Coupables ;; June

TW : blessure évoquées et décrites dans la narration.

Les souvenirs de l'attaque sont un peu flous.

La douleur reste, surtout ; se remémore quand le couteau est rentré dans son estomac, quand il s'est planté et qu'il a senti déjà sa lumière défaillir ; se remémore bien plus vaguement quand le coup à la tête l'a envoyé choir à terre, la commotion cérébrale qui s'était brutalement installée. De ça, il n'est plus sûr ; se rappelle du bouclier, de la lumière ; et puis tout s'éteint. Son poitrail se soulève et il lui semble que ça le fatigue d'autant plus, d'essayer de revivre l'attaque.

Il se rappelle le sang ; le parfum de la Mort.

Se mouve légèrement ; grimace ; se dit que c'est pourtant pas si pire, qu'ils ont connu des entraînements costauds, qui avait pu les mettre à terre un temps. Mais jamais, dans les entraînements, on avait eu pour but de le tuer. Et Liam sait que son salut ne tient qu'aux autres, que s'ils avaient été seuls, sans doute que l'autre mutant l'aurait achevé.

Parce qu'il pouvait briser la lumière.
Le son l'avait assommé.

Régulièrement, ses doigts viennent par-dessus le pansement qui couvre son abdomen ; comme s'il voulait défaire les fils qui l'ont recousu, pour y découvrir l'ampleur de la plaie ; ils ont parlé d'un étirement de la plaie ; il n'a aucune idée de la tronche que ça doit avoir. Et il songe même pas à voir à quoi ressemble la sienne, d'avec les bleus et les petites plaies dessus ; l'onde de choc avait été violente, mais parce qu'il l'a oublié en partie, il ne sait pas ; songe juste à celle sur l'abdomen ; et Liam se demande.

Il veut se rappeler.

Parce que peut-être qu'il y aurait un indice, parmi ses souvenirs, pour expliquer les nouvelles qu'on avait pu lui donner ; qu'il est confus, qu'il ne mesure pas encore la gravité de tout ce qui a pu arriver ; personne ne lui a encore dit l'ampleur de la vérité ; que ça viendra, quand on s'en souciera ; qu'il pense que ça ira pour Bonnie, parce qu'elle a toujours été forte. Il pleurera plus tard, mais pas encore ; parce que Bonnie a toujours été incroyable ; qu'elle ne peut pas disparaître.

C'est impensable.

On le sort de ses pensées légèrement embrumée, parce qu'il entend la porte de sa chambre s'ouvrir ; tourne le regard en premier, avant la tête ; et s'il ne s'attendait à rien, Liam s'en retrouve tout de même surpris ; il ne sait dès lors plus bien ce qui fait le plus mal. "June... ?" Pourquoi est-ce qu'elle est là ? Pourquoi le visiter, quand elle le hait ? Qui prendrait cette peine, pour un adversaire ; pour un super vilain. "Tout va bien... ?" Qu'il demande, parce que l'idée qu'elle soit là pour le visiter ne lui vient même pas ; si elle est là, c'est pour autre chose ; pour elle ? Il est difficile pour lui de masquer ces émotions, là, tout de suite.

La douleur ; la fatigue ; les évènements.
Il n'est plus sûr de rien, Liam.

Sauf du fait qu'elle le déteste.

Coupables
TW : blessures

Boat Song - Woodkid

Are we instruments of fate?
Or do we really have a choice?Sommes-nous des instruments du destin ?
Ou avons-nous réellement le choix ?

