This ain't a library! [PV Freyja]

This ain't a library!

@Hugh Reid et @Freyja Olsen

Ce n'était pas sans une certaine naïveté que Hugh Reid s'était aventuré hors de sa zone de confort, allant s'aventurer à Crimson Bay à la recherche de réponses à ses questions, de solutions à ses problèmes. C'était dans les livres que Hugh avait décidé de focaliser ses recherches, à ce jour, espérant trouver dans les pages noircies la résolution de ses troubles.

Il ne voulait pas risquer être reconnu, ou être surpris par sa sœur durant une de ses lectures. Ici, à Crimson Bay, dans cette librairie qui semblait généreusement fournie, Hugh savait pouvoir amenuiser ces risques, voire les faire disparaître complètement. Il n'avait plus qu'à se concentrer sur ses recherches, et tenir son fichu cerveau suffisamment occupé pour ne pas craquer nerveusement (une fois de plus).

Hugh avait à peine dit "Bonjour" en rentrant, pleinement focalisé sur son objectif. Ses écouteurs intégrés diffusaient directement dans ses tympans la bande-son orchestrale de son dernier film préféré, tandis que ses doigts parcouraient les cotes des ouvrages, à la recherche de réponses. Il s'était directement dirigé vers le rayon des livres de développement personnel, optant finalement pour un ouvrage modestement intitulé "En finir avec la culpabilité".

Les réponses étaient supposées être trouvées dans les livres : nul doute que cet ouvrage balaierait ses doutes, n'est-ce pas ? Qu'il lui permettrait de se libérer enfin de ce qu'il avait fait, de ce à quoi il avait assisté ? Peut-être pourrait-il enfin trouver le sommeil sans être hanté par le visage horrifié de Cadmus Scott ?

Penser ne serait-ce qu'à son nom était assez pour lui briser le cœur, lui serrer la gorge, faire remonter cette anxiété qu'il tentait, en vain, de réprimer. Tandis qu'il ouvrait le livre, oubliant complètement qu'il se trouvait dans une librairie et non une bibliothèque, Hugh tapota la couverture de ses doigts, se balançant légèrement sur ses pieds, talons, orteils, talons, orteils, les mots s'imprimant rapidement dans son esprit.

Mais rien de ce qu'il pouvait lire pour l'instant ne répondait à ses interrogations. Ou, en tout cas, cela n'allait pas dans le sens qu'il espérait. Tout dans le livre l'invitait à considérer ce qu'il avait vécu, ce à quoi il avait assisté, pour mieux l'accepter, reconnaître sa responsabilité, et agir pour réparer ses fautes, ce sur quoi il pouvait directement agir. L'ouvrage ne l'absolvait pas de ce qu'il avait fait : il ne lui donnait pas les clés pour simplement effacer et passer à autre chose.

La culpabilité ne s'attache qu'à celui qui demeure ignorant quand il a une chance d'apprendre. La citation lui fit lever un sourcil, et, se mordant la lèvre inférieure avec frustration, il referma le livre brusquement, reprenant enfin contact avec le monde qui l'entourait. Levant les yeux, il nota enfin qu'il était observé, par nul autre que la gérante des lieux.

Depuis combien de temps ? Lui avait-elle dit quelque chose ? Le cœur de Hugh battait à tout rompre dans sa poitrine et, éteignant sa musique pour faciliter la communication avec son interlocutrice, il présenta ses excuses, regard fuyant, tics nerveux agitant malgré lui ses doigts, son visage :

"Pardon. Je ne pense pas l'acheter. Hmm..."

Hugh hésita. S'il y avait bien quelque chose qu'il détestait, c'était se référer à un vendeur lors de ses courses. Tout ce qu'il voulait, c'était être tranquille pour faire ses choix, bruits parasites bloqués par ses écouteurs, lui permettant de réfléchir en toute aise à ses achats.

Mais il s'était montré impoli avec la libraire en commençant à lire un livre sans envisager de l'acheter, et Hugh ne voyait pas comment se rattraper, sinon en se comportant en client lambda :

"Est-ce que vous avez d'autres livres sur ce thème ? Je n'aime pas celui-là. Du tout. J'en veux... Hmm... J'en voudrais un autre. Mieux. S'il vous plaît."

Il voulait se libérer de sa culpabilité, de ce qu'il avait fait. Pas l'accepter. Ce n'était pas comme s'il pouvait réparer quoi que ce soit, de toute façon.

