don't defy icarus

DON'T DEFY ICARUS ✧ From the top again down to the bottom, I'm back to earth again. The sky is dark, but the stars still shine (quote. nebula) (code. ellaenys) (icons. muxisium

Ordinateur sous le bras. Téléphone dans la main. Tasse dans l’autre. Toujours cette foutue tasse qui la suit partout. Doudou réconfortant dans lequel elle puise l’énergie de tenir toute la journée. La reprise est compliquée. Faut sauter à pieds joints dans un tsunami et espérer que tout se passe bien. Faut croiser les doigts et fermer les yeux très forts jusqu’à attendre une accalmie. La réunion qui la retient aujourd’hui en est la preuve. Réunion de crise de sécurité pour éviter qu’un nouveau piratage ait lieu avant la fin des élections ; pour savoir comment mieux communiquer sur le sujet auprès du grand public. Cela fait plusieurs jours que l’attaque est terminée, mais les nerfs sont toujours à vif. Cette intrusion dans la sécurité informatique d’Icarus ne plaît pas. Elle laisse les esprits traumatisés. Elle fait peser la conséquences sur de nombreuses épaules. En observant autour d’elle, Sloane ne voit que des visages tirés, épuisés. Pas un sourire.

En repos forcé à cette période, Sloane avait dû stopper l'immobilité pour gérer la situation. Elle ne pouvait plus rester en retrait. C’était trop. Il avait fallu seconder l’équipe et s’assurer que tout irait bien. Les journalistes non plus ne lui ont pas laissé le choix. Pluie de messages sur son téléphone professionnel. Il avait fallu gérer les sollicitations, balancer des discours copiés/collés et espérer que les équipes mettent fin au calvaire au plus vite. Mais voilà, un piratage ne se termine pas quand les pirates sont expulsé·e·s du réseau. Il faut en gérer les conséquences en externe et en interne. Ce qui les amène là, à se demander comment éviter que cela se reproduise, à comprendre où tout a merdé, à chercher leurs failles. Et à taper du poing sur la table. Inadmissible. Inenvisageable. Manque de professionnalisme. Incompétence. Cela ne doit plus se reproduire.

Les mots volent, heurtent, blessent. Quand la réunion s’achève, les visages ne sont plus gris. Ils sont sombres. Plus qu’une bande de zombies assommés par les reproches. Même Sloane ressent le besoin d’une pause. Impossible de retourner à son bureau et d’enchaîner après une réunion pareille. Elle s’attarde dans les étages, à faire le tour des services jusqu’à tomber sur Pasqual dans la salle de pause. Ça fait naître un sourire sur son visage. “Hey, Pasqual !” Elle entre dans la pièce, pose ses affaires sur l’une des tables présentes. “J’ai vu tes dernières photos d’Héméra. Elles sont top !” Dommage qu’une fois diffusée sur les réseaux, elles seront la cible d’une multitude de critiques. Trop sexy. Trop coincée. Trop maquillée. Trop bien coiffée. Trop et pas assez en même temps. Les requins du web trouvent toujours quelque chose à redire. La seule femme du concours est forcément au centre de toutes les attentions. Sloane aimerait l’en protéger, sans savoir comment.

Elle dévisage le photographe. Première fois qu’ils se voient depuis ce qui semble être une éternité. Ce n’est pas tout à fait éloigné de la réalité. “Comment tu vas ?” Question pas si anodine et polie que ça. C’est une véritable inquiétude qu’elle a pour Pasqual. “J’ai appris que tu étais aussi dans la tour quand ça a explosé.” Elle n’imagine pas les blessures et les traumatismes qui ont dû suivre. Notamment parce qu’elle souffre des mêmes. Parce que ça lui a fait bizarre de remettre les pieds au bureau, à un nouvel étage, avec de nouveaux meubles, comme si de rien était. Comme s’il n’y avait pas eu une explosion quelques mètres plus haut et qu’elle n’y avait pas été. C’est surréaliste. C’est pourtant leur réalité.

@Pasqual Castillo

Don't defy icarus
an act of defiance is a call for change

---

Pepe était installé dans une salle de repos. Pas parce qu’il avait besoin de repos, mais parce qu’il pouvait jeter un coup d’œil sur les news sans avoir l’impression que ses collègues allaient se pencher vers lui et l’écran pour lire les derniers développements suite au piratage du site des candidats. En tant que Caleuche, ça l’avait fait beaucoup rire, en tant que Pepe… Aussi. Non pas qu’il trouvait que c’était une bonne chose de hacker sur un site, mais il n’allait pas dire que c’était mal de lier une caisse commune pour pousser au don pour aider son prochain. Il trouvait cela ingénieux. Alors, c’était facile pour lui de prendre ce genre de choses à la légère : il n’était qu’un photographe. On le lui rappelait souvent et, depuis ses premiers pas à Omnivox, il avait toujours eu ce côté très yes man, qu’on pourrait lui reprocher, tant que c’était sous ses conditions. Il n’était pas difficile, mais exigeant et professionnel, ce qui souvent arrangé ceux qui lui rappelaient qu’il n'était qu’un photographe, oui, mais pas chiant pour un photographe.

Il y avait une réunion au sommet au sujet du hack, en tout cas c’était les bruits de couloirs, et Pepe aimait bien quand ce genre de choses arrivaient, Caleuche disparaissait des radars petit à petit, parce qu’au final, il n’était qu’un streameur, dans un construct pas populaire et qui passait plus de temps a faire des tirades sur le nouvel opus d’un Tomb Raider ou Uncharted que de débattre sur Icarus et Theseus. Il n'avait pourtant pas arrêté de leur dire, qu’il informait et apportait une nuance, loin de descendre les compagnies, juste assez pour leur rappeler qu’elles ne sont pas toute-puissante et questionner est une bonne chose. Il quittait la page qu’il observait, l’article partant dans une tangente pleine de spéculation, pour finalement regarder son Argo Space et rire en voyant la vidéo d’un bêtisier animalier. Les choses simples sont les meilleures.

