L'ESPRIT
La première chose qui saute aux yeux quand on voit Oliver, c’est sa farouche indépendance qu’il cultive depuis toujours. Incapable de tenir en place ou de respecter les interdits, ça fait près de 20 ans qu’il bouge à travers le globe pour son métier. Particulièrement débrouillard, il sait s’adapter à peu près partout, du moment où il ne doit pas y rester trop longtemps.
Véritable tête de mule, sa curiosité peut parfois lui porter préjudice, même si elle est l’essence même de sa profession. Quand il pense avoir raison, être dans la bonne direction, difficile, pour ne pas dire impossible, de le dévier dans sa trajectoire.
Pince-sans-rire, il manie avec habileté cet humour britannique qui peut être particulièrement agaçant. Trouvant souvent les bons mots pour épingler son interlocuteur, il est quand même souvent difficile à suivre. Et encore plus de savoir s'il est vraiment sérieux.
Très fiable, en amitié comme en affaires, il cultive des relations depuis plusieurs décennies, prenant un plaisir non feint à retrouver de vieux camarades dès qu’il en a l’occasion.
Dernier né de la famille, c'est un peu le vilain petit canard. Ni avocat, ni médecin contrairement à ses deux frères, son côté rebelle a très tôt fait grincer des dents. Heureusement, ce n'est pas l'héritier et ses frères ainés ont attiré assez de lumière sur eux pour qu'il puisse faire ce qu'il voulait.
Si on ne peut pas dire de lui qu’il soit très branché famille, l’amour inconditionnel qu’il a éprouvé dès qu’il a tenu Zoey dans ses bras pour la première fois dépasse tout ce qu’il a pu ressentir. Il est pourtant bien conscient qu’il a totalement foiré avec sa fille, qu’il a été incapable de gérer quoi que ce soit. Et il ne voit pas comment arranger les choses.
Il peut passer des heures à écrire, sans prêter la moindre attention à ce qui se passe autour de lui. Enfermé dans sa bulle, c’est ce qui le passionne depuis toujours ou presque. Depuis qu’il est en âge de tenir un stylo entre les mains en tout cas. Par ses nombreux voyages et le temps passé dans les transports, il a amélioré son français et son espagnol et le parle couramment. Il a quelques notions d’allemand et parle terriblement mal le japonais, au risque de faire grincer quelques dents quand il s’y essaie.
Gaucher, son écriture est totalement illisible et ses notes peuvent rendre ses lecteurs complètements chèvres. Il adore regarder la pluie tomber avec un bon bouquin entre les mains. Il met un point d'honneur à boire son thé à 17h et déteste le café, surtout celui que lui sert son ex-femme qui est particulièrement dégueulasse.
Habitué aux excellentes tables et fin gourmet, il a tout de même un petit plaisir coupable, celui de manger des cheeseburgers, habitude qu'il partageait régulièrement avec Zoey jusqu'à ce qu'elle décide de l'appeler par son prénom et de l'éviter autant que possible.
Gros fumeur, il est incapable d’arrêter cette sale manie. Il n’essaie même pas en réalité.
LE CORPS LE CORPS MUTANT
Type de mutant : True blood
Âge lors de la première déchirure : L'été précédant ses 11 ans. Un incendie au premier étage du manoir familial, un enfant paniqué et hurlant qui disparait brusquement. Pour réapparaitre au rez-de-chaussée, juste à côté de la porte d'entrée.
Mutation :
Téléportation.
Déchirures :
○ Disparition
Niveau 1 : Oliver canalise son énergie pour se téléporter instantanément d’un endroit à l’autre par petits bonds. Il peut s’agir d’une autre pièce ou d’un autre véhicule visible.
Niveau 2 : Oliver peut se téléporter plus loin, dans un endroit connu.
Limites :
L’endroit visé, s’il ne le connait pas, doit absolument être visible aux yeux d’Oliver. Sinon, il doit connaitre son lieu d’atterrissage, que ce soit parce qu’il l’a déjà vu, parce qu’il a vu une photo ou qu’on lui a très bien décrit.
Pour les véhicules en mouvement, il faut que la vitesse soit régulière et qu’il puisse « fixer » son attention sur ledit véhicule. A la moindre hésitation, il ne bougera pas de son point de départ.
S’il souhaite aller plus loin, l’endroit doit lui être vraiment très familier. Et il ne peut le faire qu’une fois, son énergie étant totalement vidée par cet unique bond. Son champ d’action est limité à 20km. Plus jeune, Oliver s’est déjà retrouvé là où il ne s’attendait pas. Ce n’est plus arrivé, mais, sur un coup de sang, on ne sait jamais.
