the past never dies [2ji#3]

Anton Stuart est un homme de trente et un an, père de famille de deux enfants et marié depuis neuf ans. Son regard bleuté attire l'attention de ses collègues, son sourire la conserve et son assurance les charme.
Tout est faux.
Anton est anxieux, énervé, mal dans sa peau et perdu. Il est persuadé que si ses cheveux blancs sont si nombreux, c'est la faute de son angoisse.
Anton aime sa femme, mais il ne l'aime pas ainsi.
Anton est un trouillard et n'aime pas ce qu'il voit dans le miroir.
Et aujourd'hui, il n'aime pas ce qu'il voit sur les traits d’Aeji. Aeji qu'il n'a pas vu depuis des mois, trop longtemps, et dont il a le sentiment qu'il s'agit aussi de la dernière fois.
Il ne veut pas. La conversation n’a pas été agréable. L’aveu fait dans la tentative de regagner son coeur, encore moins. Anton a les joues sèches, les yeux irrités. Malgré tout, il conduit sa voiture. Aeji a un rendez-vous, qu’il lui a dit. Il lui a accordé le temps qu’il pouvait, trop déjà, et il lui faut rentrer. Sa vie l’attend.
Avant, Anton était sa vie.
Anton avait le sentiment qu’il l’était encore, sa vie.
Il y a un poids sur son coeur face à la réalisation. Alors qu’il ne bouge plus, alors qu’il hésite enter avancer et reculer, Aeji a continuer sa vie. Aeji est passé à être chose. La constatation lui donne envie de pleurer de nouveau. Malgré tout, Anton ne dit pas un mot et tourne sur la droite. Il ne reste que deux rues.
Deux rues, et Aeji sort de sa vie.
- Je t’aime encore tu sais. , qu’il ose. Je vais - je vais la quitter. Promis. Je - Si tu veux me laisser une dernière chance, peut-être que je pourrais
À côté de lui, Aeji l’observe. Son regard ne brille pas comme autrefois. Il ne sourit pas. Du moins, pas de cette manière aimante.
- C’est fini, Anton. Je t’en veux pour ce que tu as osé faire, mais je te remercie pour l’avoir dit. Tu devrais lui dire, peu importe mon choix. Elle le mérite. Il y a une pause. Tu le mérites aussi. J’espère que tu le comprendras un jour.
Ses lèvres se tordent. Anton a un rire léger, un souffle tremblant.
- Peut-être. Je sais pas - J’sais pas. Au loin, il voit la demeure d’Aeji. Il lui faut se rapprocher pour voir une silhouette sur les escaliers. Anton pince ses lèvres et reconnaît les traits. C’est lui ?
Aeji ne répond pas immédiatement ; il observe l’homme aussi. L’acteur, vraiment. JunHo, il croit. Anton n’a pas de mémoire pour les noms coréens.
- Je l’aime. Je suis vraiment heureux avec lui., qu’il dit enfin, tournant son regard vers Anton. Son ancien agent hoche la tête, retient ses larmes.
- Okay. J’aurais essayé Il rit. Ça sonne vide. Aeji lui envoie un sourire, léger ; la main posée contre son avant bras, il serre légèrement avant de se détacher.
- Bonne chance Anton. Ça a fait plaisir de te voir. Ça sonne faux. Aeji est sûrement honnête.
- Joyeux anniversaire encore, Aeji. La porte claque. Anton hésite à les regarder, ensemble ; pour voir ce qu’il a fait de travers, pour comprendre ce qui lui manque. Ça lui serre le coeur ; il démarre et part.
Aeji ne le regarde pas partir ; le regard se pose sur Junji et n’en déloge pas. Il est en retard ; quelques minutes à peine, mais assez pour être dérangé. Il n’aime pas faire attendre Junji.
- Désolé, qu’il lui dit déjà, le rejoignant et posant ses lèvres contre les siennes ; un baiser simple mais dont il a de besoin. C’était pas dans mes plans. Une expiration suit les mots ; Aeji a le corps tendu, encore agité. On rentre ? Déjà, il déverrouille la porte pour pénétrer dans sa demeure.