A peine un pied dans l’établissement qu’elle a déjà envie de faire demi-tour. Et sans doute qu’elle devrait. Elle avance sans trop savoir pourquoi elle a tant tenu à venir ici. Elle se dit que c’est pour Bonnie. C’est pour prendre de ses nouvelles. Chaque pas résonne étrangement, dans les couloirs de l’aile du bâtiment blanc. Ce n’est pas tout à fait silencieux, il y a le bruit des brancards qu’on déplace, et les toux qui essayent de se faire discrètes. Il y a les discussions des médecins et infirmier-ères, qui passent de chambre en chambre, de couloir en couloir. Au milieu de tout ça, June se sent minuscule. Et de moins en moins légitime d’être là. Alors quand elle arrive devant la porte, qui n’est pas celle de Bonnie, elle hésite. Et continue sa marche plusieurs minutes. De trop longues minutes pour que cela passe inaperçu. Un infirmier relève la tête lorsqu’il la voit arriver vers une station administrative. Et elle se demande quelle tête elle doit avoir, pour qu’il ait l’air si désolé. « Bonjour, je peux vous aider ? » Il a le sourire gentil, alors elle lui rend. Autant qu’elle le peut. « Bonjour. » Elle cherche quand même des yeux une porte de sortie, n’en trouve pas assez vite. Capitule. « Je cherche la chambre de Liam Jones. » Une seconde. « Jophiel », qu’elle ajoute en voyant l’air perdu de l’infirmier. « Oh. » Une seconde. « Oh ! » La lumière se fait dans ses yeux, celle-là même que June a tant voulu voir dans les yeux de toustes depuis des années. Lumière au goût désormais amer. « Vous êtes Héméra. » Elle sourit à nouveau, sans répondre. Et l’homme lui tend le bras vers le couloir qu’elle vient de quitter. « Vous l’avez passée. Troisième allée à droite. Et tout de suite sur la gauche. » Elle hoche doucement la tête, se demande s’il la lui aurait indiquée, sans la reconnaître. Si les affiches ne polluaient pas déjà les murs de la ville. « Merci. » Elle sent son regard coulant sur son dos lorsqu’elle se détourne. Se dit qu’elle n’a plus le choix, maintenant que quelqu’un sait où elle va. Même si, à la base, elle venait pour Bonnie. Evidemment.

Elle abaisse la poignée et pousse la porte. Ça semble prendre des heures, ne dure qu’un millième de seconde. Et son regard se jette directement sur son corps à lui. Sur les bandages qui couvrent encore son corps, sur les bleus qui transparaissent là où le drap ne cache pas la peau, sur les égratignures qui mettent trop de temps à totalement se fermer. Il a salement morflé. Et l’épine dans son cœur murmure, tant mieux. Mais il n’est pas mort. Et les artères de son cœur emprisonnent l’épine, tant mieux. June est toujours sur le pas de la porte, la main sur la poignée lorsque Liam l’interpelle. Elle tourne légèrement la tête vers l’extérieur, s’attend presque à voir l’infirmier, et elle referme la porte derrière elle sans un mot. Un pas, deux pas, vers lui. Mais elle reste toujours loin, le plus loin possible. « T’as pas répondu à mes derniers messages. » Le ton est déjà accusateur, sans qu’elle ne cherche à ce qu’il le soit particulièrement. Sans doute que ce sera le ton par défaut auquel il aura le droit désormais. Peut-être qu’elle ne s’en excusera pas. « Je voulais voir si t’étais encore vivant. » Et c’est le cas, apparemment. Donc, tchao. Mais elle ne le dit pas. Et elle ne s’en va pas. Elle reste là, hésitant à s’installer sur la seule chaise de la chambre. Réticente à s’avancer plus qu'elle ne l’a déjà fait. Elle prend une longue inspiration, et elle expire longuement. « T’en as encore pour longtemps ? » Sa main fait un geste vague vers le lit, vers lui, vers l’hôpital dans son ensemble. Elle demande comme si ça l’intéressait, presque certaine que ce n’est pas le cas. Si ce n’est qu’au moins, à l’hôpital, encore blessé, il ne pourra pas la briser à nouveau.

ft. @Liam Jones

La pluie débute ; impérieuse ; dont les gouttes sont si épaisses que ça frappe la peau.
Sans doute que dans le coeur, ça laissera encore des bleus ; il y en a toujours eu.

L'envie de fuir ; mais il est à la merci de tous ; se rappelle du son. "J'ai pas mon téléphone." Et encore moins celui dont Icarus n'a pas la connaissance ; celui dont il avait donné le numéro à June, par peur qu'on puisse lire leurs échanges. Mais finalement ils ne s'étaient rien dit ; sans doute n'a-t-il rien à lui dire tout court. C'est que June a changé ; et lui aussi ; ils ont grandi, loin de l'autre ; et très loin du bonheur aussi. "Je le suis." Ses pensées sont traitres ; ses pensées disent malheureusement ; ses pensées ont toujours été les plus fourbes, dans cette pièce.
Ont poussé à faire trop d'erreurs.

Et il se retrouve cloué dans un lit.
Quelle ironie ; le vilain devenu héro.
Le destin n'avait pas encore eu fini d'être cruel avec lui.

