i wonder (néné#6)

René a fait faux bond à Chad ; parti trop tôt, trop d’anxiété dans les tripes, trop d’angoisses dans les veines. Il doit rentrer à la maison ; est-ce que c’est vraiment la maison ? René se trouve ridicule ; si peu de semaines chez Nessie et pourtant, la pensée se fait aisément et il voit la demeure de son petit-ami comme la sienne. Certes, il y a toujours un petit inconfort, un doute trop souvent présent à savoir s’il peut toucher à ceci ou cela ; c’est une piqûre de rappel. Un rappel qu’il n’est pas chez lui. La pensée le frappe à chaque fois quand le bonheur est trop immense ; un mal qui frappe quand il ne s’y attend pas. René n’aime pas ça. René n’aime pas que ses angoisses et ses insécurités le percutent de la sorte.
Il aimerait juste profiter ; juste profiter.
René se dit qu’il a tout gâché ; avec son aveu, avec le fait qu’il ait assumé qu’il devrait déménager. Avec le fait que son angoisse parle pour lui-même et étouffe les désirs de son coeur, trop souvent.
René a peur que ses insécurités lui volent ce qu’il aime le plus.
Que ses parents lui volent Nessie, à cause de tout ce qu’ils ont laissé comme marques, en lui.
Deux heures plus tôt, après avoir haussé le ton sur Chad, René a fondu en larmes ; tout expliqué entre mots et sanglots ; Chad l’a rassuré. Chad ne connaît pas Nessie, mais Chad connaît le coeur de René et y fait confiance. Par défaut, Chad ne doute pas de Nessie. Les larmes ont cessé ; le coeur s’est un peu calmé.
Maintenant que René pousse la porte de la maison, le coeur est un peu trop serré. Il angoisse. D’un geste discret, il porte sa main à ses lèvres et mord son ongle. Le doigt dans la bouche, il parle :
- Ness ? Je suis là La lumière est allumée. René se demande s’il est dans la chambre, la salle de bain ou le bureau. Il teste les deux derniers avant d’aller dans la chambre ; Nessie s’y trouve. hey , qu’il souffle ; le coeur se gonfle et se serre à la vue de Nessie. Le sentiment est étrange. C’est doux et ça fait mal, en même temps. René n’est pas certain d’apprécier. Il l’aime. Il a peur.  tu peux refuser mais hm - tu veux bien me prendre dans tes bras ? Je pense que ça me ferait vraiment du bien. René a mille mots à la bouche et aucun au bord des lèvres ; lorsqu’il les ouvre, il les ferme après quelques secondes. Il les ferme et les pince ; retient ce qui demande à déborder.

Nessie a la mine triste ; ses oreilles sont pressées contre sa tête, sa queue bien basse derrière lui. Mine de rien, la vue rassure un peu René ; il n’a pas l’air agité, il n’a pas l’air en colère. Plus triste qu’autre chose ; peut-être qu’il est redescendu depuis toute à l’heure.
Difficile de se retenir lorsque Nessie s’approche ; René fait lui-même un pas en avant, réceptionne le chanteur contre lui et glisse l’une de ses mains dans sa crinière. Ses doigts perdent au travers de ses cheveux et René le presse contre lui, résistant moindrement avant de déposer un baiser près de l’une des oreilles altérées de Nessie.
Le pardon prononcé lui fait fermer les yeux et inspirer. René a le coeur au bord des lèvres mais il est plus plein que vide, cette fois-ci.
Il se sent un peu mieux.
- Moi aussi ma puce- j’aurais pu dire les choses autrement Tout ce qui a été dit, René désirait le dire. Depuis des semaines. Parler du déménagement était une fatalité sur laquelle il fermait les yeux mais qu’il craignait. René ne désire pas la chose, mais s’avoue vaincu. Ses rêves ne sont pas faits pour se réaliser. Il espère souvent en silence et ne prononce pas ses souhaits de vive voix.