○ Les amis, c’est encore mieux
Niveau 1 : Oliver peut embarquer une personne avec lui lorsqu’il se téléporte. Que ce soit un petit bond ou bien plus loin.
Niveau 2 : Oliver peut faire venir à lui une personne qu’il a déjà téléportée.
Limites :
La personne qu’il téléporte doit faire au maximum le même gabarit que lui.
Pour qu’il fasse venir quelqu’un à lui, il doit absolument l’avoir dans son champ de vision et ne peut la téléporter que dans un endroit visible. Le champ d’action est vraiment limité à ce qu’il voit.
LE CORPS HUMAIN
Particularités physiques :
Oliver a une trace de brûlure sur l’avant-bras gauche qu’il garde depuis ses 11 ans. Ses parents ont proposé de l’opérer pour la faire disparaitre, mais il a refusé. Il a un tatouage, une volée d’oiseaux qui prennent leur envol au niveau de sa taille, qu’il a fait l’année de ses 18 ans. La date de naissance de sa fille est aussi encrée sur son poignet droit et soigneusement cachée par un bracelet de cuir qui ne le quitte jamais.
Aptitudes particulières :
Plutôt sportif, Oliver a fait partie de toutes les équipes possibles et imaginables pendant ses études, que ce soit l’aviron ou l’escrime. Il s’est même essayé à l’escalade et continue d’en faire depuis des années.
De par les années passées comme reporter de guerre, il a appris à se servir d’une arme et a appris quelques trucs et astuces des militaires. Histoire de ne pas être un poids dans les moments les plus délicats. Il sait obéir aux ordres quand c’est nécessaire et ça l’a été. Plus d’une fois.
L'ÂME LES MUTANTS
Il parait que les mutants sont l’avenir de l’homme. Qu’ils sont voués à le remplacer. En tout cas, c’est ce que mon grand-père se plaisait à me raconter après ma première déchirure. J’ai jamais vraiment su si j’aimais ou pas être mutant. J’ai pris ça pour ce que c’était. Une partie de moi. J’ai pas à me plaindre, ma mutation est vraiment pratique, pas visible et pas handicapante. Alors ouais, j’ai une position facile quand je compare aux autres.
Quant à savoir si je suis pro-mutants ou non, difficile à dire. J’ai encore les arguments de Moira qui résonnent dans ma tête, quand elle nous a traités de monstres, quand elle a dit qu’on aurait jamais dû exister. Elle avait peut-être pas tort, fondamentalement. Les mutants, les tous premiers du moins, sont une erreur, un dérapage dans l’évolution. Mais ils sont là maintenant. Nous sommes là. Et il faut composer avec.
De là à vouloir le devenir ? Je peux comprendre que certains en aient envie. Même si je suis pas persuadé qu’à leur place, je me précipiterais pour avoir un sérum et changer de vie. Je pense que le problème est plus profond, qu’il s’agit d’une manifestation parmi d’autres. Dans tous les cas, ça devrait être cadré, a minima, histoire d’éviter les résultats accidentels.
LES ALTÉRÉS
Pour être parfaitement honnête, les altérations sont pour moi une des plus grandes avancées de l’homme. Que ce soit les prothèses pour remplacer les accidents, les maladies, ou encore pour améliorer le quotidien, ça a quelque chose de réellement fascinant à mes yeux. Au point de chercher à m’en procurer ? La question s’est jamais vraiment posé, j’en ai pas eu vraiment besoin.
Faire ça juste pour le plaisir ? C’est là où se trouve encore une fois la dérive, bien trop vite atteinte à mon goût. Encore une fois, l’homme sait pas où s’arrêter. J’ai eu l’occasion d’assister à une cyberpsychose dans le cadre de mon boulot et, franchement, c’est pas pour me rassurer sur l’avenir des altérations.
LA TECHNOLOGIE
Je dirais pas que j’ai vu la naissance de la technologie, je suis pas si vieux. Ou dépassé, contrairement à ce que pourrait balancer Zoey. Mais j’ai eu l’occasion de voir son avancée exponentielle, d’assister à la naissance du Metaworld et de voir les gens s’y plonger. Si je m’y suis connecté que pour des raisons professionnelles jusqu’à présent, je reste… curieux. Ouais, c’est le bon terme.
Je me suis habitué à la présence des IA un peu partout, à faire avec. Je suis pas plus mauvais qu’un autre mais pas forcément super doué, je vais pas mentir. Mais c’est un confort particulièrement appréciable. Sans compter que j’ai eu l’occasion de tester une voiture volante et franchement ? J’ai adoré. J’ai pas vraiment les moyens de m’en payer une mais clairement, je dirais pas non.