"Je ne sais pas." Ses épaules se haussent ; il a été sérieusement touché, par l'intrus de la tour ; il pense encore à lui, souvent. "J'imagine que non." Il en sourirait presque. "Icarus ne nous laissera pas longtemps ici." Nous. Il songe à tous les autres aussi ; les instruments de leur Seigneur à eux ; ils les voudront sur pied trop rapidement, quitte à faire sortir tout le monde avant l'heure. Liam s'y attend ; Liam a des obligations ; que deux personnes chantent ses éloges n'y changeront rien. "... Tu n'as rien eu ?" Qu'il demande, la regardant un peu mieux ; mais il a pas ses lunettes, alors c'est flou un peu ; on devrait sans doute bientôt les lui ramener. "J'ai pas su qui avait été touché, lors de l'attaque." Qu'il justifie ; parce que c'est vrai.

Parce que pourquoi on lui dirait, hein ?
Parce que pourquoi on le préviendrait ?

Il avait failli y laisser sa vie ; c'est bien, c'était ce qui était attendu de lui.
Elle n'a jamais eu d'autres vocations qu'à être sacrifiée.

Coupables
TW : blessures, coma, langage vulgaire

Boat Song - Woodkid

Are we instruments of fate?
Or do we really have a choice?Sommes-nous des instruments du destin ?
Ou avons-nous réellement le choix ?

Il n’a pas son téléphone, qu’il lui dit. Mais elle s’en fout un peu. Leurs échanges n’ont servi à rien. Parce que Liam ne lui dit plus rien. Et qu’elle ne comprend rien. Et en a marre de faire des efforts pour le comprendre, alors qu’il est parti sans un regard en arrière. Sans plus jamais la regarder. Il n’en avait rien à foutre d’elle et ça l’énerve d’en avoir quelque chose à foutre de lui. Elle aimerait pouvoir détester sans once d’empathie, elle aimerait pouvoir sortir de son cœur tous les souvenirs, elle aimerait pouvoir l’oublier. Parfois.

Alors elle espère qu’Icarus le gardera le temps qu’il faudra, après tout. Ils confinent bien Hypérion dans ses appartements, dans ses bureaux. Voir un Jophiel aussi amoché ne peut pas leur faire de la bonne publicité. Et elle ne veut pas qu’il sorte. Parce qu’une fois sortie de cette chambre, de ce lit, il deviendra officiellement sa compétition. Or, aux yeux de June, Jophiel n’a rien fait pour mériter sa place parmi les candidats. Pire, il est la cause de tous les maux. Ou presque.

Elle lève les yeux au ciel à sa question, parce que ça l’énerve qu’il fasse semblant d’en avoir quelque chose à foutre d’elle. C’est tout ce que c’est, non ? C’est tout ce qu’il sait faire avec elle, non ? Faire semblant. Son cœur cri des questions auxquelles elle est certaine d’avoir déjà la réponse. « Je n’y étais pas. » Les mots sont froids, rancuniers. Mais pas envers Liam, cette fois. Envers elle-même, principalement. Elle avait été trop loin. Le temps qu’on vienne la chercher et la ramène, il n’y avait plus personne à combattre. Plus personne à sauver. Tant mieux. Tant pis.

Mais June se repasse sa dernière phrase dans sa tête. Elle résonne étrangement. Anomalie. Elle fronce les sourcils. « Comment ça tu ne sais pas qui a été touché ? » Elle répète, incertaine, le ton toujours violent. Impossible qu’il ne sache pas pour Bonnie. Impossible que personne n’ait rien dit, entre les infirmièr-es, les docteurs, entre la télé, les magazines. Evidemment qu’il avait au moins entrevu quelque chose ? Qu’il se doutait de quelque chose ? Evidemment, n’est-ce pas ? Ce ne serait pas à elle de lui annoncer, n’est-ce pas ? « Tout le monde est vivant. » Tout le monde qui compte. « Mais, personne ne t’a rien dit ? Pour Bonnie ? Pour… » Elle s’arrête. Le mot vulgaire sur le bout de la langue. Ce même mot déjà placardé sur tous les murs de New Blossom. Evidemment, qu’il avait déjà eu des échos, n’est-ce pas ? Alors elle attend, sagement, se rapproche d’une chaise. A distance raisonnable entre le lit et la porte. Elle pose la main sur le dossier, soutien bancal. « Tu ne sais… rien ? » Et elle attend qu’il lui dise qu’il sait. Evidemment.

ft. @Liam Jones