La porte s’ouvrait et c’est Sloane qui apparaissait dans le cadre de la porte, Pepe se redressant aussitôt, l’œil pétillant alors qu’il la saluait d’un geste de la main. « Hola! Il la regardait de haut en bas, elle sortait du fameux meeting no doubt vue sa tête et son aura. Oh! Gracias! Ce n’est pas difficile, Héméra est terriblement photogénique, louper un de ses portraits serait vraiment le signe d’un effort en dessous de zéro. » Pepe était toujours fier de son travail, mais il ne s’était jamais considéré comme le meilleur, surtout le genre de projet un peu trop retouché comme pouvaient l’être les photos pour Omnivox. Il aimait plutôt le naturel, les imperfections et les rendre belles, sans les effacer. Pepe n’avait rien à faire où il était, mais il apprenait beaucoup, autant ce qu’il aimait et ce qu’il aimait moins, des techniques aussi pour rendre les choses plus naturelles et la puissance des critiques, comme les dégâts de l’imbécilité humaine.

Sloane le regardait. Pas simplement un coup d’œil, mais clairement de haut en bas, comme si elle cherchait quelque chose et Pepe eu un doute un instant, est-ce qu’il avait oublié quelque chose ? Changé de style. Non, elle lui demandait comment il allait. Les yeux dans les yeux, un peu d’inquiétude, dans son regard qui cherchait un signe de… Ah. Oui. L’explosion de la tour, le taré au pouvoir un peu bizarre (c’est lui qui parle), l’arrivée de Wolfman, l’extincteur dans le crâne (il ne l’avait dit à personne), la fuite avec Liam. « Oh, oui, je n’étais pas dans un étage où il y a eu l’explosion, mais je suis allé aider Lisa, et Jophiel. Rien de grave, juste quelques cicatrices à la main et une sacrée histoire à raconter…. » Le rush d’adrénaline aussi, le courage qui l’avait animé ce jour-là, sans raison. Il s’en souvient de tout ça, il y avait eu beaucoup de questions aussi. Est-ce que Sloane d’ailleurs questionne Icarus ? Il se le demande. Et toi, comment vas-tu ? Vraiment. Pas le petit speech que tu sers certainement aux gens dehors. Il lui indiquait la chaise prés de lui, pour qu’elle vienne s’asseoir. Enfin, tu n'es as obligée de tout me dire, tu peux aussi m'envoyer ballader. » Il avait eu de vagues échos, mais rien de la bouche des concernée et peut-être qu’elle ne voulait pas en parler avec lui. Ils pourront parler de choses plus légères… Plus ou moins.

ft. @Sloane Hatcher

DON'T DEFY ICARUS ✧ From the top again down to the bottom, I'm back to earth again. The sky is dark, but the stars still shine (quote. nebula) (code. ellaenys) (icons. muxisium
TW : attaque, traumatisme

Il n’y a rien de plus réjouissant que de retrouver un visage amical. C’est une invitation à relâcher la pression et à se laisser aller. Un peu. Ils restent dans un cadre professionnel et l’entente n’en a que très rarement débordé. Toutefois, le visage, lui, ne s’y trompe pas. Il se pare d’un sourire joyeux, en réponse à la salutation de Pasqual. Ça change des faciès ternes et fermés de la réunion précédente. Elle laisse échapper un rire. Modestie omnipotente quand le compliment est mérité. Il est parmi les plus talentueux de sa génération. C’est la magie d’Icarus. Ici, il est possible de travailler avec les meilleurs. Cela rend le quotidien plus facile. “Et je peux te dire qu’il y en a beaucoup qui ne font pas d’effort !” Sloane ne compte pas les photos des Sept peu avantageuses. Et croyez-la quand elle vous dit que personne n’a envie de voir Siren avec un triple menton ou Wolfman en train de bailler la bouche grande ouverte. Pasqual sait capturer de beaux moments, lui.

Derrière les compliments, il y a l’inquiétude de savoir dans quel état est le photographe. Le souci est vite balayé par quelques mots. Ça a presque l’air d’une balade de santé pour lui. Tant mieux. “Si tu cherchais une anecdote pour passer pour un héros, elle est parfaite, celle-là.” Le genre d'anecdotes dont on se passe, cela dit. La question lui est renvoyée et ça fait soupirer Sloane. Elle a beaucoup à dire. Encore plus s’il lui demande la version franche. “Ah, tu m’en demandes beaucoup.” La chaise désignée est acceptée avec plaisir. Sloane s’y installe. Elle pourrait accepter cette porte de sortie que Pasqual lui propose. Toutefois, ce ne serait pas jouer franc-jeu. Imran lui dirait d’assumer et d’en parler. Imran a raison. Évidemment qu'il a raison. Et qu'il est agaçant d'avoir raison. “On a été l’un des étages touchés par l’explosion et malheureusement, quelques membres de l’équipe étaient présents pour relayer les infos sur l’attaque de l’usine, donc pas mal de blessé·e·s. L’équipe est de nouveau au complet depuis peu.” Elle se réfugie derrière son rôle de manager, à évoquer ses collaborateurices quand la question est bien plus personnelle.

Le silence qui s’en suit, c’est celui nécessaire afin de s'ouvrir. “Quant à moi…” Elle fait glisser la tasse d’une main à l’autre, dans l’espoir de gagner un peu de courage afin de prononcer les prochains mots. “Si j’en crois Yara, je suis traumatisée par l’attaque.” Elle force un sourire afin de faire passer le constat plus facilement. Elle tente de s’en détacher et de ne pas se cacher derrière ce statut de victime. Sloane veut juste oublier et passer à autre chose. Cependant, quand elle a tenté de le faire ces deux derniers mois, ça ne s’est pas très bien terminé. Il est temps d’assumer. “Elle n’a pas tout à fait tort.” Mieux vaut éviter que l’entraîneuse l’entende. Elle risquerait de se plaindre du temps pris afin de l’avouer. “Mais au moins physiquement, ça va mieux.” Oui, il y a au moins cela. Après quelques jours à l’hôpital, quelques semaines en arrêt. Voilà qu’elle est remise, Sloane. Reste à prendre en charge le cerveau. Pour cela, Imran est sollicité.

