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(roast#3) kalahari down
(#) Mar 8 Aoû - 15:54
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Strange place for a boy to drown
Amy jette un coup d’œil en coin à Osmond. "Sorry, boss, where did you say we’re going again?" demande-t-il en ne parvenant pas à maintenir le contact visuel plus longtemps, ses nerfs oculaires douloureux et engourdis préférant se focaliser sur la vision lancinante de la route qui s’étire devant eux. De plus, le patch aplati sur son œil droit n’aide pas non plus. Il raffermit sa prise tremblante sur le volant de la voiture, comme si ça allait l’aider à combattre la douleur qui pulsait dans son crâne, jusqu’à faire exploser des taches de couleur dans son champ de vision.
Il devrait peut-être laisser le volant à Osmond.
Après tout, lui seul savait où ils allaient.
En effet, Amy n’était plus sûr s’il ignorait leur destination parce qu’il l’avait oublié et plutôt parce qu’Osmond ne le lui avait pas expliqué. Bien entendu, ça n’était pas nouveau que son patron se montre aussi secret, mais cette fois-ci, Amy sentait qu’il se passait quelque chose de grave, grondant par-delà la frontière de sa propre souffrance qui lui prenait toute son attention.
L’origine de cette douleur pouvait remonter à trois moments différents: il y a seize heures, une paire de cornes grossières en acier avaient percé la chair de son front, un supplice qui lui semblait avoir duré beaucoup trop longtemps, alors qu’il sentait les couches de derme se tirer et se fendre, les excroissances paraissant emporter avec elles le reste de son crâne, de son cerveau et de sa raison. Amy avait cru que ça n’allait jamais s’arrêter, que le sang n’allait jamais s’arrêter de couler, et qu’il ne pourrait plus jamais rouvrir les yeux.
Néanmoins, cette torture faite maison concluait un épisode qui, lui, remontait à la semaine passée, après qu’Amy ait passé plusieurs jours dans son Texas natal, de retour dans le ranch de ses parents, après s’en être enfui il y a près de vingt ans. A son retour à New Blossom, il n’avait ramené qu’un récit laconique, un panier de bocaux d’abats et ces deux excroissances qui à ce moment-là n’étaient encore que deux grosses bosses au-dessus de chaque sourcil. S’il avait insisté pour partager ses victuailles, il s’était en revanche bien retenu de révéler à ses petits camarades Orphans ce qui était apparu sur son front, cachant ces protubérances sous ses cheveux et une casquette.
En l’occurrence, peut-être que tout ça avait en réalité commencé il y a près de vingt ans, donc, quand Amy avait quitté sa famille de dégénéré.e.s une bonne fois pour toutes. Enfin, c’est ce qu’il avait cru, avant qu’on le rappelle pour l’enterrement d’un oncle dont il n’avait jamais entendu parler. Parce qu’après vingt ans, Amy ne s’était pas attendu à grand-chose de la part de sa famille, et ça ne l’avait pas tant étonné que ça qu’en près de vingt ans, rien n’ait véritablement changé, eut égard à sa formidable prise de masse et son sens relatif des responsabilités offerts par la cause Orphan.
Toujours est-il qu’à présent, Amy était doté d’une paire de cornes en acier, l’une mesurant plus de dix centimètres, l’autre plus courte, légèrement tournée vers l’intérieur, que ça lui faisait un mal de chien, les chairs déchirées peinant à cicatriser, puisqu’incapables de se refermer sur quoi que ce soit, saignant régulièrement, si bien qu’il avait le crâne grossièrement enrubanné dans un rouleau de bandages poisseux.
Et, de surcroît, Osmond était en train de l’emmener au milieu de nulle part, pour faire il ne sait quoi.
Qu’on ne se méprenne, Amy était toujours content d’accompagner Osmond faire exploser des usines ou plus généralement détruire la vie de tristes inconnu.e.s. Mais le Serpent ne desserrait toujours pas les mâchoires, et Amy devait avouer qu’il avait imaginé, pendant quelques secondes, que son patron bien-aimé le conduisait au milieu du désert ou des docks pour l’y abandonner, comme un chiot qu’on noierait au fond d’un sac de toile, pour la simple raison qu’Amy, s’il ne parvenait pas à maîtriser sa mutation et faire disparaître ses cornes, n’était à son avis plus montrable et de fait, plus utile à Osmond Rose.
(#) Mar 8 Aoû - 20:40
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"Keep driving, Aimee," lui a gentiment dit Osmond. Les yeux sur la route et nulle part ailleurs ; il veut qu’Amy ne se concentre sur rien d’autre que sa conduite, pour une fois sage et presque trop automatique.
Beaucoup de choses ont changé ces derniers temps chez Amy Armstrong. Des détails très subtils, si subtils qu’ils en deviennent invisibles chez lui qui les a toustes habitué.e.s à l’Amy sympathique, rustaud et flagrant. Des sourires moins francs, des regards absents, des gestes lents et désincarnés quand ils auraient dû avoir la passion du métier ou l’attention du camarade. Et puis évidemment : ces cornes en métal et les bandages qui vont avec, tout à fait ostensibles, tout à fait visibles et à portée de main. Osmond n’a rien touché. Rien frôlé. Plusieurs fois, la chose lui a cependant démangé ; l’envie de tendre un bras, de déployer une main, d’approcher ses doigts blêmes des excroissances nouvelles. S’il y a bien un sentiment qu’Osmond sait détecter depuis sa plus tendre enfance, c’est celui de la honte. Et la honte, tout à coup et sans avoir la décence de s’annoncer, est apparue dans le regard bleu d’Amy. C’était à son retour du Texas, où il était allé rendre hommage à un membre décédé de sa famille. Osmond s’est senti sourire sans une once de joie en le voyant réapparaître derrière son comptoir au Red Chips. Il a compris, dans leur premier échange après des jours à ne pas se voir ou se parler, qu’Amy était redevenu un adolescent de quinze ans se cachant de son père.
Il importe à Osmond qu’Amy soit heureux.
Il ne fait jamais rien de noble ou de vertueux pour que cela arrive, mais il lui importe malgré tout et cela très égoïstement qu’Amy Armstrong soit heureux. Ce n’est pas un caprice, c’est un état de fait : Amy a pris de la place dans sa vie. Il n’est plus le cuisinier d’avant. Il n’est plus l’homme à tout faire d’après. Il est un membre de sa famille, et parce qu’en vérité Osmond craint et méprise le terme de famille, il serait plus juste de dire qu’Amy fait partie de son clan. Il y a ses marques, ses droits, des faveurs injustes qu’il obtient quand d’autres en sont privé.e.s, tout autant de signes qui prouvent son appartenance et désavouent les racines dont il est nativement issu. Amy n’a probablement pas conscience de tout ceci, d’autant plus qu’Osmond ne lui a jamais formulé clairement cette évidence - Osmond ne formule jamais ce genre de choses, il les laisse pourrir dans sa gorge plutôt que de les cracher, douloureusement conscient que son amour glaireux, maladif et néfaste est importun et malvenu. Mais Osmond n’a pas besoin de formuler quoi que ce soit. D’autres langages existent, d’autres formules sont possibles ; tout autant pour exprimer l’affection que la haine.
La route termine sur un cul-de-sac. Un champ de maïs obstrue devant eux le ciel nocturne, baigné par la lumière des phares du pick-up. "Turn it off," lui demande-t-il tout aussi gentiment. Le ronron mécanique s’interrompt et ne reste plus que la lumière jaune dardant sur la verdure ses lignes droites. Osmond observe quelques secondes de silence, un coude appuyé sur le rebord de sa fenêtre ouverte, une main nonchalante posée contre sa bouche - le dos de l’index exerce quelques petites pressions contre ses fines lèvres sèches tandis qu’il réfléchit.
"Do you know what I hate most of all, Aimee?" Une crispation naît dans le renfort de ses rides, éludée par un nouveau petit geste contre sa bouche qui bouge un peu mais pas trop. Il aimerait lui dire que ce qu’il déteste plus que tout est qu’on s’en prenne aux êtres qui lui sont chers, mais c’est d’une banalité et insipidité affligeantes aussi il préfère dire : "Fathers." Le maïs est très calme devant eux. Il a beau vouloir observer ses défauts et ses inclinaisons parfois hors-normes il semble qu’aucun vent n’agite feuilles et tiges. Osmond est incapable de regarder Amy. Il a évité tout contact visuel depuis qu’ils sont partis et continue encore d’éviter de basculer son regard sur le profil abîmé et cornu du mutant. Une gêne le saisit, forçant son doigt à se déplacer contre sa barbe de quelques jours qu’il frotte doucement quoiqu’un peu compulsivement. "I do believe that they are the real monsters of this world." Son œil vif et son œil mort se déplacent un peu, traînant son regard sur le pare-brise sans oser aller plus loin, à quelques centimètres seulement du reflet d’Amy. "So are mothers," en convient-il, comme si ce monologue était un dialogue avec lui-même, "but I forgive them."
Il sort soudain du véhicule.
La portière est refermée derrière lui puis il contourne le pick-up vers l’arrière, en direction du coffre. Bien qu’à ciel ouvert, il y a dedans quelques masses sombres recouvertes de bâches. Des feuilles mortes ramassées par les résident.e.s de son ranch, qui ont été tassées dans un énorme sac. Une pelle, un râteau et un grand sécateur, enroulés dans un autre sac. Et le corps inerte de Jupiter Armstrong, discrètement enveloppé. Quand Osmond baisse l’arrière du coffre, c’est cette forme-là qu’il tire à lui - par les pieds - et découvre de son plastique noir. Jupiter est un homme aussi grand que lui mais maigre qu’Osmond a peu de mal à porter ; pour la simple raison qu’il le traîne par le col, laissant le corps de Jupiter tomber lourdement sur le sol terreux de la route et s’écharper les frusques et les chairs contre la caillasse tandis qu'il le tire.
Arrivé dans le faisceau des phares restés allumés, suffisamment loin pour ne pas être aveuglé, Osmond s’agenouille et redresse Jupiter pour reposer son dos contre sa jambe pliée. Dans des petits grognements et geignements discrets, père Armstrong se réveille peu à peu et à temps : la dose qu’on lui a administrée ne devait pas durer plus longtemps. Osmond dégaine un couteau de chasse gardé jusqu’ici à sa cheville et, sans s’en débarrasser dans son autre main, tend un bras aimable vers Amy. "Come here, Aimee. Come closer, please. Yes. That's him. You recognise him, good." La voix feutrée d’Osmond siffle un peu, donne à son allure surexposée un quelque chose d’hâtif, ou troublé, ou angoissant, ou simplement concentré par sa tâche et l’envie de voir en effet Amy approcher. Osmond est toujours d’un calme extrême et inhumain quand il est terriblement en colère.
"It's the man who fears you." Le bras s’est baissé. Le couteau reste suspendu mollement au bout de ses doigts, flotte au-dessus de la zone abdominale de Jupiter tandis qu’Osmond le dévisage après avoir méticuleusement observé ses phalanges abîmées par tous les coups qu’il a portés une semaine auparavant. "He seems so... meaningless. Don't you think?" Le regard froid trouve enfin la force de se poser sur Amy. Sa contemplation fugace fait se resserrer la paume de sa main autour du pommeau de l’arme. Il en revient à l’observation du visage de Jupiter. "You should kill him. Every tyrant must die at a certain point." Les yeux morts-vifs se reportent sur Amy. Osmond à le visage plutôt inexpressif, mais il déborde d’une attention exacerbée et unique. Singulière dans sa bienveillance. "Don’t worry Aimee… don’t worry. I’m here. It’s going to be fine. I’m here." Jupiter émet un début de plainte.
(#) Sam 12 Aoû - 6:58
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Pendant un instant, il se rappelle du labyrinthe de maïs qui avait été planté près de chez lui. Une attraction qui avait attiré son lot de touristes à une époque, sans qu'Amy ne comprenne ce qu'il y avait de séduisant à faire exprès de se perdre dans un champ immense. Pour l'avoir été à plusieurs reprises, égaré volontairement par des cousins plus âgés que lui, il n'avait pas trouvé ça particulièrement divertissant. Peut-être qu'Osmond aussi va le conduire au milieu du champ en espérant qu'il n'en sorte pas, jusqu'à finir fauché comme un énorme épi de maïs.
Néanmoins, Amy a obéi et s'affale désormais au fond de son siège, immobile, attendant la prochaine directive de son patron. A ce stade, lui non plus n'ose plus le regarder, et il a vissé ses yeux sur le dos de ses mains ramassées contre lui, sentant ses cornes peser sur son front baissé, comme un casque trop lourd.
"Do you know what I hate most of all, Aimee?" Contrit, Amy secoue la tête de droite à gauche. Me, you hate me most of all. You hate mutants with stupid and useless horns. "I don't, sir. - Fathers." Amy relève instinctivement le menton, les sourcils plissés, fixant d'incompréhension le profil taillé dans le marbre d'Osmond, dont le regard se dérobe encore au sien; Amy ne s’est jamais autant senti frustré que lorsqu’il se voit refuser le regard de son patron. Etait-ce à cause de son fils, Junior, qu'ils étaient là, finalement ? Jusqu'à présent, qu'Amy ait un enfant n'avait pas eu l'air de déranger son patron, pour peu qu'il s'en rappelle. "I do believe that they are the real monsters of this world." Peut-être qu'après tout ce temps, l’ex d’Amy était finalement parvenue à joindre Osmond pour se plaindre auprès de lui, tant et si bien que le Serpent avait pris partie dans cette affaire qui ne le concernait absolument pas? Cette idée était complètement invraisemblable, mais faute de mieux, elle fait néanmoins son bout de chemin dans la caboche confuse d'Amy. "So are mothers, but I forgive them." Ah, peut-être que son ex-copine n'était pas allée trouver Osmond, finalement, ou que l’homme avait su discerner le faux du vrai dans ce qu’elle lui avait raconté.
Osmond sort subitement de la voiture. Amy défait sa ceinture de sécurité avec précipitation, se tournant et se retournant sur son siège, tendant le cou pour observer ce qu'il trafiquait dans le coffre du pick-up. Quelques heures plus tôt, quand il s’était assis à côté d’Osmond et avait démarré la voiture, il n'avait pas prêté attention au contenu du coffre. Et, désormais, le Serpent était en train d’en tirer un homme avachi, pour le traîner au sol jusqu’à la lumière des phares. Amy sort à son tour de la voiture et s’approche prudemment. "Who the fuck is that…" murmure-t-il pour lui-même, tandis qu’Osmond tend un bras vers lui. "Come here, Aimee. Come closer, please." La paire de bottes qu’il distingue à la lumière ne lui dit rien au premier abord. Son regard remonte fiévreusement le long de la silhouette à terre, craignant qu’il ne s’agisse d’un.e Orphan qui avait mal agi, d’un traître insoupçonné.
Aussi, il reste bouche bée lorsque le visage qu’il découvre est celui de son père. "Yes. That's him. You recognise him, good." Amy secoue la tête, comme s’il refusait d’accepter la vision d’Osmond et de son père dans le même cadre.
Jupiter Armstrong ne ressemble pas tellement à ses enfants. La différence ne résidait pas tant dans le teint rougeaud ou la blondeur familiale, mais plutôt dans les traces qu’une vie de colère avait laissé sur son visage; son corps somatisant le ressentiment nourri et pourri à l’égard de sa progéniture.
"What the fuck is going on?" couine Amy, à bout de souffle, en continuant de s’approcher lentement des deux autres hommes. Il ne comprend pas à quoi rime cet incident, pourquoi Osmond Rose avait décidé de le punir de cette manière, en menaçant de s'en prendre à son père, quand Amy n’avait jamais vraiment parlé de son père ou de sa famille. "He seems so... meaningless. Don't you think? - W-why the fuck did you do th—" expulse-t-il dans un souffle faible, qui meurt avant de pouvoir achever sa question, tandis que leurs regards se croisent enfin.
Amy s’est toujours demandé comment Osmond Rose pouvait avoir un regard aussi noir même avec des yeux aussi clairs. Il ne comprend pas pourquoi il est aussi terrifié et soulagé à la fois d’obtenir cet échange de regard qui lui a tant manqué depuis le début du trajet.
Néanmoins, la tension entre leurs yeux ne dure pas, Amy n'a pas eu le temps de comprendre ce qu'Osmond voulait lui dire qu'il se détourne de nouveau, et c’est comme si Amy sortait enfin de sa stupeur béate. "You should kill him. Every tyrant must die at a certain point. - What?! - Don’t worry Aimee… don’t worry. I’m here. It’s going to be fine. I’m here. - Why the hell would you say such a thing??" coasse-t-il, levant la voix de plus en plus.
S’il s’est rapproché des deux hommes et lance subrepticement des regards inquiets à son père, il préserve une distance et n’a même pas le moindre élan vers lui pour venir le libérer et le tirer des mains armées d’Osmond.
