Invisible touch ;; Leon

tw : tabagisme - jeux d'argent.

Ce n'est pas si souvent qu'il descend, l'Empereur. Cadenacé de son plein gré dans la plus haute tour, il observe les mécaniques savamment étudier de son casino s'enrouler entre elles sans accroc. On qualifie ça de normal, autour de lui. C'est vrai qu'il a tant à faire et à accomplir, si loin de son empire ! Même lui le concède - quand ça l'arrange, au fond.
Mais ce soir, l'humeur est différente. Les affaires s'accumulent pourtant, l'appellent à pleine voix, hurlent de leur urgence, dans une habitude lancinante. Si fort que ce soir, il a décidé de ne pas les écouter.
Que ce soir, c'était ce sentiment de ras-le-bol notoire qui prendrait le dessus, prépondérant, hurlant lui aussi, depuis ses entrailles jusqu'à bout de ses doigts fébriles. Il en lâcherait presque sa cigarette qu'il écrase finalement sans vergogne dans un de ses - trop - nombreux cendriers collectionnés à travers les époques, memento de tout les endroits qu'il visite. À force de les accumuler, même ses placards arrivent à sentir le tabac froid bon marché de cette fichue période trop moderne pour respecter le goût d'antan.
Mais ce soir, il n'y pense pas.
Pas l'envie de s'apitoyer sur le négatif, ni de s'y résoudre.
Jouons, que diable ! C'est bien pour ça que son cher Arcana est là. Alors s'il ne peut même pas s'y déchaîner...

Donc, il descend. En profite pour saluer les quelques Majors qu'il croise, donne des directives, échange des badineries agréables. Il louvoie à travers les étages comme une ombre de passage, qui attire par sa rareté dans le royaume de lumière. Il s'en teinte à plaisir, attire les sourires, les rend au centuple. Emperor s'affiche avec bonheur et Leon adore ça, aiguiser son âme profondément sociable, apaisée par cette forme d'admiration qu'on lui vaut. Il sait qu'elle n'est pas toujours sincère, boah, il s'en contentera bien.
Les nombres se succèdent à travers les portes des ascenseurs, enchaînent les aspect de l'épée, de la coupe jusqu'au bâton où il demeurera pour le reste de la nuit. Au fond, c'est bien ici qu'il préfère passer le temps, parmi la fièvre et l'ivresse de tout les débutants.

On le regarde comme l'anomalie qu'il représente, parce que c'est vrai, il ne s'y arrête que trop rarement. Pourtant, qu'il les aime ! Il y a tout, dans leurs yeux, l'étincelle de la découverte du jeu, de la mise encore prudente, des rires encore joyeux qui tendent à la nervosité. Il adore les regarder évoluer, Leon, et voir ce basculement si caractéristique, si fatal et si merveilleux, capter cet instant où l'on passe de l'innocence du jeu à la frénésie des paris, cet instant sacré, ce pivot où l'on sait que le retour en arrière n'est plus possible.
Là où avancer, qu'importe le prix, est la seule solution pour s'en sortir.

Après la cohorte d'admirateurs glanée à son arrivée - il y en a bien encore quelques uns qui le reconnaissent et espèrent le défier pour gagner leur sésame, qui sait ? -, le patron des lieux finit par se poser à une table au hasard, au moment du changement de joueurs. La partie s'arrête dés qu'il rejoint le groupe, qui l'accueille d'un silence respectueux, suivie d'une allégresse générale. Une nouvelle mise, comme si de rien était. Et les jeux s'enchaînent jusqu'à la pause, jusqu'à la voix qui l'interpelle, qui le pousse à lever lentement le regard de ses cartes.
Et à le braquer dans une paire d'yeux absolument sublime.

Il sourit sans répondre, laisse flotter les interrogations, de cette manière toute contenue d'exprimer son intérêt. Alors que la tablée est à nouveau remplacée par d'autres visages, seul celui qui s'est adressé directement à lui capte son attention. Le ton finit par rapper contre sa gorge, signe évident quand on le connaît bien que quelque chose - ou quelqu'un - attise ses instincts.

« Il va falloir choisir ce qui vous intéresse le plus entre les deux. » Pour lui, c'est tout vu. Il désigne du menton le tapis vert et les figures face au ciel, délaissées des mains malchanceuses. « Mais je suis de bonne humeur, alors je peux au moins vous dire que ça, c'est un bon vieux Blackjack à l'ancienne. Quant au reste... »
Le mystère accompagne son geste à venir : il se relève alors que le jeu est en train d'être distribué à nouveau, sous les clameurs de déception hélées à son titre. Voilà, comme ça, il sait.
« Oh non Emperor, restez jouer avec nous ! »
On râle pour la forme, on s'indigne comme au théâtre, mais c'est encore lui le metteur en scène, le maître d'un jeu qu'il quitte et invite son bel inconnu à faire de même. Un peu d'intimité n'a jamais fais de mal à personne.

« C'est votre première fois ici, pas vrai ? » qu'il lance au débotté, à l'approche d'un coin de bar où ils seront bien plus à l'aise pour faire connaissance. Le sourire toujours en place, avec un bon millier de significations, quand une seule note ressort : l'envie.
« Parce que je me serais souvenu de vous, si je vous avais déjà vu. » Puisque c'est bien son bonheur - ou malheur, tout dépend de la perspective - que de retenir les corps et les coeurs qui passent dans ses nombreuses vies, même si une seule l'âme a le privilège d'embrasser la sienne depuis très longtemps. Jamais assez de temps.
Alors comme un réflexe, il essaie de percevoir cette autre chose dans le regard de son vis-à-vis, cette singularité qu'il pressent si bien, qu'il aime deviner et découvrir, quand il lui suffirait juste de demander de lui montrer son avant-bras.
Mais ce ne serait pas jouer le jeu la séduction qui s'opère.
Ca l'émoustille encore plus, ce petit doute qui subsiste. Car le retrouver Lui, ça aussi, c'est un pari.

