J'ai tellement de cernes, on dirait Fétide de la famille Addams / Jini#3

14/05/2023

Ji-Ho aimait bien la ferme, même si elle ne trouvait pas autant le temps qu'elle l'espérait d'y passer. Entre les soirs où elle travaillait, ceux où elle faisait un peu trop la fête avec un groupe d'ami.es peu proches qu'elle s'était fait, et quelques soirées passées avec les gens de sa colocation (elle se serait fait tuer plutôt que de l'admettre mais son coloc préféré c'était le grand japonais dont elle avait hérité de la garde oui LA GARDE des cheveux), elle était occupée.

Ji-Ho avait tendance à remplir son existence pour ne surtout pas trop réfléchir ou avoir l'impression de se faire chier. Elle avait passé trop de temps, plus jeune et malade, dans un lit d'hôpital à être trop faible pour bouger et à se faire chier.
Une fois rétablie, tous les tests passés et les doc (presque, seulement presque mais elle pouvait se le laisser croire) abandonnés elle s'était jurée de plus jamais s'emmerder à ce point-là.

Alors depuis, Ji-Ho galopait. Se reposer, c'était bon pour Dak-Ho. Le problème c'est qu'avec tout ce qu'elle faisait, Ji-Ho avait un peu de mal à classer les événements par ordre d'importance et faisait juste tout ; ce qui n'était pas une bonne idée du tout ! … Elle avait réussi à se dégager ce dimanche matin-là, un jour clair avec un fond d'air sec et trop froid, pour aller visiter Suni à la ferme, dire bonjour aux canards, comme elle disait.
Ji-Ho, jamais vraiment prête à accorder du crédit à quoi que ce soit, pensait bien que les canards ne se rappelaient absolument pas d'elle à chaque fois qu'ils la voyaient. Ça devait être une perpétuelle redécouverte. Mais bon, Suni avait l'air si contente...

« Il paraît qu'il y a des gens installés dans les grandes baraques que j'ai pas le droit de voir ? »

Elle porta sa tasse de café à ses lèvres, croisa l'une de ses interminables jambes sur l'autre, ce jour-là vêtue d'un slim noir qui n'allait qu'à des gens faisant presque 1m80. Elle cherchait son paquet de cigarettes dans un sac à main embarqué en vitesse en partant de chez elle et qui selon ses souvenirs ne lui appartenait absolument pas – elle pensait bien que c'était à René à la base.
Elle avait dû lui embarquer en soirée, elle vérifierait plus tard si y avait pas ses papiers d'identité dedans (mais elle ne pensait pas. Il faisait très bien semblant d'être con et ne l'était pas du tout, ce qui en faisait quelqu'un de redoutable).
Lunettes de soleil perchées sur son nez, d'un grand format qui faisait paraître son visage encore plus petit qu'il n'était, elle les accrocha pour les remonter d'un geste négligent et dégager ses mèches de cheveux de devant ses yeux.

« Tu sais qui c'est ? » demanda-t-elle à Suni, le regard brillant, curieuse.