cw : mention de tromperie
Aeji déteste le fait qu’il est incapable d’être pleinement heureux face à la présence de Junji et des fleurs offertes. Il maudit Anton, pour cela. L’homme n’avait aucune raison de revenir dans sa vie si brusquement et de lui offrir des informations dont il n’avait pas - plus - de besoins et quémander une autre chose. Aeji lui a accordé trop de son temps, déjà. Trop de parcelles de son amour et de son coeur. Il possède encore un peu d’amour, pour lui. Comment l’oublier ? Anton a été son partenaire de vie pendant plusieurs années, après tout. Aeji ne désire pas effacer le passé. Il ne veut pas non plus y être coincé, non plus. Surtout lorsque Junji le rend profondément heureux et que Aeji découvre l’amour sous des visages qu’il ne connaissait pas, avant cela.
Junji le rend profondément heureux, et Aeji aimerait le lui montrer.
Malheureusement, Anton a gâché son humeur.
- Merci. Elles sont magnifiques. Un autre baiser est offert à Junji, rapide, et Aeji marche vers la cuisine pour trouver un vase. La chose le détendra, oui. Couper les tiges, préparer les fleurs, les mettre dans le vase. Peut-être ouvrir une bouteille de vin, mettre un peu de musique.
La question de Junji, le suivant, le froisse.
Aeji lui lance un œillade alors qu’il dépose le bouquet sur le comptoir, et soupire. Il se détourne pour ouvrir le placard et en sortir deux coupes, puis un autre pour le vase.
- C’est compliqué. La phrase est brève. Aeji n’a pas envie de lui expliquer. Il désire pourtant être honnête. Les lèvres pincées, il cherche l’ouvre bouteille. Tu peux choisir une bouteille de vin, mon amour ? , qu’il lui demande, réfléchissant encore. Aeji bouge par automatisme. Te souviens-tu de la fois où je t’ai parlé de mon ancien compagnon et des tensions très fréquentes et présentes ? Aeji ne s’est pas caché de la relation. Il en a parlé à Junji. C’est le nom d’Anton qui est resté sous silence, par respect.
Mais le respect est mort.
Ou il n’a jamais existé.
Aeji ne sait pas vraiment.
- C’était Anton., qu’il lui dit, tournant le regard vers lui .Aeji lui offre un petit sourire et expire, de nouveau. Il cherche à se défaire de la tension habitant ses épaules. Pardon. Il m’a - Un signe de la main, vague. Il m’a énervé. Aeji ne comprend pas comment on peut faire une telle chose à quelqu’un. La tromperie lui échappe totalement.

Dans le tiroir ouvert, Aeji agite ce qui s’y trouve à la recherche d’un tire-bouchon. Il ne trouve rien et sa patience commence à lui glisser entre les doigts. Il n’a pas envie d’être dans un pareil état. Il n’a pas envie d’être agité, tendu, dérangé. Pourtant, le sentiment reste là, peu importe le nombre de fois où il expire et essaie de se calmer. Il s’en veut d’avoir été si gentil avec Anton, dans la voiture. Mais comment être en colère contre un homme en larmes que l’on a aimé tendrement ? Aeji a toujours été facile, face aux larmes. C’est bien ainsi que Anton a souvent calmé ses colères, d’ailleurs.
A-t-il pleuré par le passé, simplement pour le manipuler, le calmer ?
Aeji a l’impression de remettre toute leur relation et l’amour partagé en question. Certes, la chose appartient au passé, mais l’invocateur ne sait plus quoi croire, de son passé. Il a l’impression que celui-ci ne lui appartient plus.
Ses mains cessent de s’agiter dans le tiroir quand Junji parle du mariage de Anton.
Interdit, Aeji fronce des sourcils et lui envoie un regard interrogateur qui est plus noir qu’autre chose.
- Ah. Tu savais ? Il hausse des sourcils et un sourire déforme ses lèvres, mélange de stupeur et de dégoût. On dirait que j’étais le seul à l’ignorer. La tête est secouée et il retourne son attention dans le fond du tiroir, bouscule les items sans trouver ce qu’il cherche.
La tension monte, dans ses épaules.
Il est un parfait imbécile. Les mots de Junji devraient être réconfortants mais ne le sont pas.