Evidemment, je me demande quelles seront les dérives et à quel moment ça va mal tourner. Parce que ça tourne toujours mal. Pessimiste, moi ? Si peu.
LA VILLE
New Blossom. Franchement, je sais pas quoi penser de cette ville. J’ai connu New-York. J’ai vu la ville s’effondrer presque sous mes yeux. J’ai vu la reconstruction de cette nouvelle mégalopole bardée de technologie et, si ça m’a impressionné, ça m’a pas vraiment donné envie. Si Moira était pas revenue s’installer là, je pense pas que j’y aurais mis les pieds aussi souvent. Mais j’ai comme l’impression que je suis parti pour rester un bon moment ici, pour Zoey en tout cas, même si elle est pas jouasse à l’idée de me savoir ici.
Pourtant, je dois reconnaitre un truc à cet endroit. C’est que c’est devenu le centre du monde. Vraiment. Pour avoir beaucoup bourlingué, je peux voir à quel point ici tout bouge, tout évolue à une vitesse effarante. Si j’ai pas vraiment exploré tous les quartiers, si je suis loin de bien connaitre cette ville, j’ai entendu beaucoup de choses la concernant. Que soit les rumeurs sur Icarus Inc, aussi propre sur elle que l’entreprise puisse paraitre, sur Theseus Corp et son Metaworld, difficile de démêler le vrai du faux. Et autant dire que ça attire ma curiosité. Presque autant que les Sept, ces « défenseurs » mutants … ces super-héros contre les mutants. J’aimerais les approcher, en savoir plus. Et comprendre, ce nouveau monde dans lequel on évolue désormais.
L'APPARTENANCE En tant que mutant, j’imagine que je devrais être pro-mutants, les voir comme l’avenir de l’humanité ou que sais-je encore. Mais franchement, j’ai du mal. Tout comme j’ai du mal à ne pas voir les dérives liées aux différents sérums. Ou aux altérations qui vont toujours trop loin, trop vite. Alors qu’on maitrise à peine ce qui arrive sur le marché, voilà qu’on cherche encore plus.
Et c’est comme ça que l’humanité pourrait aller jusqu’à sa propre destruction. Parce qu’elle est incapable d’apprendre, d’assimiler, avant de continuer. Parce qu’elle sait mieux créer des armes pour détruire que tout le reste. J’ai pu le voir, même sans les hautes technologies auxquelles on a désormais accès.
Sans compter tout ce qu’on nous cache. C’est pas de la parano, c’est de la logique. On peut pas mettre tout ça sur le marché, vanter un monde meilleur, chercher un monde parfait, sans qu’il y ait de la casse. L’histoire l’a bien démontré, à plus d’une reprise. Alors, à défaut d’avoir une vision optimiste du monde, je veux des réponses. Je veux comprendre. Ce qui se passe, ce qui a pu arriver à Moira par exemple. Pointer du doigt certaines vérités qui peuvent déranger, pour essayer de vraiment faire la différence. J’irais pas jusqu’à poser une bombe, faut pas pousser hein. Mais si je tombe sur un scoop, allez savoir.
Alors, à défaut d’être complètement neutre, je me dis que je suis plutôt du côté des Tomorrow's Disaster.
LA MÉMOIRE 19 septembre 1983
Un, deux, trois, quatre.
Quatre enfants donc. Andrew, l’héritier propre sur lui, né 10 ans plus tôt. Charles, le fils parfait ou peu s’en faut. Mary, la petite princesse, d’un an plus vieille. Et puis moi. Le vilain petit canard. Le petit chouchou de ma mère à entendre mes ainés. La déception paternelle, venue avec les années. Les premières années sont un peu floues. Je sais que tout avait déjà été fait avant moi. Andrew qui a marché à 10 mois à peine, Mary qui savait parler beaucoup trop tôt. Quoi que je fasse, quoi que je dise, c’était juste une redite de la fratrie.
Alors, je me suis démarqué comme j’ai pu. Faire des conneries était peut-être pas forcément le plus pertinent, mais ça marchait plutôt pas mal. Juste pour entendre le rire de ma mère ou celui de Mary, toujours là pour me suivre dans mes aventures. Et le manoir familial de Winchester était le terrain de jeux parfait. Le hic ? Papa avait toujours le chic de prévoir ce que j’avais en tête. Bon, qu’il me récupère à la dernière minute quand je tombais de la fenêtre du premier étage ou qu’il m’empêche de m’électrocuter, c’était plutôt pas mal en vrai. J’ai appris plus tard qu’il était clairvoyant et pouvait deviner, quelques minutes à l’avance, les catastrophes qui pouvaient arriver. Pratique comme mutation non ? Même s’il m’a répété, à plusieurs reprises, que j’étais bien trop imprévisible pour qu’il arrive à anticiper tout ce que je pourrais faire.