29/04/2023

Il a un petit oiseau en cage dans la poitrine de Suni; il s'affole et bat follement des ailes depuis un moment maintenant. Il demande à sortir avec toute la force qu'il possède et partout, il hurle aussi fort que ses petits poumons veulent bien lui permettre. Suni, elle est aussi agitée que lui, malgré la douceur qu'elle possède sur ses traits. Il suffit de voir les silences qu'elle aborde par moment, la manière dont son regard tombe dans le vide, fixant quelque chose qui n'existe tout simplement pas.
Si elle était dans un conte de fées, la mélodie de l'oiseau serait très douce en la présence de Ji-Ho. Ce n'est pas le cas. La réalité, elle est cruelle. Elle est lourde et elle porte un seul visage, le vrai, et c'est les autres qui se bernent. Suni, parfois, souvent, elle n'a plus la force de se borner. Les doutes sont lourds et les pensées aussi, et elle est agitée pour si peu. Pourtant, elle est heureuse. Heureuse de voir Ji-Ho même si les événements ne sont pas ceux qu'elle voudrait. Même si elle est encore honteuse de ses messages envoyés cette fois-là, après avoir vu quelques verres. Elle se demande si Ji-ho se souvient, si elle a l'habitude d'en recevoir. La promesse de se voir est tombée à l'eau, l'horaire de Ji-ho trop chargé. Et Suni a secoué la tête, dit que ce n'était pas bien grave, que ce n'était pas un problème alors que, au fond, elle avait ce petit poids au coeur, au ventre.
Il y a si longtemps, après tout, qu'elle n'a pas été intéressé par quelqu'un.
Peut-être, au final, qu'elle n'est pas faite pour l'amour. Peut-être que l'amour n'est pas fait pour elle.
Un sursaut la prend et les yeux papillonnent quand la voix de Ji-Ho s'élève. Suni rougit légèrement, le petit oiseau affolé dans sa cage.
- Quoi ? Oh je - qui t'a dit ça ? c'est - Confidentiel. Personne ne doit savoir, non. La sécurité de Marcus est importante. Suni a été mis dans la confidence car elle s'occupe de la ferme et des lieux, de faire les repas parfois et aussi, de nettoyer. Certainement pas car elle a été sage. Elle ne sait même plus ce que le mot veut dire. Ji-Ho - , qu'elle commence, serrant les pans de sa robe. Il commence à faire froid, sur le bord de l'étang. Le café de Suni est devenu froid, lui aussi. Elle a froid, si fort, à l'intérieur.
Un souffle léger quitte ses lèvres et elle secoue la tête, avant de lever un regard dur vers Ji-Ho.
- Je sais que ça t'amuse mais moi, ça ne m'amuse pas. C'est très - c'est ma vie, Ji-Ho. C'est ma vie, tu comprends ? Je ne peux pas - je ne peux pas. Ce n'est pas un jeu, d'accord ? Ma vie n'est pas - ce n'est pas un jeu. La force sa voix la quitte au fil des mots. Les explications sont presque lamentées à la fin. Suni pince ses lèvres et soupire, de nouveau. Quelques secondes de silence, et elle offre un sourire ne ressemble à rien. Je suis désolée. Je sais pas ce qui me prend. qu'elle dit, ment.

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the broken

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14/05/2023

En fait personne ne lui avait rien dit, le secret était bien gardé – il se trouvait que Ji en conduisant vers la ferme de Suni avait croisé deux autres voitures, ce qui n'arrivait d'habitude jamais. Et pas des jeeps comme la sienne, non non, d'élégantes bagnoles de riches toutes sombres. Elle en avait fait des déductions.
Si Ji-Ho n'était pas très douée niveau relations sociales, embarrassée parfois de son caractère brusque qui semblait surprendre tout le monde sauf son petit frère (son adorable petit frère), elle était par contre extrêmement rapide niveau déductions.
Elle fronça des sourcils à la réaction de Suni, à fleur de peau. Elle était toujours stressée quand il était fait mention de ce complexe (comme Dak-Ho) mais jamais … à ce point-là ? Ou aussi personnellement ? Ji-Ho ne savait pas comment le qualifier. Elle se redressa :

« Hey – j'ai pas dit que c'était une blague, je suis vraiment curieuse. Je sais aussi que je devrais pas, mais qui peut maîtriser sa curiosité ? Tu es sûre que tout va bien ? »

Dans sa famille, la méfiance envers les mutants régnait tant et si bien que Dak-Ho avait réussi à persuader son copain de se sevrer du red (bon le fait que la mutation de Moon soit foutrement encombrante l'avait bien aidé), mais la différence des parents & Dak avec elle, c'était que le premier sentiment de Ji-Ho n'était pas la peur.
Des fois il lui semblait avoir épuisé toutes ses réserves de peur quand elle était hospitalisée, plus jeune.
Maintenant, son instinct de conservation s'exprimait bien différemment.

« Il y a un problème, avec cette baraque ? »