- tu veux qu’on parle de tout ça maintenant ?, qu’il demande, décollant par la suite son visage de sa chevelure pour observer Nessie. Il est encore pressé contre son torse. René le serre un peu plus contre lui, laisse sa seconde main dessiner des arabesques dans le dos du chanteur. On a beaucoup de choses à se dire je crois, hm ?

Loin des yeux, loin du coeur. C’est un peu vrai ; loin de Nessie, René se perd dans ses angoisses et spirale malgré lui ; ses pensées sont ses pires ennemies, comme ses angoisses. Il n’arrive pas à y échapper. Pourtant, tout se volatilise facilement dès qu’il est en préférence de celui qu’il voit comme son petit ami. Tout est facile avec Nessie ; naturel. Il n’a pas besoin de se questionner ou de réfléchir à ses paroles ou ses mouvements avant d’agir. Tout vient de lui-même, d’une pureté qui le surprend souvent après coup. Avec lui, il se découvre un peu plus chaque jour. Il est à l’aise ; loin de porter un masque, loin d’étouffer certains mots. Même dans la solitude autrefois, René se mentait à lui-même. Maintenant, il se découvre un peu plus, se surprend à aimer la personne qu’il est et l’accepter entièrement.
Il ne connaît pas René Joly. Il connaît le fils de ses parents, leur grande fierté et leur grande déception. Mais juste René ? Juste René a toujours été un outil pour les autres. Jamais une personne entière.
Depuis près d’un an, il se découvre et se crée, prend forme et se solidifie. René tombe amoureux; non seulement de Nessie un peu plus chaque jour, mais de la personne qu’il est lui-même. Il apprend à s’aimer. C’est une chose qui fait presque aussi pire qu’aimer le chanteur.
Le corps de Nessie quitte le sien et René prend sur lui pour ne pas le suivre. Il observe les oreilles couchées, la manière dont il presse ses mains. Même la voix de Nessie est minuscule ; une chose qui ne lui ressemble pas vraiment.
- J’ai tout mon temps chou, tu peux organiser tes pensées aussi longtemps que tu veux René ne compte pas partir. Il a peur certes, mais Nessie vaut la peine de confronter à cette peur. C’est la première fois qu’il aime quelqu’un de la sorte.
Il est traversé par une grande inspiration quand Nessie lui offre des paroles qui reflètent ses propres pensées. S’il espérait les entendre, c’est différent lorsque la chose se réalise réellement. René est ébranlé ; il ne pense pas le mériter. Le coeur est fragile et chambranlant.
- Ma puce... , qu’il commence, et recommence en anglais ; Sweetie qu’il souffle, avant de lui offrir un petit sourire et s’approcher d’un pas, de prendre ses mains dans les siennes. Il ne les serre pas; caresse ses doigts avec délicatesse plus qu’autre chose ; joue avec. T’es jamais trop pour moi. T’es - c’est jamais assez. Un rire, léger. René lève les yeux de gêne, et organise ses pensées.  Il faut que je te dise quelque chose. Je pensais - J’avais honte de te le dire - de le partager. Un raclement de gorgement, et il continue. Ce qu’on a, j’ai jamais eu tout ça. J’ai jamais - ce que je ressens pour toi, je l’ai jamais ressenti pour quelqu’un d’autre. J’ai jamais été avec quelqu’un. Y’a beaucoup de choses - Nessie, t’es ma première fois à propos de beaucoup, beaucoup de choses. En amour  - en relation - vivre ensemble. Et encore, c’est juste quelques petites choses, ça. Tu représentes beaucoup. Tu m’offres beaucoup. Et ça fait très peur souvent. J’ai peur que ça s’arrête, tu comprends ? Souvent, j’ai le sentiment de pas mériter tout ça. Parce qu’on m’a souvent  - Il s’arrête, pince ses lèvres. J’ai longtemps eu l’impression que j’étais pas fait pour mériter tout ça. Que j’étais cassé quand il était question d’amour, peu importe la forme. Et tu m’offres tellement de choses ; tu me fais ressentir tellement de choses que je me tais et je parle pas de ces choses là parce que j’ai peur, je veux pas que ça s’arrête, je veux en profiter le plus longtemps possible mais -    Un rire, léger. Il serre ses doigts. Mais pour en profiter le plus longtemps possible, faut en parler et affronter mes peurs et tu en vaux la peine, et je suis désolé de pas l’avoir fait plus tôt et de t’avoir balancer tout ça brusquement.