Aeji est juste en colère, terriblement, contre lui-même.
Anton ne devrait avoir aucun droit de l’agacer. Et pourtant.
Le tire-bouchon est introuvable.
- Mais merde à la fin D’un mouvement brusque, il ferme le tiroir et passe une main contre ses traits. Aeji frotte ses yeux avec force, essaie de chasser de ses doigts la tension qui l’habite. L’autre main posée sur le comptoir, Aeji prend quelques secondes à se concentrer sur son souffle, avant de reporter son attention sur Junji.
Il n’aime pas ce qu’il voit sur ses traits. On dirait que Junji a peur de lui.
- Jagi – , qu’il souffle, avant de grimacer. Aeji pince ses lèvres et baisse les yeux, coupable de la situation. Désolé. On dirait que je gâche déjà la soirée. Et Aeji n’en a pas envie. Il a prévu une veillée superbe avec son partenaire, après tout. Il est aussi honteux qu’en colère.

La réponse de Junji lui arrache un sourire triste et un regard ; Aeji l’aime. Il déteste voir Junji de la sorte. Il peut bien voir que l’acteur possède aussi une certaine tension dans sa manière de bouger, une inquiétude particulière dans son regard. Aeji déteste être la raison d’une telle réaction. Il aimerait se débarrasser de cette colère et la laisser dans le passé, là où elle se doit d’être. Mais la révélation est nouvelle et Aeji a besoin de temps pour la digérer. Qu’importe si son coeur n’appartient plus à Anton, l’invocateur est blessé.
Leur histoire est entachée par une vérité dégoûtante.
De nouveau, il frotte ses traits quand Junji lui demande s’il veut en parler.
- Je sais pas. La réponse est immédiate et sincère. Aeji l’observe trouver le tire-bouche et, malgré lui, a un regard tendre face à la chose. Il observe Junji et ne peut s'empêcher d’avoir le regard qui s'éblouit de larmes. Je t’aime tu sais ? , qu’il lui dit, un noeud dans la gorge. Aeji lève les yeux au ciel et cligne des yeux, pour chasser les larmes. Le geste vient avec un rire nerveux. Désolé. Il se trouve pathétique d’être si en colère, si énervé. Si sensible, face à une histoire terminée.
- Je comprends juste pas comment on peut mentir à quelqu’un comme ça. Non. Il secoue sa tête ; petit rire. Pas juste quelqu’un. Y’a sa femme. Et ses enfants. Il a des - Aeji avale de travers. Ses yeux sont encore humides. Ça lui donne mal au coeur ; de savoir que, à son insu, il a fait du mal à des enfants. À une famille. Certes, peut-être ignorent-iels la chose pour le moment, mais iels l’apprendront un jour. Et Aeji sera le vilain.
Il veut bien le jouer sur l’écran. Mais dans la vraie vie ? Il ne le veut pas.
Pourquoi j’ai l’impression d’être le méchant, dans l’histoire ? Outre la relation et les mensonges c’est ça, vraiment, qui l’agite le plus. Le fait d’être la potentielle fin d’un mariage. Parce que Aeji croit au vrai amour, à la tendresse et la douceur de la chose, la simplicité et la beauté, vraiment. La tromperie, il n’a jamais signé pour ça.

Les sentiments se bousculent. Aeji ne sait pas sur laquelle se reposer. Il a l’impression qu’elles sont tant en mouvement qu’il ne saurait dire ce qu’il ressent, à l’heure actuelle. La colère et la tristesse valsent dangereusement et il n’arrive pas à regagner le contrôle. Pourtant, Aeji est de nature calme. Il est doux ; si doux. Mais la révélation est brusque et son coeur, si juste, en est blessé. Il ne peut pas s’imaginer aimer quelqu’un de la sorte. Dire je t’aime alors que l’on partage un autre lit, alors qu’il y a des enfants quelque part qui attendent leur père, qui demandent à leur mère où il est. Que disait-il ? Prétendait-t-il un voyage d’affaires ? Prenait-il leur relation professionnelle comme excuse ?
Aeji pince ses lèvres, à y penser. Son coeur est envahi par la douleur et les doutes.
