the night we died

tw: deuil, dépression, dissociation, conduite à risque

Parti sans prévenir, et surtout sans vrais bons appuis, Izak n’a battu des ailes à aucun moment, tenant déjà à peine un circuit linéaire par la voie terrestre. Pas de taxi qui n’auraient de toute façon pas pu l’accueillir, lui et ses ailes. Aucun téléphone, le sien ayant été totalement détruit suite à l’envol de l’oiseau de feu. Quatrième jour, fin de journée. Il ne s’est remit à parler qu’hier, à constater non sans mal ce qui pouvait demeurer autour de lui, après la vague dépressive épongée de l’intérieur. Elle n’a pas totalement disparu, elle s’est même ravivée par l’expérience douloureuse traversée. Allait-on le soupçonner de quoi que ce soit ? Est-ce qu’Icarus allait lui mettre la main sur les plumes ? Sur ce chemin effectué au radar et dans une ville qui ne ressemble plus à rien qu’à des masses difformes et abrutissantes, Ike repense à Angelo. 1961. Il repense à ce jour, quand New-York était encore debout, son frère aussi. Au moins, lui, contrairement à leur père adoptif, n’aura jamais eu fait semblant de mourir.

Au vide béant qui s’était installé depuis quelques jours, apothéose de décennies de dépression non traitée, Izak s’étonne d’avoir envie de pleurer. Les larmes sont chaudes, n’ont pas le temps de couler ; même pas un tant soit peu différentes du jour où il s’est retrouvé seul à en crever, lorsque toute sa famille s’est disloquée.
Aujourd’hui, pourtant, il sait où est Hel. C’est d’ailleurs la dernière en vie, avec lui, si on peut le compter ainsi. Il est persuadé qu’à voir les nouvelles, elle a comprit. Sans doute qu’elle s’imaginera que sa mutation a évolué, ce qui est vrai ; que cela est dû au choc d’avoir à subir un deuil paternel, le deuxième pour ainsi dire, pour la même personne concernée. Pour lui, il n’y avait pourtant que de la colère.

Tout ce qu’il veut, c’est rentrer. Il cassera sa propre porte s’il le fallait, il sait très bien que ses clés ont fondu comme tout le reste. Qu’ils le jettent en prison pour avoir forcé ses propres murs ; ça lui donnerait une excellente raison de vriller une nouvelle fois, avec le peu de forces qu’il lui reste.

Alors il renifle, oui, plusieurs fois, et ses larmes sèchent aussitôt qu’elles n’apparaissent. Il est décemment plus brûlant que toutes les autres fois, et plus débraillé aussi, la faute à des vêtements qui ne lui appartiennent pas et qu’il a dû enfiler. C’est dire s’il parvient à se rappeler du digicode en bas de l’immeuble, qui ne lui revient qu’après la quatrième fois ; par un miracle venu d’on ne sait où.

L’ascension est plus pénible qu’il n’aurait cru. C’est de toute façon sur les derniers mètres que tout se jouait, dans la vie. Ses ailes étaient bien trop grandes, même repliées, pour le laisser reposer sereinement dans la cage d’un ascenseur. Lui qui n’en prenait jamais, pas plus que les escaliers, qui le rendaient fou à chaque marche supplémentaire. Il a besoin de voler. Il a besoin de se reposer dans le feu, aussi, aussi longtemps qu’il le faudrait, dans sa propre intimité. Parce qu’il ne voulait pas qu’on l’emmerde pour manger trois carottes ou boire un verre de lait. Parce qu’il ne supportait tout simplement pas ce qu’il était.

Arrivé sur le palier, il se dirige vers ce qu’il croit être sa porte, triture la poignée. Il y a un temps de pause, après ça, salutaire pour celui à qui cette porte appartenait vraiment. Parce que Ike était en train de se demander s’il allait jeter son épaule en premier… ou embraser son poing pour faire un trou dedans, avec tous les risques que cela pouvait comporter pour lui et autrui.

Fort heureusement, ou pas ; la porte s’ouvre, alors qu’il allait se décider à faire fondre la poignée, élancé lentement mais sûrement vers l’avant.

Il s’arrête nez à nez, littéralement, avec ce quelqu’un qu’il ne pensait pas voir sortir de là.