Cadmus était mort, et Hugh travaillait pour les laboratoires secrets d'Icarus, ce n'était pas exactement un poste dont l'on pouvait démissionner sans conséquences. Il n'avait aucun pouvoir décisionnaire, aucun champ d'action. Alors, pourquoi n'arrivait-il pas à se sortir tout ça de la tête ? Pourquoi continuait-il malgré tout à se sentir si atrocement coupable ?

This ain't a library!

@Hugh Reid et @Freyja Olsen

S'il y avait bien une chose que Hugh détestait, c'était des situations sociales comme celle qu'il venait de s'imposer, et à laquelle il n'était absolument pas préparé. Habituellement, le bio-informaticien prenait le temps de "scripter" chacune de ces interactions spécifiques, pour pouvoir mieux répéter son petit discours par la suite et ne pas se laisser décontenancer par les tournants de leurs échanges. Il avait un script préparé pour commander un café, pour prendre un rendez-vous médical etc.

Mais il n'avait rien de préparé spécifiquement pour cette situation, et il n'avait donc pas d'autre choix que d'être spontané. Non sans une certaine nervosité, Hugh avait hoché la tête, mutique, lorsque la libraire lui avait demandé de confirmer la nature des livres qui pouvaient l'intéresser.

Mais la question suivante de l'inconnue nécessitait qu'il s'exprime davantage, et Hugh prit une profonde inspiration, tentant de calmer les battements de son cœur. Cela devrait être facile, une conversation parfaitement ordinaire, mais pour Hugh, c'était une épreuve de tout instant. Trouver les bons mots, réfléchir à son intonation, guetter les réactions de son interlocutrice...

"Hmm... J'espérais trouver un livre sur la culpabilité ? Mais je n'aime pas ce que cet ouvrage a à dire sur le sujet."

Son visage laissa deviner un bref instant une moue contrariée, avant de revenir à un masque beaucoup plus neutre, Hugh n'étant généralement pas des plus expressifs. Non, il n'aimait vraiment pas ce que ce livre essayait de lui dire. Comme s'il pouvait y faire quelque chose, à toute cette situation.

Pas sans risquer la sécurité de sa sœur, de son entourage. Est-ce que l'auteur de ce fichu bouquin aurait pu s'en préoccuper, au lieu de prêcher ainsi la nécessité d'agir et d'essayer de réparer les torts commis ? Qu'est-ce qu'il croyait que Hugh avait fait, lorsqu'il avait tenté d'adoucir la situation pour Cadmus ?

Son anxiété avait laissé place à de l'agacement, et les balancements de Hugh reprirent de plus belle, talons, orteils, talons, orteils, tandis qu'il cherchait ses mots, tout en s'efforçant de ne pas faire subir sa contrariété à la pauvre libraire, qui n'avait rien demandé :

"Il doit bien y avoir un livre pour dire qu'on peut juste effacer les choses et passer à la suite, non ? Et comment faire ça ? Parce que c'est cela que je cherche. Et... Et ce n'est pas du tout ce que l'ouvrage que je lisais prêchait sur le sujet."

Ce n'était pas sans naïveté que Hugh espérait trouver un livre pour valider ses tourments, un contenu spécifiquement rédigé pour lui et sa situation ô combien particulière, pour enfin le libérer de sa culpabilité et de ses doutes. Pour pouvoir recommencer à vivre sans se haïr chaque seconde passée. Pour pouvoir dormir sans cauchemarder. Sans revoir éternellement son visage, entendre ses gémissements terrifiés...

Perdu dans ses pensées, le regard de Hugh s'était égaré dans le vide, ses mains tremblantes, et ce fut quelque peu brusquement qu'il revint à la réalité, cachant ses mains dans ses poches, serrées en poings, son regard allant de la libraire au rayon de livres qui leur faisait face, sans parvenir à se fixer durablement sur l'un ou l'autre. Hugh se mordilla la lèvre inférieure, conscient que la conversation n'était pas aussi ordinaire et maîtrisée qu'il aurait aimé qu'elle le soit. Pourquoi tout était toujours si compliqué ?

Essayant de détendre l'atmosphère et d'atténuer cette tension qui émanait de sa personne, Hugh reprit la parole, assurant à son interlocutrice d'une voix hésitante :

"C'est juste théorique. Mon intérêt pour le sujet. Purement théorique. Mais vous avez quelque chose là-dessus, non ?"

Hugh était un affreux menteur. Il l'avait toujours été. Et cela tombait bien généralement, puisqu'il détestait cela, et s'efforçait d'être aussi franc que possible. Mais pas à cet instant. Et si l'inconnue pouvait avoir des doutes à son sujet jusqu'alors, il était certain qu'ils étaient dupliqués après sa petite intervention. Mais si elle pouvait lui apporter la réponse dont il avait besoin, c'était bien l'essentiel.