Et Junji. Junji est si doux, si attentif. Aeji déteste le fait de lui supporter cela. De réagir de la sorte, face à lui. Il espère que son amoureux ne croit pas que son coeur appartient à un autre. Junji le possède tout entier ; Junji le rend profondément heureux.
Le verre est pris et déposé sur le comptoir après une fine gorgée. Aeji ne le goûte pas vraiment. Il est trop pris au piège par ses pensées.
- Tu penses ? Il l’observe, une inquiétude dans l’oeil. Aeji veut croire en ses paroles ; surtout, il espère que Junji pense ce qu’il dit. Il ne voudrait pas qu’il croit que Aeji est apte à faire une telle chose. Après tout, Junji savait. Il savait que Anton était marié, et lui était assez sot pour ne pas le savoir. Est-ce que ça te fait douter de mes valeurs ? Il a besoin de savoir. De notre relation ? Le simple fait d’y penser pose de nouvelles larmes de ses iris. Aeji les chasse du revers de sa main, renifle un coup. Désolé. Il rit et se moque de son propre état, s’éloigne de quelque pas ; semble quitter la pièce. Mais Aeji s’arrête près d’un autre comptoir et s’empare d’un mouchoir.

La relation a été longue, avec Anton. Marquée de pauses et de disputes, mais de vrais sentiments. Du moins, Aeji le croyait. Maintenant, il voit une histoire entachée par le mensonge. Par la tromperie. Il n’aurait jamais cru être l’autre personne ; être pris dans une pareille situation.
Aeji se souvient ; des disputes. De la manière dont ils pouvaient se parler, par moment. La façon dont Anton semblait chercher le problème, parfois, et jouait de sa colère et la faisait monter, si haut, que Aeji se perdait dans les cris et dans un ton imposant et dur. Il se souvient de ses propres paroles parfois difficiles à entendre, de ses larmes qui séchaient sur ses joues et Anton qui levait le menton et claquait la porte, rompait pour une énième fois.
Aeji est habitué aux colères qui montent. Aux larmes qui sèchent sous le poids des cris.
Cette situation est différente ; sa voix ne s’élève pas. Sa colère reste soutenue, calme. Elle gronde mais le bruit est régulier. Junji semble marcher sur des oeufs, et le voir réagir de la sorte le fait se sentir coupable, et Aeji aimerait ravaler et étouffer la cruelle émotion qui le traverse, à l’instant. Il aimerait l’apaiser alors que par de paroles maladroites et douces, Junji essaie de faire de même.
Aeji se mouche et va jeter le mouchoir dans la poubelle, et souffle une énième fois. Ses mains tremblent et il a un mal de tête qui naît.
Les yeux fermés quelque chose, il en profite pour invoquer Sam. D’une ombre quelconque, l’oiseau apparaît et va se percher au sommet d’une étagère. Il les fixe un moment, sans un bruit, avant de laver sous l’une de ses ailes. Sa présence le calme un peu.
- D’accord. Tant mieux. Ça me - Une inspiration, longue. Aeji hoche la tête et lui sourit. Ça me rassure. Merci. C’est la dernière chose que je - Je ferais jamais ça, d’accord ? Je t’aime. Son coeur lui appartient. Aeji dessine et voit leur avenir. Junji est d’une douceur et d’une bonté qui le chavire. Les lèvres pincées, il l’observe guetter le vin. Ah merde, qu’il peste, revenant vers l’îlot. Aeji reprend son verre. Je suis désolé - je fais tout de travers. Une autre gorgée est prise. Aeji n’a pas la tête à boire, mais il fait un effort. Junji veut savoir si le goût est bon. C’est très bon. , qu’il lui répond, et lui sourit encore. Aeji essuie ses yeux, et pince ses lèvres. Il observe Junji et dépose son verre. Jagi ? Je peux te toucher ? Junji semble tant crispé. Aeji a peur de l’effrayer. Il ne désire pas lui faire ressentir une telle chose.