@jens peeters

tw: dépression, dissociation, mention d’accompagnement de personne alcoolique

Contrairement à son vis à vis, il ne ressent pas sa fraîcheur, son environnement n’ayant aucun goût ni réelle sensation. Au moins jusqu’à ce qu’il finisse nez à nez avec lui, Jens, il a oublié son nom de famille, il lui a de toute façon pas donné plus la dernière fois. Ike a un mouvement léger de recul, au vu de la proximité imposée, un demi-pas qu’il ne mesure pas plus que cette main qui va se poser contre l’encadrement de la porte, sans savoir trouver de mots à expulser de ses lèvres rien qu’à ce moment là.

Le peu de sensé venait d’à nouveau disjoncter entre ses deux tempes, et à raison. Qu’est-ce qu’il foutait là ? Et pourquoi… est-ce qu’il a l’air de lui ouvrir la voie ?

Encore agrippé à une maigre fierté, Izak se sent incapable de lui avouer qu’il s’est trompé. Allait-il croire, à tord, qu’il avait bu ? Il n’est pas sa sœur. C’est lui qui lui a tenu les cheveux lorsqu’elle dégobillait dans les toilettes, c’est lui qui lui a rincé le visage ou la nourrissait quand elle n’arrivait plus à le faire, et c’est toujours lui qui l’a portée alors que ses jambes étaient devenues paille.

Mais… qu’est-ce que l’avis de ce type là pourrait bien lui faire ?

“J’ai…” plus, perdu, mal ? “J’ai pas mes clés.”

Il préfère lui dire en ces termes, bien que ce soit trop peu élaboré. Il ne va pas bien, il n’a pas envie d’appeler un serrurier, il veut juste se vautrer et ne plus rien avoir à faire que de se laisser crever. Alors Ike ne rentrerait pas de lui-même, parce que ça n’a pas de sens, pas encore assez en tout cas.

@jens peeters

tw: dépression, dissociation

“On regardera ça demain, si tu veux. Vas-y, rentre.” Il sait même pas quelle heure il est, c’est sans doute pour ça qu’il rentre comme si de rien n’était. Maintenant qu’il y avait eu des mots pour charger l’intention de Jens, l’élan lui avait été tout indiqué. Instinctif plus que réfléchi, et il va de soi qu’il regrette dès lors qu’il s’exécute, oubliant de refermer derrière lui. Sans doute parce que ses pensées prenaient trop de place, presque plus que ce qu’il n’arrivait pas à faire correctement avec son corps ce soir.

Alors quand il se plante au milieu de l’appartement qui n’est pas le sien, y’a toutes ces choses qu’il ne voulait pas qui remontent. Izak veut ressortir, mais il ne veut pas aller chez sa sœur non plus - en aurait-il eu seulement la force ? Comme lorsque ses ailes lui ont poussé pour la première fois, dans la douleur la plus atroce qui soit, il s’était caché tel un animal pour que nul ne puisse le voir. Le premier sang, il n’aurait jamais supporté de le céder à qui que ce soit.

Le propriétaire des lieux passe à côté de lui, peu après, ayant dû refermer. En lorgnant vers la porte-fenêtre, sans vraiment trop voir ce qu’il regardait, Izak s’est vaguement demandé s’il ne pourrait pas dormir sur son balcon. Puis il se rappelle des filets installés, ce que Jens lui avait promit, il y a de cela trop de temps pour se souvenir. Au moins pour lui. “T’es brûlant.”

Et mort de l’intérieur, oui. Il faut au moins ça pour que la flamme ne tarisse pas à jamais.

“Je ne sais pas si c'est bon ou mauvais signe.”

Il a la sensation que l’homme exprime ses propres pensées. Lui non plus, il ne sait pas. Pas plus qu’il ne sait pourquoi il reste là. Sans doute par défaut, par dépit. Parce qu’il n’a pas trop le choix, aussi. C’est peut-être l’une des rares fois où, la vulnérabilité aidant, Ike parle d’un franc qui ne dissimule pas totalement la vérité.

“Moi non plus”, et il s’entend sur le fait que les gens normaux s’excuseraient juste après. Il ne le fait pas. Peut-être parce qu’au fond, il sait qu’ils sont quittes, maintenant. Les oiseaux de la dernière fois, maintenant les clés qui ont disparues d’une façon qui lui causerait plus de tord qu’autre chose. Surtout aussi proche de l’incident. Quant bien même l’on pourrait s’affranchir de la temporalité et l’avouer être l’incident à proprement parler. L’histoire d’une vie, à dire vrai.

