into the wild | link

Les rayons du soleil - descendant de plus en plus vers l’horizon - glissent entre les branches des arbres nus et se déposent sur le lac qu’on aperçoit un peu plus loin devant nous, ça se réverbe sur l’eau et ça brille. Je m’arrête un peu, prends le temps d’observer, de contempler, de profiter du vent qui s’est un peu levé et glisse dans mes cheveux. Je tourne la tête vers Link, quelques pas derrière moi - j’ai marché un peu trop vite, je crois, j’avais hâte d’arriver sur le petit promontoir et d'avoir une meilleure vue sur le lac. “It’s a bit magical!” Je m’exclame, un sourire jusqu’aux oreilles. La nature est belle, ici. ça apaise un peu les maux, je crois. Et j'sais pas la dernière fois où c'est arrivé. Et puis j'suis pas sorti comme ça de chez moi depuis le jour où tout s'est terminé. C’est un peu une accalmie. Une accalmie dans les températures de l’hiver - même si je ne crains pas le froid, c’est mieux pour Link derrière moi quand même - mais une accalmie de la ville et des gens qui m’étouffent aussi. Il n’y a presque personne, ici. On a croisé un ou deux randonneurs, et s'il y a eu un moment de flottement où l’angoisse est montée en flèche, la présence de Link m’a rassuré et la chose est passée sans crise majeur si ce n'est un fort inconfort de plusieurs minutes avant que la tension ne retombe. Un progrès, j’imagine.

Il arrive de nouveau à ma hauteur, d’ailleurs, et je lève les yeux, le détaille juste un peu sérieusement, essaie de deviner par moi-même. “Your back ok?” Je m’inquiète toujours un peu, même si j’ai insisté pour porter les trucs lourds, genre la tente par exemple. “Do you know where we can camp, close to the lake? Should we stop soon?” J’ajoute, demande, un peu enthousiaste et parce que le soleil est bien bas - j’ai jamais campé de ma vie, alors j’ai hâte de vivre cette expérience. Je me sens bien aujourd'hui, et puis je suis aussi content de passer du temps avec Link près de chez lui.

Je secoue la tête avec un léger sourire aux lèvres, amusé par ses mots. “Don’t talk like you're a grandpa” C’est pas la première que Link parle de lui-même comme s’il avait 50 ans. J’lui lance un coup d'œil, alors qu’il s’appuie contre le tronc d’arbre, avant de me concentrer sur le lac devant moi de nouveau, histoire de pas trop fixer. Il est beau, le lac. Comme Link, juste derrière moi. Je ferme les yeux, profite du soleil qui ne va pas rester encore bien longtemps. J’suis un peu soucieux. J’espère qu'il ne me cache pas trop de la douleur de son dos. Link, j’ai l’impression qu’il a tendance à omettre des trucs, depuis quelques mois. Notre dynamique s’est un peu inversée - ou peut-être qu’elle s’est juste stabilisée?

J’accepte la gourde avec un sourire et en boit quelques gorgées avec grand soif, avant de lui rendre. “Okay! Let me take a pic” J’fais, et je sors mon téléphone pour prendre quelques rapides photos à envoyer à mon père, Nessie et Moon aussi peut-être, j’mets en mode selfie avec le lac derrière et prend des poses avec un professionnalisme qui revient rapidement. “Come on!” J’le tire un peu, gentiment, enthousiaste, réclame un selfie à ses côtés, en passant un bras autour de ses épaules. “My dad wants pics” Jdis pas que moi aussi, jveux un souvenir avec lui. Jrésiste à l’envie de replacer une mèche de cheveux sur le front de Link. J’ai pas trop le droit.

J’fais un signe de la main alors qu’on s’éloigne pour reprendre la marche. “Ah don’t worry I’m fine. I need the exercise too.” J’ai perdu pas mal de poids (et donc de muscles) ces dernières semaines et ça me chagrine un peu. J’ai repris un peu le sport mais peine encore à retrouver une belle routine avec les jours sans. Les jours sans, ils sont encore nombreux. Heureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est une belle journée. “Let’s go” Je reprends la marche à ses côtés.