Au final, avec le recul, je crois que j’ai passé une enfance idéale. Malgré cette impression latente que rien de ce que je ferais serait assez bien aux yeux de Lord Richard Pelhman, 4ème du nom. L’avenir me donnerait raison. Comme quoi, pas besoin d’être clairvoyant pour ça.
1er septembre 1990
Je sais pas si repeindre le chat en rose était la bêtise de trop ou si j’ai « juste » suivi la logique parentale, même si mes frères ont passé leur scolarité ailleurs. Toujours est-il que je suis envoyé à Wycliffe, en internat, jusqu’à ma majorité. Des mois passés loin de la maison, de mes repères. Des années à apprendre à me construire tout seul, sans avoir l’ombre de mes frères qui plane au-dessus de ma tête. Rentrer à Winchester pour les vacances, passer le reste du temps avec des camarades qui deviendront, avec le temps, bien plus proches que mes propres frères et sœur, même si Mary garde une place toute particulière dans mon cœur.
Est-ce que je suis heureux ? Honnêtement ? Oui. Je continue de tester les limites, je les franchis parfois, d’un orteil ou deux. Ce qu’il faut pour m’amuser, jamais trop pour que ça devienne une source d’inquiétude. Je me découvre un talent pour l’écriture, une passion même, qui va me porter le reste de ma vie.
15 juillet 1994
Maman me serre dans ses bras alors que je tremble des pieds à la tête, incapable de parler, ou même de pleurer. En état de choc dira le rapport du médecin. Brûlure au 3ème degré qui court tout le long de mon avant-bras gauche et qui semble comme pulser, souvenir cuisant de ce qui a failli m’arriver. De ce qui m’est arrivé.
Un incendie, déclenché accidentellement par Charles, qui fumait en cachette. Comme quoi, j’ai pas le monopole de la connerie dans cette famille. Mais les conséquences de celle-là…
Je me souviens de tout. Avec une rare acuité. Je serais capable de décrire la scène dans les moindres détails. L’odeur du feu, le bruit du bois qui craque sous les flammes, la fumée qui commence à m’étouffer. La douleur, quand j’ai senti la brûlure sur mon bras. Les cris de mes parents, étouffés, bloqués par l’incendie. Et mes propres hurlements.
J’ai fermé les yeux, alors que j’entendais la poutre juste au-dessus de ma tête s’effondrer, avec le reste du plafond. Pour les rouvrir… dans les bras de ma mère médusée, devant l’entrée principale de la maison. Je m’étais téléporté, tout simplement.
Noël 1997
Et on a fini par tout m’expliquer. Que j’étais un mutant, comme mon père et son père avant. Que les Pelhman étaient des descendants des originels, des True Bloods donc. Et qu’il fallait surtout que je garde ça pour moi. Que le secret, la discrétion, étaient les clés de la survie.
Paradoxalement, ce traumatisme a fait de moi le premier la fratrie a développer un pouvoir, à la grande surprise de mon père. Et ouais, il l’avait pas vu venir celle-là. Ouais, moi aussi j’ai savouré toute l’ironie de ce moment. Mais il a été présent. Assez pour m’apprendre à me maitriser – et éviter que je me téléporte aux moments les plus inappropriés.
Autant dire que ce don m’a… vraiment éclaté. Passer d’une pièce à l’autre de la maison, échapper à toute surveillance, c’était carrément marrant. Ca m’a aussi fait voir les choses différemment. Que ce soit ma place dans le grand univers, celle de ma famille ou des mutants en général. Bon, j’étais un ado, j’ai pas non plus trop réfléchi à ce sujet, faut pas déconner. Mais ça m’a permis de me poser des questions.
Septembre 2001
Quoi faire de ma vie ? Ca a été l’évidence. A mes yeux en tout cas, alors que j’ai réussi à esquiver le regard déçu du paternel. J’étais le rédacteur en chef du petit journal qu’on avait créé à Wycliffe et je passais mon temps à faire des reportages, des interviews. Alors ouais, quand j’ai été accepté à la City, l’université de Londres et surtout la plus réputée pour les études de journalisme, j’ai sauté de joie.
Vivre à la capitale, voir, entendre tout ce qu’il y avait là-bas, loin de la maison, c’était plutôt cool. Bon, c’était très cool. J’ai validé les semestres sans la moindre difficulté, j’avais même des supers notes. Tout naturellement, j’ai intégré le journal de la fac et je me suis fait ma place sans problèmes, multipliant les amis, les relations. Ouais, on peut dire que je me suis plutôt épanoui loin de la maison.
