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Karma Police
(#) Ven 27 Oct - 14:41
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— Mais les poisons ciblent trop bien ou trop peu. C'est rare, les justes milieux...
Et elle n’en veut pas. Et elle ne sait probablement plus ce que c’est. Et elle s’est paumée, il y a désormais, une éternité. Ne reste que des débris de sanité derrière son grand front blanc et ses yeux bleus hallucinés. Elle en oublie ce qu’elle fait. Le pied de Lorcan comme de la pâte à modeler.
— Aïe ! Billie !
Dag relève le pif. Vrille ses pupilles dilatées vers Lorcan qui se dandine et se redresse et tente de récupérer son- Son quoi. Dag baisse les yeux sur la masse chaude qu’elle a entre les phalanges. Et elle reprend consistance avec la réalité et elle garde son précieux jouet. Le lui emprisonne fermement et lui renvoie une mine de défi. Qu’il essaye, pour voir. Qu’il essaye de se barrer et elle lui fracture la cheville. Elle a décidé, qu’ils resteraient ensemble. Pour un temps. Etiré. Très long, comme leur vie qui va et vient entre passé et futur. Dag envisage également qu’il demeure son souffre-dou- son patient. Ou sa boule anti-stress.
— J'étais en train de me dire que tu avais tort et que tes mains savent encore faire des trucs plaisants sans détruire en plus ! gémit-il comme un enfant.
Et Dag soupire, secoue brièvement son petit menton et roule les billes au plafond.
— Oh ça va c’est bon c’est juste à la mode thaï’.
Non, probablement pas. Elle ne sait absolument pas ce qu’est la mode thaïlandaise actuelle - mais lui non plus, de toute façon. Alors ses conneries, qu’il les bouffe et qu’il arrête de chialer. Ce n’est qu’un pied, après tout. Elle ne joue pas avec un scalpel ni une aiguille, encore moins avec quelques alcools et tranquillisants. Il pourrait l’en remercier, putain.
— Qu'est-ce qu'ils ont de plus précieux selon toi ?
Des questions et encore et toujours des questions. Des questions assommantes qui ne l’assomment pas tant que ça. Mais la laissent sur le bord d’une falaise, en équilibre précaire. Tombera ou tombera pas. Dag et ses projets criminels toujours plus inventifs et démentiels. Dag et sa colère en vengeance macérant dans ses tripes depuis bien trop d’années. Après les massacres sur le vieux continent, après la déliquescence du tangible, après la perte et l’abandon et le silence dans les cris ; que lui reste-t-il si ce n’est la vengeance la putain de vengeance pour ce qu’ils lui ont fait. Un achèvement avant qu’on ne l’achève.
— Mais leurs monstres, râle-t-elle en déviant derechef son attention vers lui. Prunelles écarquillées.
Elle n’en revient pas qu’il ne suive pas son raisonnement, qu’il ne soit pas capable de capter sa mélodie neuronale.
— C’est bien pour ça qu’ils existent et qu’ils subsistent à travers le temps non ?
Qu’il réfléchisse un peu, bordel.
— Mais s’ils n’ont plus de monstres ils ne servent plus à rien si les monstres meurent alors l’industrie meurt et si l’industrie meurt Icarus meurt.
Une pause, un moustique lui file devant les rétines et lui grésille aux tympans. Dag triture le gros orteil de Lorcan entre son pouce et son majeur. Dag médite. La lippe mordillée par ses quenottes.
— Tu crois qu’il y en a encore de-
De leur époque. Les médecins, les tyrans. Ceux qui les ont défoncés avec application. Ceux qui les ont démolis lentement. Méthodiquement. Jusqu’à ce qu'il ne reste d’eux que des cristaux d’individus.
— Tu crois qu’ils sont tous déjà morts ?
Elle espère, implore, abjure, pour que ce ne soit pas le cas. Car si tel est le cas, alors la vengeance n’aura qu’un goût de merde et de cendre de cigarette.
— Je voudrais-
Elle voudrait tellement de chose. Elle voudrait remonter le temps et elle voudrait réparer ses erreurs et elle- Non elle ne voudrait pas ne pas avoir été entre leurs doigts, car si elle n’était pas passée sous leurs doigts elle n’aurait jamais croisé le chemin de-
— Je crois que je les hais et à la fois…
Et à la fois.
— Est-ce que tu crois que je devrais les haïr mais aussi les remercier ?
Le visage de poupée fracassée pivote de nouveau vers Lorcan. Elle le fixe, elle le contemple, elle tente de trouver les mots à appliquer sur ses sentiments. Elle ne les trouve pas. Tout se mélange. Le langage ne suffit plus. Le gros orteil est relâché et ses deux paumes enlacent le pied et la cheville ; Dag lui enlace ce bout de son corps comme elle lui enlacerait le cou.
— C’est tellement nul à chier putain d’être aussi furax et redevable envers quelqu’un.
(#) Mer 1 Nov - 16:30
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Méthode thaïe ou pas méthode thaïe, il n'empêche qu'Hunnigan n'était pas tout à fait jouasse à l'idée qu'elle lui bousille un pied pour... il ne savait quelle raison précisément d'ailleurs. Il avait de plus en plus de mal à aligner deux pensées totalement constructives. Le tabac lui permettait vaguement de rester totalement conscient, en phase avec la réalité, mais à rester dans un espace clos avec Addie, les choses n'allaient certainement pas en s'arrangeant.
Il n'est pas spécialement douillet, Hunnigan. Mais ses panards, il y tenait pas mal.
Et le regard qu'il avait croisé ne lui disait rien qui vaille. À croire qu'elle voulait sciemment lui arracher le panard s'il avait le toupet d'essayer de le ramener vers lui.
« Ils font pas ça avec des piques, eux ? »
Comme si parler d'acupuncture à Billie était une grande idée, tiens.
Surtout quand elle jetait ce genre de regards torves.
Surtout quand elle était couverte de sang.
Surtout quand il l'avait, une petite heure plus tôt, transformer des boîtes crâniennes en œufs à la coque.
Il n'est pas question de fracture ni d'entorse par la suite. Redressé sur les coudes, Hunnigan essaye de s'accrocher à son raisonnement. Les Monstres d'Icarus donc. Eux ? C'est eux qu'elle veut faire disparaître pour mettre une épine dans le pied du géant Icare ? Eux que, justement, les Milices et Captain Lion ont essayé de traquer et tuer pendant des années et des années ?
Sa solution serait finalement d'aller dans le sens de leur ennemi.
À moins que ça ne soit encore plus radical. Tous. Les. Mutants.
Il comprenait presque. Les Originels. Leurs descendants. Ceux qui ont flingué leurs génomes à prendre trop de Serum. Sous sous Blue. Ceux sous Red. Tous.
Plus de mutant. Plus d'usine à monstres. Plus de business de la monstruosité.
Ne restera alors que les cyborgs. Et à bien y réfléchir Hunnigan n'était pas non plus tout à fait fan d'imaginer que l'une des mégacorporations gère tout, seule, sans concurrence. Les deux monstres ont jusqu'ici tendance à se bloquer l'un l'autre et il existe, dans le No Man's Land, une sorte de petite frontière où les gens peuvent encore jouir d'une simililiberté.
« Je crois comprendre. »
Et ça n'était pas une si bonne idée que ça. Ceci dit, il lui suffisait de la regarder pour se dire que finalement, elle ne pouvait pas se tromper à ce point.
C'était Addie. Et Addie savait toujours tout ce qu'il fallait faire, non ?
