past midnight (leory#1)

L’heure de la fermeture approche à grand pas ; un soulagement conséquent vu la souffrance grotesque traversant mon genou depuis plus d’une heure déjà. Jaehyo s’est retiré il y a de nombreuses minutes suite à quelques insistances de ma part. Il s’est chargé de l’ouverture ; il serait désolant qu’il reste jusqu’à la fin de la journée. Le regard détourné pour ne pas affronter le sien - trop insistant - je suis parvenu à le convaincre de disparaître à l’étage pour préparer quelque chose à manger. Depuis la révélation sur son identité - la seconde et non la première - le hors la loi qu’il est se terre de plus en plus fréquemment dans mon appartement. La chose est bien dérangeante. J’envisage d’acheter un autre lit, mais il dénie la chose fortement. Il serait mentir que je ne sois pas flatté par la chose. Mes paroles l’ont démontrées amplement. Mentir n’a jamais été un talent, pour ma part.
Une oeillade vers l’heure et je hoche la tête, satisfait. Il est enfin l’heure. La fermeture.
Quittant mon poste derrière le comptoir, je marche lentement jusqu’à la porte, mes clés à la main. La douleur commence à peser sur mon humeur. Je n’ose pas penser aux escaliers me séparant de mon appartement. Qui sait, peut-être que Jaehyo m’apportera à manger ici. Il est bien serviable, normalement.
La pancarte positionnée sur la porte retournée, je m’empare des clés pour verrouiller lorsqu’un mouvement capte mon regard. Qu’un fredonnement danse dans l’air, lourd et puissant, bien dérangeant. Il est facile de sentir les client·es s’approcher de la boutique. Iels fredonnent tous·tes quelque chose de distinct, des mélodies que je ne peux ignorer.
Mes lèvres se tordent sous le dérangement ressenti. Il est bien tentant de détourner le regard et de prétendre de ne pas savoir. Je suis sur le point de le faire, le coeur bien loin d’être sur ma main, lorsque mon regard croise une silhouette déjà vue récemment.
Non. La pensée me frappe immédiatement.
Le verrou oublié, je pousse la porte pour la partager.
- Non. Ma voix écho dans la nuit. Au loin, on peut entendre le bruit des bars et des ivrognes. Je dévisage Cory avec un agacement qui n’a rien de timide. Mes yeux se gardent d’aller vers son fardeau, la personne d'où provient cette mélodie douloureuse. Bien que, à la porter de la sorte, Cory possède sa propre musique aussi. La pharmacie est fermée depuis une minute. Je ne prends aucun client. C’est un mensonge et il le sait. À l’arrière, nous soignons celleux ayant l’argent pour.

Mon regard reste posé sur lui à défaut de vouloir se poser sur l’innocent qu’il a entraîné jusqu’ici. J’expire par les narines, mon agacement est plus que palpable. Ne sait-il pas que mon refus est tranchant ? Je ne sais vraiment pas à quoi il pense. Il suffit d’aider une personne pour que je paraisse être un bon samaritain à ses yeux. Or, la chose est entièrement fausse. Ce ne sont pas les bonnes actions qui paient l’électricité ou encore mon prêt à la bande. Loin de là.
Ni même les supplications. Peu importe à quel point il demande gentiment.
- J’ai dit non. Que je lui dis de nouveau. Cory est peut-être sourd. La chose ne serait pas surprenante. Dois-je mieux articuler pour qu’il comprenne ? Car je le ferais sans problème. Tout sauf faire du bénévolat. J’ai mieux à faire de mon temps, vraiment.
- Et bien tu ferais mieux de te dépêcher pour trouver un autre endroit où l’amener car ça ne sera pas ici. Pour autant, je ne ferme pas encore la porte ; il y a plusieurs mois de cela, je l’aurais fait sans la moindre gêne. Mais mon esprit est traversé par la vision de Jaehyo et son besoin d’aider les autres. La raison pour laquelle il voulait devenir médecin avant de perdre sa bourse d’étude. Mes lèvres se pincent sous l’agacement que je ressens. Je déteste la situation. Ce n’est pas ainsi que je ferais de l’argent.
- Vraiment ? que je dis sans le croire, le ton le dévoilant très bien, quand Cory aborde ledit sujet. Une offre généreuse de ta part, vraiment. Le sarcasme est aussi coulant que le sang de ce pauvre inconnu. Je grimace de dégoût à l’observer. Il tâche le bitume devant ma boutique. Est-il en train de perdre conscience ? Sa mélodie n’a rien de bien joli. Est-il vivant ? Le ton est morne ; peut-être suis-je en train de chercher à le faire paniquer un peu. Après tout, si j’entends une mélodie venant de lui, c’est qu’il est vivant.
Un soupir s’égare de mes lèvres et je finis par pousser la porte pour les faire rentrer.
- Tu t’occupes de le soigner et je tiendrais un inventaire de tout ce que tu utilises pour le faire. Une pause et je grimace. Le sang tombe à l'intérieur bien évidemment. Autant pour le soigner que pour nettoyer. Sans oublier les intérêts. Je ne prononce pas encore à quel pourcentage. Je verrais selon mon envie, après tout.