Eté 2003
J’ai tout donné. Et ça a réussi. 1er stage dans ma formation, je me retrouve à New-York, pour 4 mois au New-York Times. Si c’est pas la classe ça ? Franchement, j’étais refait. Plongé dans cette ambiance bouillonnante, je tombe sous le charme de la ville. Et de Moira. Elle a un an de moins que moi et étudie l’histoire de l’art. Ces mois avec elle sont aussi passionnels qu’explosifs. On rompt tellement souvent qu’en vérité, je sais même pas si on est encore ensemble au moment où je m’en vais. Mais je suis définitivement amoureux. Mais on reste en contact. On s’engueule régulièrement au téléphone, on s’envoie balader, on jure de jamais se revoir. Elle débarque plusieurs fois à Londres pour des retrouvailles passionnées. Je fais de même de mon côté.
… ouais, je sais toujours pas si on est vraiment ensemble, même quand je retourne à New-York l’été d’après, pour un autre stage au même endroit, tellement tout s’est bien passé la première fois. Comment je finis, en août 2004, un genou à terre à la demander en mariage ? Franchement ? Aucune idée. Le pire ? C’est qu’elle dit oui. Et que je suis ravi. C’est pas le cas de mes parents qui voient ces fiançailles comme une espèce mésalliance. Ma mère est inquiète, mon père est… déçu. Evidemment. Ils espèrent tous les deux que c’est juste une lubie qui me passera.
2005
L’été a été… compliqué. J’ai passé trois mois en Afrique saharienne, suivant les mouvements de l’armée pour faire un dossier aussi complet que possible sur la vie des militaires dans le désert. Pour valider mon année. C’était plus éprouvant que je l’aurais cru et le gamin parti là-bas revient bien changé. Même si on me dit que j’ai écrit les meilleurs articles de ma vie jusqu’à présent, j’ai besoin de souffler, je me sens un peu paumé. Surtout après ce flot d’adrénaline que j’ai pu ressentir quand j’étais là-bas, loin de mes repères et des gens que j’aime.
Alors, quand Moira me proposer de m’installer à New-York, que le New-York Times me propos de bosser en free-lance, je dis oui, sans me soucier des conséquences vis-à-vis de mes parents. Et ça aurait pu bien se passer. Ca aurait dû. Elle a accepté ma nature de mutant. Avec réticence et me suppliant d’en parler à personne. Comme si éviter le sujet ferait disparaitre mon petit problème.
Mais on a pas le temps de se poser qu’en quelques jours à peine, tout bascule. La guerre civile détruit la ville en quoi ? Deux jours ? Trois ? Franchement, je me souviens même plus. Si j’ai noirci des pages complètes sur ce que j’ai pu vivre et ressentir à ce moment-là, j’ai pas osé rouvrir les carnets jusqu’à présent. Un jour, peut-être. Enfin, on a fait partie des chanceux, des privilégiés. J’ai proposé à Moira de quitter le pays, elle m’a suivi, les larmes aux yeux. Direction Londres, loin de sa famille, de ses repères. J’aurais dû le voir venir hein, que ça se passerait mal.
2007
Si j’ai jamais évoqué clairement mon ressenti sur ce qui s’est passé à New-York, on m’a quand même demandé plusieurs articles sur la chute de la ville. Et je commence à faire des recherches sur tout ce qui a pu se passer là-bas, à fouiner, à écrire. Pour le Times, le Guardian, etc. Je bosse en free-lance et je commence à me faire une solide réputation.
A côté, on me propose de suivre les troupes, de retourner en Afrique, en zone de guerre. Moira me supplie de pas le faire. Je l’écoute pas. J’ai besoin d’y aller, de ressentir ce que j’ai ressenti là-bas. On s’engueule, bien entendu. On se sépare, un peu. On se retrouve. Beaucoup.
Elle m’annonce être enceinte début 2007. Je reviens précipitamment. On se marie tout aussi vite, avec des parents qui tirent la gueule, des deux côtés. Mais y a toujours ce truc aussi fort entre nous, même si je vois bien que Moira se fait toujours pas à la vie anglaise.
Et puis… il y a Zoey. Qui pousse son premier cri. Le 1er août. Au petit matin. Je saurais même pas comment décrire ce que j’ai pu ressentir. Parfois, les mots sonnent juste, tapent dans le mille. Mais quand on m’a mis ce petit machin dans les bras, j’ai été à court de mots. Pour quelqu’un qui fait sa vie avec, autant vous dire que ça fait bizarre. Je peux juste dire que je pensais pas aimer quelqu’un aussi fort, aussi vite. Et que, pour la première fois depuis qu’on s’était rencontrés avec Moira, on est sur la même longueur d’ondes. Pour la petite. Même si notre relation elle, pour pas changer, est loin d’être au beau fixe.