Non ?
« Mais ils ont toujours des milliards et des milliards pour se refaire et trouver une pirouette. Comme de la mauvaise herbe qui repousse. »
Il eut un petit rire. Juste ce qu'il fallait pour qu'il se dise qu'il divaguait.
Juste ce qu'il fallait pour tiquer qu'il était en train d'approuver l'idée qu'elle fasse disparaître l'ensemble des mutants.
Et non, ça n'était pas à cause d'un simple massage de pied.
Billie et sa toxine le rendaient heureux. Heureux à l'idée d'un massacre. Un massacre qu'il subirait aussi. Et c'est avec un petit sourire en coin, candide, qu'il souleva le lièvre comme s'il s'agissait là d'une infime broutille :
« Mais, on est aussi leurs Monstres Billie. Toi, moi, les autres. »
Mais évidemment, elle avait forcément un plan. Addie a toujours un plan pour aider tout le monde. Addie savait réparer les âmes. Alors, détruire Icarus sans que ça ne les atteigne eux, elle saurait faire. Forcément. Et l'idée lui donna une petite pointe d'allégresse que même le goût fort de sa cibiche ne suffisait plus à tamiser. Pas plus que la cendre qui lui cramait les doigts maintenant qu'il l'avait arraché d'entre ses lèvres alors que la bague incandescente approchait du filtre et commençait à mordre ses phalanges.
« Tous ? Je crois pas. Ils ont sûrement essayé leurs produits sur eux-mêmes en voyant ce que ça nous a fait. Et tu n'es pas morte et je ne suis pas mort non plus, alors peut-être que certains de ceux qui nous ont fait ça sont toujours debout. »
Il ne savait pas si ça lui remonterait le moral ou pas de le savoir.
Voilà qu'elle demandait s'ils devaient les remercier. Il fronça les sourcils, et se frotta le coin du front, à la lisière de sa chevelure.
« Tu te sens vraiment redevable envers eux ? Moi... »
Il se pencha pour aller écraser sa clope dans le cendrier.
« ...ils m'ont fait faire des choses dont personne n'a idée. Je crois pas qu'il faille se sentir redevable. C'est eux qui nous doivent des choses. »
Parce que sans leur petite armée de cobaye, rien de tout ce qui existe aujourd'hui ne serait là.
« En fait. Ils nous doivent tout. »
(#) Mer 8 Nov - 13:04
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Mais, on est aussi leurs Monstres Billie.
Toi,
moi,
les autres.
Irritations du cervelet. Dag continue ses tours et détours mais Dag se décompose plus les secondes s’allongent. Elle n’est pas un monstre. Elle est elle. Et c’est déjà bien assez. C’est déjà énorme. C’est déjà trop. Lorcan n’est pas un monstre. Il est lui. Il est solide et persistant. Brisé et mélancolique. Lorcan est splendide.
— Tous ? Je crois pas. Ils ont sûrement essayé leurs produits sur eux-mêmes en voyant ce que ça nous a fait. Et tu n'es pas morte et je ne suis pas mort non plus, alors peut-être que certains de ceux qui nous ont fait ça sont toujours debout.
L’horreur en ravissement, toujours. Lorcan et sa logique infaillible - elle le croit et pourrait le croire alors même qu’il dégueule son cerveau par la bouche et qu’il fume par les oreilles. Lorcan comme un phare dans ses nuits blanches. Dag continue de lui triturer les orteils et surtout, Dag se dandine. Son petit cul sur l’accoudoir qu’elle renfonce. Ses osselets qu’elle compresse dans le dossier. Tout ira bien, s’ils ne sont pas tous morts. Tout ira forcément merveilleusement bien. Car elle pourra les traquer, - ceux dont elle se souvient du visage. Et elle pourra les écharper, sur autant d’heures en jours qu’il lui plaira.
Peut-on hacher les extrémités d’une personne sans risquer qu’elle ne crève dans la minute. Peut-on dissoudre un membre en le laissant accrocher au reste du corps.
— Tu te sens vraiment redevable envers eux ? Moi...
Ses billes roulent vers Lorcan. Pensif, ailleurs. Tout à sa défonce merveilleuse - Dag est fière. Dag esquisse une petite moue. Dag adore le voir sourire. Et se libérer des tourments qui lui poussent sur les épaules et la nuque. Ainsi niqué par ses spores-poisons, Lorcan jouit de la vraie liberté. Langue déliée sur ses délires en délires en délires partagés.
— ... ils m'ont fait faire des choses dont personne n'a idée. Je crois pas qu'il faille se sentir redevable. C'est eux qui nous doivent des choses.
Il avoue et elle tangue. Se penche au-dessus de sa jambe qu’elle retient toujours. Les gestes immobilisés. Ses neurones peinant à retrouver un passage dans le passé à travers le présent. Elle est excité et légère et pleine de l’instant. Son agitation l’empêche de raisonner. Ses prunelles s’écarquillent et son sourire s’affaisse.
— En fait. Ils nous doivent tout.
— Bah-
Bouche ouverte sur ses réflexions foireuses. Dag finit par chavirer complètement. Son corps gracile s’étale sur les jambes de Lorcan. Puis elle se hisse au-dessus de lui. Son buste malingre pour lui écraser sa masse. Dag cale ses avant-bras sur son abdomen et le reluque, moue songeuse. Lippe mordillée.
— Moi j’trouve quand même que ça craint un max parce qu’on leur doit beaucoup aussi.
Son attention valdingue de nouveau vers un ailleurs. Ses rétines zigzaguant sur la fumée de cigarette qui sinue et tourbillonne entre temps.
— J’veux dire-
Non, elle ne veut pas le dire.
Et sa parole est anéantie entre ses crocs.
Elle ne veut pas le dire car le dire rend tout plus réel. Tangible. Physique.
Pourtant tout est physique et tout est réel puisque Lorcan est sous elle.
Dag se redresse, lui plante son genou dans la cuisse. Grimpe encore de quelques centimètres pour se vautrer davantage. Se couler à ses contours et s’y encastrer et ne plus en bouger. Sa bouille qu’elle écrase contre son épaule. Ses doigts dessinent des arabesques sur la clavicule de Lorcan, dégringole et remonte et dégringole encore et fait des ronds autour de son mamelon.
— S’ils nous avaient pas changé on serait pas là et si on était pas là ça voudrait dire qu’on est morts ou pire encore !
Pire encore. Ouais. Qu’est-ce qui peut être pire que la mort.
— Imagine Lorcan imagine un peu !
C’est qu’il doit avoir du mal.
Sa présence pour lui niquer la cervelle aussi surement que le plus gros spliff qu’il n'ait jamais grillé.
— Imagine on se serait jamais rencontrés on se serait jamais parlés et-
Et Dag commence à couiner. Le bout de sa godasse pour lui taper confusément dans un tibia. Ses ongles s’acharnent désormais sur la chair sous le tissu. Son thorax qu’elle poinçonne de ses petites griffes méchantes et nerveuses.
— Et puis en plus tu mens on est pas des monstres Lorcan on est pas des putains de monstres on est juste-
Ils sont quoi.
S’ils ne sont pas des monstres.
Ils sont quoi.
— Et on est pas comme les autres.
L’amalgame la révulse.
— Les autres c’est tous des cons.
Évidemment.
— Du coup-
Dag et ses grandes idées. Dag et ses solutions à tout.