Amy est choqué, il ne comprend pas pourquoi Osmond a enlevé son père pour le faire tuer. Effaçant toutes les théories alambiquées qu’il avait nourries jusque là, il se demande désormais si son père n’était pas secrètement en affaire avec Osmond, et qu’il avait merdé à un moment donné, et que tout ça n’avait définitivement rien à voir avec lui, Amy. Il serait énervé que Osmond ne lui ait rien dit et, dans la foulée, il a également peur du sort qu’Osmond réserve à son père: l’avoir mis hors d’état de nuire et conduit dans un endroit aussi isolé ne pouvait mener qu’à une seule issue, et Amy trouvait ça presque cruel qu’Osmond l’ait entraîné dans cette histoire, jusqu’à lui demander de porter le coup de grâce.
"What’s going on, boss? Why would you kidnap my fucking dad and ask me to kill him?? I ain’t gonna kill my dad?? Une pensée, fugace, éclair, lorsque cette alternative mentionnée se déroule dans sa tête à la vitesse de la lumière. Has he done something wrong? Did he owe you some money? I can pay for him, sir, just tell me how much! - Cut the fucking crap, Ams… Une voix pleine de gargouillis s’élève avec peine, alors que Jupiter Armstrong émerge. What the fuck is wrong with your face... marmonne-t-il en plissant les yeux pour mieux voir son fils. You’re fucking part of it, don’t you play dumb on me, you stupid brat… - Shut the fuck up, Jupiter, I’m trying to help you! gémit Amy. Un sourire goguenard fend le visage de Jupiter en deux. - I didn’t know you’d have the guts to take a swing on me, and even now, you need the help of some fucking mob… - Shut up... - Come on, boy, you’re just good at doing what you’re told, kill the tyrant already, singe-t-il, n'ayant pas l'air de se préoccuper de la lame sur son ventre. - Shut the fuck up, dad! Osmond— boss, please, tell me what's going on?!" Si le couteau de chasse n'avait pas encore percé les chairs de Jupiter, c'était uniquement parce qu'Amy ne lâchait pas Osmond des yeux, son visage fermé, persuadé que s'il détournait le regard, son boss ne se ferait pas prier pour écourter l'existence de Jupiter qui essayait sans doute de déstabiliser suffisamment le duo pour tenter de s’échapper dans les champs, une fois que les effets de la drogue se seraient atténués.
(#) Mar 15 Aoû - 11:04
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"Why the hell would you say such a thing??" Le coassement soudain d’Amy prend Osmond de court. Il ne s’attendait visiblement pas à trouver la panique chez lui car tout ceci est, dans son monde désastreux et malsain, tout à fait normal. La confusion vient saisir les traits d’Osmond, et un petit froissement de sourcils ponctue le regard interrogatif qu’il livre à la silhouette qui se tient debout, partiellement illuminée par les phares du pick-up. "What’s going on, boss? Why would you kidnap my fucking dad and ask me to kill him?? I ain’t gonna kill my dad??" L’affolement d’Amy arrive comme une vague de fond sur le calme d’Osmond. Sa prise contre Jupiter s’amollit un peu tandis qu’un embarras bizarre grimpe peu à peu dans ses muscles et installe le sentiment de honte. Les petits yeux si bleus d’Amy, ainsi cachés par le clair-obscur de sa position, n’ont jamais parus aussi luisants d’inquiétude ; et c’est lui qu’il regarde comme ça, lui et Jupiter, tous les deux enlacés par terre comme un diable bicéphale.
Les lippes fines d’Osmond s’ouvrent un peu, tremblant infiniment un déluge de réponses inaudibles qui lui semblent pourtant pleines de bon-sens. "Has he done something wrong? Did he owe you some money? I can pay for him, sir, just tell me how much! - That is not-- - Cut the fucking crap, Ams…" Osmond semble se souvenir du poids mort qu’est celui de Jupiter, avachi contre lui, quand sa voix faiblarde ose l’interrompre. Il baisse ses yeux mort-vif en sa direction sans bouger d’un millimètre sa tête. "What the fuck is wrong with your face…" La prise des mains d’Osmond se réaffirme contre les nippes poussiéreuses et sales du cloporte. "You’re fucking part of it, don’t you play dumb on me, you stupid brat… - Shut the fuck up, Jupiter, I’m trying to help you! - Help him?" reprend-t-il en écho, d’un ton beaucoup trop bas, feutré et sifflant pour que le père et le fils s’en voient troublés. La confusion continue de dévorer Osmond. Il ne comprend pas comment Amy peut être aussi dévoué envers une merde humaine pareille, il ne comprend pas son alarme évidente et son effroi devant l’arme ; il déteste ce sentiment de honte qui s’épaissit, une honte obscènement chrétienne qui vient d’il ne sait où, du céruléen candide des yeux d’Amy ou de la petite croix huguenote qu’Osmond garde toujours sur lui, pendue à son cou comme la mort d’Edwin reste pendue à sa conscience. "I didn’t know you’d have the guts to take a swing on me, and even now, you need the help of some fucking mob… - Shut up... - Come on, boy, you’re just good at doing what you’re told, kill the tyrant already." L’état d’hébétude d’Osmond se rompt le temps d’enrouler son bras libre autour du cou de Jupiter. Il sent son pouls pulser à travers chemise, il sent chacun de ses os saillants s’enfoncer dans sa chair à mesure que sa prise se faire constrictive. La lame sur son ventre devient secondaire. "Shut the fuck up, dad! Osmond—", le regard assassin et noir de fiel s’étiole après quelques battements de paupières tandis qu’il revient vers Amy à la toute première mention du prénom, "boss, please, tell me what's going on?!" La colère repart timidement dans sa gorge. "What do you mean?" Un air penaud et derechef confus chiffonne son flegme si habituel. "He did that to you." And by that, les yeux mort-vif dévisagent Amy là où ses quelques pansements et cicatrices sont visibles. Il ne pense pas une seule seconde aux cornes, et pourtant par là-même, c’est bien elles qu’il désigne par défaut.
"Aimee, you--" Osmond se relève brusquement, laissant tomber Jupiter pour qui il n’a soudain plus aucune considération. Il darde sur Amy son entière attention ; néfaste, aberrante, immonde, excessivement dévote dans son examen. En quelques pas seulement il se retrouve face à un Amy horrifié. La honte est à ce stade si lourde dans ses muscles qu’il arrive difficilement à garder le couteau de chasse dans sa main. L’arme tremblote ridiculement, provoque des petits reflets luisants qui taquinent Jupiter. "He's damaged you enough, don't you think?" L’espace d’une respiration, il ne sait plus s’il parle de Jupiter ou de lui. La petite croix huguenote d’Edwin pèse maintenant tout autant que la honte. Osmond échappe son regard au-delà du visage abîmé et cornu d’Amy, cherche compulsivement un détail à observer dans la scène qui ne le ramène pas à cette horrible et désagréable sensation. "He's ashamed of you, he's scared of you, he thinks you're a monster." L’espace d’une autre respiration, il ne sait plus s’il parle de Jupiter ou d’Amy. Des sourires pâles et terrifiants de fausseté cloquent sur sa bouche. "He doesn't deserve to live. I told you, he's a tyrant--"
Un masque de stupeur fend les mimiques crispées et laides d’Osmond. Il manque cette fois une respiration entière, avant de tourner consécutivement la nuque et sa main libérée du couteau vers la droite, où Jupiter est venu planter la lame dans son dos. Des pas précipités se font entendre, sans doute Jupiter qui s’enfuit dans le dédale végétal qu’est le champ de maïs. La stupeur presque trop ingénue d’Osmond se retransforme en haine. Les bras encore maladroitement levés, gênés dans leurs mouvements et tétanisés par la douleur, il lance un regard morne et horrifiant en direction du champ. "In the back? You piece of shit…"
(#) Sam 19 Aoû - 19:20
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Il va pour reporter son regard sur son père, mais celui-ci s’affale tandis qu’Osmond, lui, se lève et, pendant un instant, il ne sait pas pourquoi, Amy aimerait qu’Osmond franchisse la courte distance qui les sépare. C’est ce qu’il fait, arrive en face de lui, et bien qu’ils ne se touchent pas, Amy se sent envahi, embrassé, étouffé par le regard acéré d’Osmond. Amy réalise que, si ça n’est pas la première fois que ça arrive, c’est en tout cas la première fois qu’il remarque qu’il a l’attention entière d’Osmond Rose. Une attention fiévreuse, agressive, qui va autant en lui qu’au travers de lui. Amy ne sait pas ce qu’Osmond cherche à voir, ce qu’il voit, au-delà de lui.
Osmond Rose n’exprimait son affection pour les Orphans, pour Amy, qu’en décisions extrêmes et privilèges irréguliers et injustifiés. Mais de cette manière, maladroite et irrégulière, il l’exprimait donc.
Et, parallèlement au fait qu’Osmond n’exprimait pas directement ses sentiments, Amy, lui, était habitué à ressentir que ce qu’on ne lui adressait pas directement, à l’instar d’un chien qui sent dans l’air la pluie qui arrive, la catastrophe qui menace. Et, d’ailleurs, ce même chien ne différenciait pas les menaces ou les compliments qu’on lui adressait, fussent-ils prononcés d’une même voix douce. Aussi, les mots sonnaient souvent creux, lointains, résonnant de beaucoup trop de sens, dont il ne pouvait percevoir les effets que trop tard.
Aussi, peut-être que les actes d’Osmond étaient l’écho de tout un tas de sentiments qu’il nourrissait à son égard et que c’était finalement en cet enlèvement sinistre qu’Amy voyait un peu plus clair.
Personne n’avait jamais commis un acte aussi horrible pour lui. Lui, il avait fait plein de trucs horribles pour les gens, mais jamais l’inverse. Jusqu’à maintenant. Aussi, quand Amy demande: pourquoi vous faites un truc pareil, boss? il ne demandait pas réellement pourquoi, mais bien pour qui; et que la réponse soit sans l’ombre d’un doute pour lui, pour Amy, n’arrive pas à se frayer un chemin dans sa raison, tant ça parait déraisonnable et énorme. Il ne veut pas penser à ce que veut dire cette réponse, il ne veut pas penser aux sentiments d’Osmond si intenses et incontrôlables qui avaient engendré un tel résultat. Et, par la même occasion, il ne veut pas penser aux sentiments à l’égard d’Osmond Rose que ça réveille au fond de lui.
Amy sort de ses pensées quand Jupiter se défile dans les champs. Il ne comprend pas tout de suite la silhouette du couteau planté dans le dos d’Osmond. Ce n’est qu’en remarquant la grimace sur le visage d’Osmond qu’il se remet en branle, s’élançant vers lui. Il hésite à le dépasser pour partir à la poursuite de son père, mais au lieu de ça, il retire brusquement son marcel qui se déchire sur ses cornes, le jette en travers de son épaule: "Oh fuck, sir, I’m so fucking sorry!" Du bout des doigts, il effleure le manche de l’arme. "Should I take it out? it’s going to hurt, but I think imma take it out…" Son autre main est naturellement (un peu trop peut-être) venue se loger dans la nuque d’Osmond pour le stabiliser dans sa poigne. "Ok, first imma take it out and then catch the guy, ok boss?" explique-t-il avec un pragmatisme sorti de nulle part, alors que ses oreilles bourdonnent encore des coups brutaux de son cœur dans sa poitrine. Son pouce est calé sous l’oreille d’Osmond; il ne réalise même pas qu’il le touche autant. "Ok, hold on…" Il tire un coup sec, sa paume métallisée pour en éponger la moiteur. L’arme reste coincée dans ses doigts et il la jette par terre. Il essuie ensuite le sang avec son t-shirt roulé en boule qu’il désigne du menton: "Apply pressure to the wound, it didn’t go too deep, you should be fine…" Pour autant, malgré ses inattendues directives, il garde le vêtement dans une main, la nuque d’Osmond dans l’autre.
Sa respiration retombe peu à peu, le sang dans ses joues ne redescend pas, et ses muscles peinent à se détendre. "Osmond, il sait qu’il n’a pas le droit de l’appeler comme ça, mais maintenant qu’il avait enfreint cette règle implicite une fois, il ne peut s’empêcher de recommencer, tel un demi-dieu insolent: "I think I understand…" La proximité, l’inclinaison de leurs deux visages, le regard d’Amy qui descend irrémédiablement sur la bouche d’Osmond, dans l’attente de quelque chose, sans oser le regarder dans les yeux. S’il n’était pas secoué par l’urgence de la situation, et que le sang d’Osmond n’humidifiait pas l’interstice de la chair de ses doigts, Dieu seul sait ce qu’il lui aurait fait. Amy imagine si nettement le baiser qu’il ne lui donnera pas qu’il sent sa gorge s’assécher et se tordre comme un serpent dans les flammes.
La chair crépite là où elle se change lentement en acier: "You’re gonna be ok, I have to get him before he runs away." L’acier ouvre des plaies sur sa bouche, à la racine de ses cheveux, fusionnant avec les cornes déjà matérialisées comme un langoureux baiser.
(#) Ven 25 Aoû - 19:02
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Osmond n’entend pas de suite les balbutiements du fils Armstrong qui s’excuse piteusement pour les actes de son père. Il est concentré à darder sur le champ de maïs une haine froide et se nourrir de la transgression de Jupiter qui continue de lacérer ses chairs et faire couler son sang. Sûrement que le jour où on tuera le Serpent il bouffera encore et une ultime fois la moëlle du Crime. Dans un contentement placide mais réel, Osmond finit par tourner légèrement les épaules en sentant Amy s’agiter derrière. "Should I take it out? it’s going to hurt, but I think imma take it out… - Take it out," lui dit-il, lui ordonne même, dans un sifflement lourd et brûlant. Il n’a pas si mal. La douleur est d’autant plus supportable que l’énergie vitale de l’Originel vient d’augmenter, jetant dans ses veines une vitalité obscène qui tend ses muscles et revigore sa perception des choses.
La main d’Amy, posée contre sa nuque, est appréhendée dans toutes ses formes et aspérités. Amy a la paume caleuse et un peu grasse. Son pouce s’est glissé vers son oreille où le sang d’Osmond pulse le plus. Le contact est aussi inouï que l’emploi du prénom, osé quelques minutes plus tôt. Un véritable patron aurait naturellement imposé une distance implacable entre eux après ces quelques légers dérapages, mais Osmond n’est un patron que dans la tête d’Amy. La mâchoire se serre quand le couteau est retiré, laissant derrière lui une giclée de sang qui est aussitôt maîtrisée. Le vêtement d’Amy, roulé en boule, est appuyé sur la plaie. La pression demeure aussi au niveau de la nuque. Il y a quelque chose d’agréable et provocateur à sentir Amy vouloir pulluler un peu partout sur et contre lui. Osmond a repris sa contemplation du champ pendant qu’Amy continue de lui parler. "Apply pressure to the wound, it didn’t go too deep, you should be fine…" La nuque vrille un peu en direction d’Amy, le profil acéré d’Osmond se découpant nettement entre l’ombre qu’ils forment et la lueur des phares toujours allumés. Il omet volontairement de lui dire que, de toute évidence, il ne peut pas accéder à sa plaie et par conséquent appuyer dessus. Amy semble absorber sa pensée sans tout à fait le réaliser, car il continue malgré tout de maintenir son marcel contre la plaie.
"Osmond, I think I understand…" Osmond. Une deuxième fois. Avec une audace non contenue. Amy ne s’y est jamais risqué, il n’a jamais osé, c’était presque inatteignable pour lui et c’est pourquoi, sans doute, qu'Osmond se nourrit de cette nouvelle transgression qui l’envahit comme un nouveau petit shot de drogue dure. Les mots sont conscientisés seulement après, dans un regard en biais où la honte s’étiole et l’euphorie, même coupable, grésille dans le fond de sa pupille gauche. Il apprécie la prudence articulée, marque de respect qu’on voue aux dieux ou aux démons. Qui sait s’il le comprend vraiment et s’il y a même quoi que ce soit à comprendre à son langage macabre. Mais Amy s’y risque, et Osmond lui en est profondément reconnaissant. Les épaules pivotent graduellement, permettant à son œil vivant de mieux le voir et le considérer, ainsi qu’à sa main droite de glisser vers Amy au niveau de ses reins. Le contact est infime mais omnipotent. Il paraît pouvoir guider Amy dans n’importe quelle direction qu’il choisira. "You’re gonna be ok, I have to get him before he runs away." Le choix est fait et Osmond opine lentement. "Yes." La chaleur de sa paume se fait plus insistante contre la peau nue du Hammer, qui s’est véritablement métamorphosé en Minotaure et se couvre à présent de son airain métallique comme un mythe devient statue, puis la chaleur disparaît d’un coup tandis que la main se retire. "Go get him then." The guy. Osmond ne peut pas s’empêcher de sourire intérieurement, un sourire laid et injuste, que sa honte observe avec dégoût. Aussi majestueuses que soient les origines de son nom, Jupiter n’a pas droit au dévouement de son fils. Osmond non plus ; mais c’est une vérité qu’il s’empresse de cacher dans le reste des crasses tassées dans son cœur.
