Don't lose your head || ft. Sloane

DON'T LOSE YOUR HEAD
TW : mention d'attentat passé.

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Les tâches s'enchainent comme elles doivent l'être : rigoureuses et à la seconde près. L'agenda du Sept est encore plus rempli qu'à l'accoutumée, comme pour le tenir occupé, comme pour user de son image à peine entachée dans les médias officiels. Il faut dire qu'il est l'un des seuls dont les secrets pourraient le faire tomber, lui, et une poignée d'autres Justes élus par les grandes instances d'Icarus. Alors on laisse le vernis reluire, on laisse les sourires à la presse avide, on laisse le peuple croire en la figure qui l'incarne : Megamind, pour les manipuler tous.
...
Peut-être que ce rôle ne lui va plus.
Peut-être que quand il observe son reflet dans une loge où il demeure seul, ce n'est plus lui qu'il voit.
Mais les autres.
Les regards sur lui.
Les mots et les cris.
On a hurlé le nom du héros à maintes reprises. À quel instant a-t-il entendu le sien ?
À quel instant pourra-t-il cesser de croire que cette gloire éphémère saura le contenter ?
Que les révélations le concernant ne finiront pas par l'entacher ?
Et qu'il faudra le faire, ce choix cornélien, entre ce qu'il a été, ce qu'il est, et ce qu'il devient.

Assis, le dos droit, Orion ferme les yeux quelques secondes. Se concentre pour le retrouver. Ce noyau de haine et de douleurs qui le protège depuis toujours. Depuis son enfance. Depuis la racine de toute son angoisse refoulée. Il peut se sentir plus fort que ce qu'il combat. Il peut le faire.
Il doit le faire.
Ne serait-ce qu'avoir un peu de force pour affronter ce qui l'attend.

On toque à la porte. Aussitôt, le regard retrouve l'instant suspendu. La concentration ne vacillera plus. Une jeune femme, assistante depuis peu dans les locaux, entre, intimidée. Elle n'est pas bien âgée, mais c'est elle qu'on a envoyé pour le chercher.

« M-Madame Hatcher vous attend, Mega-... euh, pardon, Monsieur Wingfield ! »

Elle se reprend, la mine perturbée, mais toujours vaillante. Encore une enfant biberonnée par ses mythes. Son visage en papier glacé, placardé sous l'obole de la corporation. Il ne peut pas lui en vouloir, alors il se contente de sourire, de cette façon presque indue pour les innocents qu'il est censé chérir.
Les pauvres.

« J'arrive tout de suite. »

Il se lève sans un bruit, et finit par la suivre. Les locaux se bien remis des attentats de l'été dernier. Les rumeurs vont toujours bon train, pourtant, quand il tend l'oreille. La silhouette droite, incapable de plier sous les racontars, Orion fixe son regard vers son objectif de la journée. Cette rencontre imposée dans son planning, après des mois de silence et de fuite des deux côtés.
Il ne l'a pas revue depuis l'évènement. C'était peut-être pour le mieux.
Et puis, après tout... qui sait ce qu'il aurait dû faire, s'il s'était laissé aller à la panique ?
Maintenant que les faits sont tassés, peut-être pourra-t-il envisager un pourparler.

C'est ce qu'il prévoit, alors que la porte du bureau s'ouvre, que la jeune femme s'éclipse sans demander son reste et qu'Orion se retrouve seul, face à elle.
Il faut parler des programmes à venir.
Il ne retrouve que du silence.

« Bonjour, Sloane. », se hasarde-t-il, entrant, d'une neutralité affichée. Un détachement avisé, malgré tout ce qui s'est passé. Il s'approche et s'assoit, tout en la regardant, tout en ignorant quoi faire ou quoi dire sans risque de faire à son tour exploser l'étage, vue la bombe qui se tapisse entre eux. « Ça fait longtemps. »

C'est tout ce qui lui vient. Parce que c'est vrai, factuel, applicable.
Longtemps, oui.
Mais peut-être pas assez.

ft. @Sloane Hatcher

DON'T
LOSE
YOUR
HEAD
/

And the story that plays out is not clean. You can't unsee what you've seen

(Ocie Elliott) (icons. inkmarrows)

TW : mention de manipulation
et d'enfants malades

Orion attend. Elle le sait. Elle est en retard. Elle le sait, ça aussi. Retard assumé sur le planning de la journée. Rien d’étonnant, d’habitude. Toujours à sauter d’une réunion à une autre. Cette fois est différente. Procrastination, technique pour fatiguer son rendez-vous avant même de le rencontrer ou démonstration d’autorité et de pouvoir ? Les trois à la fois. Orion n’est pas chez lui ici. Il n’a pas le pouvoir. Et si attendre quelques minutes suffisent à le décourager d’éventuels plans, Sloane prend. Alors, elle fait durer l’attente encore un peu. Le moment de l’accueillir dans son bureau repoussé jusqu’à la dernière seconde. Jusqu’à ce ne soit plus possible. Alors, elle le fait appeler. Elle laisse à une employée le soin de se confronter à lui et de l’avertir. Ce temps, Sloane l’utilise pour changer sa posture. Abandonner la fatigue traînée depuis le début de la journée. Chasser les traits amicaux sur son visage. Lâcher toute la bienveillance dont elle sait faire preuve. Orion a perdu le droit d’en profiter. Les épaules rejetées en arrière. Le regard déterminé.  