Link s’éloigne et se penche pour refaire ses lacets, je le laisse faire, en profite pour passer en revue les photos et selfies pris en quelques minutes. Je trouve clairement que ma tête laisse à désirer comparé à avant mais y a du progrès, on va dire. Et puis, les paysages sont beaux. Et Link, aussi. Mon regard s’arrête sur son air embarrassé, là, et ses fossettes, là, marquées toujours quand il sourit. Un fantôme de sourire sur mes lèvres, avant que je me concentre sur le reste, et puis j’envoie quelques photos du paysages et de moi à mon père. Pas celles avec Link, je les garde pour moi, elle va dans mon (petit) dossier. Et puis, je garde beaucoup de choses avec Link pour moi. C’est un peu mon safe space, en ce moment, et c’est rassurant. ça me donne l’impression qu’on pourra pas venir le briser, ça aussi, si j’en parle pas.

Je lui souris alors qu’on s’apprête à entamer la descente, refuse de partager la charge sur mon dos, de toute façon j’accueille volontiers l'effort, je sais que ça me fait du bien et je veux retrouver une meilleure forme. Du sport, de l’air pur et une bonne compagnie, j’espère que ça sera suffisant pour chasser tout le mauvais, tout l’inutile. Parce que y en a encore beaucoup. Mais tant que je me sens bien, j’en profite autant que je peux.

On descend, et j’entends le pied qui glisse, une crainte que Link se blesse mais avant que je puisse réagir il s’est déjà accroché à mon sac à dos, se rapprochant de moi par la même occasion. ‘you okay?’ Je demande, et puis aussitôt mon regard suit ses signes jusqu’à apercevoir les écureuils dans les arbres alentours et mon visage s’éclaire, j’souris comme un idiot, probablement. “oh my it’s been so long since I saw some” J’étais encore en Corée, probablement. J’ai pas foutu les pieds dans la nature depuis des mois. J’réalise que ça m’a manqué, même si jreste un enfant de la ville. J’tourne la tête à droite pour regarder Link, toujours tout proche depuis qu’il s’est rattrapé à mois, et j’écarquille les yeux, faussement offensé. “Rats?!” J’secoue la tête, plein de jugement. “I love Ash but she got it wrong, they’re so cute, and fun” Mon regard se pose de nouveau sur les deux qu’on aperçoit sur leurs branches. “You know in Korea we have a lot of the small ones? the chipmunks. They’re adorable” Je continue dans ma lancée en les regardant toujours, avant qu’ils ne disparaissent aussi vite qu’ils sont arrivés. Je regarde de nouveau Link, lui offre un grand sourire et reprend la marche, confiant que Link m'arrêtera quand il le faudra pour installer la tente et manger un peu. “So you used to come here often, with Ash? Was it your favorite spot?” Je demande, curieux. “It’s peaceful" C’est intéressant pour moi de me retrouver ici, d’avoir vu le village de Link aussi, celui où il a grandi. J’ai pas eu le courage de rencontrer ses parents, un peu plus tôt, mais je reste curieux de son passé. Link, il en a parle pas beaucoup.

Un sourire sur mes lèvres, à repenser à ses quelques endroits en Corée où j’aimais me promener quand j’en avais l’occasion et où les chipmunks étaient nombreux. Ce n’était pas souvent, mais je me souviens de la sensation de quiétude qui m’envahissait alors. Plus j’y repense, plus je me dis que déjà à l’époque, il y avait un trop plein et que j’avais besoin de me retrouver seul pour décompresser. Je ne pense pas que j’en avais vraiment conscience. Il y avait toujours quelque chose à faire, à préparer, à penser. Mon problème, c’est que même si j’ai plus conscience de ce qui n'allait pas, ça me manque toujours. Je hume doucement, hoche la tête. “Yeah.” Il y a une pause, je lui jette un coup d'œil. “I miss Japan. It was always fun times there… Maybe one day, I can go again - we could go together! Exploring!” Évidemment, c’est juste prendre mes désirs pour des réalités, quand tous les signes indiquent que ça n’arrivera sans doute plus jamais. Je n’ai plus les moyens, et puis y aller - me faire reconnaître. La chose m’angoisse, rien que d’y penser. Je chasse la pensée d’un geste de la main résigné “Ah, let’s go”. C’est le passé, tout ça.