Amy part et Osmond l'observe. Mais il ne restera pas sans rien faire. Le champ est immense, beaucoup trop grand pour qu’Amy y retrouve seul la trace de son père. La paranoïa germe dans les pensées là hostiles là affectueuses d’Osmond ; peut-être qu’au fond c’est ce qu’espère Amy : pouvoir se dérober à l'acte. Le couteau est récupéré dans une grimace de douleur, le pas s’insère dans le sillage déjà tracé, remonte la piste jusqu’au champ, entre dans le périmètre et s’enfonce dans les maïs. Le pas lourd d’Amy métamorphosé est perceptible ; sa progression se fait dans un brouhaha de feuillages écartés et de branches cassées. Celle de Jupiter est autrement plus discrète, si ce n’est carrément imperceptible. Lentement, un tremblement dérange le terrain du champ, puis s’aggrave un instant tandis que grimpe dans l’atmosphère un bourdonnement épais et grumeleux. Des borborygmes terrifiants hantent soudain la nuit, envahissent les parages de plusieurs claquements sinistres. Les maïs se mettent à bouger dans tous les sens, comme si quelque chose les arpentait rapidement et sur une distance immense, et avant qu’Amy ait pu le réaliser, Jo apparaît à ses côtés, glissant entre les plantations comme une ombre horrifiante. L’entité s’élève dans les airs, repère Jupiter, puis replonge dans sa course et crépite plusieurs gargouillements stridents pour attirer l’attention d'Amy. Jo le guide vers sa piste, où il saura trouver Jupiter.
Quand Osmond les rejoint Amy se tient face à Jupiter, lui-même bloqué par l’épais serpent de ténèbres qui les domine sur plusieurs mètres. Le maïs a été écrasé sur le petit périptère - sans doute l’œuvre de Jo - si bien que l’espace ressemble à une scène ou une arène. Osmond se glisse dans le dos d’Amy recouvert de métal. La nuit est plutôt claire et s’il leur manque les phares du pick-up pour y voir impeccablement il est cependant possible de bien discerner chaque silhouette. Osmond se voit en reflet déformé sur l’épaule musclée d’Amy, il se voit le rejoindre de très près aussi, si près que son reflet se dilue en une ombre alliée et protectrice. Il ne sait pas quelles conneries a encore proféré Jupiter, mais il semble que ses mots aient eu la force de retenir encore une fois son fils d’agir. Osmond lève son bras droit, ce qui a pour effet de tirer sur sa plaie et endolorir un peu plus la zone touchée - il ignore cela.
Un peu tremblante mais toujours solide, elle présente à Amy le couteau de chasse alors que la paume s’ouvre. L‘assassinat de Jupiter est de nouveau exhorté, cette fois en silence, mais après seulement quelques secondes les doigts épais se referment sur le manche. "I can kill him for you," souffle-t-il sans l’ombre d’un doute. Jupiter essaie de dire quelque chose. Jo gargouille alors puissamment derrière lui et le fait taire de terreur. Osmond sent son entité vrombir d’agressivité, se retenant de broyer leur proie uniquement parce que son maître le lui impose. Une mainmise totale mais énergivore, qui gaspille l’énergie vitale engrangée et alourdit la respiration d’Osmond et le poids de sa main gauche qu’il vient se placer sur l’épaule froide et lisse d’Amy. "Ask me to, Aimee, and I will kill him for you," répète-t-il plus bas, comme une confidence infâme mais d'une générosité sans bornes.
(#) Sam 26 Aoû - 11:33
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Le fantôme de l’empreinte de la main d’Osmond chauffe dans son dos pendant la course, comme si sa peau changée en acier en avait préservé la pression et la chaleur.
Il y a quelque chose de désarçonnant à voir Amy, changé en acier, parcourir le champ de maïs. Quelque chose d’inquiétant, même, du fait qu’il ne s’embarrasse pas d’écarter les épis de maïs sur son chemin, fonçant en ligne droite à une allure constante. Il ne ferme pas les yeux, ne se protège pas le visage avec ses bras, comme s’il s’était transformé en machine insensible. Il aurait pu aussi bien faire son jogging dans la rue. Les épis de maïs se froissent sur son passage, et ses pas laissent de profondes empreintes dans la terre meuble.
Mais, bien que sa course soit furieuse et résolue, il réalise bien vite qu’il n’a aucune idée d’où il va, et qu’à part laisser un sillon impeccable derrière lui, il n’a pas pris le temps d’analyser les indices laissés par la fuite de son père.
Amy avait alors ralenti sa course lorsque le sol se met à trembler. Quelques minutes plus tard, il est secoué de frissons courant le long de son échine, faisant écho à l’immense serpent de ténèbres qui se découpe peu à peu dans le coin de son champ de vision. "Hey, you," le salue-t-il avec politesse, tandis que l’apparition sillonne un peu au devant de lui. Amy se met à le suivre sans l’ombre d’une hésitation, et bien vite, leurs courses rejoignent celle, haletante, titubante, de Jupiter quelques mètres devant eux. Jo fond sur lui, et avant même que Jupiter réalise ce qui lui tombe dessus, l’énorme serpent s’est enroulé autour de lui et l’immobilise jusqu’à la taille. Un geignement s’échappe de la bouche d’Amy, suffisamment sonore pour qu’il ait l’impression d’empêcher Jo de briser l’échine de son père. Jupiter hurle de douleur et de stupéfaction: "Argh! Amy, what the fuck! is that one of your freaky tricks again?! lemme out!" aboie-t-il en se tortillant de douleur entre les anneaux du serpent. Amy s’approche, son visage découvert et pourtant froissé. "You’re not helping your case, Jupiter. - Like I fucking care! I’m not afraid of you, brat!" La colère est toujours étrange à lire sur le visage d’Amy; elle n’a pas l’air à sa place, et il n’a plus l’air de se ressembler. "How the fuck are you so sure about that?" Jupiter ricane et suffoque en même temps. "You ain’t gonna kill me, because if you do, you can kiss your stupid little life goodbye! If you kill me, you’ll be the man of the house, you’ll be in charge of your mother and your siblings! if you kill me, you’ll become me! and neither of us want that!"
Alors, inévitablement, Amy se voit tuer son père; il se voit rentrer au Texas, il se voit inventer un mensonge sur la mort de Jupiter. Il se voit se sentir coupable et responsable de ce que le patriarche a laissé derrière lui. Bien qu’il ne s’occupe pas de ses enfants, bien qu’il se montre violent avec eux et avec son épouse, Jupiter avait su se rendre indispensable, ramenant du fric à la maison, quand il ne le dépensait pas lui-même au bar, tissant une toile dans laquelle il avait piégé le reste de sa famille.
Et Amy serait incapable de faire tout ça. Amy a peur qu’à force, il soit capable de tout ça, de subvenir à leurs besoins, mais aussi et surtout de reproduire le tourbillon de violence qui secouait le ranch familial. Et pourtant, s’il ne le fait pas, Amy sait que sa mère lui en voudra, faute de pouvoir en vouloir à son défunt mari.
Ça n’est pas tant qu’Amy avait peur de tuer son père; il craignait plutôt les conséquences de son acte, aussi troubles que des mirages dans le désert, et pourtant aussi écrasantes que le soleil même.
Soudain, une ombre dans son dos, enrobante, rassurante dans la menace qu’elle promet. Amy sent tout d’abord la respiration très lente d’Osmond, calme et un peu essoufflée, peut-être que la température froide du métal, plus languissante de n’importe quelle source de chaleur rend la sensation plus vive. Ou peut-être que c’était juste Osmond.
L’éclat de la lame du couteau attire son regard bleu. C’est presque automatiquement qu’Amy s’en empare, un geste dérisoire puisque, s’il comptait tuer son père, son corps lui-même était une arme plus que suffisante. Il y a encore du sang d’Osmond sur la lame. Amy en apprécie le tranchant et la texture de la pulpe solide de son pouce. "I can kill him for you." Son cœur encore de chair fait une embardée, tant et si bien qu’il l’enclave dans une coquille d’acier lui aussi.
Il ne sait pas s’il fait ça à cause d’Osmond ou de son père.
Osmond glisse sa main sur son épaule. Si les pores de sa peau ne frissonnent pas, figés dans le métal, Amy a quand même l’impression que le Serpent caresse ses chairs à vif, comme on tournerait le couteau dans une plaie, si la plaie avait été éprise du couteau. "Ask me to, Aimee, and I will kill him for you."
Amy referme sa main libre sur celle d’Osmond sur son épaule. Il la presse, avant de s’en défaire, tandis qu’il fait un pas en avant pour se tourner plus facilement vers lui. "I know, répond-il finalement d’une voix douce et brisée, et son regard est lourd, rempli d’une reconnaissance confuse mais vraie, fébrile.
Do you know the meaning of Aimee in french?
It means "to be loved".
Amy s’avance vers son père. Les anneaux de Jo se desserrent prudemment et Jupiter titube, les bras et les jambes tremblants. "Amy, son; you’re not being serious, right now… feule Jupiter en défiant Amy du regard. I’m your fucking dad, boy, just lemme go and I’ll be out of your hair for the rest of your life!" Pour toute réponse, Amy lui tend la main pour l’aider à s’extraire du serpent. Jupiter jauge du regard la poigne d’acier et tend le bras à son tour.
Mais, au dernier moment, il y fiche un coup pour l’écarter de lui et, plus vif que ce qu’on ne pouvait l’imaginer -sûrement l’énergie du désespoir, il va pour tenter de s’échapper encore une fois. Pourtant, cette fois-ci, c’est sans compter Amy qui réagit aussitôt et charge, comme un taureau, fonçant sur lui pour le plaquer au sol.
Un cri déchire la nuit bleue.
Amy rouvre les yeux. Il est par terre, sur son père. Sa nuque lui fait mal. Il essaye de bouger, mais constate avec horreur que sa tête est coincée, bloquée par les cornes enfoncées dans le ventre de Jupiter, agonisant sous sa masse. "F— fuck, you stupid brat! wh— what did you d—" Amy geint, sous le choc, à quatre pattes, le dos rond, retirant avec grand peine ses cornes des entrailles de son père qui hurle de douleur à chacun de ses mouvements. "Fuck, boy! get out of here— no! no, don’t do it, please! Argh!" D’horreur, Amy se met à pleurnicher, ses ongles creusant la terre, le manche du couteau toujours dans sa main. Il appelle à l’aide, honteusement, doucement, il appelle Osmond. Le sang de Jupiter éclate et coule, gluant, dans le sillon de ses larmes.
(#) Sam 26 Aoû - 15:18
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"I know." Amy s’éloigne d’Osmond et s’avance vers Jupiter. Il ressemble à un monstre luisant, massif et bouleversé dans la pénombre nocturne, un monstre qu’on adore et qu’on aime et qu’on est curieux de voir agir. Il a pris le couteau déjà plein de sang ; l’emporte avec lui. Amy pourrait démolir un corps humain à la force seule de ses bras transformés - Osmond l’a déjà vu faire - mais la lame a quelque chose de symbolique, elle en appelle à l’imaginaire du sacrifice et de la chasse. Quelque chose de tragique, de théâtral ; l’apanage des créatures antédiluviennes et des mégalomaniaques. Le nuque d’Osmond se tend, fléchit subtilement vers la scène dont il est réduit à n’être finalement qu’un spectateur - cela lui convient tout autant.
Léger froissement de lippe quand Amy dégage Jupiter de son piège. Même Jo s’en agace, gargouillant des stridulations à peine supportables. La parole de Jupiter n’est plus qu’un son parasite pour Osmond, qui ne prête plus attention qu’aux mouvements et aux gestes. Amy a toujours été terriblement humain dans sa manière de pardonner et d’accepter les torts qui pouvaient lui être faits, un fait saillant tout à la fois déplorable et intriguant qui n’a pas toujours déçu Osmond comme c’est pourtant le cas maintenant.
Jupiter, naturellement, profite de cette faille pour s’y insérer. Aussi peu qu’il l’estime et le considère Osmond est incapable de lui en vouloir. Il observe les corps entrer en contact, tomber dans une masse brouillonne et rouler dans le sol meuble plein de maïs coupé et écrasé. L’odeur du sang redevient plus prégnante dans l’atmosphère nocturne. Les borborygmes de Jupiter couvrent bientôt les geignements d’Amy et sans tout à fait comprendre encore ce qui se passe Osmond contourne lentement la vision, scrutateur consciencieux de la grotesque débâcle. Quand le regard mort-vivant tombe sur la panse éventrée de Jupiter, Osmond met enfin une image sur la transgression dont son corps, esprit, âme, noirceur, et toutes les infamies pourries dont il est le réceptacle, se nourrissent. L’horreur, encore, s’accompagne d’un plaisir brut. Association morbide qui lui fait apprécier quelques secondes de plus le triste état et de Jupiter, et d’Amy.
Les appels à l’aide d’Amy - et uniquement de lui - décident Osmond à s’approcher enfin d’eux d’un pas calme et presque trop tranquille. Le corps massif aux lueurs argentées est courbé et tordu, et c’est autour de ses flancs lisses que les mains pleines de doigts accaparants se posent, stabilisent, calment, avant de remonter jusqu’aux tempes pour aider les cornes à se soustraire à la chair - aux viscères et boyaux. Un chuintement organique en réchappe tandis que les appendices s’arrachent. Les mains d’Osmond continuent de maintenir un moment la tête d’Amy, ses cheveux blonds et bouclés poisseux tant de sang que de sueur. Les digitales se font pressantes, couronnent le crâne d’un amour cruel. Osmond finit par rejoindre le drame en descendant de ses hauteurs, s’agenouillant à terre où il accueille le corps tremblant d’Amy. Les mains se sont retirées du chef. Aux bras, maintenant, de s’enrouler avec un désir captatif autour de son corps, l’accueillant avec douceur et bienveillance. "Don’t worry Aimee, I’m here," lui répète-t-il sans élever la voix. Osmond sent distinctement sa plaie saigner à nouveau, se chiffonner de trop ouvrir les bras pour Amy. Les cornes mutantes sont passées très près de son visage, manquant éborgner son oeil valide. Il continue cependant d’étreindre Amy, le câliner comme on réconforte un enfant affolé.
L’agonie de Jupiter est observée derrière l’épaule d’Amy. Osmond le regarde en se souvenant un instant de son propre père qu’il a laissé crever dans son lit. Il n’a à ce sujet pas la moindre émotion à offrir. Si ce n’est qu’il se souvient de l’immense tâche de pisse ayant souillé ses draps quelques secondes seulement après qu’il ait rendu son dernier râle. Le corps d’Edwin n’était pas en meilleure condition quand il l’a trouvé, mais il aimait réellement Edwin et son souvenir n’a, lui, jamais été emprunt que de respect et de pudeur. Osmond sent sa croix s’écraser dans sa peau, contre son sternum, alors qu’il serre Amy contre lui. Une douleur presque plus vive que la plaie dans son dos.
Les bras si accaparants le repoussent doucement. Ses mains reviennent couvrir cette fois le visage d’Amy, qu’il dorlote tendrement sans s’empêcher d’enfoncer certains de ses doigts dans les pommettes découvertes tout en veillant à épargner les cicatrices et pansements. Ces yeux bleus de chérubin, toujours. Osmond se permet un sourire pâle en repensant à toutes les fois où Amy l’a interrogé avec ce même regard mouillé et candide, plein d’une ignorance facile à manipuler mais également attendrissante. Si attendrissante qu’elle pourrait faire chialer le diable lui-même. "You did well Aimee," ment-il en le cajolant d’une nouvelle pression douce. La scène est chaotique, désordonnée et aberrante, témoigne de ses incertitudes et hésitations. L’oeil d’Osmond n’est cependant pas critique. S’il est un peu déçu que le travail ait été autant bâclé, il ne peut s’empêcher de trouver à ce massacre une portée poétique ; Osmond est un grand romantique, et c’est un problème surtout pour celleux qui souffrent la vision qu’il s’en fait - nécessairement tourmentée, fatalement affligeante.
Les paumes blafardes mais brûlantes se retirent. Il pourrait obliger Amy à tuer une bonne fois pour toutes Jupiter d’un mot, d’un seul ; mais Osmond n’a jamais utilisé son pouvoir coercitif sur Amy et il ne le fera jamais - seule limite qu’il a tracé entre eux. Il récupère donc l’arme d’entre les doigts hésitants du fils et se tourne un peu gauchement vers le père - alléché par l’odeur du sang, Jo est frénétique, tressaille visiblement, lui demande une énergie considérable qu’il sait délivrer à petite dose uniquement par expérience. Osmond se penche au-dessus de Jupiter sans quitter sa posture, une main sur sa bouche pour le faire taire, l’autre portant un coup sec et franc au coeur. À peu près de la même façon qu’il achevait jadis les sangliers chassés sur son domaine ; le visage impassible et le geste sûr. Jupiter s’immobilise enfin. Osmond se ramène en arrière, lui laissant la lame plantée et la bouche libre.
