i'm what kids call insecure (nimfa)

cw: mention de cannibalisme, de racisme, monologue interne toxique

Ses grosses lunettes de star sur le nez, un large sourire étincelant sur la gueule, des petits mots ronronnés pour tout le monde et une chemise à fleurs colorée et chatoyante malgré les températures hivernales, Jeremiah avance dans les couloirs du Palais comme le prince next-gen qu’il est. Il a fini par semer ses assistants à force de circuler à droite, à gauche, en haut et en bas, d’aller rendre visite à Garnier dans ses nouveaux bureaux, d’emmerder Qureshi devant la machine à café, de talonner Liam en le taquinant sur sa nouvelle conquête, ou de téléphoner haut et fort à Beau pour lui demander ce qu’elle a de plus intéressant à faire que d’apprendre à ses insignes côtés.

A présent seul, peinard, il déambule tranquillement. A tout le moins en donne-t-il l’impression. Jeremiah est excellent à ce jeu : faire semblant. Devant le public. Devant les caméras. Devant sa femme. Devant ses collègues. Hell. Même devant son mioche. Mais ce que son large sourire camoufle, ce sont surtout des crispations nerveuses. Et s’il est aussi bien sapé c’est pour oublier qu’il s’est réveillé couvert de sang. Oh pas le sien, non, puisqu’il pétait la forme. Du sang de quelqu’un d’autre, donc, et au vu de la quantité… pas qu’une personne. “Salut Bernie ! Ca gaze ?” Et allez, un petit clin d’œil de star. Le Bernie en question a la bobine qui s’illumine comme s’il avait vu la Vierge — loin s’en faut. Les pas du Sept filent droit vers une direction précise, soit les quartiers d'Arcelia.

C’est là qu’il compte trouver Nimfa, soigneuse de son état. Autant dire qu’il ne connaît pas la jeune-femme et n’a évidemment jamais eu besoin de ses soins. Puisqu’il est Wolfman, l’indestructible super-héros. Quelque chose que son alter-ego la Bête, qui vit tous frais payés dans sa tête, lui répète souvent. On est balèzes, tu trouves pas ? Tellement balèzes. Carrément increvables ! Carrément. Des dieux vivants mon gars ! Ouaaaais. Tu veux pas qu’on s’bouffe un humain ? De ouf—attends, quoi ?! C’est sûrement comme ça que leur conversation a commencé hier. Avant qu’il perde de toute évidence le combat mental et… ne se souvienne plus de rien. Un petit détail pour une grosse panique. Parce que s’il ne se souvient de rien, ça veut dire que c’était : traumatisant. “Candice ! Alors ? Il est pour quand ce bébé !” Nope, too soon. Sentant des petits gargouillis vrombir dans son estomac, Jeremiah bifurque au dernier moment vers un autre couloir, laissant la pauvre Candice en plan.

C’est la merde. Y a pas à le formuler autrement. Depuis qu’il ne demande plus de l’aide à Orion, cette petite fouine qui a manipulé sa mémoire pour cacher la survie d’Alice qui n’est finalement pas morte (#telenovela), Jeremiah est en proie au désarroi. Enfin non. Jusqu’ici, comme on dit, tout allait bien. Quelques petites pensées intrusives de temps en temps, d’accord ; vouloir déchiqueter la gorge d’un fan trop collant, ou lacérer un yuppie white cismen qui l’accoste dans la rue pour lui demander de quelle origine il est vraiment, ou, oui, c’est vrai, cette intervieweuse qui l’a questionné sur l’état de Bonnie avec un petit ton de rapproche dans la voix qu’il n’a pas trop apprécié. Mais c’est tout. Enfin c’était tout. Jusqu’à son réveil.

Nimfa arrive dans ses narines avant même d’arriver dans son champ de vision. Jeremiah déboule devant elle comme une fleur, son grand sourire étincelant et charmeur toujours en place. “Nimfa ! J’te cherchais.” Une grande première, oui. De mémoire ils ne se sont jamais parlés, ou alors c’était trop inintéressant pour qu’il s’en souvienne. Le bras de Wolfman se lève dans l’optique de passer sur les épaules de la tatoueuse, façon quarterback de lycée à qui on ne peut rien refuser — enfin il imagine, puisque lui croupissait en Ecosse avec plein de petits gars maigrelets et blancs comme des culs —, mais il se ravise, in extremis. Il ne sait pas si c’est un nouveau petit gargouillis d’estomac qui l’en a dissuadé ou le flyer sur le harcèlement sexuel au travail qu’on lui a distribué à l’entrée du Palais, voire les deux, mais Jeremiah préfère finalement garder ses pattes pour lui.

Son sourire, en revanche : ah-la-la ! Un vrai produit de marque. Avec un peu de chance elle ne détectera pas du tout les crampes convulsives et névrotiques que ça cache sur son faciès, ni ne sentira non plus l’état de panique dans lequel il est. Hé. Personne n’est aussi fin limier que lui, après tout. Tu fais surtout pitié, une vraie poule mouillée. Oh ta gueule. “J’ai un p’tit service à te demander.” T’as pas une p’tite gorge à croquer plutôt ? La ferme !! “Erm, héhé. Dure nuit. Ouais, donc, le service. J’dois faire un TED Talk demain et ça me stresse, t’as pas idée.” Plus c’est gros, plus ça passe. “Sauf que le cachetons, bah, ça marche pas trop sur moi, tu vois ? Rien ne marche en fait. A cause de, tu sais,” petit roulement d’épaule faussement modeste, “mes super-pouvoirs.” Les bras s’écartent devant la tatoueuse. “Mais j’me suis dit : Nimfa ! Elle peut sûrement m’aider. C’est dans tes cordes la…,” petit blanc, “… gestion du stress ?”