Il sait pas si Jens a vu les infos, il espère que ce soit pas le cas. Il est pas con, ou n’a pas l’air de l’être trop, en tout cas. Ca le mettrait dans l’embarras, qu’une nouvelle âme se retrouve piégée avec lui dans ce drame de flammes. Pas par empathie, mais par principe. Il ne voulait pas que l’on sombre avec lui, il savait s’y prendre très bien seul.

Il veut lui dire qu’il va rien brûler autour de lui, cette fois ci. La pensée s’arrête assez vite, heureusement, et il ne la verbalise pas. C’eut été misérable, en plus d’être dangereux. Le regard de l’oiseau de feu est soudainement attiré vers les braises encore rouges de la cheminée. Il s’en approche comme s’il venait de trouver un chat au bord d’une route ; ayant oublié le geste qu’avait pu faire Jens vers le canapé. Perdu dans un réflexe familier, sans même traduire le bien-être que cela pourrait procurer à l’hôte, il rajoute une bûche sur le lit rougeoyant qui n’était pas encore mort.

Accroupi, l’homme ailé tire sa manche et laisse ses doigts s’embraser, puis sa main toute entière, d’ores et déjà proche desdites braises pour les raviver. L’effet est rapide, bien que désormais, l’odeur du bois embaume alors davantage la pièce. Il se laisse perdre dans les flammes, dans une contemplation qui lui lèche l’âme comme une mélodie apaisante. Désolé. Il ne le dit pas. C'est mieux comme ça ? Ca non plus. Qu’est-ce que je fous là. Ca, personne n’y répondra. "Kurwa", laisse t-il alors échapper très bas, frustré de ne pas réussir à exprimer quoi que ce soit.

traduction:

@jens peeters

tw: dépression, dissociation, traumatisme

“J’aime  bien faire ça, aussi.” La voix de Jens lui parait lointaine, les yeux hypnotisés par les flammes qu’il produit lui-même, et ses enfants légitimes avec elles. Il a mal au bras, s’en aperçoit sans vouloir écouter quelque stimuli corporel que ce soit. Faire quoi ? pense t-il, sans parvenir à raccrocher les wagons aussi vite qu’à la normale. Il sait pas plus pourquoi il ressent ce manque avec autant d’effroi et de frustration mêlées, cela fait des jours qu’il fait ça : foutre sa main au feu, après y être resté entièrement. Il n’avait jamais eu besoin d’autant de ces bains pour retrouver un tant soit peu d’équilibre psychologique. Attiré, toujours, mais vraisemblablement forcé d’éprouver l’inutilité apparente de son réflexe, celui qui lui avait toujours fait du bien auparavant.

Combien de temps devrait-il survivre face au vide béant ? Même le fond des océans devait être plus cosy que ça, il y mettrait tout son corps au feu.

“Ca réchauffe. - Viens essayer” qu’il lâche sans réfléchir. C’est une très mauvaise idée, mais c’est la seule chose qu’Ike croit avoir comprit des mots de l’hôte. Au pire, il dira non. Au mieux, il se sera rapproché. Il n’aime pas savoir quelqu’un dans son dos. Trop avant lui avaient voulu le poignarder. “Ta peau, elle fond comme les autres ?” qu’il lui demande, dans un murmure soupiré, presque contrit - il y a un morceau de douleur qui s’échappe et qui lui redonne envie de laisser couler des larmes qui finiraient par sécher aussitôt. Raison pour laquelle son œillade est brève. Elle cache le mal qui l’habite lorsqu’il est trop loin de ce feu qui brûle en lui. Elle cache un môme qui aurait dû mourir au fond d’un puits. J’en ai assez d’être comme ça. “Merci.” c’est lâché sans doute trop bas pour que lui-même accepte de l’avoir verbalisé.

@jens peeters

tw: dépression, idées noires, dissociation

“Non. Plus maintenant.” Est-ce que ça voulait dire qu’il pourrait supporter ses flammes à lui ? Celles qui, désormais, brûlaient plus fort encore qu’un feu naturel ? Pourquoi diable pensait-il à essayer ce que lui confiait Jens, sans effleurer un seul instant un doute de ce qu’il pourrait lui faire… qui plus est, de mal ? Et si, en réalité, il ne le supporterait pas ?

La main de l’autre mutant est si proche de la sienne qu’une pensée intrusive file, lui assène de lui prendre le poignet. Qu’est-ce que ça ferait ? Sans doute rien à son vide interne. C’est pourtant d’un élan désespéré qu’il s’y perdrait, parce que même les flammes ne semblent plus vouloir lui apaiser l’âme. Il se sentait abandonné par elles, tout comme par son père qui avait préféré la mort plutôt que de la lui donner en héritage.

