doomsday express (WANGSHU)

“In the space between yes and no, there's a lifetime. It's the difference between the path you walk and the one you leave behind; it's the gap between who you thought you could be and who you really are.” @Zhōu Wangshu

TW : alcool, ivresse.

Zohra détestait les conflits. Pour la simple et bonne raison qu’elle détestait avoir tort ou avoir à se justifier de quoi que ce soit. Écouter les directives – les ordres – de Theseus lui suffisait bien assez. Être la parfaite poster girl de la corporation n’avait pas que des avantages et l’envers du décor n’était pas aussi pailleté que ça. La plupart du temps, ça ne lui faisait pas grand-chose. Il aurait fallu qu’elle soit franchement ingrate pour se plaindre de sa vie où le luxe était la norme. Mais Zohra n’aimait pas qu’on lui dicte sa conduite. Ce n’était pas tout à fait de son plein gré qu’elle avait auditionné pour intégrer les rangs de la nouvelle équipe de superhéros de Theseus. Ce n’était pas non plus juste une bonne publicité. Elle ne savait même pas ce que lui réservait l’avenir. Personne n’avait eu la correction de lui dire si elle avait joué le jeu dans le vent, ou si sa vie risquait de prendre un tournant qu’elle n’avait ni anticipé ni approuvé. Faire comme si elle n’en avait rien à faire de quoi que ce soit, c’était sa spécialité. Son apparente désinvolture avait un petit quelque chose qui la rendait désirable et qui faisait frissonner l’Amérique. C’était le jeu, et Zohra le savait. Mais il lui semblait parfois qu’elle était bien la seule à le comprendre, la seule à avoir conscience des chaînes qui l’entravaient. L’argent ne faisait pas le bonheur, mais il valait mieux pleurer dans son jet privé en route pour les Bahamas, c’était ce qu’elle se disait souvent. Elle ne voulait pas râler dans le vide, se plaindre de choses inatteignables pour le commun des mortels. On ne pouvait pas dire que poser pour de grands magazines de mode ou des campagnes de haute couture était aussi épuisant qu’un travail ordinaire. Passer son temps à se faire dorloter ou se rendre à des galas huppés n’était pas tout à fait une corvée non plus. Tout ça, Zohra le savait pertinemment. Ça ne l’empêchait d’avoir souvent l’impression de n’être qu’une poupée qui passait de mains en mains, qu’on habillait, qu’on maquillait, qu’on faisait poser, qu’on trimballait de droite à gauche et à qui on dictait le quotidien presque de A à Z. Elle aurait menti en disant que son anonymat ne lui manquait pas.

La dernière chose dont elle avait envie, c’était de devoir justifier des choix qui n’étaient pas vraiment les siens auprès de quelqu’un. Elle avait traîné la patte, repoussant le moment où elle devrait rentrer chez elle et faire face à Wangshu. Elle avait eu envie de lui poser un lapin, d’aller prendre l’air, boire un verre. En bref, faire n’importe quoi sauf l’affronter. Dans un élan d’hypocrisie, Zohra s’était dit qu’elle ne lui devait rien. Après tout, leur couple n’avait rien d’authentique, ce n’était rien de plus qu’un mirage, une jolie mise en scène bien vendeuse. Une de plus, mise en scène par Theseus, pour que le portrait de la jeune femme soit parfait. Il fallait qu’il le soit, c’était écrit noir sur blanc dans son contrat. Des contrats, des contrats, toujours des contrats. Il semblait n’y avoir que ça dans sa vie, depuis qu’elle s’était réveillée sur ce lit d’hôpital au lendemain de la guerre civile. Pour sauver sa peau et celle de son frère, elle avait fait un pacte avec le Diable. Aurait-elle un jour le luxe de récupérer son âme ? Rien n’était moins sûr, alors il fallait qu’elle compose avec. Afficher un joli sourire, garder la tête haute, prétendre avoir l’orgueil d’une reine et faire comme si rien ne l’atteignait. Encore un peu plus et elle finirait même par avoir l’oscar de la meilleure actrice. Mais toutes ces excuses-là, Wangshu n’en aurait pas grand-chose à faire. Il s’était retrouvé empêtré dans le même filet qu’elle, et qu’elle le veuille ou non, sa vie avait des conséquences sur la sienne. La porte du penthouse déverrouillée, il lui fallut traverser le long couloir qui conduisait jusqu’au salon. Dire qu’elle s’y rendit à reculons aurait été un euphémisme. Trouver Wangshu à moitié affalé sur le canapé du salon, un verre à la main, sa petite panthère noire sur les genoux, lui donna envie de rire au moins autant que de pleurer. À vrai dire, elle ne savait pas lequel d’entre eux était le plus pathétique. « Quitte à te soûler, t’aurais au moins pu ouvrir une bonne bouteille. » Elle n’était pas très douée pour faire dans l’empathie, Zohra. Comme si, à force d’évoluer dans un monde de requins, elle avait fini par en devenir un. Elle fit une grimace, eut un claquement de langue agacé, attrapa un verre dans le bar et une bouteille de whisky. « Je suis sûre que tu m’as préparé un super petit discours bien moralisateur. Vas-y, je t’écoute, qu’on en finisse. »

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