2010
« Vous êtes des MONSTRES Oliver ! » Moira me frappe aussi fort qu’elle peut, ses poings s’écrasant sur mon torse alors qu’elle fond en larmes. J’entends Zoey hurler dans sa chambre non loin, comme si la crise de sa mère était pas suffisante. « Ce… c’est pas… » Elle se détache de moi et me balance le premier truc qui lui tombe sous la main, un vase que j’esquive en disparaissant et en réapparaissant juste à côté d’elle. « NE FAIS PAS CA ! ARRETE ! » Je lève les deux mains vers elle en signe de reddition. « Je suis désolé pour tes parents, mais c’est… » Son regard se fait exorbité et elle me coupe, sans même me laisser le temps de dire quoi que ce soit de plus. « TA GUEULE Oliver ! C’est à cause des mutants qu’ils sont morts ! Vous êtes des aberrations ! Vous auriez jamais dû exister ! On aurait dû vous éliminer quand on en avait encore l’occasion. » Le regard de haine qu’elle me lance me fige sur place. Je savais pourtant, qu’elle aimait pas les mutants, elle me l’avait soufflé à mi-mots quand on s’était mis ensemble et avait toléré ma nature par… amour ? Je suppose. Et puis, ma mutation était pas vraiment visible, je pouvais le cacher sans problème, sans que ça influe sur notre relation.
Je soupire et je m’éloigne d’elle. « Je vais voir Zoey. » Nouveau lancer d’assiette cette fois. « Tu t’approches pas d’elle. J’espère pour toi qu’elle héritera pas de cette saloperie de mutation Oliver, sinon je te… » Cette fois, je m’arrête et je me rapproche, incapable de pas me laisser gagner par la colère. « Sinon quoi Moira ? Vas-y, finis ta phrase. »
Elle se plante devant moi, me barrant le passage à la chambre. « Sinon je te tue. » Je sais pas à quel point elle pense vraiment ce qu’elle dit, si c’est la douleur d’avoir perdu ses parents, malheureux dommages collatéraux dans une altercations entre mutants qui a fait la une des journaux, ou… je sais pas. Elle s’est faite clairement monter la tête, je vois pas d’autres possibilités. Je sais juste que je secoue la tête et que je claque la porte. Pour ne plus revenir.
2012
« Ne fume pas dans la chambre. » Je fronce les sourcils, me tournant vers Moira allongée dans son lit, complètement nue. « Tu fais chier. » Je suis debout près de la fenêtre, moi aussi dans le plus simple appareil, alors que notre engueulade a un peu… dérapé. Je sais même pas comment en vrai. J’ai passé deux ans à l’éviter, à venir ici juste pour voir ma fille. J’ai passé des mois hors du pays, correspondant régulier du Guardian en Syrie, en Irak et ailleurs. J’ai été marqué par ce que j’ai vu et entendu.
Et, alors que je venais parler d’officialiser notre séparation, j’ai fini dans son lit. Alors, on essaie. Plus ou moins. Mais Moira a changé. Je peux le voir dans les magazines qu’elle dévore, dans les émissions qu’elle enregistre. Dans le ton qu’elle prend pour parler des mutants. Dans ce militantisme exacerbé et la ferveur qu’elle a en parlant de Theseus, ces sauveurs de l’humanité face à la menace mutante.
J’arrive pas à me retenir de lui dire qu’il y a 99% de chance, ou quelque chose du genre, que sa fille soit comme moi. Comme ceux qu’elle déteste. Et ça repart de plus belle, avant que je claque – encore – la porte.
Eté 2015
« Il s’appelle Darren. Je compte le présenter à Zoey bientôt. Ca fait 6 mois qu’on se fréquente. » Un vague marmonnement en réponse, alors qu’elle me sert un café dans sa cuisine. « Okay. Cool. » C’est assez dingue de voir à quel point je me fous de voir avec qui elle refait sa vie. Je dois lui parler des femmes qui passent dans mon lit ou pas ? Franchement, je me rends pas compte. A dire vrai, je suis juste venu récupérer notre fille, pour notre semaine de vacances annuelle. La seule chose qui semble bien se passer avec elle. Zoey choisit la destination et on part tous les deux. Rien que tous les deux. Sans téléphone, sans emails qui me feraient partir en urgence. C’est pas beaucoup. C’est pas assez. Je sais bien.
