Dans la vie, je fais des insomnies / Minou

Le sommeil l’a quitté d’puis un moment ; MinHo en a rien à foutre, vraiment. C’est un truc qu’il a développé avec l’temps, rester dans les draps avec Lou. Juste s’allonger et relaxer, qu’importe si l’sommeil vient pas. Y’a quelque chose de paisible, comme ça. Y’a quelque chose de doux, vraiment, à être au travers des draps, à sentir l’bras de Lou autour d’lui et juste sa chaleur, contre son dos. Peut-être que ses nuits sont trop courtes et que ses pensées s’font sombres par moment, mais les soupirs d’Lou comme le mouvement d’son corps l’ancre de nouveau, plusieurs fois dans la nuit. C’est un bon pilier ; Lou est beaucoup de choses, solide étant l’une des plus importantes.
Une heure ? Non, peut-être un peu moins. MinHo perd le fil, comme ça, allongé au travers des couvertures. Le bras de Lou est confortable, autour de lui. Il pourrait presque croire qu’il dort, mais MinHo se connait assez bien pour savoir que son sommeil ne ressemble pas à ça. C’est assez, quand même, pour les moments où il ne s’endort pas. MinHo est persuadé d’avoir dormi au moins trois heures, cette nuit. C’est déjà ça ; il se rattrapera une autre fois.
De toute manière, il ne travaille plus, maintenant. MinHo étudie un peu, par moment ; il avance vers le projet dont ils parlent, avec Nuage. Il essaie de faire sa part des autres ; de travailler sur lui-même, aussi, en même temps.
Sur la table de chevet, il y a un livre entamé sur son diagnostic. Deux marque-pages à l’intérieur ; Lou le lit aussi, par moment. Juste un peu plus lentement.
Le bruit de la porte, délicat ; MinHo bouge à peine dans les draps, devine bien de qui il s’agit. Le poids plume de Lamar se fait sentir sur le lit, et Lou bouge, contre lui. MinHo inspire lentement ; sa chaleur disparaît contre lui, et il ouvre les yeux. Le regard tombe sur le bouquin et les lèvres se tordent, doucement, à entendre la faute que fait toujours Lamar, adorable, sur son prénom.
- Laisse le dire ce qu’il veut. C’mignon qu’il peste, la voix lourde et basse, en se tournant sur le dos. MinHo grimace à sentir ses cheveux lui tirer, mais ouvre les bras pour Lamar. Où est mon câlin du matin, chaton ?, qu’il demande. Le gamin rigole et fond déjà dans ses bras, écrasant les deux hommes au passage. Il est minuscule encore, et pourtant, MinHo est persuadé qu’il est déjà si immense. Un an à vivre avec eux. La chose lui semble impossible, quand il y pense. MinHo a encore peur de disparaître, par moment.
Lamar quitte ses bras pour aller dans ceux de son père, et MinHo tourne les yeux vers lui. Il en profite pour tendre les doigts vers Lou, caressant ses cheveux au passage.
- Bon matin, qu’il lui dit, à demi-mot. Lou semble avoir mal dormi ; MinHo est persuadé qu’il passe trop de temps à travailler sur la fondation de son frère, et qu’il devrait apprendre à ralentir un peu. Peut-être qu’il lui demandera une liste de studio à visiter, juste comme ça, pour que Lou se pose et qu’il se perde sur internet sans trop dépenser d’énergie.
Une profonde inspiration, et il s'assit dans le lit. Il faudrait penser à faire du café mais le regard reste posé sur Lou et Lamar adorables ensemble.