Il lui fallait de l’aide. Elle commençait à perdre pied. Elle ne compte plus les disputes avec les Sept, elle qui était pourtant patiente et savait prendre sur elle. Cette période a été de trop. Trop de problèmes tombés les uns derrière les autres, provoqués par les Sept, sans même réfléchir au travail exigé derrière. Elle avait haussé le ton, il avait fallu. Sans compter la pitié dans le regard des personnes croisées, les conversations surprises par certains en train de la plaindre. Tout le monde voyait le bateau couler et Sloane ramer seule à contre-courant. Alors, oui, le repos a fait du bien. Mais il faut assumer le retour et le travail en attente. “De toute façon, il y a tellement de choses à rattraper et autant qui tombent en même temps. Il n’y a pas le temps de se reposer.” Il y a les conséquences de l’attaque, l’élection, les déboires avec Elvira, le coma de Bonnie. En fond, il y a aussi les soupçons de complot qui pèsent sur Icarus, les secrets cachés par la corporation quant à la mort de Valkyrie. Ça, elle ne peut pas en parler à Pasqual. Ni même à personne, d’ailleurs. Theodore a été clair sur le sujet. Prudence et méfiance, voici les maîtres-mots. “Mais ça va se calmer, pas vrai ?” Un quelconque soutien est cherché dans le regard de Pepe. “Attends, dis rien. On nous écoute peut-être.” Elle mime un regard inquiet sur la droite, puis sur la gauche, avant de se pencher et de murmurer. “Cligne des yeux trois fois s’il vaut mieux que j’abandonne et parte m’installer sur une île déserte dès maintenant.” Ça l’amuse. Il y a pourtant un fond de vérité qui se cache derrière ses phrases.

Elle se redresse, un sourire badin sur les lèvres. “Depuis qu’on a été piraté, vaut mieux être prudent !” Ce n’est pas tant pour cela qu’elle s’inquiète, Sloane. Mais plutôt que la direction d’Icarus se soit mise à écouter les conversations, en quête de quelques personnalités rebelles et un peu trop fouineuses à leur goût. Avec Elvira qui fait des siennes et sous-entend qu’Icarus cache des choses, il y a de quoi être vigilant. “D’ailleurs, je sors d’une réunion à ce sujet. La Direction est sur les nerfs.” Elle grimace. Ce conseil de guerre est bien la preuve que le piratage n’avait rien de volontaire de la part d’Icarus. Ça aurait pu. Ils auraient pu en commanditer un pour une raison ou une autre. Sloane ne serait pas étonnée de le découvrir. Depuis peu, elle a l'impression qu'il n'y a plus aucune décision logique qui est prise. Ça la dépasse, au point de réfléchir à partir.

@Pasqual Castillo

Don't defy icarus
an act of defiance is a call for change

---

CW; attaque, refoulement de sentiments, déni de trauma, auto-minimisation d'expérience vécue.

Aucun effort insistait Sloane, faisant ricanner Pepe. Héméra était quand même une belle femme, en plus d’être phonogénique, qui voudrait d’une mauvaise photo d’elle, à part les paparazzi dont le métier était de prendre de mauvaises photos. Après, pour ce qui était des photos sur les Argos que leur super-héros partageaient de leur plein gré il n’y pouvait rien, pas plus que les selfies volés des fan ou ce genre de photo qui était à la limite de la violation de la vie privée. Pasqual ne comprenait pas comment ce genre de photo pouvait circuler impunément et sans que personne ne trouve cela étrange. Lui qui était parfois mal à l’aise pour certaines photos mise en scène. Vraiment, la limite n’existait plus, balayait au nom de l’authenticité que le public exigeait de leur star, héros ou non, il fallait se montrer sous toutes les coutures, avoir un avis sur tout. Même lui, derrière l’avatar de Caleuche dénonçait ces attentes irréalistes.

Le sujet basculait sur l’attaque et comme à son habitude, le photographe diminuait l’impacte et les éventuelles conséquences de ce qu’il avait vécu, parce qu’il était l’un des mieux lotis. Il n’avait pas été soufflé par l’explosion, il n’avait pas eu le temps d’avoir peur pour lui, ou sa vie, parce qu’il a eu besoin de s’occuper de Lisa, puis de Liam et il ne voulait pas imaginer ce qu’avait Wolfman de l’adversaire qu’ils avaient croisés. De plus, ce qu’il avait entendu de l’attaque de l’usine, ou même de témoignages des collègues, la chance avait été de son côté. Loin d’être la ballade de santé, il n’avait pas l’impression non plus d’être un héros, il avait réagi face à une situation qu’il n’avait jamais connu auparavant et ses conclusions n’étaient pas bonne : il n’avait aucun instinct de survie, clairement prêt à défendre les personnes qui ne pouvaient pas le faire ou aider ceux en danger, et par conséquent, prêt à se sacrifier. Il n'était pas différent de son frère.

Sloane lui répondait qu’il en demandait beaucoup, il souriait, « On peut aussi changer de sujet. » Le photographe ne voulait pas contraindre la manager à partager un moment douloureux ou traumatisant, mais il ne pouvait pas non plus nier qu’il était un des rares à être capable de retourner à ses habitudes sans sourciller. Qu’est-ce que ça disait de lui ? Est-ce qu’il était fort mentalement ? Est-ce qu’il refoulait ses sentiments ? Est-ce qu’il était capable de compartimenter et donc ne pas ramener son expérience et les éventuelles interrogations qu’il avait au travail ? Il n’en savait rien. Pasqual avait cette fâcheuse tendance à refouler ses expériences, parce qu’il considérait qu’il y avait d’autres beaucoup moins bien loti que lui. Et en même temps, il avait contrôlé ce qu’il avait pu pendant l’attaque, et maintenant, il fallait aller de l’avant. Il ne pouvait pas revenir en arrière et se jouer plus d’un scénario dans sa tête n’était pas productif non plus. Il n’était pas surpris de l’attaque contre Icarus. Il était triste pour Bonnie. Et il ne voulait pas donner de l’importance aux responsables.