— Du coup moi je propose qu’on retrouve les dernières saloperies de chez Icarus et on les séquestre et on voit si on peut hacher des extrémités sans que ça les tue ou alors est-ce que-
Dag se redresse. Lui plante son regard dans son regard. Sa patte qui le harcelait pour lui choper la mandibule.
— Ou alors est-ce que tu sais toi si on dissout un membre est-ce que ça peut tuer dans la minute ou alors on peut genre-
Dag inspire. Dag expire. Dag doit trouver des solutions efficaces à ses angoisses immédiates.
— Tu sais cramer les moignons et recommencer à un autre endroit.
Dag lui retire la clope d'entre les ratiches, l'éloigne d'eux en tendant le bras. Il doit répondre, tout de suite. Il doit répondre, c'est important. Il doit répondre, ou bientôt, elle chiale.
— Dis-moi au moins que t'as déjà essayé de faire ça ?!!
Sa voix brutalement perçante, grésillante de notes insupportables.
(#) Jeu 9 Nov - 15:32
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Et cette idée qui l'attristait il y a peu n'amenait qu'un sourire léger et nostalgique au coin de ses lèvres. La voir bouger et remonter pour s'étaler sur lui lui fait froncer le nez d'anticipation d'une possible douleur, mais... pas de coudes pointures pour lui écraser la rate. Nouvelle preuve qu'elle pouvait être délicate. Comme elle l'était avant.
« Toi tu trouves vraiment qu'on leur en doit beaucoup ? »
Il s'étonne. Ça le déçoit presque d'abord. Et ça l'amène à réfléchir. À essayer de comprendre pourquoi. Ou pas, d'ailleurs. Parce qu'elle s'est arrêtée à son « j'veux dire » et qu'il en est arrivé à venir faire tomber sa main sur sa tête, ses doigts venant attraper un bout glaireux de sang pas tout à fait coagulé dans les cheveux pâles de Billie.
Il le chasse d'une pichenette, catapultant le tout avec une petite grimace comme on catapulterait une rognure d'ongle.
Il en revient à Billie et ses explications qui ont tardé, mais sont arrivées. Il les mesure, les comprend, mais ne les accepte pas totalement.
« Mais si on était pas là, ça voudrait dire qu'eux non plus ne le seraient pas, tu vois c'que j'veux dire ? »
L'oeuf ou la poule. Finalement, ils ne valent peut-être pas mieux que ces junkies qui débattent en se pensant intelligents. Des pseudos-révolutionnaires de salon, avec un joint au coin des lèvres.
À ceci près qu'eux au moins avaient réellement cherché à combattre un système... Et le résultat n'était pas fameux.
« Mais c'est vrai que sans ça, on ne se serait jamais croisés et... c'est un morceau de dents ? »
Deuxième morceau qu'il sortait de sa tignasse avec une petite grimace un peu dégoûté, un peu amusé, comme un gamin qui broie un escargot et regarde ses organes sous la semelle de sa godasse avec un air fasciné, cruel et candide.
Et Billie qui se redresse et s'étale un peu plus sur lui. Et ses doigts à lui qui entortillent une mèche alors qu'il fixe le plafond et se sent partir. Le canapé est une barque et ils flottent et...
« Bien sûr que si on est des monstres. Le plus littéralement du monde, même. »
Le revoilà, historien et linguiste à vouloir débattre du sens premier du terme et lui expliquer ce qu'ils étaient. Oui. Des monstres...
« De la racine latine monstrare, Billie. C'est exactement ce qu'ils ont fait. Ils nous ont pensé pour nous montrer. Nous exhiber. Nous observer. Et Monstrum. Prodige. Miracle... avertissement divin. Ouais, c'est ça qu'on est.»
Il déraille. Com...plet...
« On est des monstres. Et tu sais quoi ? C'est pas si mal. »
Bien sûr. Il opine lentement du chef. Et répète bêtement son « c'est pas si mal » avec une conviction marquée, mais qui n'a rien de logique considérant le réel fond de sa pensée. Pas plus que le petit sourire un peu stupide qui étire ses traits, et le mouvement hasardeux de sa main qui essaye de rattraper la sienne et de reprendre la clope qu'elle lui a piquée. Ses phalanges battent l'air, en vain. Il capitule, non sans protester.
« Je comprends pas le rapport entre ma cigarette et le fait de faire des tranches avec eux... »
En tous cas, il secoue la tête de droite à gauche parce que non. Il n'a jamais essayé de transformer quelqu'un en un salami humain. Mais...
« J'suis sûr qu'on peut couper des bouts ici et là dans le temps... c'est une histoire de règle d'hygiène. De garrots. Et de chance sûrement aussi. »
Il devrait trouver ça horrible. Mais les couleurs dansent devant ses yeux. Il s'amuse. La nouvelle teinture carmin de Billie est fantastique. L'odeur âcre et ferreuse du sang qui la recouvre n'est plus. Elle sent l'herbe coupée, la lucky strike et le pétrole des lampes qu'il utilisait lors de ses explorations.
« Comment on appelle un type de chez Icarus à qui on a coupé les bras et les jambes ? » Il déraille vraiment, là. « On l'appelle pas. On va le chercher. » qu'il ricane. « Mais nan j'ai jamais fait ces trucs-là. J'ai essayé de ne plus tuer trop de gens. » Il ne ricane plus. « J'ai essayé. Et j'y suis jamais arrivé. Tout le monde meurt toujours. Tout le monde sauf moi. Et ça me fatigue un peu. »
(#) Sam 18 Nov - 13:18
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Explication foireuse pour lui démonter les synapses. Elle avait oublié les relents de gerbe que provoquent les souvenirs trop profondément ancrés. Ceux qui ne s’enfuient jamais. Monstrare et Monstrum et les prodiges et les miracles et l’avertissement divin. Ça la ramène des années-éternité en arrière. Ça la crache dans un autre monde dans une autre époque auprès d’un autre homme. Et tout en elle se tend et tout en elle s’ébouillante. Mais elle reste là, immobile et crétine, à raconter ses débilités profondes sur le sens de sa vie et ses terminaisons sanglantes. Le même discours sans avoir exactement les mêmes mots ni les mêmes intentions. L’un comme l’autre se satisfaisant d’être ce qu’ils sont même si l’horreur demeure - pour elle. L’horreur d’être ce qui ne devrait pas exister. Et lui câliner les tripes et lui souffler chaleur et réconfort ; rien ne l’atteint. Elle refuse d’écouter et concevoir. Elle n’a plus à écouter ni concevoir puisque celui qui devait demeurer et la supporter dans cette approche de la réalité n’est plus là n’existe plus est mort. Alors. Alors Lorcan peut bien gerber ses conneries, Dag y est proprement insensible - du moins elle essaye. Du moins elle s’y oblige.
Et le voilà qui retourne à leur tangibilité déconnectée. Lorcan le sourire aux lèvres et les battoirs levés. À tenter une prise sur la cibiche qu’elle éloigne de son museau autant que de ses doigts. Non, il ne récupèrera pas sa satanée clope. Pas tant qu’elle n’aura pas eu de solutions efficaces, équivoques, à sa franche ambition d’apocalypse.
— J'suis sûr qu'on peut couper des bouts ici et là dans le temps... c'est une histoire de règle d'hygiène. De garrots. Et de chance sûrement aussi.
— Mais j’veux pas d’une putain de chance Lorcan je veux des certitudes.
C’est une évidence qui lui éclabousse la face : une grimace. Moue boudeuse. Sourcils froncés, lippe en avant.
— Comment on appelle un type de chez Icarus à qui on a coupé les bras et les jambes ?