Un miracle pour une fois ; MinHo a l’slip encore sur le corps. Il faut malgré tout l’relevé un peu d’son cul, les mains d’Lou s’étant perdus quelque part dans la nuit. Comme quoi, le White aime particulièrement toucher la peau douce de ses fesses. Un Lou fatigué est une bête terrible face à un boxer, qu’importe ce qu’il dit une fois levé. Toujours surpris d’entendre un tel commentaire, Lou semble bien souvent ne pas s’en souvenir mais Minho sait à quel point il adore le corps à corps, une fois enfouis dans les draps. La chose est mignonne, mine de rien, mais toujours un peu moins quand les gamins sautent dans le lit le matin ou que Lamar - même Jia - fait un cauchemar au milieu de la nuit.
Une main dans les cheveux, MinHo les replace moindrement. Il observe Lamar toujours allongé sur Lou, sourit légèrement quand Lou propose au gamin d’aller préparer le café pour lui. La petite bête part à toute vitesse et MinHo hausse d’un sourcil à voir la mine de Lou.
- Quoi ?, qu’il lui souffle, faussement irrité. Déjà, Lou se redresse pour lui voler un baiser vorace ; MinHo hume contre ses lèvres, sa main glissant déjà contre les côtes malmenées de Lou que déjà, son petit-ami quitte ses lèvres et ses bras pour se redresser. tu fais chier, qu’il peste, le corps s’étirant pour lui foutre une claque au cul. Lou bouge trop vite et MinHo s’échoue de travers sur le lit, observe sa nudité un instant avant de soupirer, quand Lou est décent.
- Pense même pas à faire à manger, qu’il le met en garde, se redressant une nouvelle fois et se débattant avec les draps pour sortir du lit à son tour. Au sol, l’un de ses fameux pantalons colorés attend. MinHo l’enfile sans se prendre la tête, reste torse nu et pieds nus avant de les rejoindre à son tour. Jia semble dormir encore ; qu’elle profite. MinHo sait qu’elle va chez une amie, un peu plus tard, pour son anniversaire. Une journée mouvementée avant le retour à l’école.
Dans la cuisine, Lou et Lamar s’occupent de la cafetière. MinHo ouvre le frigo, observe ce qu’ils ont.
- Oeuf ? Crêpe ? Il reste un peu de mélange de la veille, mais pas assez pour tout le monde. Les deux ?, qu’il demande à Lamar qui, déjà, hoche vivement de la tête. Faudra un estomac plein, de toute manière, pour la trampoline.

La tête sort du frigo et MinHo hausse d’un sourcil, dévisage Lou en étant peu impressionné.
- J’pensais que c’était Lamar ici qui était assez jeune pour avoir encore des rêves impossibles, qu’il commente, au sujet de Jia qui pourrait se réveiller. MinHo se moque gentiment. Niveau sommeil, Jia ne tient pas de son père. Du moins, pas le matin. Peut-être de sa mère ; il ne saurait pas dire. MinHo ne veut pas la connaître outre que pour l’essentiel.
La tête est secouée, les oeufs et le ménage à crêpes sont pris. Il dépose les choses sur le comptoir et sort les chaudrons poêles nécessaires pour la cuisson.
- Oui s’te plait Une main chaleureuse est passée dans les cheveux de Lamar puis dans le dos de Lou, quand il passe derrière son partenaire. Si la main traine et descend contre ses fesses au passage, le gamin n’en voit rien, concentré sur le café.
Les yeux sont frottés pendant qu’il cherche un fouet pour brasser les oeufs.
- T’as des nouvelles de Lili ? Le meilleur ami de Lou est en weekend avec le sien. MinHo a eu des nouvelles de Nuage la veille, évidemment. Malgré tout, il demande si Lou en a eu aussi. C’est plus fort que lui. Nuage avait l’air ok De s’amuser, donc, dans son langage. MinHo casse un oeuf, puis deux. Il continue, sans regarder Lou. J’ai réussi le premier examen du cours Y’a que Lou qui est au courant, pour le moment. Un autre oeuf est cassé. J’pense que j’suis ok pour le dire à Nuage quand il reviendra. Pour l’projet L’affirmation est dite dans sa tête depuis quelques jours déjà. Mais MinHo le formule enfin de vive voix. Il y a une différence de le dire à quelqu’un d’autre.
Enfin, il lève les yeux et croise le regard de Lou.
- T’en penses quoi?