« Je pense qu’elle n’a pas tort non. Pepe lui adressait un de ses sourires chaleureux qui réconfortait, on a tous nos méthodes pour digérer un évènement, donc le plus important est que tu t’écoutes et demander de l’aide si besoin. Des conseils qu’il devrait appliquer, mais voilà, Pepe écoutait mieux les autres que son propre corps et demander de l’aide, ce n’était pas une option. Je crois que ça s’appelle de l’évitement ça non ? Taquinait-il quand elle lui disait qu’elle n’avait pas le temps de se reposer. Mais ça va se calmer, pas vrai ? » Pepe ouvrait la bouche pour répondre, mais Sloane lui demandait de ne rien dire. Il haussait un sourcil avant de laisser un instant, clignant des yeux trois fois. Il repartirait bien chez ses pères à Key West. Pepe savait qu’il finirait partir d’Icarus et Omnivox, mais l’attaque n’y était pour rien.

La conversation changeait de direction de nouveau, cette fois au sujet du piratage (en lien avec la petite blague sur les écoutes) et quand Sloane parlait de prudence, Pepe réalisait qu'elle parlait aussi de l’ennemi à l’extérieur. Pepe pensait plutôt que l’ennemi était déjà à l’intérieur, bien ancré, bien présent et que ce n’était pas pour rien que tout le monde était aussi secoué. L’attaque, le piratage, ça confirmait qu’ils ne pouvaient se fier à personne. « La Direction est toujours sur les nerfs. » Répondait-il avec une nonchalance peut-être déplacée et qui manquait d’empathie, mais si Pepe pouvait en avoir pour Sloane ou ses collègues, il avait du mal à en avoir pour ceux qui tentaient de diriger la machine incontrôlable qu’était Icarus. « Tu… Est-ce que ça te dis d’aller prendre l’air ? Proposait-il, pris d’un besoin de sortir de l’atmosphère soudain devenu étouffante de la salle de pause.  Ça nous fera du bien à tous les deux avant de reprendre notre journée. » Il se levait avant même que la jeune femme lui réponde, il avait toujours garder ses distances à Icarus, entre yes man et employé invisible, Pepe avait toujours garder beaucoup de choses pour lui, et il n’avait pas vraiment envie que ça change, mais pour qu’en face, on se confie, il fallait que lui aussi partage un peu de lui. « Et puis comme ça, on pourra parler sans... » Il clignait des yeux, un léger sourire amusé sur ses lèvres, avant d’attraper son sac et de sortir deux sucettes pour les tendre en direction de Sloane afin qu'elle choisissent sa saveur. ft. @Sloane Hatcher

DON'T DEFY ICARUS ✧ From the top again down to the bottom, I'm back to earth again. The sky is dark, but the stars still shine (quote. nebula) (code. ellaenys) (icons. muxisium
TW : attaque, traumatisme

Sloane se plaint. De l’attention des gens. De leur inquiétude. De leur bienveillance. De leur protection. Elle se plaint, plus facile que d’assumer que quelque chose ne va pas. Ça, elle le sait. Elle le sait si bien qu’elle n’a pas besoin qu’on le lui rappelle. Les regards soucieux, dépités, angoissés, elle n’en peut plus. Rappel constant que quelque chose ne tourne plus rond chez elle. Elle l’a bien compris. Elle le sent. Elle le voit. Elle préfère s’en détourner et fermer les yeux. C’est plus facile. Plus pratique. Ça ne l’oblige pas à ralentir, à regarder en arrière, à faire de l’introspection. Elle exerce un métier qui ne permet pas ce luxe. Et puis, il y a Imran, maintenant. Depuis deux semaines. Une heure par semaine. Le temps qu’elle a décidé de se consacrer. Quand l’heure n’est pas grignotée par quelques urgences. Au moins y a-t-il du mieux. Alors, peut-on vraiment encore dire qu’elle est en plein évitement ? Oui, complètement. “Moi ? Je fuis mes propres émotions ? Naaan !” Allez, prends-toi ce trop-plein de mauvaise foi, Pasqual. Et un peu de déni de la réalité, aussi. Sloane veut se raccrocher à cet espoir vain que tout ira mieux plus tard, que le rythme se calmera, que les urgences cesseront. Ce n’est pas comme si cela faisait vingt ans qu’elle courrait après le temps.

Ces derniers temps, elle note tout de même une différence. L’ambiance est tendue, électrique à Icarus. La Direction n’est pas sereine. La pression monte. Cela se ressent à chaque niveau. Et même si Pasqual dit que ça a toujours été ainsi, Sloane n’est pas convaincue. Le piratage a dévoilé des failles informatiques importantes. Une vulnérabilité que des concurrents comme Theseus pourraient exploiter contre eux. Et ça, elle se garde bien d’insister dessus. Elle se contente de hausser les épaules. Il n’a pas besoin de tout savoir. En fait, son métier ne demande pas de connaître tous les détails. On n’attendra jamais de lui une décision stratégique. Seulement de belles photos des Sept pour les mettre en valeur et montrer ô combien ce sont des êtres divins extraordinaires. Ça lui épargne une certaine pression, au moins.