Je lui souris, pour de vrai, alors qu’on entreprend notre descente. Moi, je me sens bien, aujourd’hui, et avec Link avec moi. Je suis curieux, toujours avec Link, et je le questionne, un peu. Il me parle de son ex, grimace, et je reste songeur quelques instants, écoutant sa réponse et plongeant dans mes pensées. ça me rappelle cette discussion avec Tommi il y a un moment, dans sa friperie. Il y a un silence, il a l’air dans mes pensées et moi aussi. Je connais que vaguement ce qu’il s’est passé et ce que j’ai vu sur internet. Et les paroles de Tommi ont toujours résonné dans ma tête. J’dis rien, pour le moment, sourit et hoche la tête. ça me brûle la langue, de lui dire que je comprends qu’on prenne des photos de lui qui s’entraîne, mais le moment est mal choisi.

J’ai toujours préféré la ville, jusqu’à maintenant. J’me demande si ça sera vrai de nouveau un jour. J’me demande si j’serais capable de sortir tout seul sans crise d’angoisse dans la foule un jour. Surtout, jrepense aux propos de Link, et à son ex, encore et encore, pendant un long moment, avant que Link rompe le silence et propose qu’on s’arrête sur la rive. “Oh, yes? Okay!!” Je m’exclame avec excitation, dépose le gros sac à dos à terre et m’étire les épaules un instant avant de me pencher de nouveau pour en sortir tout le barda, prenant soin de dissimuler ce que Link ne doit pas encore voir. Je sors la tente, surtout. “So, so? how does it work?!” Je regarde, curieux, en ouvrant le contenant. J’ai jamais campé, moi. “That’s not one of these ‘you throw it and it works’ tent you see on tv right?” ça a pas l’air, en effet, je fronce les sourcils et penche la tête sur le côté en faisant la moue, essayant d’analyser la chose. ça a l’air bien compliqué.

Link il a eu un léger rire à ma suggestion stupide, un petit sourire aussi et du coup elle me parait moins stupide, meme si elle semble toujours irréalisable. Je la garde dans un tiroir, à l’intérieur, pour quand ça ira mieux. J’espère que ça ira mieux, vraiment, un jour. C’est déjà un peu le cas, je crois, même si les choses sont lentes. J’ai toujours eu de la patience à revendre, mais c’est un peu compliqué en ce moment d’attendre. Mais peut-être un jour, oui. Un petit rêve à réaliser là, dans un coin de mon cœur. J’ai toujours fonctionné comme ça, et j’espère que ça va fonctionner, comme ceux que j’ai pu avoir auparavant, bien que mon optimisme ne soit pas au beau fixe, ces jours-ci.

Accroupi devant la tente, je lève la tête vers Link, un peu penché qui explique aisément le fonctionnement des choses, et mon regard brille. “ohh, got it” Je fais, enthousiaste et plein de bonne volonté “yeah it doesn’t look too complicated!” Je me redresse pour l’aider de l’autre côté, l'œil curieux sur la tente qui prend forme. “Oh yes the fire!!! I can’t wait for the marshmallows. I’ll look for some after” Je lance comme un gamin, j’ai fait ça qu’une fois, y a des années, avec le groupe, et si le souvenir est douloureux, j’ai hâte de pouvoir y rajouter un souvenir qui ne sera pas douloureux lui, j’espère.

Je me penche pour m’occuper des piquets avec l’un des maillets que m’a donné Link. Je fais la moue et plisse le nez, parce que j'atteins une pierre, je crois, avant de déplacer le piquer. “Hmmm, Link?” Je me mords un peu la lèvre, un souffle, avant d’oser poser la question qui me brûle les lèvres. “I mean you don't have to answer…” J’inspire. “ Your ex… did he hurt you?” Je finis un ton plus bas. Faut dire que j’ai un peu peur de ce que je pourrais entendre.

Il m’impressionne un peu Link. Faut dire que j’avais pas du tout capté que c’était un expert en camping comme ça (ou alors c’est juste moi qui suis complètement à côté de la plaque sur tout le sujet avec ma totale inexpérience en la matière). Il a de l’assurance quand il explique les choses, et ça me fait sourire, j’écoute avec intérêt et puis je me bats avec les piquets en fronçant le nez alors que Link s’est éloigné je ne sais pas trop pourquoi. J’comprends quand il revient, à installer les pierres en cercle - pour le feu, faut dire, j’ai jamais fait de feu non plus à l’extérieur. J’me demande si ça va bien prendre avec la température qu’il fait mais j’me dis que Link a vraiment l’air de savoir ce qu’il fait.

