Le monde à l'endroit

Les rues sont sombres dans l’Underapple. Cela ne l’empêche pas de voir la ville parsemée de couleurs. De couleurs sombres, c’est vrai - bien que, en fonction de la dose prise, certaines de ces couleurs explosent dans ses pupilles. Ce jour, les rues sont parsemées de couleurs plus ou moins intenses que son esprit abîmé s’invente pour la rendre plus légère et moins troublée par le brouhaha des gens qu’elle croise au gré de ses divagations. Elle a un panier accroché au bras, une tenue légère et lumineuse qui dénote un peu. Elle s’en va chercher des fruits et des légumes, ne sachant pas vraiment si ce serait bien ça qu’elle ramènerait chez elle.

Pour l’heure, tâte de sa main libre le flacon de vicodine dans sa poche avant de s’arrêter. Ça lui manque, elle en a besoin. Elle s’arrête donc, sort ce flacon qui lui est prescrit - malgré les abus connus. Un cachet tombe dans sa main, puis un deuxième. Dans son panier, une bouteille d’eau qui accompagne ses petites douceurs. Elle en a besoin, elle le sait parce que le brouillard de voix revient peu à peu. Le geste est naturelle, alors qu’elle prend ses cachets et renverse sa tête en arrière pour les avaler.

Quand elle baisse la tête et que son regard se fixe, elle sourit : « Bonjour » Impossible pour elle de dire si elle a déjà vu cet homme avant ou non, mais il a un visage qui lui inspire quelque chose. Douceur, curiosité, candeur ? Elle verrait bien. Sous médicaments depuis tôt ce matin - ou depuis des jours - elle doit se concentrer pour écouter ses pensées. Pas d’animosité. L’avait-il entendu fredonner sur le chemin ? « J’aime beaucoup votre veste. » Dit-elle, en penchant la tête légèrement de côté alors qu’elle s’imagine des couleurs plus vives qu’elles ne le sont sans doute. « Elle vous va bien. » Confirme-t-elle, ensuite, lui laissant la parole.

Et soudainement, son panier se remplit de jolies fleurs. Certes, quelques-unes semblent abîmées par le temps qu’iel a passé à la chercher mais… Endora s’extasie. « Oh… » Et l’expression est sincère. D’ailleurs, les pétales colorées lui rappellent où elle l’a rencontré. Elle relève les yeux, alors qu’iel s’assied à son côté, visiblement satisfait.e de son petit effet. « Non, elles sont magnifiques… Même celle-ci ! » Dit-elle, alors qu’elle saisit un coquelicot un peu froissé.

Elle regarde la fleur un petit instant avant de la tendre à son nouvel.le ami.e. « Regarde… Son pétale est un peu froissé, là, mais la couleur est si belle, si vive ! J’aime les coquelicots. Tu as bien choisi. » Dit-elle, fascinée elle aussi et partageant la candeur de la personne dont elle ne connaît pas encore le nom, à vrai dire. « C’est vrai qu’il en pousse plus là-haut qu’ici. Mais j’ai envie de croire que c’est possible à trouver… Non ? Mais en attendant, celles-ci sont parfaites. » Affirme-t-elle, heureuse - et puis tout doucement soulagée des voix qui tentaient de faire écho dans sa tête.

Et puis finalement, elle se tourne vers son ami.e : « J’aimerais te remercier. Mais je ne connais pas ton prénom… Comment tu t’appelles ? » Demande-t-elle, avec un léger froncement de sourcils, désignant ainsi sa petite confusion et son léger malaise. En réalité, ni l’un ni l’autre ne s’y était intéressé à leur première rencontre - il faut dire qu’elle fut brève alors, devait-elle vraiment être embarrassée ? « Moi, je m’appelle Endora. » Ils avaient l’air si doux tous les deux, assis sur ce banc.