“Tu… Est-ce que ça te dis d’aller prendre l’air ? Ça nous fera du bien à tous les deux avant de reprendre notre journée.” Il y a un instant d’hésitation. Toujours. Il le faut quand il s’agit de s’éloigner du bureau et de ne pas être efficace pendant plus de dix minutes d’affilée. Cependant, elle est venue traîner dans les bureaux pour avoir une pause. Exactement ce que Pasqual lui propose. “Et puis comme ça, on pourra parler sans...” Elle laisse échapper un rire. Okay, il a raison. Fuyons les oreilles indiscrètes et les micros cachés dans le micro-ondes ou dans la machine à café. Et ne parlons même pas de la caméra discrète dans l’horloge. Elle jette un rapide coup d'œil à son téléphone. Pas de rendez-vous dans l’immédiat. Elle peut se permettre de disparaître de la circulation. “Okay, mais j’ai grand max une heure avant que mon assistant panique et me cherche partout.” Et puis, comme une manière de la féliciter de prendre une pause, de la soudoyer ou de lui acheter son temps libre (au choix), Pasqual dégaine deux sucettes. Elle les observe avec un large sourire. “J’ai un merveilleux cyberpet qui aurait beaucoup de choses à dire sur ces sucettes.” Sur tout ce qui concerne la santé et la météo et la gestion des humeurs et le sport et la nourriture. Tout. Toujours son mot à dire, ce monsieur Je-sais-tout. “Que ce n’est pas bon pour les dents, qu’il est préférable de manger quelque chose de plus sain, en cas de creux et que cela risque de faire augmenter mon taux de glycémie de manière dangereuse en cas d’abus.” Elle lève les yeux au ciel. Ce cyberpet fait partie de la famille depuis maintenant deux mois. Un adorable cadeau de Yara et de sa mère. Des femmes aux idées incroyables dès qu’il s’agit de donner des envies de meurtre à Sloane. “Mais ça reste entre nous ? Tu ne vas pas aller me dénoncer ?” qu’elle demande avant de lui lancer un regard. Pasqual n’ira pas la dénoncer auprès de ce cyberpet, pas vrai ?

Au pire, elle prend le risque. Hector finira enfermé dans la salle de bains (ou dans le bac à légumes du frigo, merci Theodore pour cette idée), s’il fait des siennes ce soir. Elle prend l’une des sucettes au hasard, récupère ses affaires et, lorsque Pasqual est prêt à son tour, s’engage dans le couloir. “Je risque bientôt de faire appel à toi pour Hyperion.” Ça lui trotte dans la tête depuis quelques jours déjà. Besoin d’avoir de nouvelles photos pour les diffuser sur les réseaux et dans les médias. “Ça commence à faire trop longtemps qu’on ne l’a pas vu en public et qu’il n’y a pas de nouvelle photo de lui. Les gens s’interrogent.” Enfin, si on omet ses merveilleuses sorties avec Elvira et Jeremiah. Un bonheur pour les yeux et pour l’équipe de presse. Il est temps de reprendre le contrôle sur l’image du super-héros, avant que les gens ne commencent à se questionner sur l’impact psychologique de l’attaque sur Theodore.

@Pasqual Castillo

Don't defy icarus
an act of defiance is a call for change

---

CW; déni de trauma, auto-minimisation d'expérience vécue.

« Je ne dirais rien. » Répondait Pepe en riant doucement, il ne se permettrait pas d’insister, lui qui avait tendance à minimiser ses propres sentiments. À la place, il proposait qu’ils sortent prendre l’air, sur l’une des terrasses de la tour, loin du boulot, de l’excitation permanente dans les couloirs et des oreilles indiscrètes.

Aucune obligation, elle pourrait tout aussi bien lui répondre qu’elle ne pourrait pas s’éloigner du boulot, qu’elle était débordé comme toujours et que si elle partait s’isoler un instant, à l’extérieur tout allait s’effondrer. Ce n'était pas grave, Pasqual savait que rien n’allait s’emballer si elle s’absentait, et si un truc se passait, il se serait passé avec elle à l’intérieur, mais après l’attaque sur Icarus, il pouvait bien croire qu’elle sentait une responsabilité de rester alerte. Le photographe pouvait avoir repris ses habitudes et sa nonchalance, il ne pouvait pas nier que lui aussi était tout de même sur ses gardes, bien qu’il faisait l’effort de ne rien laisser paraître, comme toujours.

Sucettes en offrande, lorsqu’elle accepte enfin sa proposition, il riait gentiment à la mention de l’assistant en panique. « Tu pourras mettre l’entière responsabilité de son état et les conséquences sur mes épaules. » Le double de Sloane était comme l’attaché de presse, inévitable dans ce genre de boulot d’imiter son employeur, lorsque Pepe avait commencé la photo, il avait pris quelques tics et habitudes de ceux qui l’avaient inspiré, sans forcément le savoir.

« Oh vraiment ? Raconte. » Il riait, glissant le bonbon dans sa bouche un sourire malicieux sur ses lèvres. Beaucoup de choses en effet, loin d’être inconnues, mais il pouvait imaginer le cyberpet, programmer pour veiller sur eux, faire des commentaires. « Hmm, quelque chose me dit que ton cyberpet pourra le découvrir tout seul, ou alors il faut le rendre à Theseus, il ne fait pas son travail correctement. » Il y avait eu des discussions d’en avoir un à la maison, mais ni Esteban, ni Pepe ne passaient assez de temps pour s’occuper de l’animal et pour être très honnête, il restait méfiant de ce genre de technologie, un peu trop au courant à son goût. « Si j’en avais un, ça finirait certainement en clash de remarques sarcastiques. Je vois bien l’animal qui se demande par quel miracle je ne fais pas de diabète avec la quantité de sucre que je consomme. » Sa théorie la plus probable était son corps élastique, comme il avait besoin de plus de nourriture qu’un humain normal, voir même plus lorsqu’il l’utilisait, sa tolérance au sucre était aussi plus haute.

Tant mieux pour lui.

« Sache que je ne dirais rien, au cyberpet ou Icarus » Sur sa consommation de sucre, ou tout autre sujets, au cas où elle voulait le savoir, une  main tendu si un jour elle a besoin.