Le coeur de René est plein ; de sentiments, de doutes, d’angoisses et aussi, d’amour. Il peut l’entendre battre très fort entre ses oreilles. Il peut le sentir dans ses doigts, aussi. Est-ce que Nessie le sent, tandis qu’il tient les siens, de doigts ? Peut-être pas. René a bien conscience de chaque parcelle de son corps. Il se sent trembler alors que les mots déboulent de ses lèvres et il parle ; qu’il dit tout.
Il y a beaucoup de choses à dire. Il préfère tout dire en même temps avant de se prendre les pieds, de se taire et de changer d’idée.
René veut faire bien les choses. Il veut que leur relation fonctionne.
Il n’a jamais aimé quelqu’un de la manière dont il aime Nessie.
Et peut-être, aussi, qu'au-delà de ses yeux fermés, il ne s’est jamais senti aimé d’une telle manière aussi. Qu’importe sa connerie ; René le sent, son amour. C’est la peur qui étouffe tout.
Les lèvres se tordent et René rit un peu, pouffe vraiment, quand Nessie parle du fait qu’il possède beaucoup d’amis. Ce n’est pas vraiment comme ça. René a encore l’impression de marcher sur des oeufs ou d’avoir beaucoup de choses à prouver avec la plupart d’entre elleux. Personne ne le connaît entièrement outre Chad.
Et Nessie maintenant, aussi.
Nessie est si proche de tout connaître de lui.
- C’est pas con ma puce, qu’il lui dit. C’est juste humain j’imagine, je sais pas. René hausse des épaules. C’est la vie ; on a peur ou non. René aussi, il avait peur. Il a encore peur.
Le coeur se serre à le voir se frotter les yeux. René ramène un pouce à sa joue et nettoie la caresse doucement, veut l’embrasser. Il finit par se pencher pour être plus ou moins à sa hauteur. Nessie le coupe dans son élan avec sa question.
Face à face, René cligne des yeux lentement, un délicat flot de larmes dans les yeux.
- Tu veux vraiment ?, qu’il demande, voix basse. Certes, Nessie en a parlé un peu plus tôt, mais René s’était brièvement dit que c’était peut-être juste l’émotion. Les lèvres se tordent et forment un sourire tremblant. René passe sa langue contre ses lèvres, glisse une main dans ses mèches folles pour les dégager de son visage. Je suis bien avec toi Vivre avec Nessie dans les dernières semaines s’est fait naturellement. René a été choyé à l’idée de le voir chaque jour, juste un peu, même pour rien faire. Tu me manques quand on se voit pas pendant quelques jours, c’est ridicule, qu’il confesse, dans un rire. René finit par se pencher et l’embrasser. Une chose légère et douce, du bout des lèvres. Puis, il redresse la tête et l'entraîne vers le lit, pour s’asseoir. Mais - Le mot le fait grimacer. René aimerait juste accepter et ne pas faire de vagues. Il préfère être honnête dès le départ. J’aime beaucoup ta maison. Vraiment beaucoup. Mais c’est ta maison, tu comprends ? , qu’il trouve à formuler, regardant Nessie, espérant qu’il comprenne.

Le bonheur est une douce chose, une promesse qui se réalise sous ses yeux et René déteste la manière dont son ventre se tord encore. La façon dont ses pensées essaient de rester sombres pour le mettre en garde, lui dire de faire attention. L’amour de Nessie est peut-être sien, mais il peut le perdre. Le chanteur lui donne plus qu’il ne l’aurait espéré mais René a quand même cette crainte de demander ; de trop demander. De dépasser la ligne, celle qu’il ne voit pas, celle qui existe uniquement dans sa tête peut-être.
Cette ligne qui le rendra impossible à aimer, qui fera cesser les sentiments, qui fera changer d’avis Nessie. Il devrait être heureux d’avoir son amour, de se faire pardonner. Il ne devrait pas demander plus que ce qu’il possède déjà.