Jme pince un peu les lèvres après avoir posé la question parce qu’il dévie le regard aussitôt et je me demande si j’aurais pas mieux fait de me taire, mais en même temps ça fait des mois que ça me trotte dans la tête, fallait que ça sorte à un moment, et le moment est décontracté, c’était peut être le moment. J’sais pas. Je l’écoute attentivement, il est pas long à répondre et je souris doucement à mon tour. ça me rassure un peu, faut croire. Après, j’vois bien que ça le ramène des années en arrière. C’était ptet pas malin. “I hope so too” Je réponds simplement, sincèrement, parce que si Victor a pas fait de mal à Link, j’ai pas de raison de lui souhaiter du mal. J’exhale, un poil soulagé, et je fais une petite moue à sa question, accroupi en m’occupant du dernier piquet. “Hmm, it’s just..” Je glisse une main dans mes cheveux dans un petit geste nerveux. “You never talk about your exes and you looked a bit.. i don’t know, sad, just now. So. yeah. It’s been worrying me” J’explique avec un peu de maladresse, je tais la conversation avec Tommi, parce que je ne veux pas qu’il croit que je demande pour une raison particulière. Je hausse les épaules. “Y’know. I don’t want someone to have hurt you like that or.. i don't know, worse” Link, il mérite beaucoup, beaucoup de bonheur et y a trop de gens qui lui ont fait du mal pour que quelqu’un lui ait fait du mal comme ça aussi. “But I’m relieved if Victor was good” Je me redresse, et lui souris simplement. “I’m gonna find some dry woods, then, or try hm” Je regarde autour de moi. ".. and then, I have a surprise" J'lui fais un clin d'oeil, et ris un peu.

Je m’en veux un peu d’avoir posé la question parce que pour une fois je plombe pas l’ambiance et là j’ai un peu l’impression d’avoir chassé la bonne humeur de l’après-midi. En même temps je sais qu’il fallait s’y attendre. Et je sais aussi que c’est sans doute mieux que ça sorte. Je n’aime pas garder des choses trop longtemps pour moi quand il s’agit des personnes que j’aime. J’ai besoin de savoir qu’elles sont bien, toujours. Mais Link s’excuse et ça me fait mal au cœur. “No that’s not” Je me pince les lèvres. “Don’t be sorry. You have no reason to be” Je souris avec douceur, me dis que j’ai sans doute stressé pour rien, et ne tente pas de pousser la discussion, à la place, je me propose pour aller chercher du bois, je ne m’attendais pas à ce qu’il m’accompagne mais je ne vais pas refuser malgré le petit inconfort de la conversation qui vient de se dérouler. Je hume à ses explications, toujours impressionné par ses connaissances mais un peu préoccupé par la grimace que j’ai aperçu sur son visage alors qu’il se relevait, et je ne réponds rien de suite. Peut-être que le camping ce n’était pas une super idée. Enfin, j’espère que le matelas compact hors de prix que j’ai acheté sera suffisant pour qu’il ne souffre pas trop.

Je lève la tête vers lui, à sa question qui me tire de mes pensées “hm?” Simplement, alors que je le suis distraitement. La question me fait pauser. Elle me fait douter, par rapport à ce qu’il a dit, avant. Je réfléchis à mes mots, m’exécute à mon tour en récupérant des branches mortes. “Ah, no. It’s just.” J’affiche une moue contrariée, je ne sais pas trop comment expliquer ça. Je souffle, un peu. “Well. It comes from a conversation I had months ago with someone about my feelings for you and, I mean, you and me, and our relationship and hm. the age.” Je le regarde pas, je sais que ça le mettra mal à l’aise alors je continue à récupérer les branches. “That person just mentioned like that in the conversation that maybe someone took advantage of you in the past and that-” Je soupire et grimace en m’entendant. “I’m sorry I know how it sounds, and I’m not asking this to make a point or anything - I would never… you know. And also this person didn’t know me or you for that matter. and he was just saying that like that. But since that day it just- It stayed in my head. I hope it didn’t, but I keep wondering. And I would hate for anyone to have hurt you like that. I don't want anyone to hurt you” J’exhale, finalement, plus bas, les poings un peu fermés. Je m’accroupis, mes pieds à plat à terre en observant le bois que j’ai rassemblé et en le mettant en petits tas. “But Link- you said” Une pause. “You asked if I’d been talking to Ash. Would Ash have told me something?” Je lève la tête, d’en bas, je l’observe, et je retiens mon souffle.