Le sujet retournait au travail, alors qu'ils parcouraient les couloirs vers l'ascenseur, une tendance lorsque les choses devenaient un peu trop sentimentales, ou alors pour ne pas attirer les oreilles curieuses et les commères qui se délecteraient du moindre potin du style est-ce que le photographe et l'happiness manager sont ensemble ? Ou tout autre détails croustillants.  « Il faudrait lui laisser le temps de se remettre de ses blessures, le but, c’est qu’il soit sous son meilleur jour non ? »

Pasqual n’avait pas parlé à Hyperion, mais il avait eu vent qu’il était revenu amoché de sa confrontation contre les Orphans, ce qui avait certainement été un coup sur son ego. Son frère aussi était revenu secoué, en vérité, il se sentait plutôt chanceux d’être sorti de la tour peu amochée (bien qu’il en garderait les cicatrices) et surtout, il ne sentait pas aussi affecté que les autres. « Quand il sera prêt, je prendrai les meilleures photos, et personne ne pourra remettre en question quoi que ce soit. » Il ne savait pas à quel point les egos des uns et des autres étaient bafoués, ce n’était pas comme s'ils étaient du genre à se confier à leur photographe, et même si pour prendre leur photo Pasqual s’assurer qu’ils soient en confiance et confortable, il ne s’était jamais permis de poser des questions. S’ils voulaient lui parler, se confier, il avait déjà démontré qu’il était une épaule pour, comme sa discrétion. Le reste, il ne pouvait pas contrôler les affinités qu’il aurait avec eux, ils étaient des clients et lui un employé. L’équipe qu’on lui avait vendue, qu’on lui vendait, il n’y croyait plus depuis longtemps (encore faut-il qu’il l’ait cru un jour).

Arrivé sur la terrasse, le photographe prenait une grande inspiration, content de sortir de l’environnement sec des bureau et se tournait vers Sloane. « Est-ce que tu as déjà pensé faire autre chose ? À Omnivox ou ailleurs ? » Parce que Pasqual avait l’impression de stagner et pour toute l’adrénaline, l’argent et le prestige que son poste lui apportait, il n’avait plus l’impression de s’épanouir. Et c’était certainement pour cela que ces derniers mois, il s’était montré moins indulgent que par le passé à l’égard d’Icarus.
ft. @Sloane Hatcher

DON'T DEFY ICARUS ✧ From the top again down to the bottom, I'm back to earth again. The sky is dark, but the stars still shine (quote. nebula) (code. ellaenys) (icons. muxisium

Qu’il serait doux et tentant d’accuser Pasqual de l’état de stress de son assistant. Sloane a toutefois la fâcheuse tendance à assumer ses propres responsabilités. Y compris lorsqu’elle prend une pause imprévue dans son planning. Quand prévoit-elle des pauses, de toute façon ? Jamais. Pas de place pour ces instants de répit. À l’exception d’aujourd’hui. Un de ces jours où le cerveau dit stop. Un de ces jours où il est préférable de s’écouter. Ça non plus, ce n’est pas une habitude chez l’attachée de presse. Faut croire que les dernières semaines ont réussi à la changer. Au moins un peu. Habitude dont elle n’est pas parvenue à se défaire : les confiseries. Sucette acceptée sans même un sentiment de culpabilité. Alors même que son cyberpet irait de ses remarques s’il était là. Secret doit donc être gardé par Pasqual. Il semble encore mieux placé pour comprendre le supplice que le chien représente. “Ne cherche même pas à avoir raison avec lui. Il serait capable de mettre ça sur un mauvais contrôle de tes émotions !” Et d’appeler un·e psychologue aussitôt. Hector le ferait, elle en est certaine, s’il en avait les capacités. Heureusement, ce n’est pas le cas. “C’est une invention démoniaque, crois-moi.” À ça de proposer à Pasqual de vivre quelques jours avec le cyberpet. Juste pour voir. Sa sympathie pour le photographe l’en empêche. D’autant qu’il promet de conserver le silence. Sur la sucette. Sur un tas d’autres sujets. Sloane esquisse un sourire. “Merci.” Loyauté affichée sans même savoir pourquoi ni comment. Pour autant, loyauté bienvenue. Surtout dans ces heures bien trop sombres.

Le travail jamais bien loin. Toujours un sujet à aborder. Surtout dans les locaux d’Icarus. Surtout quand tout le monde peut entendre. Les confidences et les propos plus engagés attendront. Pour l’heure, Sloane sollicite déjà le photographe. Urgence de remettre Hyperion sur le devant de la scène ; d’envoyer un message fort au public. Hyperion va bien. Hyperion s’est remis de ses blessures. Hyperion veille. Trop tôt pour Pasqual. Il faudrait attendre encore. L’attachée de presse a une moue face à la réalité trop humaine de son collègue. Elle s’heurte à la réalité bien plus commerciale de Sloane. “Oui… mais ce n’est jamais bon pour les affaires d’avoir le leader des Sept blessé.” Hyperion n’est qu’un produit. Il a abandonné son humanité en acceptant d’endosser le rôle de super-héros d’Icarus. Voilà le résultat. “Ce sont les Sept, des êtres sur-humains qu’on n’imagine pas rester sur le carreau pendant trop longtemps. Et plus on attend, plus il y a des spéculations sur son vrai état de santé et plus Icarus perd de pouvoir.” La puissance d’une Corporation influe en fonction de son image. Et celle d’Icarus est intrinsèquement liée à celles de ses super-héroïnes et super-héros. Entre le leader hors-jeu, Bonnie à l’hôpital, Rhys encore blessé… les Sept n’ont plus rien de l’image parfaite, quasiment divine. Iels ne sont qu’humain·e·s, au final. “Il faut juste qu’on attende qu’il aille suffisamment bien pour donner le change sur des photos.” Après cela, Theodore sera de nouveau tranquille. Laissé à ses journées vides, sans rien faire. Obligé de rester dans l’ombre afin de cacher la vérité. Sloane le plaint. A une vague idée de ce qu’il vit. Elle n’a pas supporté ses quelques semaines d’arrêt. Ça doit être encore pire pour Hyperion. Bien plus à son aise sur le terrain, à servir, à être utile.