@nimfa vergara

“La gestion du stress, oui, je peux t'aider pour ça. Tu préfères pas qu'on en parle ailleurs peut-être ? - Tu m’ôtes les mots d’la bouche.” Jeremiah écarquille une dernière fois son sourire en rangeant ses lunettes de star dans la poche avant de sa chemise à fleurs, confiant sur la suite de ce rendez-vous improvisé. Nimfa confirme rapidement cette impression. “Je suis disponible tout de suite, j'ai un peu moins d'une heure devant moi avant de devoir redescendre en ville.” Il se garde bien de dire ce qu’il en pense ; toustes les émployé.e.s du Palais ne sont-iels pas censé.e.s être à la disposition des Sept ? Et par extension leur accorder tout le temps dont les Sept ont besoin ? Tout se perd…

Mais c’est un mauvais jour pour être mégalo, alors Jeremiah range volontairement ses vilaines manies et opine simplement, entamant déjà une pirouette sur lui-même pour entraîner la soigneuse à sa suite. Il se demande où est-ce il vaut mieux qu’il l’attire pour parler de ses pseudo petits coups de stress : la cafétéria ? trop bondée ; les sous-sols ? trop cringe ; son bureau ? … à défaut de mieux, ça sera son bureau. “Et toi ? Pas d'interview en vue ? - Orf, si, sûrement.” Raison pour laquelle ses assistants lui couraient sans doute après dès qu’il a foulé l’entrée du Palais. Jeremiah roule une nouvelle épaule, dans un détachement insupportable de vedette dont l’emploi du temps est aussi dense que les infractions dont la compagnie pharmacologique d’Icarus se rend H24 coupable.

“D'ailleurs, ils ont changé la chanson dans l'ascenseur pour aller à ton étage non ?” Arrivés précisément au dit ascenseur, Jeremiah lève le bout de son nez pour écouter d’un air distrait l’espèce de muzak new-age qu’on a collé à sa marque. Il grimace un peu, trouvant le son passablement naze, avant de placarder une gueule ravie sur ses traits. “Ah ouais dis donc !” Tandis qu’il se positionne face aux portes, le super-héros voit son reflet et dans ce reflet ce sourire de pub travaillé sur vingt ans. Un détail fâcheux arrondit ses billes et lui fait refermer ses babines sur l’émail luisant de ses dents ; où il lui semble avoir vu un bout de viande coincé. Et c’est pas du steak de bœuf mon salaud. Jeremiah ferme et rouvre les paupières sur une mine consternée, se triturant malgré tout les canines du bout de la langue pour déloger le morceau de barbaque. “T’es souvent montée à mon étage ?” lance-t-il au débotté, remplissant le silence qui s’est installé dans l’ascenseur et la présence parasite dans sa tête. “Vu qu’tu connais l’ancienne chanson.” Le Sept esquisse un sourire et adresse un regard en coin plus naturel à Nimfa. “Fallait passer m’faire un p’tit coucou, j’mords pas tout l’temps.” Hilarant.

L’atmosphère devient irrespirable. Les odeurs sont plus fortes, plus prégnantes ; corporelles, matérielles, artificielles. Les sens de Wolfman explosent, capturent tout ce qui traîne, si bien qu’il pourrait refaire l’histoire de cet ascenseur sur une semaine entière, et dire ce qu’a fait et qui a vu la tatoueuse dans les dernières 24h. Quand les portes s’ouvrent, Jeremiah sort le premier, avec une précipitation que ses airs nonchalants cachent vaguement.

Arrivés à son bureau le Sept referme derrière eux, tire les stores qui font face aux open-spaces, et propose à Nimfa de se mettre à l’aise, indiquant fauteuils, canapés, machine à café, dans une répétition quasi exacte de la fois où il a accueilli le psy. Une fois assis l’un en face de l’autre Jeremiah se plie en avant, les coudes sur ses cuisses, dévisageant la soigneuse avec un sérieux bizarre et grave. Avant d’illuminer tout ça d’un nouveau sourire jovial. “Le TED Talk, donc. Du public, la pression du direct, la peur de bafouiller, d’avoir un trou de mémoire, bref, j’te fais pas un dessin : c’est stressant. Ce dont j’aurais besoin c’est d’un truc qui me calme les nerfs. Et y m’semble que tu,” des moulinets de main, à défaut de trouver les bons mots pour illustrer ce que fait précisément la soigneuse des Sept, puisqu’il n’en a pas la moindre idée, “fais ça ?” Malgré ses lacunes, le super-héros a cependant remarqué la nature de Nyx, ou plutôt l’odeur curieuse de son sang, curieuse au-delà du fait qu’il est saturé de sérum.


@nimfa vergara