Amy est toujours là, toujours près, il le sent souffler, trembler, il le sens vivre plus manifestement que jamais auparavant. Hormis les quelques stridulations graves que Jo produit aléatoirement, le silence tombe. Osmond le rompt après avoir contemplé la mort de Jupiter. "You are free now." Le dos ensanglanté - peu visible sur chemise noire - pivote plus ostensiblement vers Amy. "And truly adored for who you are." La main revient câliner le côté droit du visage. Osmond sourit avec tendresse. Y a-t-il pire chose qu’être le favori d’un mauvais dieu. Son regard mort-vivant prend enfin le temps de contempler les cornes d’Amy, manifestation extraordinaire de sa mutation - pleines de rouge et de bouts de viscères. La main tente d’en débarrasser quelques morceaux mais chute avant d'avoir pu les atteindre. Osmond est soudain courbé, épuisé. Il transpire et tremble et sans paraître faillible paraît cependant à bout. Il opine dans le vide, comme répondant à une question inaudible. "Yes. Yes, you may take him."
Dans un gargouillement horrible Jo s’agite et s’empare du corps de Jupiter contre lequel une partie de ses ténèbres s’enroule. Un tremblement dérange le calme retrouvé tandis que l’entité retourne dans ses profondeurs en ouvrant cette fois la terre pour pouvoir passer le corps de Jupiter. Comme un serpent ramène sa proie dans son terrier, Jo emporte Jupiter dans un brouhaha de brisures, chuintements, craquements et grognements. Le terrain s’effondre sur le passage ouvert et ne reste plus qu’un tas de terre retournée comme si une tombe fraîche venait d’être formée. Osmond se redresse un peu, puis se laisse tomber assis sur le tas de maïs écrasé, les bras étendus sur ses genoux pliés. "Well, at least he has a proper burial," remarque-t-il d’une voix morne, cynique et amusée. Le regard mort-vivant cherche en coin celui céruléen d’Amy. L’appréhension qu’il ressent est inattendue. Cette humanité si déplorable et intrigante, Osmond la trouve aussi très contagieuse quand il est avec Amy.
(#) Dim 27 Aoû - 10:37
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"Osmond, boss, pl— please, help," pleurniche Amy, qu’on entend à peine sous les cris de douleur de Jupiter. Et pourtant, il finit par sentir des mains se refermer autour de lui, par-delà le vacarme. S’il avait été capable de formuler une pensée cohérente, il aurait eu l’impression d’être l’un de ses bœufs que l’on extirpe des barbelés dans lesquels ils s’empêtraient à force de se battre et de ruer.
Sous les paumes d’Osmond, tout son corps bat comme un énorme cœur, comme du métal subissant une pression considérable. Puis les doigts remontent, pressant sur ses tempes, s’écartant en V à la racine des cornes, et Osmond l’aide à les extraire dans un amas de bruits organiques insupportables, qui manquent plusieurs fois de faire gerber Amy qui se retient de faire une ruade pour les en retirer d’un coup qui aurait fini d’être fatal pour Jupiter.
La scène ressemble en fait à la parodie de la naissance de toutes ses divinités gréco-romaines issues de la chair même de leur parent, là d’un crâne, là d’une cuisse, là d’un estomac.
Quand finalement, Amy ne sent plus le poids de ses cornes lestées sur sa nuque, il relève plus brusquement la tête, seulement retenue par les mains d’Osmond dans ses cheveux, il inspire comme s’il avait manqué d’air, halète aussi d’horreur lorsqu’il sent des bouts de chair rouler sur son visage, le rouge couronnant son front sous les doigts d’Osmond.
Le Serpent le réceptionne dans son élan, l’attirant contre lui, et Amy s’y avachit sans vergogne, s’enfonçant dans son étreinte, la joue contre son épaule puis contre sa poitrine, écoutant le cœur centenaire encore bien à l’abri. "Don’t worry Aimee, I’m here." I’m loved, I’m loved, he said I’m loved. Il referme mollement ses bras autour de la taille d’Osmond, le bout de ses doigts rencontrant le sang qui s’est remis à couleur dans le dos de l’Originel. L’acier va et vient sous la caresse des doigts d’Osmond, comme les reflets du velours, comme les bulles d’air sous un film plastique qu’on presse pour les en faire sortir, indépendamment de la volonté d’Amy, ou peut-être pas justement, à voir comme la peau s’applique à redevenir nue partout où il passe, laissant momentanément un sillon dans l’acier.
"You did well Aimee." Le compliment est grotesque, à la lumière du pitoyable spectacle qu’offre Amy en retour. Il se surprend toutefois à s’y conforter, sans réfléchir, à la manière dont la forme de son visage rond se love parfaitement entre les mains d’Osmond. Une fois encore, ce ne sont pas tant les mots que les gestes qui le touchent et rassurent sa respiration saccadée. Osmond a les doigts salés quand il retire ses mains.
Amy n’observe qu’à moitié ce qui se passe ensuite. Il n’a d’yeux que pour Osmond, ses gros yeux bleus fixés à lui, à la précision de ses mouvements, ne dépassant jamais le poignet soulevant l’arme et l’enfonçant. Il reste focalisé sur son visage, le regard vide et fixe d’une statue sur les rides d’effort et les plis des vêtements poisseux. Il ne se rend peut-être même pas compte de ce qu’il regarde, jusqu’à ce qu’Osmond s’adresse de nouveau à lui, le libérant de son état pétrifié. "You are free now." Amy se remet en branle, calant sa joue une seconde fois dans le creux de sa main moite. "And truly adored for who you are."
I’m loved. He said I’m loved.
— loves me.
Quand il était petit, Amy se perdait dans les champs de maïs. Désormais, il semblerait qu’on ait fini par le trouver. Il se met à pleurer de tristesse et de soulagement; de culpabilité et de reconnaissance.
A côté de lui, Osmond dispose de Jo et du corps de Jupiter, dans un grondement qu’Amy refuse d’assimiler.
Il se traîne jusqu’à Osmond l’échine rompue et courbée. Il semble ne ressentir que maintenant les retombées des efforts fournis, l’adrénaline retombant comme le silence. Il s’affale un peu sur le côté près de lui, là où son œil valide peut le voir. Il garde la tête baissée, à quelques centimètres près le bout de ses cornes pourraient creuser de petits sillons dans la terre. Avec le silence qui retombe, c’est sa honte qui grimpe de nouveau, tandis qu’il réalise plus complètement qu’il n’avait pas été capable d’aller jusqu’au bout, qu’il avait déçu Osmond.
L’acier recède, il sent les épaisses feuilles de maïs lui rentrer dans les cuisses. Il voit dans l’ombre vague de la lune que ses cornes, elles, sont toujours là. "Are you ok, sir?" demande-t-il doucement, ne le regardant qu’en coin. Toute sa silhouette est noire, tendue et fébrile; Amy se rappelle qu’Osmond est blessé, qu’il a invoqué Jo pour le guider, que ce genre de manœuvre allait toujours pomper dans le puits d’énergie de n’importe quel mutant, aussi ancestral soit-il; peut-être même d’autant plus s’il était ancestral.
"May I?" Il tend ses mains vers celles d’Osmond, se saisit de la plus proche de lui, pour en frotter le sang, massant avec soin les veines gonflées et les doigts gourds.
A une troisième reprise, sa voix s’élève à peine, roule jusqu’à lui. On sent encore les sanglots au fond de sa gorge.
"I’m sorry you don’t like them, un court silence, son pouce gratte timidement le sang incrusté entre son index et son majeur. My horns. Il renifle, se sentant obligé de préciser, à défaut d’oser porter les mains d’Osmond à son visage encore une fois, bien qu’il en ait très envie. You haven’t touched them yet."
(#) Ven 1 Sep - 18:04
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Amy s’est assis sur sa gauche, avachi et fourbu. Il ne relève pas la remarque teintée d’un humour crade, préfère plutôt s’enquérir de son état. Osmond opine brièvement, avec un désintérêt latent car qu’importe comment il va ; il ira toujours mieux que n’importe qui puisqu’il a déjà bravé deux siècles. "May I?" Le regard mort-vivant se tourne un peu plus vers Amy quand ses mains fébriles viennent récupérer sa dextre et entreprennent de la récurer. Osmond l’observe faire dans un silence opaque, imprégné d’épuisement mais aussi d’une attention soucieuse. Amy ne lui a jamais paru aussi petit, aussi confus et désemparé. Tout cela, évidemment, est la faute de Jupiter, qu’il se met à exécrer un peu plus et pour la dernière fois alors même que sa carcasse mutilée vient d’être emportée - détail sensiblement confortable, il pourrait remercier Jo si le cadavre n’avait pas constitué en soi une friandise pour son adorable entité.
Maintenant qu’il ne reste plus qu’eux, une forme d’intimité s’est installée.
Toujours aussi sale, mais plus modeste.
Osmond ne prend pleinement conscience de l’état de ses mains qu’en sentant les ongles crasseux d’Amy gratter sa peau blafarde ; il a un petit frisson d’horreur honteux, hérité de ses phobies grossières, presque enfantines. Amy sait qu’il n’aime pas la moindre altération faite à son apparence, cela même s’il tolère hypocritement le monstrueux des autres et incite sans ciller au massacre des corps. Surtout, Osmond s’imagine la plaie dans son dos, il se l’imagine comme une petite bouche de dix centimètres déchirant sa peau si lisse et si parfaite, pareille aux cicatrices que formaient les pustules du petit Cecil. L’aigreur se forme dans un rictus. Il manque retirer sa senestre des doigts gourds d’Amy pour se l’essuyer plus vigoureusement mais s’en empêche, vicieusement conscient que le geste pourrait effaroucher son fidèle compagnon.
"I’m sorry you don’t like them. My horns." La nuque pivote un peu plus franchement vers Amy, craquant dans ses raideurs. "Why would you say that...? - You haven’t touched them yet." Le silence retombe. Les ramées de maïs continuent de bruire autour d’eux comme un millier de silhouettes taciturnes. Osmond contemple très longuement Amy, d’une façon dérangeante et intense, oubliant momentanément cette normalité avec laquelle il se grime quotidiennement pour mieux se fondre dans la masse. L’intensité de son regard, presque affolante, se désagrège sur l’ombre d’un sourire, celui-là doux et miséricordieux. "Aimee," l’appelle-t-il dans un souffle un peu plus chaud que les autres, "you cannot possibly think that." La paume et tous ses doigts se pressent sur quelques phalanges d’Amy coffrées d’une torsion de poignet. Il y a, dans la pression, beaucoup de tendresse, ainsi qu’une force punitive possiblement agacée par la remarque. Osmond cherche son regard, penchant un peu la tête. "Look at me." Et d’insister, car Amy ne le regarde pas. "Aimee, look at me…"
Les petits yeux bleus et moites de tristesse trouvent les siens. Le léger sourire d’Osmond atteint aussitôt son regard. "Hi." Le ton badin revient arrondir la forme sévère de son visage. Il garde cette légèreté affichée tout le temps qu’il dévisage Amy. Puis œil vif et œil terne observent ouvertement les cornes. "Nice horns." Il sourit un peu plus. Revient plonger son regard dans le sien, avec un air plaisantin qu’on voit que trop rarement chez lui ; un air plaisantin, alors que la terre sur laquelle ils sont assis continue de s’abreuver du sang de Jupiter. "May I?" répète-t-il, comme un vieil écho déformé. Il attend un signe de la part d’Amy, et quand ce signe vient, sa senestre se retire progressivement des mains aimables. Osmond recule un peu, car ils sont très près, pour permettre à ses digitales de frôler la matière organico-métallique des cornes. Le frôlement devient caresse, remontant le long d’une corne où un sillon moins rouge se forme derrière le toucher. Arrivés au crâne, les doigts d’Osmond se sont remplis d’hémoglobine et de quelques morceaux de viscères. La fascination est là ; pour l’aberrant et le singulier - et l’horreur aussi, toujours, l’horreur encore tiédasse du crime qui a été commis, déposé en petits morceaux sur le métal nouveau.
Osmond fait courir le reste de sa main dans les boucles blondes et poisseuses d’Amy, qu’il salit par conséquent un peu plus - il ne s’en rend pas compte. Geste qu’on ne pourrait pas imaginer autrement que paternel tant il est chaste. "Of course I like them." La senestre finit sa course dans la nuque d’Amy, où elle s’appesantit moins chastement, avant de serpenter sur le reste de son épaule pour y entraîner le bras. Ainsi étreint, Amy est approché d’Osmond qui le câline avec une tendreté dévorante. Ces échanges sont nouveaux pour eux. Leur proximité n’a jamais été physique ; Osmond la trouve agréable, cela même s’il reconnaît cette possessivité nocive dont ses bras sont tristement capables.
La plaie dans son dos lui tire. Une petite moue de douleur lui chiffonne ses rides redevenues sages. Pour autant, il garde Amy contre lui, les cornes valdinguant près de sa mâchoire. "I am not that guy," pondère-t-il en observant le tas de terre fraîche, l’air sérieux et calme d’un magister, alors même qu’il prend un malin plaisir à déshumaniser et déposséder Jupiter de ses liens avec Amy en reprenant stricto sensu ses termes. "I am not them." Ses mots dogmatiques soufflent maintenant dans la chevelure blond-rougi d’Amy. Osmond a toujours marqué une différence nette, absolue et radicale, entre les mutants et les autres. Amy est habitué à l’entendre dire them, pour désigner un ensemble dans lequel Osmond n’hésite d’ailleurs pas à mettre la mère de Junior. "You know that better than anyone, Aimee." Ses lèvres sont très proches du scalp d’Amy, si bien qu’un baiser involontaire s’y forme alors qu’il l’étreint un peu plus. Une accolade somme toute épaisse, pleine de muscles et de plaies, comme en ont les soldats ou les bêtes. Rien de vraiment ambigu (tout est ambigu).
"How could I not like your horns when you-" Osmond s’interrompt. Amy l’a vu dans ses plus bas états ; la chair pourrie, ravagée, en lambeaux vifs et suintants quand la malédiction frappe ; écorchée, détachée, agglomérée en une forme infâme quand ses mues se font ; rougeoyante de larmes irritantes quand son orbite creuse pleure sans prévenir. Les premières fois que c’est arrivé devant Amy, Osmond a été si embarrassé qu’il a été tenté de le tuer pour ne plus jamais avoir à y penser. Et même s’il ne s’y est jamais vraiment fait, la confiance a ensuite été progressive, et puis totale. Amy veille souvent sur sa carcasse méconnaissable, pendant parfois plusieurs heures, et c’est une tâche qu’Osmond ne confierait à personne d’autre que lui. Il n’explicite cependant pas tout cela, car la retenue, et une pudeur austère, l’en empêche.
"You and I are the same," continue-t-il plutôt. Jamais un mensonge ne lui a paru aussi vrai. "They fear what they cannot control. Do you understand what I mean, Aimee? They fear that which is superior to them." L’étreinte se resserre un peu plus. Les mots bercent l’oreille à sa portée. "They have forgotten what they were at the very beginning; they have forgotten that they started out as little things with skulls and vertebrae, swimming in streams. They too have evolved, many times over, but they're not evolving any more, and that's why they resent us. But it's not our responsibility to suffer their confusion." Un silence. Les têtes l’une contre l’autre. Osmond a le regard dans le vague, boursoufflé de pensées tout à la fois enragées et sages.
"I do like your horns," reprend-t-il, le ton blanc, comme désincarné, possédé par une foi renégate mais fidèle. Puis il desserre son étreinte captative pour reprendre son observation acérée des excroissances. "And this growth in your abilities." Sa main revient tâter la base d’une corne, où la chair est à vif. "How does it work? It still hasn't healed…" La tête penchée fait briller son œil d'une lueur frénétique. Les digitales palpent, elles, méthodiquement, avec toute la délicatesse qu’Amy lui inspire.
(#) Dim 3 Sep - 18:43
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"Aimee, you cannot possibly think that." Amy sent le regard d’Osmond sur lui. Amy sent toujours le regard d’Osmond sur lui, parce que, de base, Amy aime être regardé. C’est pour ça qu’il prend soin de sa plastique et qu’il va à la salle, et c’est pour ça qu’il semble avoir débarrassé sa maigre garde robe de tous les vêtements qui possédaient des manches. Amy veut qu’on s’intéresse à son apparence, technique très ordinaire pour qu’on ne s’attarde pas plutôt sur sa personnalité inintéressante et balourde.
Au départ, tout ce qu’il attendait du regard d’Osmond, en tant qu’employeur et bienfaiteur, c’est qu’il soit fier de son travail. Et, au passage, s’il en profitait pour apprécier son tour d’épaules et jalouser peut être un peu sa jeunesse, c’était toujours ça de gagné. "Look at me."