À l’extérieur, le soleil les accueille. Douce caresse que Sloane accueille en fermant les paupières. Pas loin, le bruit de la ville. Ce brouhaha incessant est déstabilisant, envahissant pour certaines personnes. Pour elle, c’est rassurant. Elle a toujours cherché ce bordel pour se sentir en vie, pour se rappeler que la vie n’est pas ennuyante. C’est réconfortant. Les paupières se rouvrent. Juste à temps afin de recevoir l’interrogation de Pasqual. “Est-ce que tu as déjà pensé faire autre chose ? À Omnivox ou ailleurs ?” L’interrogation fait écho à celle d’Edgar, il y a quelques semaines de cela. Sentiment ambivalent à l’idée de voir à quel point les événements marquent, bousculent, au point de tout remettre en question. Ce sentiment semble toucher toutes les victimes des attaques. Elle a un sourire en coin. “Oh oui, j’y ai pensé.” Surtout depuis qu’Eddie a abordé le sujet. Avant cela, jamais. Jusque-là, elle aspirait juste à plus de travail et à bien le faire. D’une simple question, il a ouvert une porte que Sloane n’avait jamais osé ouvrir. “Tout lâcher pour ouvrir une galerie d’art ou m’engager dans une association.” Les rêves d’une adolescente qui cherchait un sens à sa vie. Maintenant, la voilà attachée de presse. Elle retire l’emballage de la sucette, l’enfonce dans sa poche. “Mais tant qu’on n’a pas le courage de tout quitter pour se lancer, ça ne reste que des idées ou des rêves.” Il faut de la détermination, de la motivation, du courage pour faire autre chose. Sloane n’en a pour le moment. Préfère le confort de son existence. Complètement absorbée pas son quotidien.

Elle pivote franchement vers Pasqual. Capte ce regard qui ne se cache pas derrière un appareil photo pour une fois. “Tu ne me poses pas la question innocemment, j’imagine.” Pas besoin d’avoir des dons télépathiques pour tirer des conclusions. Suffit d’être un minimum à l’écoute et d’observer les signes juste sous son nez. Le signe ici est plutôt clair. “Tu penses partir ?” Pas de jugement dans la voix. Seulement un besoin de savoir. Quoiqu’il fasse, Sloane ne le découragera pas. Peut-être même le poussera-t-elle à le faire. “Il s’est passé quelque chose ?” Autre que les attaques des Orphans contre Icarus. Autre que les dégâts physiques et psychologiques.

@Pasqual Castillo

Don't defy icarus
an act of defiance is a call for change

---

CW; beaucoup de monologue interne, ras.

Pepe s’esclaffait alors que Sloane affirmait que le cyberpet était une invention du diable. Le photographe avait d’autres inventions en tête avant le pauvre animal de compagnie qui n’avait été programmé que pour rendre service au départ. Toute technologie avait ses limites, comme ses faiblesses, mais jamais Pasqual se risquerait dans une joute avec une intelligence artificielle qui avait accès à son dossier, elle pourrait bien être une menace plus qu’autre chose. Et les ennuis, Pepe préférait que ces derniers lui tombent dessus (ou pas du tout), que d’aller les chercher. La dernière chose qu’il souhaitait était d’ajouter du stress pour son frère.

Ménager son frère, Sloane, les Sept, c’était quelque chose dont il était capable sans trop d’effort (en-tout-cas, il pensait que c’était sans effort). Pasqual ne pensait pas rester aussi longtemps à Omnivox, à New Blossom. Il ne pensait pas qu’il pourrait tenir le coup dans cet environnement. Et pourtant, il était encore là et il avait même un peu d’affection pour les personnes avec qui il travaillait, même si on ne lui rendait pas toujours. Le photographe se protégeait, évidemment, il n’avait jamais eu l’impression d’avoir fermé des portes pour autant, c’était une autre culture, qui n’était pas la sienne et sa flexibilité avait certainement des limites-là aussi.

Preuve à l’appui, alors qu’ils échangeaient brièvement sur Hypérion, Sloane, dans son pragmatisme, rappelant que ce n’était pas bon pour les affaires. Pepe n’était pas certain qu’elle pensait ce qu’elle disait avec son masque de professionnel, mais il préférait ne pas s’avancer. L’image d’Icarus était importante, et ils dépendaient des Sept, de leur état, de leur coopération. Le public ne pouvait pas les voir faiblir, le doute pouvait rapidement créer la panique et leurs concurrents, Theseus, pourrait bien saisir l’occasion. Et si Pepe était persuadé qu'Icarus n’avait pas le temps pour les deuils et autres prises en charge, Theseus eux, n’auraient aucun scrupule de piétiné un cadavre encore chaud pour écraser la corporation. Véritable match interminable entre les deux puissances et ils étaient tous des pions, des leviers. Un constat bien triste, mais qui pourtant n’entamait pas vraiment l’optimisme du photographe.

Leurs héros reviendront plus forts.

Une fois à l’extérieur, il s’étirait alors bruyamment tel un chat paresseux, heureux de capter les quelques rayons du soleil. La ville en dessous bourdonne, pas loin, l’Aerium. New Blossom qui s’étendait devant leurs yeux, il pourrait presque oublier qu’elle écrase l’ancienne New York. Presque. Sa question lui avait un peu échappé, mais elle n’était pas difficile à assumer, parce que ce n’était pas la première fois qu’il la posait ces derniers jours.

Tout le monde y avait pensé, et Sloane ne faisait pas exception, il souriait, « Oh une galerie d’art, on serait peut-être amené à bosser ensemble alors. » Il fallait bien ce genre d’endroit parfois pour ses expositions, et Pepe n’aurait pas pensé que l’attachée de presse était férue d’art, comme quoi, il n’avait pas fait assez ses recherches. Après, pour lui, Sloane aimait son job, la course, l’urgence et gérer les choses, elle aimait avoir le contrôle de l’image et elle le faisait très bien. Avoir une galerie d’art, et être membre d’une association, cela l’occuperait tout autant que son job actuel, et donc finalement pourrait lui sied comme un gant. C’était un rêve, une idée, qu’elle balançait à l’univers et au photographe.