Dag retombe en bonne partie contre Lorcan. Se réinstalle confortablement et roule les yeux dans les orbites. Une petite blague pour colorer davantage l’atmosphère. Lorcan plane à trois kilomètres au-dessus du canapé qu’ils occupent. Lorcan doit probablement toucher et courir sur le plafond de sa briqueterie.
— J’sais pas moi… un icampute.
— On l'appelle pas. On va le chercher.
Et Lorcan ricane et Billie devient un écho. D’accord, elle se marre aussi. Et elle imagine l’Icampute se tortiller sur le bitume et Lorcan le traîner avec une corde à sauter enroulée autour du buste. Une espèce de chien sans pattes et tout juste bon à gémir et maudire les monstrare monstrum et prodigues et miracles et toutes les autres saloperies associées.
— Mais nan j'ai jamais fait ces trucs-là. J'ai essayé de ne plus tuer trop de gens.
— C’est con, dit-elle.
Ouais sacrément trop con.
Car tuer des gens soulage énormément les tensions nerveuses. Il lui aura suffi d’une première fois assez minable mais radicale pour qu’elle en préserve le goût, le penchant, chaque nouvelle décennie plus intense et merveilleuse.
— J'ai essayé. Et j'y suis jamais arrivé. Tout le monde meurt toujours. Tout le monde sauf moi. Et ça me fatigue un peu.
— T’inquiète pas moi non plus j’y arrive pas.
À crever. Tuer, c’est un sport.
— Et puis si t’es fatigué j’te conseille carrément une cure de magnésium. Et puis faut que tu manges des fruits et des légumes... au moins cinq par jour ! parce que c’est plein de vitamines et tout.
Dag s’est redressée sur ses coudes qu’elle lui enfonce dans les poumons. Minois planté sur ses deux poings fermés, elle l’observe. Vague sourire. Son corps rachitique étendu sur son corps tout dur.
— J’te sens vachement tendu tu devrais t’essayer au yoga.
Un soupir. La cigarette rejoint les babines de Lorcan. Dag retombe sur lui et ferme les paupières. Le respire. Se délecte de sa chaleur. Elle n’avait plus été si proche de quelqu’un, elle n’avait plus été si parfaitement calme auprès de quelqu’un, contours à contours, depuis des années. La sensation lui ramollie les muscles autant que le cerveau.
— Tu sais-
Elle s’esquinte aux mots.
— Tu sais le truc que tu m’as dit là.
C’est qu’il lui a dit beaucoup de choses.
— Monstrare et tout le reste.
Elle ne veut pas épiloguer dessus. Prononcer les mots et savourer leurs substances pourrait la faire claquer dans la seconde. Cortex cramé, âme poussière et cendre, squelette en farine.
— Cecil-
Le prénom dit tout haut qu’elle dit tout bas.
Dag ferme un peu plus fort les paupières et se recroqueville sur Lorcan. Membres entrecroisés dans un méli-mélo d’articulations.
— Il m’avait dit la même chose mais avec ses mots à lui il y a longtemps.
Parler de lui équivaut à convoquer son fantôme. Parler de lui équivaut à le ramener d’entre les cauchemars. Parler de lui pour redevenir Adalyn l’espace de quelques soubresauts.
— Et j’étais d’accord parce qu’il avait dit qu’il resterait avec moi… pour me montrer que c’est vrai tu vois. Que les monstres c’est pas vraiment nous et que c’est l’homme qui fait tout ça… mais Lorcan…
Un appel à l’aide en supplice. Lorcan pour la contraindre au présent et ne pas se paumer au passé.
— Il est mort et moi j’suis devenue quand même un monstre vraiment monstrare monstrum et toi tu dis qu’on est des monstres et t’as surement raison au fond. Lui il avait tort ou il m’a menti. Et maintenant il est mort et j’espère qu’il hurle et qu’il a mal et qu’il a le cul qui rôti en enfer parce qu’il avait pas le droit d’me faire croire que ça pourrait être autrement. Il avait pas l’droit tu comprends.
Dag remonte son petit pif en direction du menton de Lorcan. L’arête de son nez frottée contre la mandibule hirsute. Câlinerie de fauve.
— T’as surement raison.
Il a raison.
— Tu vois j’veux bien te promettre un truc.
Juste un truc.
— J’veux bien être le monstre qui te protège et t’empêche d’être fatigué si tu veux-
Elle hésite. Ses pattes blanches hissées vers ses hauteurs. Ses doigts encageant d’abord son visage puis finalement se coulant dans ses mèches auburn.
— Fais pas comme lui ok.
L’abandonner.
— J’voudrais pouvoir rester là et j’voudrais pouvoir continuer à te sentir sous mes doigts et puis j’crois qu’il faut plus trop qu’on s’éloigne.
Dag coule sa figure de poupée cinglée dans le creux de sa gorge. Lui renifle la peau.
— Parce que j’sais pas trop c’que j’peux devenir si tu t’éloignes et qu'on s’voit plus et... tu sais Lorcan j’pourrais être encore pire la prochaine fois vraiment pire.
Monstrare et Monstrum et prodiges et miracles et avertissement divin - tout ça à la fois. Et puis surtout plus rien.
(#) Mar 21 Nov - 17:29
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« Mais c'est de la médecine. C'est que des statistiques sans certitudes absolues. Si tu découpes un gros, c'est pas comme si tu découpes un maigre. S'il est jeune ou s'il est vieux pareil. S'il est grand ou petit. Et s'il a des maladies qu'on ignore... »
Il pense, bêtement, aux détails, déjà trop plongé dans son état pour comprendre qu'ils ne devraient simplement pas avoir ce genre de conversation. Encore moins intoxiqué comme il l'était. C'est qu'à ce rythme là, ils risquaient bien de chercher à conduire des expériences. Et transformer sa briqueterie en chambre froide ne l'intéressait pas tellement.
C'était beaucoup plus sain, d'après lui, de s'en servir comme musée des horreurs mystiques. Invoquer des babioles possiblement génocidaires ? Oui ! Découper des mecs ? Non.
Et pourtant, il en est à faire des blagues, et à rire quand Billie trouve à sa devinette une réponse dont la sonorité suffit à provoquer son hilarité.
« C'est pas mal, un Icampute. »
Ils sont là, vautrés, ailleurs, perchés comme pas possible à rire comme deux abrutis et probablement à visualiser plus ou moins la même chose. Hunnigan, lui, imagine un homme tronc avec un petit badge d'Icarus obligé de rouler sur lui même pour essayer de se déplacer.
« Si tu veux en adopter un, il faudra un skate board pour le promener en laisse. »
Le fait est qu'il semble affreusement sérieux quand il le lui annonce, avec la mine grave d'un type responsable et respectable qui tient à fait comprendre qu'un animal de compagnie nécessite qu'on s'en occupe et qu'on fasse preuve d'adaptation et qu'on concède quelques sacrifices. C'est qu'adopter un Icampute n'est pas une décision qu'on prend à la légère.
Les blagues laissent leur place à des mots plus sombres et des significations plus lourdes de sens encore. Fatigue, incapacité à mourir... et magnésium. Il faut bien l'avouer, Hunnigan décroche un peu au sujet des compléments alimentaires et d'un régime sain. Il consomme des plantes sous forme de tabac. C'est déjà une belle victoire, d'après lui. Le reste ? Il avise. Un hot dog au chat quand il n'a pas d'autre choix. Des chips ici. Les Mac'n'cheese restent sa pitance la plus habituelle. Et sinon, il ronge ses propres fautes et les mâchonne encore et encore. C'est un bon coupe-faim, la culpabilité.
