjà difficile de ne pas être là cette nuit. J’ai angoissé de m’imaginer Link qui se réveille seul dans sa chambre d’hôpital, les effets de l’anesthésie passés. Je replace les lunettes sur mon nez, et puis toque doucement à la porte avant de l’ouvrir et d’y passer ma tête.

Link est réveillé, et prend son petit déjeuner. Je le remarque aussitôt, qu’il est de nouveau pleinement lui-même. ‘Hi’ Je lui souris - et puis, à sa question, je souris encore légèrement et je secoue un peu la tête. “I’m not the one who just got a crazy long surgery” Je fais avec douceur, en fermant la porte derrière moi et en franchissant les quelques mètres qui me séparent du lit. L’oeil brillant, je dépose mon tupperware sur le plateau où se trouve ce qui semble être un repas bien insipide. “I made you a proper breakfast. I mean, with what I could find” J’admet un peu penaud. Mais il y a quand même des gyeran mari, et des cookies. “I slept at my hyung’s place...” J’explique. Et comme j’arrivais pas vraiment à dormir, je me suis levé à quatre heures du matin pour cuisiner. "and this morning, I went to take care of Pumpkin and Dragon before coming here. they're doing well!" Je le regarde, essaie de ne pas trop penser à la veille, même si je suis un peu maladroit. “Link…” J’exhale. Il a l’air encore épuisé. “You’ve been fighting hard… Were you able to rest a little last night?” Une pause. “I’m sorry I wasn’t there. They wouldn’t let me stay”

“Link, don’t be sorry” Je supporte pas qu’il s’excuse de quelque chose qui n’est pas de sa faute. A la place, je donne quelques nouvelles, place les tupperwares sur la petite table. Il dévie le regard aussitôt qu’il croise les miens, et j’arrive pas bien à savoir si c’est à cause d’hier et de ce dont il se souvient, ou juste de toute la culpabilité qu’il doit ressentir, comme à l’accoutumée. J’essaie de ne pas me focaliser sur les paroles de la veille, parce que pour le moment ce n’est pas la priorité. Le plus important c’est qu’il aille bien. Le reste n’est clairement pas important en comparaison. Et il n’a pas l’air bien. Je vois bien qu’il n’a pas l’air d’avoir beaucoup d’appétit, même pour ce que j’ai apporté, mais ça me rassure un peu de le voir un peu manger, au moins un peu. J’affiche une moue, pas très satisfait. “but I promised…” J’exhale un peu, ça m’embête un peu qu’on ne m’ait pas laissé rester. Je prends mes promesses très au sérieux, et je sais que ce n’est pas comme si j’avais pu changer la chose, mais ça ne me plait pas.

Je m’apprête à rajouter quelque chose - mais la douleur soudaine de Link me paraît évidente vu la grimace sur ses traits, et toute la tension de ses muscles. Et le pire, c’est ce que je sais pertinemment qu’il prend sur lui. C’est toujours le cas, depuis que je le connais, il minimise toujours ce qu’il ressent, que ce soit positif comme négatif. “It’s not alright” - mes doigts viennent chercher les siens. “We should call the nurses so they can up your painkillers” J’appuie sur le bouton destiné à cet effet. Mes doigts viennent chercher les siens. “You can crush my hand, it’s fine.” Quelques secondes passent. “Link - did the surgeon come to talk to you? You have to change your prothesis -” Je vais pour rajouter quelque chose, mais l’infirmière débarque.

Je ne supporte pas de le voir souffrir. Déjà en temps normal, dans la vie de tous les jours, je supporte pas. Et je sais que ça arrive souvent, il a toujours mal au dos, et il minimise toujours tout. Mais là, ça doit être insoutenable - pour que ça se voit sur son visage malgré ses efforts. J’espère qu’avec une plus grande dose d'anti douleurs, ça ira un peu mieux, au moins.

A mon geste instinctif - la réaction est sans appel, et les doigts quittent les miens. Comme brûlé, je les éloigne aussitôt, une vague de culpabilité m’envahit et je viens croiser mon bras sur mon torse et presser mon bras opposé de mes doigts, sans doute un peu trop fort. ça se tord brusquement dans mon ventre et je ne me sens pas bien. J’aurais jamais dû faire ça.

J’essaie de me focaliser sur ce qui est dit, d’oublier cet épisode, de ne pas penser à ce que ça veut dire, parce que ce serait égoïste. Link ne me regarde pas du tout - ça change pas de d’habitude, vraiment, mais l’impression est pire, à cet instant. Je cligne des yeux et me racle la gorge. “Yes, ma’am” J’essaie d’avoir un ton assuré - et puis je force un sourire. Je sais pas trop si ça fonctionne. “Why.. is the painkiller dose really low…?” Je m’entends dire. “Mr Kowalski asked us to lower it down” Je me prends une claque, en me rappelant qu’il évite tout ça, de façon générale. Mes doigts pressent la peau de mon bras encore plus fort, alors que je me retiens d’insister pour qu’elle la remonte aussitôt. J’ai pas le droit de parler pour Link, même si c’est tout ce dont j’ai envie à cet instant. Peut-être que je peux voir avec Ash si elle saura le convaincre. “Ah. I see” A côté, Link semble plus que marqué par la douleur. “It’s alright..” Je m’entends dire encore, sans trop savoir comment j’y parviens, et je me racle encore la gorge. “I’m sorry for bothering you, ma’am” Je rajoute péniblement. Elle me sourit avec douceur, me dit quelque chose que je calcule à peine, avant de quitter la chambre et je déglutis pour chasser l’émotion. “Maybe… maybe increasing it just a little would be okay..? just a little. just so you’re not hurting so much..” Mais ma tentative est vaine, comme je l’avais prédit. “Okay… okay” Je parviens à dire, j’espère, assez calmement.

J’aimerais m’excuser, pour ça, pour tout à l’heure, mais je perds courage un instant, à la place, je parle de sa prothèse. “Your boss…Robin?.. said they will change it for you. The prosthesis.” J’annonce, je sais qu’il aura du mal à accepter mais ça ne peut plus durer comme ça. “You can’t stay like that Link, you have to say yes you-” Mon pouce s’enfonce trop fort dans ma peau. “they said - the longer you wait the more dangerous it will be… you have to say yes.” Une pause. J’ouvre la bouche, j’inspire un peu. “Please” Etre impuissant dans cette situation me rend malade. J'me demande s'il pense que je suis trop présent. S'il faudrait que je laisse Ash être là plus que moi.