Mais, au fur et à mesure, il a senti ses regards plus insistants, plus longs, si cruels et si crus. Amy ignore d’où ils tirent leur source mais peu lui importe, si Osmond aime le regarder alors il lui en donnera pour son argent. "Aimee, look at me…"
Il a aussi compris peu à peu, et à ses dépens, qu’Osmond aimait aussi le regarder quand Amy, lui, ne voulait pas qu’on le regarde. Comme en cet instant, où il se donne en spectacle à lui seul, honteux et confus, avachi et crasseux, comme du bétail qui s’est enfui et ne sait pas où aller.
La pression sur sa main lui fait lever les yeux. Leurs regards s’engloutissent. "Hi. Nice horns." D’abord interdit pendant une seconde, Amy se met à rougir. Ses joues se gonflent d’un rire incontrôlé et sa bouche minuscule s’arrondit autour d’un "what?" ému et confus.
"May I?" Amy opine lentement du chef, avec précaution mais aussi une certaine impatience. Quand Osmond pose ses doigts sur les cornes, Amy tressaille à peine. Il semble même contenir un tressaillement, à mesure que grandit l’impression qu’on touche quelque chose à l’intérieur de lui; comme quand un son fait grincer des dents, sauf qu’il ne s’agit pas d’un son mais d’un contact. Ça ne lui fait pas mal, mais il ne pourrait pas dire que ça lui fait du bien non plus. Plus que ça, cette caresse le déroute, il a l’impression de sentir quelque chose qu’on ne devrait pas ressentir; presque quelque chose de tabou, d’interdit, d’intime et de fait de très précieux.
(C’était peut-être d’ailleurs pour cette même raison qu’il avait éprouvé autant de honte quand elles étaient apparues, et qu’il avait eu le sentiment d’exposer aux yeux de tous quelque chose qui était censée rester à l’intérieur de lui.)
Puis la main s’étire dans ses cheveux, dans sa nuque, dans ses bras. Osmond le prend encore dans ses bras. Cette fois, ceux d’Amy s’enroulent plus consciemment autour de lui, avec plus de vigueur sans pour autant essayer de lui briser les os. Il y a quelque chose de touchant à voir une personne avec tant de muscles prendre sur elle pour ne pas en faire usage à tout bout de champ.
Dans son discours, dans son baiser, la scène emprunte la solennité et l’intimité aux cérémonies religieuses. Mais cette religion-là aurait été plus ancienne, plus cruelle encore, si bien que son imagerie aurait fini par être interdite à la création des civilisations, à l’instar de ces autres dont Osmond parle.
"How could I not like your horns when you—" Amy met quelques instants à comprendre, puis d’autres instants autrement plus longs à se remémorer les premières mues d’Osmond auxquelles il avait assisté. Il ne réalise pas complètement que c’est à cette période que son obsession pour Osmond s’était totalement cristallisée. Avant tout ça, il nourrissait déjà pour lui une curiosité pudique, un respect impliquant une certaine distance. Mais le jour où il l’avait vraiment vu sortir hors de lui, de sous un corps à lui mais méconnaissable, quelque chose en lui s’était réveillée, quelque chose en lui a fini de se former, à l’instar du serpent qui se mord la queue, absurde mais complet.
Ce jour-là, Amy s’était vu offrir un pouvoir détenu par nul autre que lui. Un pouvoir mais aussi une emprise, à double sens, l’un comme l’autre prisonnier de ce déroutant secret.
Bien entendu, les premières fois, ces visions ne l’avaient pas mis à l’aise, et avaient manqué par bien des fois de le rendre malade. Mais le fait même qu’Osmond lui inspire ce malaise, ce mal être, était ce qui l’avait hypnotisé et obsédé, le poussant à rester, à regarder, à veiller sur lui comme une grâce faite à un malade. Il y avait eu autant de pitié dans ses yeux et dans ses gestes que d’adoration pour cet homme dont il ne pouvait imaginer une seule seconde le supplice.
Alors l’étreinte d’Amy se renforce un peu, pour finir la phrase inachevée d’Osmond, comme il aimerait l’étreindre chaque fois qu’il l’observe s’extirper de lui-même, naissant de son propre corps, comme si personne d’autre n’était digne de donner naissance à Osmond Rose que lui-même.
Ils s’écartent de nouveau l’un de l’autre, les mains d’Amy restant posées sur les flancs d’Osmond, remontant pudiquement sur ses bras qui se lèvent de nouveau. Le contact de ses doigts puis de ses paumes sur ses cornes, encore, le contact sur l’intérieur de lui, et sur ses chairs sanguinolentes le fait se poser des questions: "How does it work? It still hasn't healed…" Amy se surprend à dodeliner lentement du chef suivant les mouvements de ses mains. "I’m not so sure… I probably need to relax… Une lueur vacille dans son œil. I want to try something… Il hésite, un court instant: can you keep, like, stroking them… please?" Il ferme les yeux.
Dans sa vision, il se tient debout, en face de lui-même. Son autre lui est tout en acier; il a des cornes, et d’autres excroissances, comme des griffes, explosant de ses doigts, de son dos, de son ventre. Là on dirait qu’il a l’armature d’une paire d’ailes, là une queue acérée. Ses cornes sont immenses.
Amy s’approche de son autre lui; son autre lui s’approche de lui. Ils font les mêmes mouvements. Amy pose ses mains contre celles de son autre lui; ils se poussent, doucement d’abord, puis plus abruptement, Amy essaye de le faire rentrer dans lui.
Il(s) échoue(nt).
Amy a toujours les yeux fermés. Sous son souffle haletant, il murmure quelque chose, le nom d’Osmond, lui demande de continuer. Ses mains ont remonté le long de ses bras, agrippé ses épaules puis empoigné le col de sa chemise, seulement les pouces touchent la peau de son cou. Ses phalanges grincent, ses dents aussi.
Amy est toujours en face de lui-même. Ils ont arrêté de se pousser l’un dans l’autre; ça ne fonctionne pas. Alors, Amy ouvre les bras, et enlace son autre lui. Il y met la même tendresse affamée, le même acharnement pudique que lorsque Osmond l’a pris contre lui. Il embrasse son autre lui comme le ferait un père, un fils, un sage, peut-être autre chose.
Il sent désormais un autre homme contre lui.
Une douleur aiguë lui fait rouvrir les yeux. Sa main droite s’est crispée dans la nuque d’Osmond. Il sent les doigts du Serpent parcourir une distance plus courte le long de ses cornes, tandis que celles-ci recèdent, dans un bruit organique, dans une douleur vrillante. Amy gémit, ses yeux roulant dans ses orbites, la tête jetée en arrière, comme si l’attraction terrestre pouvait rendre le supplice plus supportable. La scène a maintenant quelque chose d’indécent. "Go on, supplie-t-il. I think it’s working." Sous les doigts d’Osmond, ça doit lui faire la même sensation que lorsqu’on appuie et malaxe la patte d’un chat pour lui faire sortir les griffes. A ceci près qu’ici, les griffes rentrent, et qu’elles ont la taille et l’effet d’un poignard planté lentement dans le crâne d’Amy. De ce que la douleur lui laisse voir, il pourrait avoir l’impression que c’est Osmond qui le poignarde, faisant rouler la lame sous la pulpe de son pouce. Ça lui fait mal, mais il semblerait que ce soit de satisfaction qu’Amy rougit.
Et enfin, les cornes disparaissent dans leurs plaies. Les râles d’Amy se taisent, les chairs se referment, provisoirement mutées en acier. En passant le dos de sa main sur son front pour en essuyer le sang, Amy sent un minuscule bout d’acier rouler dans ses doigts. "That’s— that’s new, couine-t-il, la gorge tordue par la douleur qui s’atténue. De fatigue, de soulagement, son front tombe contre celui d’Osmond, l’acier tiède contre sa peau, comme leurs souffles. I— Thanks… I’m— I’m so sorry you had to do this…" murmure-t-il avec désarroi, sans expliciter si le this voulait dire assister la scène, l’aider à se débarrasser de ses cornes, achever son père à sa place, tenir ses mains et son visage, ou bien le consoler comme s’il était un môme de quatre ans venant de pisser au lit.
Il reste un moment silencieux, le regard dans le vague et les yeux mi-clos, ses longs cils brossant ses joues brûlantes. "It felt like— Ses mains, un peu tremblantes de tension triturent doucement le col de sa chemise. Like you were touching something inside of me…" Il lève les yeux vers lui, tirant un peu sur son front contre le sien.
On dirait qu’il veut l’appeler par son nom.
Sa minuscule bouche forme un sourire encore plus minuscule: "Hopefully it won’t be that hard next time…" plaisante-t-il avec un peu de peine. Il sent la fabrique déchirée et la moiteur du tissu dans le dos d’Osmond. Son visage se crispe, soucieux; pour autant, il bouge à peine: "I need to get you out of here…"
(#) Mar 5 Sep - 18:43
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"I’m not so sure… I probably need to relax… I want to try something… - Go on? - can you keep, like, stroking them… please?" Le geste s’immobilise. "Mh, I can do that…," et reprend tout aussi simplement. Amy ferme les yeux pour partir il-ne-sait-où, la conscience échappée à leur huis-clos. Osmond le regarde faire avec intensité. Il garde cette fascination immodérée et malsaine pour les transformations, les corps brisés par les mutations, tronqués dans leur forme humaine. Il ne se sent jamais plus normal et à sa place qu’en la compagnie de ces abominations, pour lui évidentes et merveilleuses. Ses digitales continuent de détendre la chair brûlante, sur laquelle elles glissent facilement grâce au sang étalé. Parfois elles remontent, couvrant le métal de frottements lents, et peu à peu, les cornes se résorbent, rentrant dans le crâne d’Amy comme des cités englouties. Les poignes se resserrent. Il sent le corps se tendre, lutter, perçoit jusqu’à ses moindres tremblements qui s’échappent par le bras d’Amy pour venir s’échouer contre sa nuque. Osmond ne faiblit pas. Il reste solide, attentif à sa tâche, soucieux de finir le processus.
"Go on. I think it’s working. - It is," l’en informe-t-il d’un murmure cassé. Un demi-sourire doux et maniaque fait trembler ses lippes. Amy a visiblement mal. Mais il râle aussi des soupirs troublants qui désarçonnent Osmond. Le regard mort-vivant s’échappe de l’auscultation pointue du phénomène pour s’égarer sur les paupières lourdes d’Amy et ses joues saccagées rougissant ostensiblement. La force des mains d’Osmond faiblit un instant, comme si elles voulaient aller ailleurs, mais se ressaisissent pour terminer leur œuvre. Le front a tout absorbé. Ne restent plus que deux encoches soudées de métal. "Fascinating," souffle-t-il lourdement, réalisant à peine être lui aussi essoufflé. "Yes, absolutely fascinating." La voix vrille sur quelques faux accords stridents, toujours aussi feutrée, pareille à de la laine de verre prise dans du velours. "That’s— that’s new." Un regard pour le morceau de métal emporté dans le geste. Les sourcils se froissent et se chiffonnent, sur un sourire emporté. It is.
Quand leur front s’entrechoque Osmond sent combien Amy est bouillant. La fièvre, sans doute ; ses bras réarpentent le torse nu, une main allant chercher son pouls à la base du cou. "You're burning up. Breathe calmly. - I— Thanks… I’m— I’m so sorry you had to do this… - Don't be sorry," répond-t-il, soudain économe en mots. Le souffle d’Amy lui arrive sur la gueule comme un vent tiède et chargé. Il lui sourit dans l’ombre de leur tête, cajolant un peu de sa tignasse qui dodeline contre son front. "It felt like—" Osmond sent sa chemise se tirer un peu, se tordre entre les doigts gourds, puissants mais harassés d’Amy. "Like you were touching something inside of me…" Une lueur amusée traverse la prunelle gauche, marécage plein de saletés. "Oh?" Que dire d’autre. Sinon: "Hopefully it won’t be that hard next time…" Osmond souffle contre le nez d’Amy. Il hésite à lui dire ce qu’il a vu sur son visage : plutôt l’extase que la souffrance. La douleur peut avoir ce pouvoir. La douleur peut devenir quelque chose de religieux. Que ce soit céleste, ou non. Pur ou non. "Clearly you need to practise." Il ne s’inclut pas ; ne s’exclut pas non plus. Etant donné qu’il reste pesant contre lui, envahissant et captatif, l’équivocité est permise. "I need to get you out of here…" Un silence. Gorgé de souffles lourds et épuisés. Amy a toujours les yeux plus bleus quand il a mal. Ils luisent dans la nuit comme des lucioles radioactives. L’image fait sourire Osmond, qui s’était perdu dans leur contemplation.
Il trouve la force de tirer sur ses cervicales pour revenir à une position plus ou moins droite - les bras se désenlacent. "I feel fine," balaie-t-il avec nonchalance, le ton détaché - trop. "But yes, let's go back to the ranch." Il se sent nauséeux, à dire vrai, et depuis quelques secondes, suer à grosses gouttes. La plaie dans son dos ne lui fait pas mal. Il sait que c’est l’adrénaline. "Can you drive?" demande-t-il en l’air. Amy répond à l’affirmative et Osmond hoche la tête. "Very well."
Le chemin du retour est un peu plus laborieux. Ils suivent les maïs écrasés pour se repérer dans le champ, claudiquant dans une démarche maladroite qu’ils équilibrent de temps en temps en ramassant l’autre. Osmond jette plusieurs fois un regard critique à ses vêtements, puis à ses mains, qu’il s’obstine à vouloir essuyer sur cette même chemise crade - cela n’a pas d’importance, tant que ce n’est pas sa peau. Il se sent délirer un peu ; penser à sa plaie, sa taille, sa forme, son emplacement, et regarder de temps en temps celles d’Amy quand il marche devant, comme s’il cherchait à se rassurer en scrutant le métal cicatriciel formé sur celles-ci. En arrivant au pick-up, Osmond s’installe dans un soupir las, et laisse à Amy le soin de refermer le coffre ouvert plus tôt pour faire descendre Jupiter. Quand le moteur démarre, le regard mort-vivant jette un dernier coup d’œil au profil d'Amy, tracassé d’y trouver des traces de regrets, et puis se ferme.
Osmond n’avait pas dormi aussi bien depuis des mois. Peut-être même des années. Il se laisse porter par le ronron du véhicule et la présence familière d’Amy, le visage anormalement serein. Un sommeil du Juste immérité, dans lequel il se sent bien et en paix. C’est pourquoi le réveil est d’autant plus brutal. Un spasme violent le saisit à mi-chemin, cognant l’une de ses chaussures cirées et sales au pied de la portière. Visiblement déboussolé, il hasarde un regard à droite, puis à gauche, prenant un temps considérable à réintégrer l’espace et le temps. "I had a terrible nightmare," s’explique-t-il, la voix si sifflante qu’elle en devient presque imperceptible. Ses ridules se contracturent dans tous les sens, ce qui est tout à fait prodigieux sur ce visage d’habitude si froid et flegmatique. Les bras se décroisent. "I think-," il serre et desserre ses mains, "I think it’s-" Les propos confus crèvent dans sa bouche. Il égare un bras vers l’arrière, se redressant sur son siège pour passer sa dextre sous la chemise collante. Elle se détache à grande peine, à moitié séchée de sang, à moitié humidifiée par-. "Fucking hell," qu’il expire, le souffle coupé. Sa main se retire précipitamment. Le geste est écœuré.
Barbouillé d’une panique contenue mais visible, le visage d’Osmond se tourne brièvement vers Amy. "I need to-" Ils ont encore une heure de route. Il ne tiendra pas. L’agacement de savoir aussi peu exprimer ses besoins lui fait claquer de la langue, les lèvres tremblantes d’énervement. "Pull over. Please. Wherever you can." Une enseigne éclairant la nuit attire son index. "Perfect. Right here." Osmond veille à ne pas se réadosser contre son siège. L’idée même d’écraser davantage sa chair en pleine mue, contre du textile ou n’importe quelle autre matière, le révulse profondément. Quand le pick-up se gare sur le parking du motel, Osmond en descend sans un regard pour Amy. "Go back to the ranch. I'll be fine. See you tomorrow." Un geste de main, inhabile et raide. Pour la forme ; Osmond n’a pas tout à fait envie qu’Amy s’en aille. Il s’est habitué à sa présence quand cela arrive. Un problème de taille, énorme, handicapant, qui le rend dépendant. L’irritabilité qui l’envahit soudain tire probablement plus son origine de cette évidence que du déclenchement impromptu - mais pas si inexplicable, FUCK - de sa mue.