« Du yoga hein ? »
L'idée le fait marrer. Il en est à se dire qu'elle est quand même plutôt perchée, Billie. Et comme il l'est lui aussi, ça lui convient assez.
« Je crois pas que le yoga soit mon truc. »
Parce qu'Hunnigan qui ne râle pas, qui ne se plaint pas, et qui n'a pas le dos qui grince, ce n'est simplement pas lui. De toute manière... la Fontaine s'assure qu'il survive et que sa santé ne décline pas. Quoi qu'il fasse, pas l'ombre d'un crabe pour lui pincer les alvéoles et lui faire cracher ses propres bronches. Alors peut-être que...
Que rien.
Billie le ramène sur terre et la conversation en revient à ce qu'il avait pu dire. Sa leçon de latin d'abord, et un prénom qu'il n'imaginait pas entendre à nouveau. Cecil. Le voilà, sourcil arqué, plus intéressé. Parce que mentionner les autres, ça l'intrigue toujours, Lorcan. Parce que les Nightbringers étaient finalement la seule famille qu'il avait pu avoir. La seule à laquelle il avait pu appartenir.
Et qu'il avait fini par poignarder dans le dos.
« On l'a toujours été. Des monstres vraiment monstrare monstrum. »
Qu'il répète simplement, le regard sur le plafond à nouveau, voguant loin. Il y a des étoiles et le canapé leur sert de surf au milieu d'un cosmos de toutes les couleurs.
« Est-ce que tu étais là ? » Qu'il demande, ses yeux s'arrachant à la contemplation stupide des nébuleuses stellaires des hallucinations dans lesquelles il s'enfonce un peu plus encore. « Quand il est mort. » Cecil il voulait dire. Et ça divague un peu plus et... « Et Darla ? Et Alexander ? Et Darius ? Et Alice. »
Pas besoin de demander pour Béatrix. Il sait qu'elle n'est pas morte. Il sait qu'elle est maudite. L'idée le glace un peu plus le cœur. Il se sent cruel à nouveau, d'espérer une fraction de seconde qu'elle puisse fatiguer autant que lui fatigue de vivre.
Quel pied...
« Je compte pas t'abandonner. Je l'ai jamais fait. Je dois écrire à Addie, c'est vendredi. » Explique-t-il en ramenant son index pour se taper la tempe d'abord, et le bout de son nez à elle aussi ensuite, au rythme des syllabes. « C'est ven-dre-di... é-crire à A-ddie. » Nez qu'il pince et relâche avant revenir se perdre dans la projection cosmique de son esprit. Ils sont quelque part en direction de la Grande Ourse, et viennent de dépasser Mizar pour fondre sur Alcor. Il est à peu près sûr que les Plutoniens et le prince d'Euphor les ont à l'oeil. Une chance que leur canapé stellaire avoisinait la vitesse de croisière du Faucon Millenium.
« Il faudra qu'on se sépare, parfois. Parce qu'il y a des choses que je dois faire. Des choses que je dois réparer. Mais je reviendrais toujours ici. C'est chez moi, après tout. Et tu y restes autant que tu veux. » Il grince de rire, et rajoute fier de sa blague ; « Mi Casa es Mufasa... »
Il doit avoir un truc avec son nez, parce qu'il revient jouer avec du bout de l'index.
« J'ai pas vraiment besoin du monstre. Mon amie suffit largement. Billie-plus-vraiment-Addie-mais-encore-un-peu-en-fait. »
(#) Mer 29 Nov - 12:40
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— Je compte pas t'abandonner. Je l'ai jamais fait. Je dois écrire à Addie, c'est vendredi.
Elle comprend. Ou du moins s’y essaye. Il y a une logique là-dedans qui lui pétille en travers de cortex. Résonnances et échos ; de la belle poésie, assurément.
—C'est ven-dre-di... é-crire à A-ddie.
D’abord sa tempe qu’il tapote et puis son pif à elle qu’il asticote. Pince et relâche. Lorcan est à des années lumières de la briqueterie. Lorcan est sur un autre plan galactique, qu’elle aimerait pouvoir visiter en sa compagnie. Dag est à peu près sûre que le voyage doit être extraordinaire, à lui reluquer la face. Elle envie son sourire et son air béat. Elle envie sa nonchalance et ses hallucinations en dérives simples sur l’existence. Proximité qu’elle réimpose toujours davantage en s’approchant si près qu’elle voudrait voir ce qui se reflète à l’intérieur de sa pupille dilatée.
— Il faudra qu'on se sépare, parfois. Parce qu'il y a des choses que je dois faire. Des choses que je dois réparer. Mais je reviendrais toujours ici. C'est chez moi, après tout. Et tu y restes autant que tu veux.
— D’accord mais si tu meurs, toi aussi.
C’est une inquiétude qui lui froisse les ridules. Son museau obstinément rivé au sien. Dag pour lui reprocher avant même qu’il ne soit mort-mort sa presque mort et sa possible mort et sa mort définitive - qui n’arrivera pas puisqu’elle ne le permet et ne le permettra jamais.
— Mi Casa es Mufasa...
Lorcan nageant dans son délire acidulé au rythme de ses atomes-crevures-spores. Son bout du nase sur lequel il revient déposer sa pulpe. Le contour sur lequel il s’amuse. Dag roule les yeux vers le plafond trop haut et retrace son attention vers sa pupille gauche puis sa pupille droite. Sans trop savoir à laquelle s’accrocher sans trop savoir si l’une peut s’égarer et miroiter d’un thème sans que l’autre n’en soit affectée. Deux délires en un délire, pour un immortel pas si immortel.
— J'ai pas vraiment besoin d'une montre. Mon amie suffit largement. Billie-plus-vraiment-Addie-mais-encore-un-peu-en-fait.
— Mais-
Sa patte lui achoppe la mandibule, la lui tire vers elle. Dag lui écrase son nez contre son nez.
— Tu veux t’battre ??
Son front pour percuter son front. Ses sourcils ondulant au-dessus de ses deux flaques.
— J’ai dit que c’était…
Et elle abdique, le repousse sans le repousser. Dag chavire, cale sa nuque sur l’épaule de Lorcan et colle sa joue contre sa joue. Relâche sa mâchoire et se dandine sur son corps-matelas.
— Bon t’as peut-être raison mais c’est juste parce que c’est toi et qu’au final Billie elle existe autant que Mary ou que Mina ou que Mathilde ou que-
Dag a relevé le bras au-dessus de leurs figures. Ses doigts qu’elle écarte et replie, formant une boule de chair blanche comme la lune, les cratères et bubons en moins.
— J’avais jamais capté mais je crois que j’aime les M pour les pseudonymes et tu vois je pense que c’est un peu pour les mêmes raisons que tu sais le chanteur là et sa super chanson mais je sais pas trop-
Dag écrase son profil contre celui de Lorcan, harponne sa rétine de la sienne.
— Tu m’écoutes… ?
Évidemment qu’il l’écoute, il n’a pas le choix. Dag a décidé qu’il devait l’écouter, et si Dag l’a décidé, c’est qu’il le fait.
— Tu parles français pas vrai ? Oui tu parles français et si tu ne parles pas français il faut que tu apprennes le français ou au moins que tu t’interesses à leur culture et bref, y a un mec il s’appelle M et il chantait y a plusieurs années une musique sur le M. Ou alors c’était pas lui et c’était…
Dag s’arrête une nouvelle fois. Recolle son profil toujours davantage au profil de Lorcan. Son œil quasiment collé à son œil.