J’ai toujours eu l’habitude de lever les yeux, pour pouvoir regarder les gens. C’est chiant, mais je m’y suis fait, pas comme si j’avais le choix de toute façon. Mais là, peut-être que c’est utile, peut-être que ça aide, j’sais pas. J’m’en veux un peu de mettre ce sujet sur le tapis, et puis j’veux aussi laisser sa liberté à Link sans le presser ou lui foutre la pression sur quoique ce soit, rien imposer, même pas ma présence. Alors, si j’suis accroupi, là, concentré sur mon bois, peut-être qu’il sera plus à l’aise pour répondre, ou choisir de ne pas répondre, j’sais pas. Et Link il dit- oui. Oui, Ash m’aurait dit quelque chose? ça me noue le ventre, et encore plus quand il arrive à ma hauteur et se concentre lui aussi sur le bois. J’le regarde ranger les branches par longueur, j’comprends qu’il cherche à gérer le stress de la conversation. J’comprends vraiment. Moi aussi, j’suis stressé, j’ai peur de ce que je vais entendre.

J’aurais voulu m’être fait des films, j’aurais voulu que Tommi soit complètement à côté de la plaque. Mais tout ce que j’entends me fait comprendre que c’est pas le cas, que y a vraiment eu quelque chose, que quelqu’un a vraiment profité de lui, à l’époque. J’encaisse, dans un silence lourd. Jrelève la tête vers lui. Il dévie mon regard. J’comprends. J’reste silencieux, j’trouve pas le temps de réagir, encore à assimiler ce qu’il vient de dévoiler, comme une bombe.

Link, il se redresse, son paquet de branches mortes dans les bras. J’acquiesce, légèrement hébété, et puis me relève moi aussi et lui emboîte le pas, en silence. Je l’observe, de dos, alors que dans mon esprit ça tourne, et ça tourne, et ça tourne, à imaginer ce qu’il vient de me raconter. Dans mes bras, dans mes mains, le bois. J’le serre trop fort, j’le sers comme si j’voulais le pulvériser, là, comme ça. J’ai trop d’colère, à penser à ce type. J’aimerais le voir, lui dire ma façon de penser. C’est pas ma place, bien sûr, mais m’imaginer lui écraser la tronche fait du bien. Pourtant, ça part un peu, du moins j’le range quelque part, parce que y a Link, d’vant moi, qui a dit des choses qui me rendent malade, que j’peux pas laisser subsister. J’refuse. “I’m sorry this happened to you.” C’est lent, bas, ptet à peine compréhensible, j’sais pas. J’me reconcentre. Jle fixe, de dos. “Link.” J’appelle. “I can’t let you say that.” Une pause, ça fuse, dans mon esprit. “Link.” je répète, comme si je voulais que ça rentre dans son cerveau. “I could never feel this way. I’m not saying that to prove a point, or anything. But you have to know. You could never use anyone. not me, because our situation is nowhere near that one. but not with anyone else either. I can’t let you say that. You could never be like him. I know you wouldn’t. You’re one of the good ones. You’re not… you’re nothing like that! You care. You’re kind. Before anything else, you’re my friend, and you’re amazing, and I’ll keep saying it until you believe it” J’m’emporte, à la fin, comme dans un sentiment d’urgence, avec des trucs qui traînent depuis un moment, dans ma tête, des trucs qui dépassent juste ce sujet spécifiquement. Link a besoin d’entendre ce genre de trucs. J’en suis persuadé. J’reprends une inspiration. J’retombe dans un silence. “Thank you for telling me.” J’finis par dire, plus doux. “I’m sorry I brought it up. I actually want us to have fun today, believe it or not” J’ris un peu, tente de détendre l’atmosphère, juste un peu. “You know. You’ve been here for me a long time recently. But I’m here too. Whenever.”