Le regard est accroché, suspendu à l'expression qui se dégage de ce nouveau venu au sein de son empire du jeu. Leon ne peut s'empêcher d'en sourire, déjà conquis par ce brin de candeur qu'il décèle toujours chez celles et ceux qui ont le courage de passer les portes de l'Arcana pour la toute première fois. C'est pour cela que ce cercle demeure son préféré, en partie parce qu'il peut tomber sur des perles comme celle qui vient de briller suffisamment pour l'attirer. La pie est voleuse, elle l'a toujours été. Même dans cette vie-ci où tout lui semble à porter, l'envie de conquérir l'inatteignable demeurera toujours son credo premier.
Comme un vieux moteur qui ne sera jamais décidé à rouiller.

Assis au tabouret de bar, la joue reposée sur son poing, il l'observe en silence, le laisse prendre place. Un peu gauche, un peu doux, un peu incertain dans cet endroit qui n'est pas le sien. C'est attendrissant, vraiment.
L'un des barmans se fige quelques secondes en voyant les nouveaux clients au comptoir ; Diantre, c'est que le patron, c'est pas si souvent qu'il débarque, hein ! Leon lui jette un regard de connivence légère, le genre suffisamment adouci pour lui signifier que tout va bien, qu'il fait du bon travail, et qu'il commandera quand il en aura envie.
Pour le moment, c'est sur quelqu'un d'autre que son attention se braque.

Emperor, donc. C'est vrai. C'est comme ça qu'on l'appelle. Le trait d'humour le pousse à ricaner en coin, haussant les épaules négligemment :

« Ah ça, c'est sûr ! Enfin, j'imagine. Faut dire que je ne suis jamais allé à l'école, alors... » Ca aussi, ça l'amuse. De donner certaines informations à son sujet qui se révèleront être vraies, mais si improbables que la plupart de ses interlocuteurs refusent de les croire, même en faisant mine de l'inverse. C'est ainsi qu'il trie les personnes dignes de confiance des simples connaissances : face à la volée de vérité, ce seront celles et ceux qui croiront au mensonge apparent. Alors pour ce bel inconnu, autant y aller franc jeu.

La mention des Oracoins le ramène à une réalité bien concrète, elle aussi. Les clinquants jetant pèse lourd dans les poches des débutants, ne sachant jamais par quel vice commencer, s'il vaut mieux y aller prudemment ou miser l'ensemble sur une des rares machines à sous que l'on suppose "truquée", d'après les rumeurs. Celui-ci veut boire, tout simplement. Leon craque un rire, à nouveau.

« En règle générale, oui. Mais pas pour vous. En tout cas, pas tant que je serais là. » Deux doigts tapotent la surface lustrée du comptoir, signal d'appel pour le jeune barman de s'approcher. « Un Manhattan pour moi, Marco. Et sers à mon invité ce qui lui plaira, c'est moi qui régale ! »

Petit clin d'oeil appuyé derrière la verbe toujours un peu canaille, avant de saisir le prénom. Dan. Dan qui tente de le séduire, donc. Le sourire se fait plus appuyé, flottant de la commissure jusqu'aux lèvres pleines, avides d'en savoir plus. De le connaître plus.
De confirmer les quelques doutes rémanents.

« Dan, hein ? Direct, à ce que je vois ! J'aime bien... » Il le pense, comme tout ce qu'il dit. L'Empereur n'a pas le temps de mentir : ce serait tricher d'une manière vraiment peu élégante. Loin de l'apparat qu'il se plait à entretenir, ne serait-ce qu'un peu.
Et comment résister face à cette mine si mignonne ? Puisque les termes sont posés, autant jouer selon les règles imposées. Il se penche un instant, juste légèrement, réduit la distance pour venir lui susurrer à l'oreille quelque chose d'essentiel : « Rassurez-vous : vous ne vous débrouillez pas trop mal. À croire que vous me connaissez déjà... » Petite mine de roublard à nouveau, taquine à l'extrême, quand il se rassoit correctement. Oserait-il dévoiler son jeu tout de suite ?
Non, pas encore.
Si ce "Dan" est bien la personne à laquelle il pense, il le saura bien assez tôt. Ce petit jeu les a toujours amusé. Dans tout les cas, Leon se sent gagnant.
« Alors, Dan. Quel beau diable vous a fait atterrir dans le coin ? Vous n'avez pas l'air d'être un habitué du "quartier" non plus... » Vrai qu'une bouille pareille se ferait vite remarquer ici-bas, peut-être pas pour les bonnes raisons. Du moins, c'est l'avis de l'Empereur. Lui, l'aurait repéré à des kilomètres.
Les verres respectifs sont servis, la cerise du cocktail du patron luit goulument avant de finir entre ses dents, la pulpe charnue glissant dans sa bouche. Non sans jeter un coup d'oeil vers ce cher Dan, avant de déclarer : « Leon, au fait. » sans détour ni réflexion. Ici, ils sont bien peu à connaître son prénom. Encore moins celui qui suit : « Un raccourci pour Leonid. C'est pas courant non plus, pas vrai ? »
L'attitude débonnaire face à une telle information, donnée sans même avoir été jouée, aurait de quoi surprendre les habitué.es.
C'est le cas pour Marco le barman qui fait mine de n'avoir rien entendu.
Mais pour Leon, ce n'est que la suite du jeu, attentif à la moindre expression qui passera dans les yeux de ce Dan.
Et c'est ainsi qu'il saura si le Jackpot sera remporté.