29/04/2023

Elle ne sait pas, Suni. Elle ne sait plus. C'est son état depuis des jours, des semaines, des mois. Les certitudes se brisent et se fracassent. Les morceaux sont trop petits pour se recoller. Pourtant, elle essaie si fort. Elle essaie et ses mains se remplissent de plaies sous les efforts, mais elle ne parvient pas à grand chose. De ses certitudes, il ne reste que des choses un peu étranges et déconstruites qui ne ressemblent plus à rien. Même Ji-Ho était une certitude, pendant l'été. Un amour qui était doux et excitant. Maintenant ? Maintenant, le sentiment est toujours là. Il la dévore de l'intérieur, mais la sensation n'est plus si agréable. Ça donne le vertige et Suni, elle chancelle un peu trop. Elle perd pied et elle ne sait pas, non, la petite abeille, si elle pourra se redresser, se relever.
Les mains enroulées autour de sa tasse, elle s'affaisse. Elle se perd au travers de sa crinière trop longue. Certains soirs, elle a envie de les couper brusquement, de les raser. Puis, elle rit. Elle rit, une main devant le visage, devant la bouche, parce qu'elle ne s'appelle pas Mulan, parce qu'elle n'est pas la propre héroine de son histoire. Elle le sait, pourtant.
- Je l'aime pas, Ji-Ho, ta curiosité. Elle est - Les lèvres se pincent et la tête est secouée. Suni ne pousse pas l'idée. Ji-Ho vient d'un autre monde, après tout. Ji-Ho ne sait rien d'Icarus et du bracelet à son poignet. Des pensées qui se bousculent dans sa tête et des démons qui grandissent dans son ventre, dans son coeur. Elle se noircie, Suni. Elle perd de son soleil.
Sans les abeilles, tout se meurt.
- On peut arrêté d'en parler, s'il te plait ? Elle ne veut pas lui offrir de réponses, elle ne veut pas lui expliquer quoique ce soit. La vérité est que Suni ne sait pas quoi répondre. La vérité est que Suni a peur de ses propres mots, de sa propre vérité. Les paroles sont pourtant là, sur le bout de sa langue. Un poison, un venin.
Un pale sourire est offert, et Suni change de sujet.
- Ils sont jolis, tes cheveux. Tu les as changé ? Elle ne voit aucune différente. Mais le sujet, au moins, est sécure.

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14/05/2023

Elle sut qu'elle avait tapé juste, il y avait un problème, avec cette baraque – un souci dont Suni n'était pas prête à parler, accusant sa curiosité (à Ji) plutôt que son absence d'envie de donner des réponses, à elle.
Ji-Ho ne répondit rien, préféra s'intéresser à son briquet pour enfin allumer sa cigarette en la protégeant du vent. Elle était au courant qu'en tant que personne très exposée aux risques de récidive (on lui avait fait plusieurs fois le laïus), elle n'était pas censée fumer.
Ji-Ho n'avait aucune envie ni projet de faire gaffe, dans la vie. Elle n'allait certainement pas se restreindre après avoir spectaculairement gagné sa vie en duel avec le cancer.

« Comme tu veux », concéda-t-elle, avec un ton de voix morne qui illustrait bien sa déception. Elle n'aimait pas éviter les sujets qui fâchaient (enfin c'était ce qu'elle croyait – parce qu'elle était forte, pour éviter les sujets qui fâchaient elle-même).

« Non pas depuis des mois, je refais la même coupe toutes les semaines. Par contre si t'es intéressée, j'peux te teindre les cheveux en bleu Klein, j'ai fait une grosse commande de colos et il m'en reste pas mal. »

Si jamais elle avait envie de retrouver un peu d'éclat, pensa-t-elle sans l'exprimer, ne voulant pas se montrer méchante mais l'étant quand même, plus discrètement.

29/04/2023

Fourmis dans les pieds, les mains. Papillons dans le ventre.
Et aucun abeille, dans les environs.
Suni est prisonnière de son corps, prisonnière dans une cage très grande qui pourtant, se referme lentement. Elle en voit les mouvements, enfin. Elle en voit les changements mais se ferme les yeux, très fort, si fort, pour ne pas y croire. C'est doux, de se mentir. De rester dans une prison de verre et de se berner avec ce qui a été pendant si longtemps sa réalité.
Les choses bougent trop pourtant, depuis quelques mois. Suni voit les changements, apercoit des choses qui ont toujours été là et qui brusquement possédent de nouveaux visages. Elle ne sait pas si elle apprécie la chose. Elle ne sait pas si elle veut continuer sur ce chemin là.
Mais elle ne bouge pas. Elle ne bouge pas, elle ferme les yeux et se raconte des histoires.
Ji-Ho n'en veut pas de ses histoires ; Ji-Ho pince ses lèvres et a le ton plat, le ton dérangé par la décision. Mais le coeur de Suni palpite si fort, ses mains sont moites et elle a l'impression qu'elle pourrait pleurer ou hurler, elle ne sait pas vraiment. Elle ne sait plus grand chose, depuis quelque temps.
Sur ses lèvres, un sourire qui ne ressemble à rien prend forme quand Ji-Ho, elle parle de cheveux. Un sujet simple, loin des vérités, loin des fatalités.
Petite pause ; Suni papillonne des yeux et porte ses mains devant elle ; elle fait un signe négatif.
- Oh je - je ne pense pas que hm - Le bleu ne me va pas très bien, tu sais. Doux mensonge alors qu'elle porte la couleur sur elle, actuellement. Une rougeur se porte sur ses joues et elle baisse les yeux, gênée. Suni tord ses lèvres, et reste silencieuse quelque instant. Ce n'est pas quelque chose pour moi les cheveux colorés, je crois - Je préfère les garder noir. On lui a dit, toujours. Elle est si jolie avec sa chevelure de jais. Noires et longs, toujours. Suni ne se souvient pas quand ils ont été courts pour la dernière fois.
D'un geste délicat, elle porte ses doigts à une mèche qu'elle observe, puis tourne son regard vers Ji-Ho.
- Tu - il y a un problème avec mes cheveux ?
Oh ; c'est qu'elle fait si ordinaire.
Peut-être est-ce pour cela que Ji-ho ne l'aime pas.
Légèrement, elle pince ses lèvres.