La présence de Sam calme l’anxiété ressentie ; la colère aussi. Les questions bourdonnent encore dans sa tête, mais elles ne se chevauchent plus. Elles ne l’attaquent plus. Aeji se sent prisonnier d’une tempête un peu plus calme qu’il peut, au minimum, contrôler. Il n’aime pas être mené par ses sentiments. Pourtant, il sait qu’il l’est, émotif. Aeji possède le coeur sur la main, pour le meilleur et pour le pire. La chose pourrait être sa plus belle qualité et son pire déchet. Il tâche de cacher les mauvais côtés de son mieux. Aeji n’aime pas être victime d’une colère vorace. À chaque fois, l’homme est frappé par une honte sans nom après coup.
Voilà ce que Anton lui faisait ressentir ; une honte.
Si souvent une honte.
Aeji n’aimait pas ce côté de lui-même qui ressortait en sa compagnie. Il l’avait oublié, ces derniers mois. Sa visite surprise de la journée le lui rappelle soudainement.
Et Aeji est honteux, si fort, de réagir de la sorte devant Junji qui ne mérite rien de tout cela.
- C’est pas une raison pour te le faire subir. Aeji l’observe et n’aime pas ce qu’il voit. Il n’aime pas lorsque Junji perd son sourire, perd sa lueur. Sa douceur. Il aime encore moins en être responsable.
Le regard suit son pas, léger. Aeji grimace à l’entendre s’excuser.
- Arrête, J. Il secoue sa tête. Tu fais rien de mal. Ça vient tout de moi. Junji se prend à la gueule les répercussions d’une chose qui n’est pas responsable.
La suite de ses mots lui arrache un sourire tendre et amoureux. Son regard se fait plus doux, malgré l’épuisement. Aeji se frotte les yeux.
- Tu me fais croire tout le contraire, jagi Junji ne remet jamais en question ses sentiments. Ne diminue jamais sa joie, son rire ou ses peines. Bien que, pour ces dernières, Aeji suppose qu’il s’agit de la première vraie colère. Au travers d’une énième inspiration pour se détendre, il s’approche. Avec douceur, l’invocateur pose sa main contre son bras ; remonte contre son avant-bras avec lenteur et lui offre un sourire un brin crispé, mais sincère. Je suis désolé. Le choc est passé. Les questions restent là, mais la colère venant de la révélation est plus calme. Sam aide, mais Junji également. Tu veux bien m’enlacer ? Il demande ; comme si Junji était une créature fragile, comme s’il devait l’apprivoiser de nouveau. Aeji possède cette peur, encore ; de lui avoir fait peur.

L’affirmation de Junji fait descendre la tension qui lui habite le corps. Aeji hoche la tête, lentement, et s’approche d’un pas supplémentaire. Contre son bras, ses doigts dansent encore avec délicatesse, caressant la chair. Il aimerait se calmer et parvenir à retourner la situation, se débarrasser de ces sentiments associés à Anton. Aeji sait que ses sentiments sont légitimes, mais il n’aime pas l’idée de les imposer de la sorte à Junji qui, en vérité, ne savait rien de la situation et n’a pas demandé à plonger dans le passé. Mais n’est-ce pas là l’amour ? De partager les bons et les mauvais côtés ? Aeji sait que oui, l’idéalise même,  pour l’avoir écrit si souvent dans ses ouvrages par le passé. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un roman, et il ne connaît rien de la suite, il ne saurait dire si leur fin est heureuse et Aeji n’a pas envie d’être le fautif, il ne veut pas les mener à leur perte.
Junji est un joyau, après tout. Aeji est comblé depuis trois mois. Un paradis qui ne finit pas. Certes, il conçoit que plusieurs choses ne sont pas encore partagées. Certaines réactions de Junji sont mystérieuses et il semble porter certains secrets. Aeji est patient. Les choses viennent avec le temps. Lui-même possède des vérités qui n’ont pas été prononcées.
Il ne pensait pas lui parler d’Anton entièrement de la sorte.
Aeji aurait voulu le contrôle de la conversation ainsi que de sa personne. Mais les choses ne fonctionnent pas ainsi. Il est pris sous une colère qui reste stable, mais qui ne disparaît pas. La trahison a laissé une blessure, et elle est à vif présentement.
Sous la caresse contre sa joue, Aeji ferme les yeux et y appuie son visage. Le contact est si tendre qu’il le fait trembler de l’intérieur.