La sienne se retourne, dos contre ces flammes nouvelles, celles qui ne prennent pas naissance sur sa peau. Celles-là, celles qui parcouraient sa peau un peu plus tôt, ont disparues. N’en reste pas moins une température excessive, parfaitement dangereuse pour l’humain classique.

Ce que Jens n’est pas. Pas plus que lui, semble t-il.

Mais jusqu’où se ressembleraient-ils ?

Ike laisse ses doigts s’enrouler autour du poignet du sang froid, gardant probablement trop longtemps son regard abîmé sur ce point de contact. Rendrait-il plus réel ce qui ne l’était plus ? Il sait toujours pas plus qu’au début ce qu’il se passe. Le polonais observe, seulement, et laisse s’écouler en lui comme sur l’autre tout ce qui avait pu lui donner envie d’en finir tant de fois. Cette nuit, il ne sait plus si cette envie est toujours là ; tant elle semble imprégnée en lui comme l’incandescence de ses propres flammes.

S’il ne cède son attention qu’à ce qu’il fait, à ce moment-là ; peut-être même que d’ici demain, il n’y repensera même pas.

@jens peeters

tw: dépression, idées noires

C’est encore plus étrange de se dire que ce contact, il le refuse pas. Comme s’il se prêtait à ce jeu idiot que de poursuivre une trame de pensée parasite, extrême, ridicule. Le genre de fil d’Ariane qui rend les gens soit fous, soit morts. Izak s’était toujours senti un peu des deux, à dire vrai.

Sans doute se serait-il arrêté, aurait-il relâché sa prise qui n’était même pas agressive ou appuyée, s’il lui avait tonné de le faire. Ou peut-être aurait-il refusé, en dernier bastion face à l’adversité. Si son père avait réussi à le faire taire, à lui permettre aussi de le refaçonner d’une manière qui saurait le faire survivre non sans faire souffrir autrui, Ike n’avait jamais trouvé la bonne façon de se faire partir.

Alors il avait provoqué tant de voyous, d’idiots, de braves gens. Même son adelphe, Angelo, qu’il s’avouerait avoir trop aimé pour l’accepter mort, même aujourd’hui. Aucun d’eux n’avait réussi à lui montrer la bonne porte de sortie, c’était pourtant là la seule utilité que tous ces gens avaient, ont pour lui.

Sans doute aurait-il préféré, au fond, que Jens réagisse et le martèle pour le faire fuir. Retourner dans son nid de malheur, là où ses pensées tissent une toile aussi violente que stérile. Elle est solide, lui fait croire que lui ne l’est pas. C’est pourtant l’inverse de ce qu’il croit, parce que Izak se noie dans le déni. Il n’y avait que ça qui le maintenait réellement en vie.

“J’ai tout le temps froid.” C’est comme s’il émettait une de ses pensées, encore une fois. Etait-il télépathe ? Pour l’amour de ce Dieu qui n’existe pas, peut-être serait-ce la meilleure des punitions que de ne pas avoir à dire toutes ces horreurs là. “Même là.”

Il aperçoit le bleu au creux de son poignet, qu’il a fait tourner un peu pour le voir. Ses veines à lui ne sont pas bleues, mais ce froid glacial qui lui étreint l’âme, il le connait que trop bien. Ca vient se loger déraisonnablement dans sa gorge, cette émotion qu’il partage, tout en refusant de la lui faire garder rien qu’à lui. Parce que Jens, s’il restait malgré ça, était la preuve que lui aussi pouvait le faire. Et ça, Izak n’en voulait pas.

“Moi aussi” cède t-il, sans avoir daigné remonter ses yeux vers ceux de ce qui était un étranger familier. Sans doute n’était-il pas assez présent dans cette réalité pour réaliser qu’il était prit dans un étau à l’allure de rêve. Une fois sorti de là, tout ça n’existerait plus. C’est tout ce qui compte, et tout ce qui en restera.

Il ne saurait dire combien de secondes se sont écoulées. Il expire pourtant, ramenant ses ailes à lui, réflexe tout à fait inconscient : "Tu lis dans les pensées ?" l’œil de biais, s’écarte un peu du point de contact qui est toujours là. J'espère pas. Il serait presque capable de le voir, dans sa vision périphérique. Une idée aussi mauvaise que de s’être échappé de l'appartement d'Astra sans être en état. ""

@jens peeters