Les pas avalent la distance séparant le véhicule de l’entrée plus rapidement encore que s’il avait marché droit. Il déboule en sang, en sueur, et fébrile, dans le hall où seul un petit comptoir trône. La sonnette est tapée répétitivement. Osmond entend le carillon sonner de manière difforme, distante, comme si la sonnette n’était pas sous sa grosse paume mais deux pièces plus loin. "Yeah, yeah, comin'," répond une voix, bientôt rattachée à la silhouette d’une sexagénaire en peignoir. La vision de ce nouveau client l’inquiète instantanément, mais elle a vu pire, alors enchaîne. "Welcome to the Overlook M-- - Give me a key," martèle-t-il sans ses douceurs vicieuses habituelles. Malgré le ton péremptoire, la coercition ne prend pas. Il n’est pas concentré - oh, il est pire que ça, il a la trouille. La trouille qu’un ordre de lui, aussi banal et inoffensif soit-il, réveille la malédiction, et vienne rajouter une couche de pourriture sur son tas de chair d’ores et déjà en décomposition. "Yeah, okay, sure, do you hav-- Key. Room. Now," s’affole-t-il méchamment, les pupilles valsant un peu n’importe comment autour de la gérante, se plantant parfois dans son regard avec un air assassin. "Sir," s’affole à son tour la gérante, se déplaçant légèrement sur le côté où elle commence à tâter sous le bureau où se trouve sa carabine. "I'm gonna ask you to leave now." La carcasse tremblante, Osmond a le visage qui se calme - et seulement le visage. Un calme tranquille, imperméable à toute raison. "What did you just say?"
(#) Ven 8 Sep - 16:52
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Amy raccompagne Osmond jusqu’à la voiture. La route est fastidieuse, Osmond ne marche pas droit, s’affaisse sur lui, souvent, trop pour quelqu’un qui se targuait d’aller bien avant qu’ils ne se mettent en marche. Arrivé au pick-up, Amy le fait monter, range la petite bille d’acier dans la poche de son jogging et trouve une vieille chemise en flanelle à l’arrière de la voiture dont il referme le coffre. Il l’enfile et reprend sa place au volant.
Le trajet est silencieux, presque paisible, si ça n’était pour l’odeur ferreuse et leur état lamentable. Ils sont seuls sur la route, et régulièrement, la voiture bifurque sur le côté, puisqu’Amy passe un peu trop son temps à donner des petits coups de tête sur le côté, pour observer Osmond dormir. Le spectacle est déroutant et Amy se demande toujours s’il a jamais vu Osmond dormir. Il y a quelque chose d’irréel, de surréel dans cette scène, à voir un monstre de pouvoir pareil se laisser aller à un besoin aussi trivial que le sommeil. Amy aimerait ne pas avoir les mains collées au volant; il se dit que c’est peut-être mieux qu’il ait les mains collées au volant, auquel cas il aurait été trop tenté de lui caresser les cheveux ou d’apprécier du plat de sa main s’il respirait encore.
On ne dirait pas qu’ils viennent de tuer un homme. Amy n’a pas l’air de réaliser qu’il vient de tuer son père. Il enfonce cette pensée très loin au fond de son crâne, là où la vision d’Osmond qui dort prend toute la place.
Amy regardait la route lorsqu’Osmond se réveil en fracas. Le Hammer a un mouvement de la main devant lui, comme pour l’empêcher de bondir au travers du parebrise. "You ok, boss? - I had a terrible nightmare." La main d’Amy se rabat sur le volant, tandis qu’Osmond commence à se palper comme s’il cherchait à savoir s’il faisait encore partie de cette réalité. "I think— - What’s going on? - I think it’s- Fucking hell. - Sir… ?"
La voiture dévie lentement, alors qu’Amy et Osmond échangent un regard. "I need to— - To what? Sir, talk to me, please!" Et soudain, comme à chaque fois qu’un homme de pouvoir est hors de ses moyens, les ordres fusent, sans l’ombre d’une explication: "Pull over. Please. Wherever you can. Perfect. Right here." Amy manque de louper les néons grésillant du motel (à vrai dire, il les loupe, et exécute un virage serré pour faire demi-tour et débouler sur le petit parking devant l’établissement). Osmond sort de la voiture et le congédie: "Go back to the ranch. I'll be fine. See you tomorrow." Amy cligne exagérément des yeux, baillant aux corneilles, tandis que son patron s’éloigne en titubant jusqu’à la réception du motel. Amy examine de loin le dos de sa chemise et pense comprendre sa hâte, et surtout, son besoin urgent d’être seul.
Le mutant souffle du nez, marmonnant qu’on ne se débarrassait pas de lui aussi facilement et s’extirpe du pick-up.
Lorsqu’il entre à son tour dans la réception, Osmond est aux prises avec la gérante. Son sang ne fait qu’un tour et il s’interpose entre les deux, un sourire fébrile aux lèvres et le regard désolé: "Good evening, miss! I’m so sorry for my uh— il regarde tour à tour Osmond et la vieille dame: — for my partner, he uh— Il se penche en avant, feignant le ton de la confession: His wife just left him, so he’s a bit on edge, y’know?" Le mensonge le fait rougir un peu. La gérante l’observe, les yeux plissés. Au moins, elle n’est plus en train de fouiller sous son bureau. Soudain, elle semble connecter des informations, plus que ce qu’Amy avait initialement imaginé, et un sourire perce sur le bout de ses lèvres: "Ooh, I see—" Amy hoche la tête de concert: "See? puis, se tournant vers Osmond. Gimme your wallet, sir." La main qu’il tend dans sa direction passe dans son dos pour lui faire sortir son portefeuille plus rapidement de sa poche arrière.
Il en extirpe une épaisse liasse de billets, histoire de couvrir la chambre et le silence de la gérante qui empoche l’argent en échange d’une clef. "Thanks, miss, remercie-t-il humblement en tirant Osmond par l’épaule, et de le conduire jusqu’au numéro de chambre indiqué: "What the fuck, boss? You tried to get rid of me? susurre-t-il, vexé. Don’t fucking do that, I’m here for you, ok?" peste-t-il, l’inquiétude rendant sa voix rauque.
Ils entrent dans la chambre plongée dans la pénombre. Ils ne s’arrêtent que lorsqu’ils sont arrivés dans la minuscule salle de bain. "Take off your clothes, sir, ordonne Amy, en commençant à fourrager dans les placards pour en sortir toutes les serviettes de bain aux couleurs douteuses. Il a l’air concentré et soucieux, ses gestes sont rigides d’automatisme. C’mon." Il est revenu vers Osmond et l’aide à enlever sa chemise crasseuse. Il s’applique à ne pas baisser les yeux sur sa blessure, bien que l’envie le démange. Il balance les vêtements sur son épaule et accompagne son geste de grimper dans la baignoire. "If you need anything, I’m on the other side of that door."
Il sort de la salle de bain et ferme derrière lui. La porte ne se verrouille que de l’intérieur, aussi, sauf si Osmond a la force et le temps de sortir de la baignoire pour la fermer après le départ d’Amy, la porte est encore ouverte.
Amy n’a jamais eu le droit de voir le début des mues d’Osmond, et celui-ci refuse de lui expliquer ce qu’il s’y passe. Il essaye de passer sa frustration en s’affairant un peu dans la chambre. Il défait le lit double, ouvre les fenêtres. Il constate que la clim et la télé ne marchent pas. Il enlève sa chemise puis la remet, va chercher des glaçons. Mais le reste du temps, il reste planté devant la porte, immobile comme une statue dans le jardin de Méduse.
Il essaye d’imaginer Osmond, recroquevillé dans la baignoire, dans une inconfortable position. Il ne sait pas comment imaginer une nouvelle peau naître, alors il fantasme des ressemblances avec les grands brûlés, ou d’autres maladies de peau. Il essaye d’imaginer la douleur, la douleur sur le visage d’Osmond, et tous ses membres secoués de spasmes. Il imagine une araignée mourir. Il imagine la lenteur d’un serpent qui mue.
Amy attend avec impatience qu’il l’appelle, il veut entendre sa voix faible de derrière la porte, lui demandant de venir l’aider.
Il a envie de le toucher, de caresser cette peau morte prématurément par sa faute, cette peau qu’il avait embrassé quand elle était encore vivante, quelques instants plus tôt. Amy se dit qu’il faut une sacrée dose de haine de soi pour forcer tout son organisme à se débarrasser de soi-même. Amy ne comprend pas trop pourquoi Osmond ne veut pas garder ses cicatrices. C’est comme se débarrasser de son histoire, et dans cette histoire, il y a lui, Amy. C’est un peu à cause de lui qu’il a eu cette blessure, alors il aurait bien aimé, jalousement, qu’il la garde sur lui, comme un souvenir de ce dont Osmond est capable de faire pour Amy.
Amy est debout, il a le front contre la porte. Il se force à respirer doucement. Il écoute le moindre bruit venant de l’intérieur de la salle de bain, la main accrochée à la poignée de la porte, sans se résoudre à l’ouvrir. Pourtant, il en a très envie.
(#) Lun 11 Sep - 21:16
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L’arrivée d’Amy est cafouilleuse. Elle est pleine de mots et de sons que les oreilles sifflantes d’Osmond n’entendent pas ou confusément. L’espace le séparant de l’humaine est devenue un linceul épais dans lequel il ambitionne la rouler ; et bien évidemment qu’il va réduire la distance, bien évidemment qu’il va l’approcher et- "Ooh, I see—" Battement de paupières. "See?" Le profil suintant se tourne vers Amy, réalisant alors seulement sa présence plus petite, tassée et musclée, se déployant dans l’espace comme un mégalithe de taille réduite. Un mouvement dans son dos, un frottement de textures, et Osmond, tendu comme il est, a le réflexe de mouvoir subrepticement son bras droit, prêt à transformer le corps importun qui glisse contre ses reins. "Gimme your wallet, sir. - I don’t-" He does. Le souffle erratique se confond à son col de chemise tandis qu’il jette un regard tordu à la prise d’Amy. Nouveau battement de paupières. "That's absurd," l’accuse-t-il, le phonème grinçant et dépité, comme si Amy lui-même avait caché dans sa poche arrière de pantalon le portefeuille. Le troc se fait, tout aussi absurde. Risible et pathétique ; c’est ce que tout cela lui inspire. Les trivialités dont il s’entoure ont la saveur des choses minables, et voilà que soudain, entrée, comptoir, néons, sonnette, téléviseur crachant au loin sa diarrhée médiatique et conne, sexagénaire en peignoir, et billets verts lui paraissent tout à la fois hostiles et facilement destructibles. Un mot de lui, un seul. Et il invoque les enfers. Et il corrompt les âmes.
Il graillonne surtout un râle.
Amy l’emporte, couvrant sa carrure de bras eux aussi absurdement musclés, et sa force tire un peu plus sur la putréfaction en cours. "What the fuck, boss? You tried to get rid of me? - Oh shut up Aimee. - Don’t fucking do that, I’m here for you, ok?" Que répondre à ça ? A cette abnégation plénière et totale dont il profite jusqu’à l’os. Un grognement épuisé. Et le bras qui s’enroule autour des épaules formées de collines musculaires. "You're absurd," siffle-t-il à demi-mot, remerciement rance et implacable. Les doigts s’agrippent à la chair nue.
Dans la salle de bain, le protocole se met en place. A un rythme précis, connu, tempo répété plusieurs fois durant cette ère moderne, d’abord sans son assistant, puis toujours avec lui. Les ordres d’Amy n’en sont pas ; Osmond a retrouvé ce qu’il lui faut de lucidité pour savoir exactement quoi faire et comment le faire. Les vêtements sont retirés lentement, entraînant parfois et par filaments translucides une substance visqueuse et puante dont, déjà, il suinte par tous pores. "C’mon," s’impatiente-t-on, face aux mouvements sans doute trop lents du vieux. "Don't rush me," peste-t-il pour la forme, ayant en effet besoin des paluches plus habiles pour retirer le haut où ça colle et dégouline. Le regard mort-vivant vrille vers la gueule d’ange d’Amy, brillant d’animosité pour la seule raison d’être exposé ; ça lui arrive toujours, au début, et puis ça lui passe. Amy est d’une prudence extrême, appliqué dans ces soins comme il ne l’est jamais ailleurs. La gueule d’Osmond se détourne d’une longue torsion de nuque, emportant un peu de ses épaules, avant de tourner complètement le dos. "You may leave now…" La voix s’égraine d’affolement, retrouvant un calme tombal qui a besoin de son silence et de son isolement. "If you need anything, I’m on the other side of that door. - I-I know." Un tremblement torsade ses mâchoires. La porte se referme sur un second remerciement raté - c'est calculé (non, c'est raté).
La suite n’est pas aussi dramatique qu’Amy peut le croire. C’est choses-là se passent tranquillement, sans (trop) déranger le désordre du microbiote de la salle-de-bain. Osmond déploie tout un tas de gestes lourds et gourds pour entrer dans la baignoire et s’y allonger de tout son long - il ne peut pas, il est trop grand, alors il plie ses genoux dont les rotules cognent bruyamment la faïence dégueulasse. Les bras se plient eux aussi sur son ventre, dans une posture mortuaire, et il attend.
Il attend que son corps suppure cette matière organique méconnue, faisant doubler de volume sa couche épidermique comme si son cadavre était resté de trop longs jours dans le fleuve qui l’a noyé. Il attend que la couche dermique repousse celle en surface, naissant de sous ses formes anthropomorphes avec l’arrogance d’une infamie. Il attend une heure, deux heures, trois heures, que le pouvoir de résurrection, chez les bons dieux magnifique et tout à fait somptueux, chez lui se cloque, s’exsude, se déverse sur la faïence dégueulasse d’abord sous forme d’humeur pellucide, ensuite sous forme plus épaisse et chargée, se répande sur son corps parcouru de spasmes mais infailliblement sage, se déverse jusque dans son souffle moite et pestilentiel où la salive aussi se purge de ses merdes.
Il glisse un peu, se rattrape, tout est si gluant autour de lui, sirupeux et agglutiné. L’horloge rouge made in China fixée au-dessus du lavabo continue de tourner ses aiguilles, nullement dérangée. Quand la quatrième heure se présente, le corps de l’Originel se redresse de sa tourbe miasmatique, une partie de ses chairs mortes restant adhérées à la faïence encore plus dégueulasse. La pulpe de ses doigts, eux-mêmes épluchés à différents endroits, entreprend alors seulement de s’arracher la couche épidermique ainsi rejetée. Les pans sont ôtés à la manière d’une tapisserie que l’on retire, seulement le mur en dessous est rouge, encore vif, et qu’il arrache à l’artisan des soupirs endoloris. Il en fait le maximum, palpe même à l’arrière où se trouvait la plaie béante, constante qu’elle s’est totalement résorbée dans le processus de guérison interne et qu’il ne reste sans doute plus qu’une fine ligne rosée qui disparaîtra définitivement à la prochaine mue. Les mains tremblantes mais fermes relaxent une autre tranche de peau qui atterrit avec les autres, et Osmond s’arrête.
Le coude se plante sur le rebord de la baignoire. Une paume aplatie contre son visage - il le sent patiner, menacer de tomber à tout moment. Dans un splash chuintant il rejoint le reste, et parce qu’il est maintenant renouvelé, mais toujours aussi à vif, Osmond grimace en sentant ses doigts épluchés pincer son arête. "Aimee…," l’appelle-t-il d’un filet de voix - déliquescente, muant elle aussi dans ses sonorités feutrées. La venue d’Amy est instantanée - embarrassante d’être aussi instantanée. Instantanément rassurante aussi. Il n’y a pas besoin de mots ; les mains d’Amy se joignent aux siennes pour finir le travail, finir de l’écorcher. Certaines zones comme ses épaules partent sur un pan entier, quand d’autres, comme ses pieds, se destituent par petites lanières térébrantes. La chair à vif passe de rouge-sang à un petit teint rose-cicatrisé avant de devenir naturellement blanche (blafarde).
Quand Amy commence à débarrasser la faïence de l’immondice organique, Osmond a repris des couleurs humaines. Il somnole, pommette dans paume, le bras plié nonchalamment tandis que l’autre s’étire le long du rebord, dans une posture d’effort passé, de long cycle achevé. La chaleur d’une eau qui coule et qui le recouvre jusqu’au bide le réveille délicieusement, ainsi que le gant de toilette gorgé d’eau savonneuse qui le nettoie délicatement d’une épaule à l’autre. "Mhh," qu’il fredonne, appréciant ouvertement l’attention toute particulière qui lui est offerte. La nuque bascule un peu vers l’avant, obligeant son visage à pivoter dans sa pogne, pour laisser le geste d’Amy remonter jusqu’à la racine de ses nouveaux cheveux plaqués par les restes de son liquide quasi amniotique. Il rebascule la tête dans son axe quand la main d’Amy bifurque ailleurs. "How do I look?" questionne-t-il, la voix soporifique et molle. Peu à peu, l’énergie lui revient pourtant, se délassant dans ses muscles qui retrouvent sous le toucher une tonicité rajeunie. "Is it gone?" Le coup de poignard. L’exergue de leur crime. Il sait que oui, mais le plaisir est égoïste ; veut entendre Amy le lui dire.