- Moi aussi. Je suis désolé. Aeji se dit qu’il n’aurait pas dû monter dans la voiture. Mais en voyant Anton, il a vu une opportunité de fermer entièrement la porte. De passer à autre chose et de s’offrir la chance d’être avec Junji, tout simplement. La douceur de Junij le fait trembler; outre la colère, Aeji est triste. D’une tristesse qui appartient au passé mais qui a besoin d’être, aussi. Il est triste pour le Aeji d’autrefois qui a aimé si férocement et qui s’est fait trahir, chaque jour, chaque seconde, dans cette histoire romantique en laquelle il croyait. Désolé, qu’il dit, une tristesse lourde dans la gorge, tandis que Junji l’enlace et pose un baiser contre sa tempe. Son contact est si réconfortant que Aeji ne peut faire autre chose que céder. Et il cède, dans ses bras. Ses mains vont son dos et s’agrippent à son haut alors qu’il va enfouir son visage dans le cou de son partenaire. Aeji reste sans mouvement, quelques secondes. Le corps, par moment, est secoué par des tressaillements. Il pleure en silence, contre lui, pour une histoire certes terminée, pour un amour certes fini, mais qui vient d’être entièrement métamorphosé, possédant un nouveau visage dont il ne reconnaît aucun trait.

Pressé contre Junji, Aeji se sent plus léger. Le poids de ses maux se vide de lui-même, traverse son corps d’un tressaillement qu’il ne contrôle pas tandis que les larmes coulent le long de ses joues. Aeji ne pleure pas souvent ; préfère garder la chose pour lui-même, surtout. L’homme a tendance de le faire dans sa chambre, porte fermée. Anton a vu certains sanglots, mais l’invocation a toujours tâché de le garder précieusement pour lui-même, préférant paraître solide aux yeux des autres.
Contre Junji pourtant, il cède et lâche prise, pleure et laisse son chagrin être sans la moindre retenue. Les larmes coulent et Aeji ne ressent aucune honte. Du moins, pas face à ses larmes. Il est embarrassant de laisser une telle situation gâcher leur journée. D’imposer à Junji les dégâts faits par Anton et leur relation passée.
Sauf que Junji ne semble pas lui en vouloir. Du moins, ses paroles prouvent le contraire.
Aeji ne peut que le serrer plus fort contre lui, pour qu’il reste. Junji est d’une tendresse et d’une douceur sans nom. Sa voix l’apaise et son toucher le réconforte.
Quelques minutes passent, de la sorte. Les sanglots se taisent au bout d’un moment et Aeji inspire plusieurs fois, le souffle tremblant. Il renifle, contre Junji, et se dégage de son cou.
- Désolé qu’il dit de nouveau. Il ne doit pas ressembler à grand-chose. La visite surprise de Anton l’a empêché de se changer, aussi. Anton ne porte qu’un jeans large et un pull lavande qu’il affectionne particulièrement. Il aurait aimé mettre de beaux habits comme ceux de Junji. Mais la veste de son partenaire est humide par ses larmes. Ah - merde. Attends Dans un reniflement, il se dégage et va s’emparer d’un essui-tout. Aeji essaie d’essuyer l’épaule de Junji ainsi que son cou. C’est un peu embarrassant, qu’il dit, tentant un sourire par la même occasion. Son regard est rougi par les larmes et ses yeux gonflés. Merci, qu’il lui souffle, quand le nettoyage est suffisant à ses yeux, ancrant ses yeux aux siens. Aeji se penche et l’embrasse du bout des lèvres. Je t’aime. , qu’il lui dit dans une terrible douceur honnête, la voix lourde d’émotions.

tw: mention de violence conjugale.
La colère et les larmes ont eu raison de lui ; peu importe qu’il soit encore relativement tôt, Aeji se sent épuisé. Il n’a pas envie d’aller s’allonger pourtant, mais sait malgré tout qu’il n’a plus l’énergie pour préparer un repas. Sa propre fatigue le dérange ; Aeji avait prévu un bon repas, quelque chose d’équilibré comme Junji aime, mais avec des nouvelles saveurs pour élargir son palais et lui faire découvrir de nouvelles choses. Il n’y a rien de plus plaisant que de voir Junji découvrir des nouveautés et tomber amoureux de nouvelles choses, à ses yeux. Certes, il reste fortement intrigué par la manière dont Junji sent ignoré tant de choses, mais Aeji ne juge pas. Il pose des questions par ci, par là, souvent délicates, pour comprendre et mieux le connaître.