« J’ai lu ton article sur les altérés. C’était… intéressant. » Là, elle réussit à avoir un peu plus mon attention. « Ah ouais ? » Elle hoche la tête et esquisse un sourire. « Et je préfère ça que de te savoir au milieu de je ne sais quelle guerre civile dans le désert du Sahara. » Après près de 5 ans comme journaliste là-bas, j’ai fini par me calmer de ce côté-là. Plus ou moins. Ma notoriété est établie, j’ai commencé à publier d’autres genre d’articles. Sur les mutants, leur place dans la société, dans le monde. Je voyage pour avoir les points de vue des autres pays sur ce qui se passe aux Etats-Unis, je fais des recherches sur les humains sous V. Un paquet de trucs qui font que les semaines, les mois passent trop vite. « Essaie de pas rater son anniversaire cette fois. » J’ai une grimace en réponse alors que sa tasse claque sur son assiette. « Evite de me la balancer à la gueule de suite, t’auras plus de vaisselle à force. »
… évidemment, sans surprise, je le rate.
Eté 2018
Un baiser déposé sur son épaule dénudée, alors qu’elle laisse échapper un soupir de contentement. « New Blossom alors. T’es vraiment sûre de vouloir retourner là-bas ? » Elle se retourne et se cale contre moi, hochant la tête. « C’est chez moi Oliver. J’ai essayé, mais… je supporte pas de vivre ici. Et je supporte pas de voir ta famille. Ou de voir cet endroit qui me rappelle qu'on a vécu ensemble, c'est l'enfer. » Un sourire en coin, alors que je me demande si je remets une pièce dans la machine. On a passé la soirée à s’engueuler, à casser le peu de vaisselle que mes dernières visites avaient épargné. Heureusement, Zoey dort chez une copine. A quel moment on a recommencé à coucher ensemble ? Franchement, je sais même plus. C’est comme si ça allait de paire avec nos engueulades. Le seul moyen de calmer le jeu. Ou quelque chose du genre. Est-ce que ça donne un peu désespéré ? Clairement que oui. « J’imagine que je dois signer des papiers pour t’autoriser à embarquer la petite. » Nouveau hochement de tête alors que ça se voit sur son visage qu’elle aussi réprime les répliques acerbes qui lui viennent. On a jamais su communiquer, c’est pas maintenant que ça va commencer. La seule chose où on a réussi à être raccord, c’est Zoey. « Okay. Pour le divorce. La résidence principale de Zoey à New Blossom. Mais pas la garde exclusive. Je veux avoir mon mot à dire sur les décisions importantes. C’est non négociable. » Elle ouvre la bouche, la ferme et inspire. « Deal. » J’ajoute, avec une grimace. « Tu te fais pas chier pour le montant de la pension alimentaire quand même. » Elle a un rire. « Tu vas refuser ? » Je secoue la tête, dépité. « Bien sûr que non. » Et je rabats le drap sur nous, préférant profiter de la nuit avant qu’on recommence à se prendre la tête.
Moira déménage un mois plus tard, embarquant Zoey à l’autre bout de l’océan. Est-ce que je suis soulagé d’avoir les papiers du divorce entre les mains ? Franchement ? Aucune idée. Mais, avec le recul, ça pouvait pas vraiment finir autrement. Cette fois, je suis là pour leur départ. Et pour entendre Zoey m’appeler Oliver au lieu de papa.
Ouais, ça pique. Un jour, j’écrirais un article sur comment être le plus mauvais père de la terre, je pense que j’ai de la matière là.
2021
« Comment ça se passe à la galerie ? » La discussion est inhabituellement… calme. On se jette des regards à la dérobée, comme si on se demandait tous les deux à quel moment ça va déraper. Parce que c’est toujours comme ça que ça marche, même trois ans après le divorce. Au moins, on a trouvé comment ne pas s’engueuler devant Zoey, c’est déjà un progrès. Et j’essaie de pas m’offusquer quand elle lève les yeux au ciel en me voyant sortir de la chambre de sa mère le matin. Des fois, je me dis qu’on devrait lui en parler. Mais je suis bien infoutu d’expliquer pourquoi ça se passe comme ça. « Ca se passe bien. J’ai eu une promotion. » Un bref hochement de tête, alors qu’elle me tend une tasse de thé. « Zoey a demandé à ce que je lui achète un Mod-M. J’ai refusé. Je veux pas qu’elle se perde dans ce méta-truc là. » Un soupir en réponse, alors que je bois quelques gorgées de thé. « Tu devrais lui acheter. Et évite de lui dire que c’est mon idée. » Elle ouvre la bouche, prête à démarrer au quart de tour, mais je reprends, levant une main dans sa direction. « C’est la mode. Et franchement, elle est tout sauf prise de tête alors qu’on est clairement pas les parents de l’année. » « Parle pour toi connard. » « T’es devenue une mère modèle peut-être ? » Je sais, je cherche la merde. Elle au moins est présente, contrairement à moi. « Va chier Pelhman. Tu paies pour le Mod. Et pour tout le matos qu’elle demandera. » J’attrape mon téléphone et je pianote dessus. « C’est fait madame. Tu me diras combien je dois pour le reste. Comment va Darren ? Ou alors c’est Mitchell en ce moment ? J’avoue, j’ai perdu le fil. » Je ricane à son majeur dressé pour toute réponse et mon regard s’attarde un instant sur le magazine qui trône sur le plan de travail. « Tu lis le Guardian maintenant ? Première nouvelle. » Elle grimace. « Il y avait tout un dossier sur Icarus Inc. » « Que j’ai fait oui. » « C’était … bien écrit. » Tant mieux. Je sais que j’ai attiré leur attention avec ce dossier, je sais toujours pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Je leur tire pas dessus à bout portant, j’ai essayé de faire un truc aussi complet et objectif que possible. Mais je suis bien conscient qu’il y aura des conséquences.