La grimace est lourde sur mes traits à l’observer trainer cet homme à l’intérieur de ma boutique. L’idée ne m’enchante absolument pas. Il semblerait que les gens se font des idées à mon sujet et celles-ci ne m’enchantent pas. Ai-je l’air si altruiste ? Je serais porté à dire non. L’idée d’aimer mon prochain sans rien en retour me semble bien inutile. Les choses sont mieux faites par soi-même ; compter sur les autres n’est que du temps perdu. Il est si dérangeant de voir la manière dont les gens peuvent se lamenter sur leur sort. La seule main dont nous avons véritablement besoin, c’est la nôtre. Personne ne peut nous aider aussi bien que nous même.
Certes, je suppose que l’on peut avoir besoin d’autrui par moment. Une tragédie humaine. La chose me désole profondément. Ma vie serait bien moins problématique si j’avais la possibilité d’être entièrement indépendant.
En excluant Jaehyo du problème, bien évidemment.
Jaehyo peut rester.
Il doit rester.
Cory, lui ? Cory, je m’en passerais avec plaisir.
Sa présence me fait grincer des dents, à l’instant. Il me dérange profondément avec l’air meurtri qu’il m’offre et ses inquiétudes sincères pour cet inconnu.
- Tant mieux. Tu n’as pas encore transformé ma pharmacie en scène de crime, que je lui réponds au tact, ignorant totalement le fait que le lieu est déjà, en soi, une scène de crime depuis de nombreux mois. De nombreux bandits viennent se faire soigner ici. J’y ai développé mes aptitudes pour récolter l’argent. L’argent mène le monde, après tout.
Une mine dégoûtée prend place sur mes traits tandis qu’il m’explique les moindres moyens qu’il possède.
- C’est embêtant, que je réponds, le ton plat. Il m’ennuie profondément. Le regard coule vers la plaie, le sang, et le manque de professionnalisme de la chose. Tu es profondément dérangeant et je ne t’apprécie absolument pas. ; je lui réponds sans détour avant de pivoter sur mes talons pour aller vers l’armoire. Là, je prends le temps de nettoyer mes mains et enfile des gants avec attention. Puis, je reviens à ses côtés, manches relevées aux coudes, et le remplace pour exécuter une pression sur la plaie. Pour se faire, je l’écarte de l’homme sans douceur. Tu en mets partout. Lave tes mains. Les gants sont à droite. Sors ensuite les items nécessaires. Une seconde et je tourne les yeux vers lui. Il n’a pas bougé . ; il m’ennuie. Tu attends un s’il te plait, peut-être ? Bouge toi. Je n’aime pas perdre mon temps. Et je le perds déjà trop.