Il lui faudra poser des questions sur ses réactions ; Junji sentait tout simplement terrifié. Tandis qu’il lui tend son verre de vin, l’acteur semble encore tendu. Aeji s’empare du verre et hoche la tête, un soupir au bord des lèvres. Tant pis pour son repas. Avec de la chance, Junji restera pour dormir malgré ce qui vient de se dérouler et il pourra faire ce qu’il avait prévu au midi, le lendemain.
- Je pense qu’il vaut mieux, oui. J’ai pas l’énergie pour cuisiner ce soir. Il soupire et passe une main dans ses cheveux, avant de prendre une gorgée. Cette fois-ci, il goûte enfin le vin et hume de surprise, non sans lancer un regard conquis à Junji. Tu veux manger quelque chose en particulier, jagi ? , qu’il demande, l’enlaçant toujours de son autre bras. Aeji lui caresse le dos d’un geste régulier.
Silencieux, il l’observe quelque chose avant de parler de nouveau.
- J… la manière dont t’as réagi … est-ce que quelqu’un a déjà levé la main sur toi ? La voix est douce et tendre. Le regard, inquiet et préoccupé.

tw : mention violence physique
Aeji aime demander des choses à Junji, apprendre sur lui, découvrir ce qu’il aime et ce qu’il n’apprécie pas, ce qu’il adore et ce qu’il déteste. Il aime découvrir ses réactions, lui montrer de nouvelles choses, apprendre à le connaître. Chaque nouveauté est accueillie avec amour et Aeji possède une hâte douce et calme face à ce que l’avenir lui apprendra au sujet de cet homme qu’il aime déjà tant.
Si Aeji est d’un naturel décisif dans l’intimité, il possède un désir immense de combler Junji et de lui faire plaisir. Alors, les questions sont souvent nombreuses. Les premiers temps et encore aujourd’hui, Junji semble toujours un peu hésité comme si la réponse n’était pas connu de son côté non plus. Comme s’il avait peur, d’une certaine manière, que l’invocateur refuse son choix.
Aeji l’accepte à chaque fois, bien qu’il communique quand l’option n’est pas possible pour lui.
- Sushis ? Ça me parait bien. Je connais un bon restaurant qui a une sélection plutôt variée. Ils ont aussi des plats d’à côté. Il a bien envie de crevettes tempuras, c'est dire.
Aeji est tenté d’ouvrir le tiroir pour chercher le pamphlet, mais il reste contre Junji. Sa question est importante, après tout. Et la réponse de Junji est si vive et nie tant qu’il ne peut que s’inquiéter encore plus.
- Ça me rassure… Il inspire lentement, plus détendu, mais la suite surprend et n’est pas attendue. Aeji hausse des sourcils avant de les froncer, dévisageant Junji avec interrogation. Un peu vive ? Les mots semblent dissimuler quelque chose sans l’indiquer. Un peu vive comment ? Tu veux bien me dire, Junji? Le ton est un peu plus hâtif ; inquiet. La mère de Junji est son agente. Elle a la clé de sa demeure. Elle est souvent présente ; Aeji a eu des conversations très formelles avec celle-ci, bien qu’ennuyeuses. Il sait que Junji veut attendre pour les présenter et respecte la chose ; lui-même ne sait pas quand il le dira à ses parents. Pourtant, iels acceptent pleinement Sol. À leur manière, dans tous les cas. Elle t’a déjà fait du mal ? La question lui massacre la gorge. Aeji voit rouge, mais le regard est inquiet. Il n’imagine pas qu’on puisse faire mal à son propre enfant. Avec des mots, des mensonges ou encore, pire, des violences physiques.