La gourmandise est une mauvaise chose. Sa mère lui dit depuis des années. Et elle ne parle pas seulement de la nourriture.
Mais Nessie a le regard tendre, les doigts tremblants. Nessie le regard d’une manière si particulière que Nessie ose croire qu’il peut demander, expliquer et surtout, être compris et être aimé.
Il y a une surprise fragile qui plane dans son regard quand Nessie parle déjà de vendre.
- Vraiment ?, qu’il souffle, les épaules affaissées, ayant du mal à comprendre la manière dont Nessie accepte si facilement une telle chose. La tête est secouée à la mention de Chad. C’est pas vraiment un ami. C’est plus compliqué que ça. Chad est ma famille., qu’il explique, à mi mot, et Nessie continue de parler de la maison. René hoche la tête. J’aime beaucoup l’idée de .. chercher et acheter une maison avec toi. Un truc à nous. Pas qu’à toi ou à moi. Ça me - Il y a une pause suivie d’une profonde inspiration. J’ai jamais eu ça. Je le veux avec toi qu’il confesse, serrant ses doigts.
Une pause tandis qu’il observe Nessie. René a l’impression que son coeur est si lourd qu’il pourrait tomber. Il a du mal à le croire ; le vertige est présent.
- On pourra commencer à regarder après le voyage ? J’aurais du temps, qu’il dit, jouant avec les doigts de son amoureux. René les serre au creux des siens. Je suis désolé pour Chad. Il est déjà venu ici, j’ai pas pensé à ça. C’est que - C’est la première personne qui m’a donné l’impression que je pouvais être moi. Qui m'a vraiment vu. Je pourrais lui confier ma vie tellement je lui fais confiance.

Parler de Chad est difficile ; il y a des sujets qui ne peuvent pas être mentionnés, un avis de recherche sur l’homme qu’il voit comme un père, un frère. Pourtant, René aimerait partager plein de choses à son sujet ; surtout à Nessie. Il aimerait lui présenter des gens qu’il aime aussi, aimerait créer une famille mais aussi, René n’est pas certain de mériter une telle chose. Avoir droit à leur attention et leur affection, individuellement, est encore une chose de si délicate, de si fragile. Certains soirs, René peine à s’endormir car son esprit s’égare et les craintes se forment.
Et s’ils ne sont plus là le lendemain ?
Et si tout finit demain ?
Une peur idiote, un murmure dans sa tête, et René code quelques heures, commande de la nourriture pour se changer les idées.
Il appelle Nessie parfois ; le rejoint dans le lit depuis quelques semaines.
S’ils emménagent ensemble, il pourra le faire à chaque fois.
- Mais non Ness - Enfin, seulement si t’en veux un, hm ? qu’il dit, caressant sa paume du pouce. Si Nessie veut un bureau, il peut en avoir un. Même si, d’un côté, René aime quand ils travaillent dans la même pièce.
Les lèvres se tordent au manque partagé, à ce que Nessie n’a jamais eu lui-aussi.
- Et tu veux vraiment l’avoir avec moi ? Vraiment ? Il y a quelque chose de doux dans sa voix, de délicat. René pince ses lèvres, hésite et surtout, retient l’émoi qui veut déborder de ses iris. Il se sent aussi bête qu’heureux. Désolé encore , qu’il dit, pour plus tôt. René n’aime pas être responsable d’une telle chose ; avoir mis Nessie dans un tel état.
Souffle léger ; après le voyage.
Ils pourront chercher ensemble, vivre ensemble, bientôt.
Pour de vrai.
- Okay. D’accord. Il inspire un coup, renifle légèrement et ramène une jambe sous lui, pivote vers Nessie pour lui faire face, sur le lit. Je t’aime tu sais, qu’il souffle, prononcé pour la première fois de vive-voix. René l’observe à nu, sans barrière. Tu veux manger ? Je peux nous commander quelque chose … et après on pourra- je sais pas. Faire ce que tu veux, vraiment. Je veux juste être avec toi ce soir, le reste je m’en fous.