— Écoute-moi !!
Miaulement de chatte furieuse pas si furieuse. Sa risette lui écorche le minois. Ses quenottes blanches dévoilées sous ses lèvres charnues, trop mûres ; pêche dégoulinante de jus et de sucre. L’amour qu’elle lui porte est un tendre saccage très collant.
— Donc je crois que c’était M mais après j’ai comme un doute c’était peut-être aussi tu sais…
Elle réfléchit. Retourne à la contemplation de sa main-lune sans les bubons et les cratères - juste un peu de sang séché et de cervelle.
— Oh Cindy ouais c’était Cindy Sander et sa musique sur la lumière et les insectes sous les project-
Dag s’arrête. Encore.
— Non c’était pas ça. Ça doit être Valérie Paradis. Elle a fait une chanson sur les M nan ? En plus de son Jo le taxi. D’ailleurs… tu trouves pas que ma main ça pourrait être une lune de sang ? Tu sais comme dans les films de vampires.
La lune et les M sont reliés, il faut suivre. Il est toujours question d’amour et de paradis. Et les vampires tombent forcément amoureux sous la lune et donc le paradis et sans doute y a-t-il dans les rues des taxis.
— Et du coup j’étais pas là quand ils sont morts mais on aurait dû les recroiser depuis le temps j’veux dire c’est impossible de vivre aussi longtemps que des vampires et de pas se recroiser c’est pas comme si le monde était super grand arrivés à plus de deux-cent ans… Lorcan… Lorcan ?!
Dag de nouveau se retourne et lui revient comme la houle. Son nez écrasé à son nez et son front cognant son front.
— Tu m’écoutes quand je te parle ?! Je sais que la lune c’est génial et oui tu pourras me chanter Jo le taxi M je le sème sur ma planète comme je t'aime en M mais d’abord tu dois m’écouter. C’est pas très important et c’est clairement moins important que mon amour en M mais tu dois écouter ok.
Dag se revautre non sans lui enfoncer son coude dans les côtes et lui claquer son occiput dans la moitié de la figure.
Avant de se couler de nouveau dans sa petite place parfaitement parfaite.
— Moi j’ai juste vu la tombe de Darla et Beatrix qui m’a vomi dessus enfin pas vraiment vomi dessus mais vomi dessus au figuré tu comprends.
(#) Mar 5 Déc - 18:32
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Ça lui plait, ça. De raccrocher les wagons avec la norme de cette manière là. Le plus tard possible. En ayant si possible trouvé un moyen de remettre les compteurs à zéros. C'est qu'il n'est pas très religieux, mais qu'au cas où il existe un type là-bas qui jauge et juge les âmes des défunts, la dernière chose dont il a envie, c'est de finir par se faire rôtir les miches à côté de Saddam et Adolf.
« Je crois que je vais pas mourir de sitôt, tu sais ? J'ai tendance à toujours m'en sortir, moi. »
Le voilà presque désolé, alors que sa main libre s'étend et flotte dans le cosmos que ses yeux contemplent. Il croit même sentir la poussière stellaire sur ses phalanges. Il peut même confirmer là, tout de suite, que ce que dit l'institut Planck est vrai. Il les sent, les molécules de formiate d'éthyle, raison de son commentaire d'ailleurs :
« Alors ça a vraiment un goût de framboise et une odeur de rhum... fa-sci-nant. »
Il doit cligner un peu pour en revenir à l'objet de leur dialogue. De la boule au fond de sa gorge revenue se glisser là avant qu'il ne dérive vers ses délires de voyage stellaire.
« C'est les autres qui meurent. Toujours. »
Qu'il avait repris, comme s'il n'y avait jamais eu de pause.
Nez contre nez à lutter, Hunnigan se demande pourquoi elle voudrait se battre alors qu'ils venaient de quitter la Grande Ourse et que les anneaux d'il ne savait quelle planète leur servait de rampe de lancement. Vers l'infini et au-delà, en partance pour Kestrel-26 et quelques naines blanches sympas.
Billie, elle, semblait quand même avoir renoncé à l'idée de l'affronter sur son nom. Billie, Addie. Ça finissait de la même manière. Un A ou un B c'était presque pareil. Deux D ou deux ou deux L n'ont aucune importance... sauf au casino et pour les oiseaux... Billie était donc Addie. Addie Billie.
Et John n'était plus vraiment sûr de ce qu'il devait démontrer. D'autant qu'elle le perdait un peu plus encore. Billie, Mary, Mina et Mathilde. Les noms en M.
« Mais Billie c'est pas un pseudonyme en M. Sinon il faudrait que je t'appelle Millie. » Il écarquille les yeux, et tourne la tête vers elle, l'air horrifié, ses paluches attrapant le visage de la blonde qu'il maintient et scrute sous toutes les coutures. « Putain... » Il souffle, soulagé. « Millie c'est le nom qu'on donnerait à une comédienne de merde qui se prend pour une diva et qui jouerait dans une série ultra surcotée qui sentirait bon la nostalgie des Eighties et Seventies avec une histoire nullissime avec des ados des monstres, mais personne n'oserait dire qu'à part la saison I et un peu la II, le reste c'est nul parce que l'effervescence et l'euphorie l'emporteraient sur la raison. On ne vit pas dans un monde comme ça heureusement. Mais imagine quand même. »
Il est ramené sur terre par Billie... Addie... Aillie... Bddie...
« Tu m'écoutes ? – Oui j't'écoute. Je t'écoute toujours. »
Sauf pour le magnésium.
Et le yoga.
« Je parle Français. »
Pas sûr qu'elle, elle l'écoutait en revanche. Mais qu'importe.
« Tu crois que ce M dont tu me parles, c'est un des deux gars qui ont inventé M&M's ? Tu crois que c'est le premier M ou le deuxième d'ailleurs ? Je pense que c'est le deuxième. S'il fait de la chanson, il est sûrement moins investi dans le côté chocolaté et croquant que l'autre. Le premier M c'est le Meilleur, c'est logique – Écoute-moi !! – Mais je t'écoute.»
Autant qu'il le pouvait et que son état le lui permettait. Et voilà qu'il était question de Cindy, d'insectes – des papillons. Il en était sûr – et de projecteur. Billie se tait. John retient son souffle s'apprête déjà à lui jurer qu'il l'écoutait. Mais non. Elle lève le poing, lui parle de la lune de Sang. Les mirettes de l'Originel s'écarquillent lentement, brillent et laissent même couler une vraie larme de joie à la contemplation de la lune de Sang.
« Mais si ta main c'est la Lune, ça change tout. »
L'air grave, il réfléchit. Les théories sur les marées, la face cachée où se trouverait la base des reptiliens.
« Addie, comment Neil Armstrong s'est posée sur la Lune, alors ? »
Les complotistes avaient donc raison ? Stanley Kubrik avait filmé l'alunissage dans un studio d'Hollywood et il en avait la preuve vivante – littéralement – sous les yeux. C'était terrible.
Ceci dit, il comprenait qu'elle n'en ait jamais parlé. La Nasa voudrait sûrement faire des tests sur sa main. Et des tests, ils en avaient tous beaucoup trop subi dans les labos d'Icar-« Tu m’écoutes – Oui ! C'est Vanessa pas Valérie, même. »
Il geint quand elle lui écrase les côtes avec son coude. Mais forcément, puisqu'au bout de cette main il y a la lune, le poids sur son torse est sûrement incommensurable. Hey ! Peut-être qu'il est devenu ultra-résistant depuis le temps ? Ça expliquerait qu'il supporte le poids de Billie et son satellite naturel de main sans trop broncher.