La main s’arrache à son profil, cherche le bras d’Amy sur lequel il se pose - s’accroche - avec une bienveillance désagréable - trop persistante, trop possessive, trop envahissante. "You should get some rest. My God," ce qui sonne toujours comme un blasphème, sur son palais, "you must be exhausted." La plainte est sincère. Elle s’indigne dans un regard qui se tord à l’extrême pour pouvoir se poser sur Amy. Il a veillé toute la nuit derrière la porte, comme un chien de garde, oui, hélas. Et la main qui se lève, lisse et parfaite dans un écho d’eau remuante, vient le cajoler comme un maître. Mais que serait le maître maintenant, s’il n’avait pas eu les griffes de sa bête pour le débarrasser de ses scories ? La joue qu’il câline est un peu trop serrée entre ses doigts, se marbre d’un début de rancœur, qui crève bien assez tôt dans leur chaleur. D’un sérieux sombre, la voix redevenue normale complète enfin. "Thank you, Aimee." Et la câlinerie se fait immense, de la taille de sa paume et de sa reconnaissance malsaine mais spontanée.
(#) Mer 13 Sep - 18:00
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Strange place for a boy to drown
Le regard d’Amy est suspendu à la poignée, le front collé à la porte.
Cette nuit, Amy a tué son père. Il ne reviendra jamais, son père est mort. Sa mère ne va pas le réaliser tout de suite, il avait l’habitude de s’absenter, parfois même plusieurs semaines. Puis, quand il ne reviendra pas au bout de quelques semaines, peut-être commencera-t-elle à s’inquiéter, à aller en parler au sheriff qui lui dira de ne pas s’en faire, que ce bon vieux Jupe avait sûrement besoin de changer d’air.
Ce bon vieux Jupe avait effectivement tellement changer d’air qu’il n’en avait plus du tout.
Le bruit des craquements de son corps emporté par Jo siffle dans ses tympans.
Amy colle son oreille à la porte, comme il avait posé sa joue contre la paume d’Osmond, contre l’épaule d’Osmond.
"Aimee…"
Amy réalise qu’il a tué son père, alors il ouvre la porte à toutes allures, pour ne plus penser à son père qu’il a tué.
Enfin, qu’Osmond a tué pour lui.
Dans un I’m here presque chuchoté, il s’approche et s’assoit sur le rebord de la baignoire. Ses mains cessent de trembler d’excitation quand il les pose sur les épaules d’Osmond. Il n’y a pas de mots pour décrire la sensation d’arracher l’ancienne peau du mutant. Il n’y a que des comparaisons qui peuvent être faites pour tenter de saisir l’horreur et la satisfaction de l’opération. C’est comme éplucher un fruit trop mûr dont la peau reste sur les doigts, c’est comme se défaire de l’épiderme brûlé d’un coup de soleil, c’est comme déshabiller quelqu’un tombé dans l’eau.
Parfois, la main d’Amy s’enfonce sous la peau morte, et il plie le poignet pour en décoller tout un pan, comme s’il le débarrassait d’un vêtement trop collant. Amy y voit quelque chose de répugnant mais aussi d’incroyablement sensuel. Il le sent dans son ventre, on le sent dans ses mains qui s’affairent sans l’ombre d’une hésitation, et pourtant avec tant de délicatesse, dans son dos, sur ses jambes. Amy se sent incroyablement puissant à sentir cet épiderme dérisoirement fragile sous ses doigts.
Lorsqu’ils ont terminé, Amy rassemble tous les vestiges d’Osmond sur les serviettes de bain disposées au sol, pour en faire un morbide baluchon qu’il pousse dans un coin de la pièce. Il ouvre l’eau et se met à genoux sur le carrelage. Avec la même lenteur et application rituelles, il verse de l’eau sur les épaules d’Osmond, puis un gant de toilette et du savon. Il le lave, frotte et masse par endroits les muscles noueux d’être restés si longtemps immobile dans l’étriquée baignoire. Il se débarrasse même du gant de toilette, utilisant seulement ses mains qui parcourent amoureusement les volumes de ses muscles et de certains de ses os, appréciant le grain de cette nouvelle peau, identique à la précédente qui git désormais juste derrière lui.
"How do I look?" La question prend Amy au dépourvu qui s’arrête un instant. Son visage rougit, là où il avait semblé si concentré et toujours adorant. "I— uh—" Stunning. Gorgeous. "B- brand new?" bafouille-t-il, confus, en reprenant ses massages, avec plus de prudence, comme si, à mesure qu’Osmond reprenait des forces, Amy réalisait qu’il n’était pas censé avoir de tels gestes à son égard. "Is it gone?" Amy jette un coup d’œil dans son dos, là où il sait pertinemment que la cicatrice est désormais à peine visible. Les lueurs blanches dans ses yeux bleus flottent un court instant. Son pouce passe sur la fine ligne à peine visible, il y met un peu son ongle court, comme pour gratter une plaie qui ne se rouvrira jamais. "Yes it is," répond-il, le désappointement rendant sa voix grasse.
Les mains d’Amy retombent mollement dans l’eau. "You should get some rest. My God, you must be exhausted." Amy croise son regard soucieux. Il se passe la main dans ses cheveux gras, s’accrochent aux nœuds de ses boucles: "Is it that obvious?" rit-il faiblement, sentant soudain la fatigue l’engourdir et rendre ses jambes pliées aussi lourdes que si elles étaient en acier. La paume de main d’Osmond vient récupérer son visage, dans laquelle il se laisse bercer un temps. Il pourrait s’endormir là; il le voudrait.
"Thank you, Aimee." Amy est fatigué mais il ne ferme pas les yeux parce qu’il le regarde. "It’s alright…" Il sourit un peu en coin dans sa paume. "Don’t try to ditch me again, next time…" siffle-t-il, son air mutin rendant son regard luisant et lourd. Ses lèvres déposent une sorte de baiser dans le creux de sa main, avant qu’il se recule pour se remettre debout.
Il dépose une serviette supplémentaire sur le rebord de la baignoire. "Tomorrow first thing I’ll burn that, un coup de menton est donné en direction du tas de serviettes roulées autour des restes d’Osmond. Then I’ll get you something to wear… do you have spare clothes in the back of the truck maybe?" Il s’éloigne jusqu’au pas de la porte; il sent encore un peu de matière sous ses ongles. Il est très fatigué mais il n’a pas envie de dormir. "I’ll leave you to it; you can take the bed, I’ll sleep in the armchair…" propose-t-il en sortant de la salle de bain, retirant sa chemise et ses chaussures.
(#) Lun 18 Sep - 20:53
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C’est un frisson ni agréable, ni désagréable, c’est un frisson qui remonte jusque dans les cellules régénérées de ses gencives pour y endolorir ses molaires, puis engourdir sa langue. Un sourire, c’est tout ce qui en ressort. Un sourire vague ; pourrait être morne, si ce n’était pas Amy en face de lui, pourrait être cassant, s’il n’était pas sincèrement amusé par ses airs mutins. La crispation demeure malgré tout dans les muscles de sa mâchoire. Car il y a cette certitude qu’ils taisent mais qu’ils partagent ; cette codépendance bizarre, nocive et désastreuse qui s’est installée entre eux et va de l’un à l’autre comme une amante infidèle qui les aime pourtant follement.
Osmond le laisse partir, la main restée pendante au-dessus de la faïence, dégouttelant au-dessus du carrelage où Amy se tenait quelques instants plus tôt. "I won’t," s’entend-t-il souffler, la voix absente, griffée par cette gorge qui se sent expier. Le regard mort-vivant suit le dos nu d’Amy, passe ensuite sur son tas d’ordures soigneusement regroupé, saute enfin sur ses genoux relevés et luisants de cette eau trouble dans laquelle il barbotte. Spectacle pathétique au demeurant. Il ne se montrerait sous ce jour à personne d’autre, voilà une autre certitude dérangeante avec laquelle écrabouiller ses vieux principes. "Tomorrow first thing I’ll burn that." Amy, encore là. Toujours là. Dangereusement là. Répétant consciencieusement des directives qu’il connaît par-cœur. Osmond ne lui répond pas. Pas la peine. Tout est si bien huilé dans cette organisation quasi médicale qu’ils arrivent à s’adapter même en zone inconnue loin du confort habituel du ranch. "Then I’ll get you something to wear… do you have spare clothes in the back of the truck maybe?" Osmond reste prostré en avant dans son bain. Ses yeux se sont figés sur la surface stagnante devant lui, distraits par quelques morceaux de chair qu’il voit flotter. "Probably." Réponse tout aussi distraite. Il a une pensée pour Jupiter, réfléchissant davantage à son gabarit qu’à sa vie arrachée. Non. Trop maigre. Il n’aurait pas pu fermer la chemise.
"I’ll leave you to it; you can take the bed, I’ll sleep in the armchair… - Nonsense," répond-t-il dans un ruissellement d’eau. Osmond sort du bain, le corps bien chaud, bien propre, et attrape la serviette avec laquelle il entreprend de s’essuyer. La porte de la salle-de-bain s’est refermée de moitié. Il ne voit plus Amy, mais le devine de l’autre côté. "You are the one who needs to rest." Le coton de piètre facture ayant absorbé toute l’eau perlant sur son corps, Osmond renfile son sous-vêtement et le pantalon. Ses doigts rebouclent la ceinture qu’il commence à chercher les deux bijoux qu’il ne manque jamais de retirer lors de ses mues - et uniquement lors de ses mues. Ne voyant ni le brillant de sa chevalière, ni celui de sa croix huguenote, un léger sentiment de panique le sort de son agréable torpeur. "Aimee, wait…" Osmond sort de la salle-de-bain, les pieds nus marchant précipitamment sur la moquette crasseuse de la chambre. Il rattrape Amy, devant lequel il arrive, bloquant sa progression avant que ses mains n’épluchent compulsivement la petite masse poisseuse qu’est la chemise ramassée. "I think I left-"
Les phalanges blafardes retrouvent la chevalière. Le soulagement est visible sur l’odieux personnage, qui récupère le trophée de son vieux crime pour se l’enfiler plus calmement. Le pendentif est retrouvé également, se déplie entre les mains épaisses avec la même piété qu’il a gardé le visage d’Amy dans sa paume. Le bras s’immobilisent. Se font hésitants. Sous les empreintes digitales mille fois saccagées, mille fois renouvelées, la chaîne se déroule, lourde de porter sa croix. "Did I ever tell you who gave me this cross?" La voix, toujours aussi feutrée, paraît glisser entre eux avec timidité. Osmond observe les détails qu’il connaît par cœur, la croix de Malte, entourée de ses lys, sur lesquels pend la colombe, un ouvrage en or maintes fois arrangé au fil des siècles, solidifié par quelques mains d’orfèvres pour traverser le Temps aussi longtemps que son porteur le traverserait. De fait, elle est devenue rigide, la colombe soudée à jamais au reste de l’ouvrage pour ne pas s’en détacher. "My father…", explique-t-il sans ôter son regard du précieux pendentif. Déchaînant sans doute, où qu’il soit, la colère d’Edwin.
Osmond n’a même plus vraiment l’impression de mentir. Il s’est converti à son propre prêche, malsain et fallacieux, près duquel il a tant aimé se blottir. "He was a very pious man. A Protestant." Il dégage une main, qui vient montrer l’ouvrage du bout de l’index, instruisant la paire d’yeux si bleus qu’il observe quelques fois très intensément derrière l’or. "This is no ordinary cross; it was built in times of persecution, when it was necessary to hide among the Catholics. See? It's not the cross of Christ. It's the Maltese cross. A clever trick… And a symbol of unfailing resilience." Les bras se baissent, les mains retrouvant la pleine possession du pendentif. Le visage d’Osmond est baissé en cette direction, pensif, emmailloté dans ses souvenirs. "He was deeply attached to it." Pas lui. En vérité, cette croix lui importe peu. Osmond s’est détaché des préoccupations religieuses depuis des siècles, trouvant au nihilisme un confort autrement plus savant et juste. Mais il demeure attaché au souvenir d’Edwin. A ses mots culpabilisateurs et son jugement intransigeant ; jusqu’ici, seule la petite croix huguenote de son domestique le gardait de sombrer complètement. Un mensonge supplémentaire.
"I would like you to have it," prononce-t-il alors et calmement, levant sur Amy son regard froid et à moitié mort, réchauffé par un début de sourire qui ne se termine pas. "If I'm honest, I've never felt worthy of wearing it." Elle ne lui a pas été léguée, après tout, mais laissée en guise de fardeau. Les lèvres d’Osmond tremblent un peu, brouillées par les mots qui se heurtent à sa conscience et sa mémoire, puis il contourne Amy et lui passe le pendentif, le geste contraignant. "Please accept it." Ce n’est pas une demande. Il y a une forme de désespoir grossier dans le timbre racé de l’anglais. Il boucle le fermoir avant même que la réponse d’Amy ait été prononcée. Les mains se ferment sur la nuque, les pouces trouvant les rondeurs des vertèbres. "You deserve it far more than I do…" Peut-être qu’Amy la revendra. Ou la perdra. Osmond en sera probablement heurté, mais il ne pense pas pouvoir lui en vouloir. Il a traîné cette croix à travers deux siècles d’horreurs. Que peut-il lui arriver de pire que cela ?
La masse de sa force, pesante sur l’échine d’Amy, toujours aussi cajoleuse quand elle rencontre sa peau, se fait soudain pressante, agitée. Ce qui n’a pas d’importance en a tout à coup beaucoup : beaucoup trop. L’absence de la croix d’Edwin autour de son propre cou en est presque affolante. Le tremblement de ses mains s’étend jusqu’à son menton. "Don't get rid of it, Aimee. Ever."
(#) Ven 22 Sep - 17:53
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Strange place for a boy to drown
Amy ne se souvient pas avoir vu le collier d’Osmond d’aussi près. Il n’en avait généralement qu’un aperçu de la chaîne dépassant de la nuque d’Osmond, quand le col de ses chemises était un peu lâche. Il en avait peut-être deviné la forme vague du pendentif une fois où il avait vu Osmond se changer entre deux soirées, entre deux raids d’Orphans. C’est toujours intrigant, un collier qu’on ne voit pas dans son entièreté, une médaille qu’on ne montre pas, blottie dans le creux d’une poitrine, la chaîne tiédie dans le cou et sur les clavicules.
"My father… Les yeux bleus d’Amy quittent momentanément la croix, paniquant dans ceux d’Osmond à la mention du père. He was a very pious man. A Protestant."
Amy ne se souvient pas qu’Osmond ait beaucoup parlé de son père. Est-ce qu’après deux cents ans, on se souvient encore des gens?
Une pensée affole Amy: est-ce que Osmond finira par l’oublier? Est-ce qu’il trouvera un autre Amy? Est-ce qu’il y a déjà eu un Amy, avant lui?
Avant lui, qui le servait? Qui lui servait de gros bras, de petit cerveau? Avant lui, où mangeait-il ses fish and chips? Avant lui comment vivait-il ses mues?
Si auparavant, cette pensée lui glissait dessus comme la pluie, elle lui paraît désormais insupportable.
La jalousie pique la poitrine d’Amy comme une attaque. Il voudrait qu’Osmond lui raconte autre chose sur lui, sur son histoire de vie beaucoup trop longue.
"This is no ordinary cross; it was built in times of persecution, when it was necessary to hide among the Catholics. See? It's not the cross of Christ. It's the Maltese cross. A clever trick… And a symbol of unfailing resilience." Amy écoute avec l’attention d’un puits, d’une grotte. Dans ses yeux, les images floues d’allégeance et de répression qui le dépassent. Et Osmond au milieu de tout ça.
Le rapport à la religion d’Amy est faible, souvenir lointain des quelques messes interminables pour sa patience d’enfant. Il se souvient peut-être d’une poignée de baptêmes de ses cousins auxquels il avait assisté, sans trop comprendre, retenant son souffle en même temps que les baptisé.e.s étaient submergé.e.s pendant quelques secondes chaque fois, à se demander comment l’eau ne rentrait-elle pas dans leurs narines. Puis ado, le souvenir des filles à la messe, dans leurs longues robes grises et leurs santiags énormes. Et quand la lumière du matin laissait voir la silhouette de leurs jambes à travers la fabrique. Pendant longtemps, Amy n’a connu et aimé que les filles qui aimaient la religion. Il était loin de se préoccuper de la plus grande histoire des religions. Amy ne sait même pas que du côté de sa mère, on était affilié à la Convention baptiste du Sud. Son père, lui, ne croyait déjà plus en rien, né en colère contre le monde. Il n’y a même plus de corps à mettre en terre.
"I would like you to have it. Les sourcils d’Amy se froissent d’incompréhension, sa bouche pincée autour d’un o surpris. "Wh—at? - If I'm honest, I've never felt worthy of wearing it."
Ce collier est vieux, bien plus vieux qu’Amy, et lui survivra sûrement; c’est comme toucher une relique dont le saint, le pharaon ou le tyran était encore en vie.
C’est dans ces moments-là qu’Amy se rappelle qu’Osmond est immortel, et que son existence à lui est dérisoire en comparaison. Donner un bien si précieux à quelqu’un qui disparaîtra bien avant lui est un geste si vain qu’il en devient frustrant.