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14/05/2023

Ji-Ho contint un soupir frustré alors que sa proposition suivante se prenait un autre refus – c'était évidemment à prévoir, elle disait des trucs vraiment trop hors de propos pour la fille raisonnable qu'était Suni.
A la place de soupirer, elle eut un sourire :

« Je trouve qu'au contraire, le bleu ça te va bien. Mais un gros changement capillaire c'est compliqué à assumer, alors je comprends », c'était fou se disait-elle, ces gens tellement façonnés sur l'image qu'ils étaient censés donner d'eux-mêmes qu'ils ne parvenaient plus à en sortir même dans leur propre tête.
Le charmant petit chanteur (Chalom, un truc du genre) du podcast lui avait fait quasiment le même effet. Ji tira sur sa cigarette coincée entre deux doigts longuement, secoua la tête.

« Non – non. Tes cheveux sont très bien. Je me demandais si … un peu de changement... »

Elle sourit, inclina la tête.

« Ils sont comme ça depuis des années non ? Quand j'te voyais à l'hosto c'était déjà à peu près la même coupe ? Enfin si tu ne veux pas », elle haussa des épaules, gracieusement, se redressa pour souffler sa fumée de cigarette en évitant la silhouette nerveuse de Suni, si petite.

29/04/2023

Elle ne possède plus trop de bouclier, Suni. Sa chevelure, c'est bien la seule chose qui n'a pas changé dans les dernières années ; ou plutôt qu'elle possède encore. Qu'on ne lui a pas pris. C'est difficile, vraiment, de s'en défaire. Seule dans sa chambre certaines nuits, elle prend une paire de ciseaux et contemple de les couper mais se contente des pointes à chaque fois, des cheveux fourchues. Elle ne partage pas la chose à Ji-Ho ; l'autre femme serait capable de lui en vouloir. De poser un regard de jugement sur elle. Suni, du moins, se juge sans l'aide de personne.
Elle pince ses lèvres, quand le sujet continue. Quand Ji-Ho parle de changement, encore.
Doucement, le regard descend sur ses cuisses et Suni inspire, puis la regarde de nouveau.
Combien sont-ils à penser de la sorte ? À l'observer et à la trouver prisonnière du passé ? Suni a un peu honte.
Honte que son refuge soit un petit peu pathétique.
- C'était - oui , qu'elle confesse. Il n'y a rien à confesser, vraiment. Il y a des photos partout. La chronologie de sa crinière est facile à suivre. Je les ai eu - aux épaules, une fois. Avant l'incident, deux ans avant. Puis, ils ont poussés. Depuis, Suni ne les a pas coupé. Elle avait voulu rafraichir sa crinière et la rendre plus légère pour sa carrière naissance d'héroine. Au final, qui ne s'est jamais lancé.
- Ji-Ho ? qu'elle finit par dire, son pouce porté à sa bouche. Suni mordille légèrement la peau morte, puis arrête et lui sourit. Je - Si je décide de les couper un jour. Si - Les Si ne sont que des mensonges, des rêveries. Suni n'y croit pas vraiment, mais - Ou de les teindre, aussi ... je viendrais vers toi, d'accord ?
Elle ne sait pas vraiment, Suni, si elle le fera mais -
- Je hm - Je te fais confiance. Juste - pas maintenant. Elle n'est pas prête. Pas encore. Suni est trop perdue, encore.

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