« … moins important que ton amour en M. J'ai compris oui. »
Oui il avait parfaitement compris. Il secoua la tête avec un air grave, sérieux, et en amenant son index à ses lèvres. Ce secret cosmique resterait entre eux. Parce que son amour en M était forcément un code. M comme Moon. Et l'amour doit parfois rester secret. L'histoire de la lune devait rester secrète. Simple.
« Je suis content que tu me fasses assez confiance pour me parler de ça. »
Mmh mmh.
Alors quand elle rajouta ce qu'elle savait sur les derniers des Nightbringers, Darla et Béatrix, il secoua la tête d'abord, observa Proxima du Centaure et la ceinture d'Astéroïde à côté de la rocade et du périph' direction Coruscant, et tourna un air grave vers elle.
« Tu veux un secret que j'ai jamais dit à personne ? »
Il entortille ses doigts comme un enfant qui s'apprête à confesser une faute. Sa première faute réelle dans ce cas précis.
« Personne ne le savait, mais Béatrix et moi on se connaissait avant les laboratoires. Quand on était petit. Elle m'a abandonné. Elle m'a laissé tout seul en prison. Alors je me suis vengé. Je lui ai fait boire à la Fontaine de Jouvence pour qu'elle vive pour toujours. Je voulais qu'elle aussi... elle soit seule. Et que tout le monde l'abandonne. J'espère qu'elle est toujours en vie. Et qu'elle sait ce que ça fait, d'être laissée derrière et de voir les autres partir. »
C'est sûr, c'est pas un secret comme la Lune.
(#) Ven 29 Déc - 9:02
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Il délire, gentiment. Il plane, très haut.
Dag le regarde et s’extasie et s’imagine qu’elle ne captera jamais toute la dimension cosmique de ses mots. Moue sur la face, elle se love contre lui. Écoute sa respiration. Le cœur battant doucement sous les côtes. Ses doigts s’étalent sur le thorax et elle froisse le tissu salopé par les quelques accidents de parcours les ayant réunis. Tellement de sang. Tellement de sang déjà sec. Ses ongles grattent pensivement les écailles devenues brunes sur la fibre. Et elle l’écoute, sage et mutique. Entendre sa voix et sentir les vibrations contre sa joue l’hypnotise. Dag s’écrase davantage contre son torse. Dag se recroqueville contre Lorcan. Descend plus en bas, colle son oreille où elle devine le palpitant cogner le plus fort.
– Tu veux un secret que j'ai jamais dit à personne ?
Le museau se redresse en direction de son astre solaire. Sa main-lune s’immobilise. Les ongles suspendus aux notes de la gorge exposée. Cette gorge qu’elle pourrait mordre. Quel goût a Lorcan. Elle ne sait pas exactement. Son sang qu’elle a tant de fois essayé et nettoyé, sans avoir jamais eu l’idée de le lécher. Une erreur en oubli qu’elle se promet de rectifier.
Lorcan se mélange les doigts. Sa nervosité attise sa curiosité. Son envie de lui arracher les notes et plus encore les mots. Les phrases formées dans l’écœurant et le terrifiant des sales petits secrets qu’on garde trop profondément enfoncés dans l’âme jusqu’à se la crevasser.
Se peut-il que son âme suppure de poisons autant que la sienne.
– Personne ne le savait, mais Béatrix et moi on se connaissait avant les laboratoires.
Haussement de sourcils. Dag remonte vers la voix en mélopée-délice. Du sucre pour les abeilles. Elle devient une guêpe. Un frelon. Une saloperie qui dégomme tout et bourdonne sur les vestiges des mondes.
– Quand on était petit.
– Et pourquoi tu l’as jamais dit.
Pas une question. Un reproche.
– Elle m'a abandonné.
– C’est qu’une conne.
Évidemment.
– Elle m'a laissé tout seul en prison.
– Elle savait peut-être pas que t’y étais.
Vouloir recoller les morceaux des autres quand les siens sont brisures et poussière.
Vouloir effacer la peine de Lorcan quand la sienne lui coule dans les veines, mêlée aux globules.
– Alors je me suis vengé.
– Logique.
Un sourire fendille sa frimousse de poupée.
Son nez sinue. Dag se réinstalle pleinement sur Lorcan. Sa poitrine écrasée à sa poitrine. Les coudes plantés sur le plexus et les paumes de ses mains-lunes recueillant son menton.
Elle l’observe émerveillée. Fiévreuse. Elle le contemple comme le plus beau des trésors. Le seul qui lui fasse jurer de ne pas faire cramer l’univers tout entier à la force de ses toxines – cervelles bousillées et rire dément en hurlement.
– Je lui ai fait boire à la Fontaine de Jouvence pour qu'elle vive pour toujours.
– Oh…
L’explication à sa superbe longévité. A son manque de rides. Et ce même après avoir dépassé la quarantaine. Les ombres dans lesquelles elle se dissimule jusqu’à y disparaître, jusqu’à s’y faire oublier. Raturée des histoires. Sa mutation qui ne lui aurait permis que de continuer à s’évanouir dans la nature, et y crever.
Dag médite, la lippe en avant. Les prunelles sillonnant les rides de Lorcan.
La supposer crevée dans les ombres aurait été une douleur ou un soulagement.
La supposer crevée dans les ombres lui aurait évité de la recroiser en territoire occupé, surtout. Crevée dans les ombres, à ne plus pouvoir cracher ses conneries et, ainsi, ne pas lui hanter le cervelet.
– Je voulais qu'elle aussi... elle soit seule. Et que tout le monde l'abandonne. J'espère qu'elle est toujours en vie. Et qu'elle sait ce que ça fait, d'être laissée derrière et de voir les autres partir.
– C’est bien joué.
Une main relâche son menton.
Dextre déposée sur le profil de Lorcan. La paume caresse la joue piquée de poils, l’index et le majeur se tendent et longent la tempe, se baladent sur le front et l’arête du nez.
– Enfin si tu l’avais pas fait j’aurais sans doute pas eu à subir ses jugements et grands principes. Mais c’est bien joué... t'es un petit pervers au fond du fond. dit-elle.
Dag se marre. Expose ses quenottes. Sourire comme un couteau. A trancher les idéaux et la bien-pensance. Lorcan est un vrai petit pervers et elle glousse ravie et chuchote :
– Au moins, elle en chie autant que nous.
Petit hochement de crâne satisfait.
– T’as déjà essayé de te tuer ? Ou de la tuer ?!
Enthousiasme crasse sous la couche d’innocence. Rondeurs de la bouille afin de faire passer les dégueulasseries professées.
– Moi j’ai essayé de plein de façons différentes et ça fonctionne jamais… enfin pas de la tuer elle même si j’ai quand même essayé mais j’ai jamais vraiment essayé-essayé tu comprends c’était y a longtemps et puis à moitié fait exprès mais elle m’avait énervée.
Devrait-elle se confesser, elle aussi. Sur les crimes non-commis mais presque.
Un soupir. L’index cavale et s’écrase sur les lèvres masculines. Le bout de l’index se fraye un chemin entre la chair tendre qu’il entrouvre. L’ongle tapote sur l’émail jauni par la clope.
– C’est bizarre quand même non ?
L’immortalité. Et sa propension à rendre cinglé.