Le temps restant, Sloane l’utilise. Parcourt l’un des dossiers déposés sur son bureau par son assistant, ce matin. Parce qu’il est hors de question qu’Orion pense qu’elle l’attend. Non, elle ne l’attend pas. Elle cale ce point entre deux réunions importantes. Elle lui fait une faveur en acceptant de lui parler plus de cinq secondes. Pour la première fois depuis des mois. C’est qu’elle n’a plus de temps à perdre avec lui. La porte s’ouvre et Sloane continue la comédie. Les yeux rivés sur les feuilles. Ce n’est que lorsqu’il la salue qu’elle porte son attention sur lui. Il n’a pas changé. Fidèle à lui-même. Sans même une once de remords dans les prunelles, dans les gestes. Qu’attendait-elle exactement de lui ? Rien. Il s’agit d’Orion, après tout. “Orion.” C’est plat. Dépourvu de toute émotion. Indifférent. Le dossier est refermé. Et les yeux, eux, ne le lâchent pas. L’observent s’avancer dans le bureau et s’assoir. “Ça fait longtemps.” Pas assez. Elle affiche un sourire forcé. Témoin d’à quel point elle aurait préféré que ça dure plus longtemps encore. “J’étais occupée.” Des mois durant. À l’éviter. À lui échapper. Sans aucune envie de le croiser ni de lui laisser l’opportunité de jouer avec ses souvenirs. Elle en a fini d’être un pantin.

Le dos est appuyé contre le dossier de la chaise. Mais Sloane semble chercher quelque chose derrière lui. Sauf qu’il n’y a rien à voir. Juste lui. Et son air inoffensif. Si elle avait su depuis le début, les choses auraient été différentes. En tout cas, elle se plaît à le croire. “Tu es venu seul ?” Pas d’ex dans son ombre. Pas plus qu’un·e représentant·e d’Icarus qui lui demanderait de la manipuler. Non, juste lui. C’est déjà bien assez à gérer. La question pourrait passer pour une interrogation sincère. Elle n'est en réalité qu'une pique. Comme un rappel amer de ce qu’il s’est passé pendant les attentats. Maintenant que le fiel est craché, Sloane se confond avec son professionnalisme. Plus vite les différents sujets seront abordés, plus vite il repartira. “Il y a des interviews que tu vas devoir faire.” Aucune proposition. Aucune invitation. C’est déjà décidé. Son droit de veto, ça aussi, il l’a perdu. Il n’y a plus de collaboration. Elle impose, maintenant. “On va organiser une journée entière d’interviews le deux mai.” Prise de parole massive qu’il faudra préparer, évidemment. Millimétrer chaque interview, maîtriser chaque mot, vérifier chaque question. Une longue préparation afin d’éviter tout dérapage. “Architectural Digest souhaite faire une visite de ton penthouse. On fera un tour de chez toi avant afin de retirer tout ce qui pourrait être compromettant.” Sloane enchaîne. Réduit au maximum la réunion, en ne laissant aucun espace au silence. “Et Le SHC organise en juin un gala caritatif pour une association qui fait venir d’Amérique du Sud des enfants ayant besoin de soins spécifiques qu’ils ne peuvent pas se payer. Tu y seras pour montrer que les Sept sont investis dans la cause.” Ça rapporte toujours de l’argent aux associations d’avoir un Sept. Même si c’est Megamind. Les gens ne savent pas ce qu’il cache. Ils devraient, pourtant. Ce serait préférable pour eux. Mais ça restera un secret, comme tant d’autres. “D’ailleurs, dans la continuité, tu iras faire un tour au service pédiatrique dans ton plus beau costume de super-héros pour quelques autographes et selfies.” Les enfants seront heureux. L’espace de cinq minutes, ils seront vus, appréciés, mis en valeur par un héros. Ils existeront au-delà de la maladie.

Un coup d'œil furtif sur ses notes afin de s’assurer qu’elle a évoqué tous les points. Même pas une minute est passée. Simple. Efficace. Vital. “Mon assistant t’enverra tous les détails à la suite de cette réunion.” Un e-mail récapitulant chaque rendez-vous, accompagné des adresses et des horaires. Il recevra des rappels pour s’assurer de sa présence. À une époque, Sloane était naïve et pensait les Sept assez responsables pour ne pas oublier leurs engagements. La naïveté a vite été brisée. Depuis, elle le sait et les harcèle de relances. “Si tu n’as pas de question, tu peux y aller.” Du regard, elle tente de dissuader toute intervention qui ne serait pas l’annonce de son départ. Orion qui quitte son bureau, c’est tout ce qu’elle veut voir et entendre.

 @Orion Wingfield