L’coeur est encore noir ; un noir où les étoiles se sont mises à briller, où l’silence de la nuit a pris place. C’est plus doux, plus paisible. Moins l’bordel ; MinHo s’sent moins paumé, moins égaré. Il connaît le chemin, ici. Puis contrairement aux autres fois, y’a un phare. Y’a Lou et les gamins. Y’a ses potes aussi ; y’a trop de gens pour qu’il reste écrasé au sol et qu’il ferme les yeux forts, qu’il ose se croire seul. Les gens parlent trop fort ; Lou existe trop fort. Assez pour que les murs tombent, pour que MinHo ouvre les yeux, les ferme jamais trop longtemps. Ça empêche pas les merdes d’exister. C’est pas un remède, jamais. Mais ça les rend moins solides, ça les rend moins attirantes, les merdes. MinHo, il garde la tête hors de l’eau. Pire même ; il apprend à nager. Il a des raisons de continuer ; de pas se laisser mourir, pourrir.
Les lèvres s’étirent et MinHo s’empare du café offert par le gamin. Il sait pas y résister, à Lamar. MinHo a jamais imaginé sa vie avec des gamins. En faire lui-même, il sait pas s’il aurait fait des humains corrects. Jia et Lamar, c’est un peu du bonbon. Des putains d’enfants parfaits. Il s’sent con parfois mais ça l’fout en larmes juste penser à la chance qu’il a d’les avoir dans sa vie. D’pouvoir être l’ombre d’un parent ou un truc du genre pour eux, juste un peu.
Il pensait pas que c’était un truc pour lui.
Il pensait pas mériter ça.
Ni même mériter Lou, en fait.
C’est de la connerie, tout ça.
La réponse de Lou l’fait soupirer de soulagement. MinHo hoche d’la tête et, après une gorgée de son café, dépose sa tasse et tourne la crêpe.
- J’sais ouais. C’juste l’mode d’emploi avec Nuage qui est aussi compliqué qu’le mien, qu’il dit, autant sérieux que sarcastique. Disons que faut d’la patience pour les gérer ; et de l’amour aussi. Hm - ouais, merci Il marmonne, un peu gêné par les félicitations de Lou. MinHo se gratte le côté du mollet avec son pied. Hm - ouais. j’veux juste pas chier son idée. j’veux bien faire, quoi C’est un défi et une angoisse mais MinHo est décidé à avancer, pas reculer. On verra - j’vais p’être attendre un autre exam pour être sur. j’veux pas crier victoire trop vite C’est lâche ou c’est intelligent, au choix. Peu importe. MinHo retire la pancake du feu et en commence une autre.
- nuage a l’épaule en compote - t’pourras aider Li-seok pour les rénos j’imagine, qu’il lâche, comme ça. MinHo tourne son regard vers son partenaire. Hausse des épaules. ’fin si tu veux hein, qu’il marmonne. c’pas comme si on allait payer un truc hyper cher - forcément on va devoir rénover peu importe le lieu quoi. c’juste une idée comme ça Une porte ouverte.

MinHo avance. MinHo avance plus vite qu’avant. Ça veut pas dire qu’il ralentit pas ; il se fout des bâtons dans les roues lui-même. Ralentit pour pas se casser la gueule ; il a peur, si peur, de se casser la gueule. La dernière fois qu’les choses étaient trop belles, Tommi a pointé l’bout de son nez. Ça a foutu un sacré coup ; assez fort pour qu’il s’en rappelle. MinHo, il a pas envie de merder. Sa vie est belle. Il est heureux, la plupart du temps. Plus heureux que triste, en tout cas. Il a des foutues raisons d’se lever le matin et d’exister encore. Et ça lui fout la trouille, quand même.
MinHo, il a peur d’avancer avec trop d’confiance. Le premier exam s’est bien passé mais le suivant, lui ? Et le prochain module ? P’être qu’il va rien capté. P’être qu’il va être à chier, aussi. Il sait pas. P’être qu’il va être frappé par une autre connerie dépressive et pas savoir comment se laver ou quitter son lit, encore. Foutre la merde à la maison et faire chier Lou avec son travail, encore.
Y’a trop de possibilités.
Trop de voix, dans sa tête, aussi. Des voix qui le font se remettre en question.
Et y’a celle de Lou, plus forte. Lou, il étouffe souvent le reste, par sa présence et sa logique aussi droite qu’une bite idéale.
L’regard fixé sur sa crêpe, MinHo fronce des sourcils. Il mord sa lèvre, un peu, avant d’répondre.
- Hmm – mouais, t’as p’être raison. Il prend une pause et inspire profondément. ’kay, j’lui enverrais un message
Un message, ça se gère bien. Minho peut faire ça.
Un rire le prend à la remarque de Lou, ensuite.
- Justement. Y’a personne d’aussi indépendant qu’Nuage, qu’il dit. MinHo tourne l’regard vers Lou, un sourcil haussé. Et il s’est foutu en couple avec Lili. Ça veut pas mal tout dire, j’pense Disons que MinHo comprend. Il comprend qu’parfois, faut quelqu’un qui veuille faire plus, qui propose, qui s’impose. P’être bien qu’il refuse beaucoup de choses que Lou lui offre, mais il en accepte aussi. Et ça, c’est énorme. MinHo sait que Nuage est similaire, aussi. J’ai pas trop d’doutes d’ce côté là franchement Sur d’autres trucs, oui. Mais ça ? Eh, MinHo peut lire l’avenir. Lamar, tu veux un coulis d’framboise dans ta crêpe ? qu’il propose au gamin. La réponse est immédiatement positive, et MinHo lui demande d’aller chercher le sirop fait maison dans l’frigo. Tu veux un truc spé, aein ?, qu’il demande à Lou, au passage.