Dag se tortille sur Lorcan. Les guibolles entourent ses flancs, et son coude osseux s’enfonce un peu plus tandis qu’elle se redresse. Son cul maigre sur son estomac. La figure de Lorcan est relâchée. Dag se frotte la tignasse, la remue. Fait voltiger des morceaux divers et variés – les derniers, croit-elle, de son carnage. Le visage se fronce, elle tire sur deux trois mèches emmêlées et engluées.
– De toute façon le bien ou le mal ça veut rien dire c'est juste un concept humain pour se rassurer et esquiver les tarés en puissance et puis la passion et l’amour ça mène au meurtre, c’est prouvé.
Prouvé par sa propre expérience – qui prévaut sur toutes les autres. Méli-mélo de pensées lui jutant hors de la bouche. Elle sourit, de nouveau. Elle est heureuse et déborde de conneries métaphysiques, continuellement.
– Si t’essayes un jour de me tuer je t’en voudrais pas, t’inquiète.
Et d’ajouter, tirant toujours sur ses tiffes blonds : Je crois que t’es le seul sur Terre que je n’ai jamais voulu tuer c’est bizarre quand même non ?
L’amour comme l’immortalité. Et sa propension à rendre toujours plus cinglé.
– Par contre faudrait que je te goûte.
Un aveu nécessaire, n'est-ce pas. Afin qu'il ne soit pas surpris que sa langue un jour ou un soir lui chatouille la peau.
(#) Dim 31 Déc - 9:28
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« Peut-être que je voulais pas que vous sachiez qu'Icarus est venu me chercher en prison. »
Et parce que Béa non plus n'en avait jamais parlé, alors il était resté sur cette dynamique. Toujours. Hunnigan n'avait pas souvent fait les bons choix. En particulier à cette époque.
« Elle savait que j'y étais. Elle était avec moi quand on m'a arrêté. On cambriolait la même maison. »
Ah oui, ça aussi il ne l'avait jamais dit. Les cambriolages. Il avait été trop occupé à essayer de se rendre indispensable par peur d'être invité à foutre le camps pour réellement se livrer. Finalement, Addie lui avait offert le contact le plus humain du lot quand, après sa trahison, elle l'avait remis sur pied. Addie et Alice. Des sourires, le rouge de ses grosses joues et aucun jugement. Pas un mot sur ses trahisons.
Pas même un reproche sur le fait qu'il avait aidé l'ennemi à essayer de traquer certains des Nightbringer. L'idée lui arracha un soupir lourd.
« Un petit pervers ? Hm... p'tete bien. »
Mais dans le fond il savait que ça n'était pas vraiment le cas. Il était juste... simplement très con. Un monstre de bêtise tout flingué et cabossé assez débile pour écouter les conseils d'une petite boîte et faire passer les Voix avant la raison et la logique.
S'il ne nie pas, c'est d'ailleurs parce qu'au détour d'un énième nébuleuse, alors qu'il était pourtant sûr d'avoir vu nager des dauphins cosmiques, elle conclut sur le fait que Béa en chie autant qu'eux. Il approuve. Il espère.
Parce que dans sa défonce actuelle, il n'y a pas de culpabilité. Juste lui et ses pensées qui ne sont jamais forcément les bonnes dans ce genre d'état.
« Me tuer ? Non. »
Conclut-il, très vite. Sans ambiguïté.
« Et j'ai passé des années à essayer de retrouver vos traces pour tous vous tuer... alors techniquement, elle aussi. »
Quand la milice d'Icare l'avait mouliné pour lui faire faire tout et n'importe quoi. Il se rappelait surtout de certaines traques non abouties.
« J'ai passé tellement de temps à traquer James... » Darius... « … et j'ai fini par trucider la sorcière Hoxha devant sa propre fille. Je l'ai torturé pour qu'elle me dise où se cachait ce satané vampire et rien... »
Sa main vogue en vague et retombe mollement comme celle d'un gosse qui mimerait un échec en une sorte de crash d'avion. Son regard perdu s'accroche à nouveau à la blondeur de Billie et ses confessions. Elle a essayé de se tuer. C'est ce qu'il retient. L'idée lui fait perdre un peu son sourire. Il grince des dents, ses lèvres donnent l'impression de ses scier l'une l'autre, celle partant vers la droite et celle du bas glissant à gauche puis dans l'autre sens, comme si la friction lui permettait d'avaler la nouvelle.
« Pourquoi est-ce que tu as essayé de te tuer ? »
Qu'elle ait essayé de fumer Béa mais pas trop, il s'en fiche bien. De toute manière, elle avait manqué sa cible, à l'entendre. Mais il se raccroche à son affirmation.
« C'est troooop bizarre ouais. »
Il ne savait plus s'il parlait de l'immortalité... ou des étoiles filantes. D'Iggy Pop surfant sur de la poussière d'étoiles. Ou de la main-lune de Billie qui hantait quand même toujours son esprit. C'est qu'il ne verrait plus les choses de la même manière à partir de maintenant.
« Mourir de toute manière, c'est trop facile. Vivre, ça l'est moins. »
Surtout aussi longtemps songe-t-il. Surtout avec tout ce qu'ils avaient pu faire. Plus une vie dure, plus les choix douteux s'accumulent. Plus les drames sont nombreux aussi. Et les regrets vont avec. Vivre longtemps, c'est souffrir. Mourir finalement n'est qu'une solution lâche à ses yeux de tout conclure. Hunnigan, il n'a jamais été spécialement croyant. Mais une petite voix lui disait que ça n'était pas une solution, de conclure tout ça comme ça. Sucer le canon d'un 44 magnum. Consteller une pièce de sa propre cervelle...
Non vraiment, ça n'était pas pour lui.
« Et ça aurait été gâcher ton temps. Tous ces jours passés à réparer tout ça... » tout ça ; lui « Pour que ça se finisse comme ça, sur ma décision ? Naaaaan. Je mérite pas de mourir. »
Il grimace, autant parce qu'un coude vient de lui faire un mal de chien que parce qu'à ressasser tout ça, le cosmos semble s'être effacé et qu'il en redevient un peu trop lui-même. Une chance qu'il replonge vite. Les étoiles, les dauphins, Iggy Pop, Freddy Mercury sur la rocade de Jupitox. Il n'a pas saisi que les effets s'accentuent quand Billie se tient proche de son visage, et qu'à l'inverse quand perchée et assise sur lui, à un peu plus de distance, il redescendait.
Tant pis.
« T'as quand même mis un flingue sur mon front tout à l'heure, Billie. »
Qu'il siffle en réponse à son aveu qu'elle n'avait jamais voulu le tuer. Ceci dit, dans le fond il savait qu'elle ne l'aurait pas fait. Tout comme il savait qu'elle allait accepter de lui rendre la boîte.
« Mais je te tuerais pas non plus. C'est précieux, les amis. Et des comme toi, j'en ai qu'une. »
Il divague mais pas trop, John. D'autant qu'elle ajoute maintenant qu'elle veut le goûter, ce qui lui fait froncer les sourcils... et plonger un peu plus dans son délire.
« Tu crois que j'ai le goût de la Voie Lactée ? Comme tout ce qui nous entoure là ? » Il écarquille les yeux, et se redresse sur un coude, l'air ahuri. « Parce que les Nébuleuses... et la Voie Lactée, elles ont un goût de framboise. C'est prouvé. Comme l'amour et la passion qui mènent au meurtre. La framboise Addie. La Framboise. Tu te rends compte ? »
C'est terrible. D'autant qu'il préférait la fraise.
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