« Tu seras là pour son anniversaire ? » J’ai un hochement de tête et, pour une fois, je vais tenir parole. Même si Zoey fera comme si j’étais pas là. Mais c’est de bonne guerre. « T’as besoin d’autre chose ? » Je me rends bien compte, à la regarder comme ça, à quel point la vie londonienne était pas faite pour elle. A quel point elle s’épanouit bien plus ici, même si c’est pour brandir une pancarte anti-mutant – au sens figuré, évidemment. Je suis de mon côté plus discret – que ce soit sur mon avis ou mes propres origines. Mutants, altérés, je vois juste une nouvelle bombe à retardement et je me demande quand ça va finir par exploser.
Moira se rapproche de moi et pose ma tasse sur le plan de travail. « Tu vas pas la péter celle-là ? Je l’aime bien. » « Ca t’arrive d’arrêter d’être un connard ? » « Biinnn… » Avec elle, c’est comme de respirer. C’est assez effarant quand j’y pense. Elle tire sur ma ceinture et ajoute à mi-voix. « Zoey rentre dans deux heures. » « Et ton Mikael là ? » « C’est William. Et par pitié, ferme-là. » Et je l'embrasse sans me faire prier. Elle est fiancée, depuis quelques semaines. Bon, au final, il disparaitra du paysage, comme les autres, aucun ne supportant son militantisme exacerbé, à entendre Zoey en tout cas. Parce que ouais, paradoxalement, c’est un des rares trucs qu’elle me raconte, surtout maintenant que j’ai réussi à capter un peu son attention quand on échange par mail. C’est mieux que rien non ?
2025
« Papa ? »
Ce mot. Ce seul mot. Que j’ai plus entendu depuis des années. Il m’a fait faire mes valises sans perdre de temps. Prendre le premier avion. Laisser tout mon boulot en plan. Zoey a besoin de moi, le reste, on s’en fout. J’ai même pas cherché à savoir ce qui se passait ou pas, j’ai juste foncé, tête baissé.
Faut dire que les dernières années ont pas vraiment arrangé notre relation. Alors, je sais que c’est de mon fait. Je me chercherais même pas d’excuses foireuses. Moira s’est remariée, elle a divorcé deux ans plus tard, j’ai plus ou moins dû disparaitre du paysage durant cette période, à sa demande. Notre relation étant pas des plus… C’était quoi le terme ? Ah ouais saine. J’ai pensé à aller consulter, mais j’ai pas le temps. J’ai de mon côté continué mes reportages, j’ai même passé des mois dans une communauté qui refusait totalement les nouvelles technologies. J’ai vécu quelques temps au Japon, dans un village exclusivement géré par des IA. J’ai été initié au Metaworld, pour faire un énième article. J’ai découvert l'univers qui passionne ma fille donc. C'est pas si mal.
Le seul truc qui a tenu ? Notre éternelle semaine tous les deux. Je sais même pas par quel miracle.
Alors ouais, quand ma fille me réclame, je viens. Parce que ça devait être grave.
… c’était même pire que prévu en fait. Moira disparue, depuis des jours. J’ai essayé de jouer de mes contacts pour la retrouver, mais rien. Rien du tout. Je continue de chercher, évidemment, mais plus ça va, plus c’est brumeux. Et je me demande à quel point ses positions tranchées contre les mutants ont pas joué contre elle.
Et je me suis retrouvé face à un choix difficile. Je sais pas si j’ai pris la bonne décision en prenant un appartement à New Blossom. En allant toquer à la porte d’Omnivox media pour éviter de voyager constamment. Je sais juste que, pour la première fois depuis des années, Zoey m’a appelé papa.