Le courage, oui, Pepe était d’accord avec elle, il fallait du courage pour tout balancer et commencer quelque chose de nouveau. Il n’en manquait pas, lui, du courage, il le savait bien, mais ça ne veut pas dire qu’il allait partir au front comme son frère. Non, il n’avait pas ce genre de courage là. Même si clairement, il avait, lui aussi, une capacité à gérer son stress et les situations critiques beaucoup plus calmement qu’il ne l’aurait cru.

« Un peu de lâcher prise et un peu de foi aussi, surtout si c’est un saut dans l’incertitude. Répondait-il d’un air pensif, l’œil pétillant un peu à cette pensée, leur regard se croisant. Tu ne me poses pas la question innocemment, j’imagine. Pepe esquissait un sourire amusé, un peu. Est-ce qu’il pensait partir, et si quelque chose, c’était passé. Le photographe prenait une légère inspiration. J’ai un peu l’impression d’être limité au niveau créatif ici, le job n’est pas désagréable, en tout cas, pour quelqu’un comme lui, et ça paie très bien. Cependant, la paie et le prestige, ce n’est pas vraiment ce que je cherche en photographie. Après, si je pars, rassure-toi ça ne sera pas très loin. » Et il n’y a pas de regret ou de tristesse dans la voix de Pepe, mais lui la ressentait lui prendre les tripes.

La vérité était qu’il voudrait repartir sur les routes, avec sa moto et son appareil photo. Ça ne lui faisait pas peur de galérer un peu, de faire des petits métiers à côté. Il ne pouvait pas, pas pour le moment. Il n’était pas prêt à laisser son frère seul dans cette grande ville.

« Je pensais reprendre mes études à la Nex’University, et puis passer en freelance. Le contrat Omnivox est chouette, mais les accords de non-divulgation et d’exclusivité limite mes projets à l’extérieur. Et puis, entre toi et moi, la pr- publicité ça n’a jamais été mon truc. Il avait failli dire propagande, se rattrapant de justesse, plus ou moins. Je veux repartir en découverte, et ne pas faire que des photoshoots. »

Et peut-être aussi faire disparaître Caleuche, pour éviter les ennuis.
ft. @Sloane Hatcher

DON'T DEFY ICARUS ✧ From the top again down to the bottom, I'm back to earth again. The sky is dark, but the stars still shine (quote. nebula) (code. ellaenys) (icons. muxisium

Impression de dominer la ville du haut du building d’Icarus. Le monde à leurs pieds. C’est ce qu’il faut pour l’une Corporations les plus influentes du pays. Pas étonnant que certain·e·s se perdent, se découvrent un égo disproportionné, se croient supérieur·e·s. Difficile dans ces conditions de garder les pieds sur Terre. Jusqu’à ce que l’Univers intervienne. Brise les croyances. Explose les prétentions. Ramène les gens plus bas que terre. Ça, tout Icarus l’a expérimenté. Un rappel de leur mortalité, de leur fragilité. Un électrochoc. Ce building est finalement aussi fragile que la maison en paille des Trois Petits Cochons. Suffit d’un simple souffle pour que la maison s’effondre. Et c’est de là-haut que Sloane confesse d’autres aspirations, d’autres envies. Les rêves sont balancés dans les airs, confiés au monde, sans la certitude que ça changera un jour. Trop bien établie à son poste. Trop addicte à l’adrénaline que cela lui procure. C’est là tout le problème. La formule magique pour lâcher ce job comporte du courage, selon Sloane. Une pincée de lâcher prise et un soupçon de foi, selon Pasqual. Ça tire un sourire à l'attachée de presse. “J’en ai plus pour les autres que pour moi.” Toujours la première à encourager et encenser les gens. Quand elle se contente de douter de son travail, de ses décisions. Jusqu’à ressasser des détails à la faveur de la nuit.

Question retournée contre Pasqual. Lui qui interrogeait sur l’après Omnivox. Pendant qu’elle l’écoute, les phalanges jouent avec la sucette, la font tourner lentement. Une fois façon de se concentrer sur ses ambitions à lui. “Cependant, la paie et le prestige, ce n’est pas vraiment ce que je cherche en photographie. Après, si je pars, rassure-toi ça ne sera pas très loin.” Un léger rire glisse entre ses lippes. “J’espère bien !” Elle le dévisage. Essaye d’évaluer à quel point il est avancé dans sa réflexion. Déjà assez pour se détacher du confort d’une paie élevée mensuelle. Déjà assez pour se voir reprendre ses études et devenir freelance. Définitivement loin du confort qu’Omnivox et Icarus peuvent lui offrir. “Hm… je vois.” Le regard se détourne vers la ville. Quelques secondes afin qu’un sourire ne vienne grignoter les joues de Sloane. Elle se tourne de nouveau vers Pasqual, pointe sa sucette dans sa direction. “Tu sais, ça m’a toujours paru évidemment que tu n’étais pas le genre à rester sagement derrière un bureau ou à faire des shootings dans un studio. Tu as besoin de spontanéité, de naturel.” C’était étrange qu’un photographe comme Pasqual accepte de se prêter à ce jeu-là. Et pourtant… “Tout le contraire d’Icarus.” qu’elle conclut. Ici, tout est faux. Tellement faux qu’on ment, qu’on manipule, qu’on scénarise. Pas une once de vérité. Il faut que tout soit sous contrôle, sous peine que tout s’effondre. “C’est ce qui rend tes photos si particulières, si vivantes.” Fascinantes. Touchantes. C’est qui lui a toujours plu dans les photos de Pasqual. Des caractéristiques diluées dans la nécessité d’avoir des images lisses et parfaites des Sept.

Elle s’accoude contre la balustrade, entièrement tournée vers son collègue et ses projets. Sloane savait que ce jour viendrait, mais elle n’imaginait pas que ce serait aussi proche ni même que cela mènerait Pasqual sur les bancs de la fac. “Alors, tu es prêt à te lancer ?” Il a peut-être rassemblé ce qu’il faut de courage, de lâcher prise et de foi afin de sauter le pas. Une inspiration pour elle qui se contente de faire du surplace et de regarder les autres s’envoler vers d’autres projets. “Tu voudrais faire des études de quoi ?”

@Pasqual Castillo