Il suffit d’être hanté par une question pour chercher les réponses partout. Dans chaque souvenir, dans chaque réaction. Aeji possède de nombreux souvenirs par rapport à la mère de Junji. Mine de rien, la femme est souvent présente. Aeji suppose qu’elle a aidé à ce que leur relation reste si formelle et distante, au fil des années. Après tout, Aeji n’était qu’un acteur secondaire. Elle n’avait pas de temps pour lui et il suppose, Junji non plus, par défaut. Il ne saurait dire. Aeji ne peut que supposer, imaginer. Et il est doué pour cela ; imaginer. Écrire des livres, des récits, des histoires. Sa tête est une bouilloire qui fume et les hypothèses prennent place et se bousculent tandis que son regard, si inquiet, est posé sur son amoureux. Il imagine milles scénarios associés à sa mère, milles manière d’être brusque, d’être vive, d’être prompt. Chaque image le tend considérablement, éveille son instinct protecteur et a envie de maintenir Junji loin de cette femme.
Il tâche de rester calme. De ne pas imaginer le pire, immédiatement. Il n’a jamais vu de marques sur Junji. Du moins, il croit. Ses souvenirs sont soudainement si flous, face à la chose. Et la violence n’est pas que physique, non plus. La violence psychologique est tout aussi cruelle.
- Comment ça, elle sait mieux que toi ? Aeji a du mal à comprendre. Il fronce les sourcils et cherche. Parce que c’est son travail d’agent ? Aeji se demande si elle est formée. Anton lui donnait souvent son avis, et Aeji suivait relativement aveuglément. Mais au bout du compte, il avait le dernier mot. Avec Minnie, ils réfléchissent ensemble. Junji répète et Aeji fronce des sourcils. Entre vouloir et faire, il y a un monde, Junji. Les mots sont plus brusques qu’il ne le désire. Aeji ferme les yeux et inspire, inquiet et tourmenté. Il avale lentement et ouvre les paupières pour le dévisager, un démon dans le ventre dévorant ses organes. Est-ce qu’elle t’a déjà forcé à faire quelque chose ? Fait du chantage ? Blesser ? Je parle pas de ses intentions, Junji. Je parle des faits. Aeji a besoin de savoir. Est-ce qu’elle te dicte quoi faire ? La chose lui semble impossible.

Les hypothèses qui naissent dans sa tête sont pitoyables et cruelles. Il suppose et imagine ; crée des histoires qui n’ont aucun sens, qui résonne avec ses inquiétudes et aggravent son anxiété. Aeji pense aux hésitations de Junji, à la manière dont il semble hésiter si souvent, à la façon dont il se prend toujours un temps à trouver ses mots et qu’il semble soulagé. Aeji imagine et son imagination est un piège.
Il essaie d’écouter ; d’ignorer ses peurs. D’ignorer
Il écoute ce que Junji dit. La vérité doit être moins pire que son imagination, non ? Aeji espère que si ; veut le croire, si fort.
Sauf que Junji dit des mots qui dérangent. Des mots qui éveillent ses inquiétudes.
Et Aeji veut le protéger. Il veut le garder à l'abri des douleurs. Des gens pouvant l’atteindre.
Mais il s’agit de sa mère. Aeji ne peut rien, contre sa mère.
- Je - Pardon Junji. J’ai du mal à comprendre. Pour ton bien ? Elle te fait du mal pour ton bien? Aeji ne comprend rien. Aeji a cette colère en lui. Cette détresse. Ses yeux, pourtant secs, sont de nouveau humides. Un rôle c’est rien, Junji, à côté de ton bien-être.. Aeji a envie d’appeler cette femme. De lui parler. De demander à Junji de rester ici. D’aller chercher des vêtements et de lui donner un code de la maison, et de le garder à l’abri.
Aeji se penche ; se penche pour être au niveau de ses yeux, pour ancrer son regard au sien.
- Y’a absolument rien qui justifie de faire mal à quelqu’un, jagi. Absolument rien Peu importe la gloire, peu importe les rôles, peu importe l’argent et les intentions. Tu comprends ? Aeji pince ses lèvres. Ses yeux s’emplissent de larmes. Il soupire et lève les yeux au ciel, brièvement. Je- J’arrive pas à comprendre. Je  - Elle te fait du mal ? Aeji ne comprend pas comment une mère puisse faire ça. Elle le fait encore ?