Mais Amy ravale sa protestation en comprenant aussi le privilège de cet acte; une minuscule offrande de quelques grammes qui pèse comme l’acier.
Les pensées et le cœur d’Amy s’emballent.
Tant qu’il la porte, Osmond ne se débarrassera pas de lui. Bah, il n’aura qu’à attendre.
Est-ce qu’il la reprendra directement sur ma dépouille quand je serai mis en terre?
Amy ne se souvient plus quand est-ce qu’il a commencé à craindre qu’Osmond l’abandonne.
"Please accept it. You deserve it far more than I do…" Osmond passe dans son dos pour y fermer la chaîne. La croix qui tombe entre ses deux pectoraux enflés et crasseux de l’incident. Amy baisse le nez, tandis que les mains d’Osmond restent accrochées dans sa nuque comme une chaîne, autrement plus pesante sur ses épaules. L’or est froid, puis tiède. Une tache de sa peau se synthétise en acier, chuintant contre l’autre métal précieux. Puis la peau revient.
"Don't get rid of it, Aimee. Ever." A son timbre de voix tremblant comme ses mains, Amy tourne la tête, jetant un œil intrigué par-dessus son épaule. Son regard est réduit par ses sourcils soucieux. Les vertèbres en haut de sa colonne semblent bouger, mues par l’acier, sous la pulpe des pouces d’Osmond.
Sa respiration réchauffe les phalanges des mains fiévreuses d’Osmond. "Why would I do such a thing?" Sa voix est très calme, autant que l’agitation du Serpent est perceptible. Il se tourne un peu plus pour le regarder dans les yeux. Il ressent et observe sa fébrilité, il n’en comprend pas tous les aspects, mais il se surprend à s’en abreuver comme un venin.
Il ne sait pas s’il attend une réponse d’Osmond. Il aimerait bien qu’Osmond lui explique encore et encore, lui témoigne, encore et encore, et lui montre à quel point il a besoin de lui, à quel point Amy lui appartient, et à quel point il appartient à Amy, aussi lentement mais sûrement qu’un serpent avale et digère sa proie.
Le seul signe qu’Osmond est très vieux et immortel, c’est cette croix et son œil mort, le seul que les mues ne lui rendent pas.
Amy aime cet œil, et il est jaloux que ça ne soit pas lui qui le lui ait pris.
Ses mains se posent sur son visage, pour calmer ses tremblements. Il lui embrasse le coin de l’œil. "Thanks." Il y a peut-être un peu de langue dans son baiser, la bouche qui ne se referme pas complètement.
On dirait qu’il hésite à l’embrasser encore une fois, à voir comme il fixe sa bouche tremblante des yeux. Peut-être que ça calmerait ses tremblements. Il se ravise, son pouce brossant la pommette coupante sous son œil mort, comme pour en essuyer la tiédeur de son baiser, puis sa lèvre inférieure, cette fois-ci pour l’en nettoyer d’un baiser fantôme.
Amy lui est tellement reconnaissant qu’il s’en montre presque indécent.
"Let’s get some rest." Il lâche son visage, il a la gorge et les yeux secs, la nuque moite. Il lui tient un peu le bras et le tire, se déchausse et le relâche avant de s’affaler sur le lit. Il ne sait pas s’il est fatigué. Il a peur de fermer les yeux et que son subconscient ne lui fasse revivre l’incident dans le champ de maïs. Il s’allonge lourdement, le lit grince. Il se tourne sur le côté, là où il a ostensiblement laissé de la place à côté de lui. Il croise les bras, les mains calées sous ses aisselles, la délicate chaîne en or remontant sous son menton. "Come here, Osmond."
(#) Mar 26 Sep - 19:53
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"Let’s get some rest." Le corps musculeux se meut devant lui, débarrassant ses chaussures avant de grimper sur le lit. Osmond le regarde faire, l’air encore un peu étourdi par l’angoisse passagère et le baume lénifiant passé par-dessus. Le dos d’Amy bouge comme un tremblement de terre bousculerait des collines blanches, luisant dans la pénombre de la chambre qu’ils n’ont éclairé d’aucune lumière - il n’y a que la salle-de-bain qui reste allumée, presque honteuse d’irradier d’un petit rai faiblard le bord extrême du lit près duquel il se tient debout. "Come here, Osmond." Le profil altier demeure impassible, lové dans l’ombre immense et étirée de la porte. Il continue de regarder Amy, et le corps d’Amy. Il l’a beaucoup observé les jours précédents, pour comprendre ce qui avait changé et ce qui voulait être caché et, plus tôt dans la soirée, pour l’admirer dans sa métamorphose nouvelle. Mais la manière qu’il a de le regarder à présent est encore une chose différente, sans doute inouïe chez lui qui ne contemple jamais dans le physique d’Amy que ses capacités mutantes ou martiales.
Il est beau. Tout le monde le dit. Sa plastique plaît, affole aussi ; les couples et les vertueux·ses. Il est beau comme un péché qui se consume et se consomme. Amy passe de draps en couches, s’offrant bien volontiers et sans retenue, avec une détermination quasi urgente à se débarrasser vite et mal de ses pulsions. Depuis qu’Osmond le connaît il y a eu des Olivia, il y a eu des Lucy, des Janet, des Tao, des Betty, et tant d’autres encore qu’il a rendues malheureuses ou enragées. C’est un ballet sans fin qui a souvent laissé Osmond perplexe, sans jamais cesser de le fasciner. Il paraît évident, pour un être aussi charnel qu’Amy qui se bat et se transforme avec son corps, que ce soit via ce même corps qu’il communique ce qu’il ne parvient pas à formuler. Osmond comprend. Il est pareil, n’est-ce pas ? Les horreurs qu’il commet sont aussi des messages. Osmond est soudain curieux de connaître le langage d’Amy. Peut-être parce qu’Amy a commencé à lui déposer certaines formules, là dans le creux de sa main, là sur le rebord de sa pommette, et que la découverte d’un alphabet plus complexe, dissimulé dans ses plis de chair luisante et aux enfonçures de sa bouche étroite et charnue, pourrait lui permettre de les traduire.
"I don't think I could get used to it." Il se déplace de l’autre côté du lit, où la place est vacante. Osmond s’y assoit dans un supplément de grincements, puis pivote les épaules vers Amy. "It's almost embarrassing; you calling me Osmond." Le flegme de son faciès donne un ton sévère au reproche. Il faut un temps supplémentaire pour qu’une lueur amusée fasse briller le seul œil qu’il a d’encore vivant, bientôt rejoint par un semblant de sourire oblique. Les ressorts rouillés du pucier grincent davantage, couvrant momentanément les quelques craquements du vieux squelette, tandis qu’il prend le temps de s’allonger sur l’édredon rêche. Sa peau délicate et neuve s’en trouve irritée. Elle marquera moins dans quelques minutes ; pour l’instant, elle paraît presque aussi jeune que celle d’Amy, face à qui il est installé. Un bras plié sous l’oreiller maigrelet, l’autre est simplement posé devant eux dans une posture détendue. Osmond regarde la croix pendant au cou d’Amy. Elle lui va malheureusement bien. Quand il remonte ses yeux c’est pour les ramener dans ceux céruléens restés résolument ouverts, qu’il fixe longuement dans le peu de luminosité dont ils disposent.
"Tired but not sleepy?" l’interroge-t-il sans véritablement s’en étonner. Il est vrai que son amour est malfaisant ; il déchire et écrabouille, démolit, marque à vie. Le traumatisme s’est probablement imprégné dans les rétines d’Amy qui en ont déjà trop vu, en sept ans à ses côtés. Il ne l’a pas rendu plus heureux mais ça viendra. Jupiter ne peut plus l’atteindre et c’est tout ce qui importe ; la place laissée vacante dans le cœur de son fils est elle aussi investie par Osmond, qui lève sa main en direction du front luisant. La pulpe des doigts se plante contre la chair encore un peu sale d’Amy, tandis que le pouce souligne l’une des deux cicatrices abandonnées par les cornes résorbées. "How does it feel up there?" Le toucher est délicat. Osmond apprécie l’aspérité métallique sous son doigt, les reliefs bigarrés que forment la peau et le métal, unis l’un dans l’autre avec un naturel insolent. Ses empreintes continuent de submerger le crâne débarrassé de ses bandages, passant au-dessus de ce qu’il imagine être une fonderie où le feu crépite. "Any headaches?" continue-t-il de le questionner, palpant le scalp sous lequel pulse le sang d’Amy.
L’inquiétude sincère se mêle à l’envie déplacée de vouloir découvrir d’autres malformations, et pourquoi pas un début de cet argot charnel avec lequel Amy communique ce qu’il ne parvient pas à formuler. L’intention redevient possessive quand c’est la main toute entière qui s’aplatit sur la tête aux mèches huileuses à la racine et sèches aux pointes. Il malaxe, ranime la pression sanguine, câline pesamment, darde son regard mort-vivant dans celui surmené d’Amy. Pendant des secondes qui sont peut-être des minutes. "I should let you sleep." Il devrait, c’est vrai. Mais il n’en fait rien. La corruption au bout des doigts ; la corruption au bord de l’œil. Osmond ne peut pas s’en empêcher. C’est comme ça qu’il est fait - devenu. Sa corruption énorme et tordue, qui n’est pas toujours faite d’horreurs. Elle est aussi l’amie des pulsions, et elle trouve avec une facilité déconcertante celles d’Amy, logées tout juste derrière ses pupilles dilatées.
Les ressorts grincent une nouvelle fois quand Osmond s’approche, trouvant les lèvres étroites et charnues entre les siennes fines. Il n’en tire qu’un goût, salé et ferreux, ainsi qu’une chaleur tempérée produite par l’haleine d’Amy. La dextre s’est déplacée jusqu’à la base occipitale, écrasant les boucles blondes sous les lignes de sa main.
La seconde approche n’a pas la politesse de la première. Il y a un peu de frustration de ne pas avoir découvert grand chose de nouveau et beaucoup d’envie de continuer à explorer. La pression entre les bouches, sous sa paume, et sur l’épaule d’Amy qu’il couvre de son bras s’intensifie au point d’être lourde. Or, s’il est obscène, ce n’est qu’avec sa langue, bouffeuse vicelarde trahissant les allures altières de l’Originel. Il commence à sentir de quoi Amy est fait. Le goût du sang n’est pas ferreux, mais tout à fait métallique. Et la moiteur de ses yeux prévient celle brûlante de sa salive. Peut-être y a-t-il bel et bien un feu là-dedans, qui brûle et qui consume.
Osmond réinstaure un peu de distance.
Des voitures continuent de rouler dehors, agitant la nuit et leur silence soudain humide d’un ronronnement assourdi. La pause n’est faite d’aucun mot. Il n’y a que les regards lourds, les corps fourbus, et l'attente de voir une réaction. L'illusion est là aussi ; qu'il peut lui échapper. Il ne peut pas. Amy peut lui demander de dormir, il peut lui demander de ne plus jamais recommencer. Mais Osmond est maintenant partout en lui, comme une maladie ou une croyance, déversé jusqu'aux tréfonds de son âme contre laquelle il se blottit. Tout comme la croix offerte se blottit dans le creux de ses clavicules, de son petit poids rassurant mais saillant.
(#) Sam 30 Sep - 12:41
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Strange place for a boy to drown
Si la pénombre ne froisse que subtilement le sourire en coin, Amy est soulagé d’avoir eu raison. "Is it?" rétorque-t-il en ronronnant, sa voix roulant de concert avec les grincements du lit.
"Tired but not sleepy?" Amy secoue à peine la tête, coincée entre ses deux épais trapèzes ramassés sur lui. Si Osmond avait la lumière dans le dos, Amy, lui, l’a frappée dans ses yeux bleus. Leurs positions ne sont pas très spontanées, très soigneuses et miroir dans leur retenue; l’un est aussi dessapé que l’autre, et leurs regards se rencontrent trop dans leurs yeux pour ne pas se surprendre ailleurs sur leurs corps. "How does it feel up there?" La respiration d’Amy s’écrase et dévale le poignet d’Osmond portant sa main sur son front. Il ferme un instant les yeux pour apprécier la caresse: "Better. - Any headaches? Amy réajuste confortablement sa tête sous la paume de sa main, la cherchant comme un chien quémandant qu’on le flatte. - Nah, tis all good." Il a encore un peu mal, mais comme sa mutation lui a toujours et longtemps fait un peu mal. Il ne le comprend pas, mais il sent que la chimie de son corps va trop vite, va trop loin, puisant dans son énergie et dans ses composants. S’il n’y a pas de fournaise à proprement parler sous sa caboche, il s’y produit des mouvements et des réactions qui n’avaient rien à envier à l’estomac des volcans.
"I should let you sleep." Amy rouvre les yeux. Il ne veut pas dormir, parce que chaque heure de sommeil n’est qu’une poussière gâchée dans l’existence sans fin d’Osmond Rose. Amy réalise qu’il ne peut plus perdre de temps, qu’il peut disparaître avant de— Il réalise qu’il y a des choses qu’il veut faire, qu’il veut dire à Osmond Rose avant de disparaître. Il a des choses à offrir, à donner de force, des offrandes à faire, des louanges. Amy ne croit pas en Dieu, mais ce qu’il voudrait lui donner est aussi grand que la foi des croyants.
Après tout, Osmond est vieux comme un dieu païen, comme ces créatures mythologiques obsédant les héros grecs et blonds.
Combien de fois Zeus était descendu batifoler sur Terre, arrachant des jeunes gens à leur quotidien, fort de son ignorance de la notion de consentement, là où le regard exorbité d’Amy, sa bouche entrouverte accueille celle d’Osmond avec une surprise béate.
Il ne décroise ses bras qu’au second baiser, ouvre les bras et la bouche pour serrer son corps plus massif que ce qu’il ne paraît, habituellement engoncé dans ses costumes noirs. Il en apprécie à peine la robustesse indécente pour son âge qu’Osmond, une seconde fois, s’arrête.
Amy n’entend pas les voitures, il n’entend pas la clim, ni les ronflements dans la chambre voisine. Ses oreilles bourdonnent, sa main transpire sur le flanc d’Osmond.
"Why the fuck did you stop?" lui reproche-t-il avec une impertinence pardonnable car témoignant visiblement d’une impatiente envie de continuer. Il se redresse sur les coudes, passant son bras de l’autre côté, appuyé sur le matelas, pour le surplomber; enfin, aussitôt, leurs nombrils et leurs bouches s’embrassent de nouveau.
Amy fait ce pour quoi les statues sont construites: célébrer des dieux sans visage, comme ces colosses gardiens des temples, dont les physiques irréprochables sont le fantasme de ce à quoi on voudrait que les dieux ressemblent.
Amy ne ressemble pas à Osmond. Et pour autant, il est animé de cette pensée aussi égoïste que le soleil que le nouveau corps d’Osmond lui appartient, pour en avoir été la cause, puis le premier à y toucher. Il le touche partout, lui embrasse tout le visage, tantôt hâtif, tantôt plus lent et douillet. Dans son cou, il se montre -ou plutôt se cache- plus agressif, marquant la peau neuve, dérobant son regard coupable à celui d’Osmond. Puis il continue, plus bas, sur ses clavicules maintenant nues, sur son torse, plus doucement, presque pieux, adorant son maître bienaimé, adorant l’obsession d’Osmond pour lui, naïf, aveugle, à l’idée que ce soit possible qu’on puisse l’aimer autant.
Il relève la tête. Son visage est rouge et luisant, sa bouche aussi, à force de s’imprimer avec vigueur sur chaque parcelle de peau. Il remonte jusqu’à sa figure, les mains de part et d’autre de son visage, l’expression extatique, le souffle court. "What do you want me to call you, then?" demande-t-il de but en blanc, par rapport à ce qu’avait confié Osmond un peu plus tôt. Amy se cambre un peu, son ventre plein d’abdos s’appuyant confortablement sur celui d’Osmond. La médaille a retrouvé sa place initiale sur la poitrine d’Osmond, les reliant l’un par la chaîne, l’autre par la croix. Amy a le ventre qui bourdonne, le bas-ventre ne se résolvant pas encore à s’écraser contre celui d’Osmond, gardant sa position un peu de biais. Il a envie de se toucher à peu près autant qu’il a envie de toucher Osmond. Après tout, il fait le malin mais peut-être pas tant que ça.
Il se penche à son oreille: "Say it," siffle-t-il, sa voix rendue suraiguë par l’excitation, le ton de ses paroles rendu aguicheur en sentant les mains d’Osmond partout sur lui, si bien qu’un show me à peine susurré semble être ajouté entre deux baisers. Sous sa peau, l’acier s’agite, et roule comme porté par un courant, attiré par l’aimant de ses doigts.
(#) Lun 2 Oct - 19:17
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(#) Mer 4 Oct - 16:31
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Strange place for a boy to drown
(#) Lun 9 Oct - 15:54
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