The white noise ;; Sloane

TW : Mention d'attentat, personnage mourant, haine, vengeance.

Il ne se passe plus une seconde sans qu'il n'ait mal ; en permanence, sans plus aucune possibilité de réellement se reposer. Chad sent que la fin approche - ne devine pas laquelle ça sera. Bientôt le repos, bientôt il ne pourra plus que compter sur toutes les fondations qu'il a pu détruire pour faire tomber Orion de son piédestal ; il pense encore à lui, chaque jour que D.ieu fait ; s'épuise à le faire, se sent consumé par la rage et la haine ; cette colère hurlante qui l'avait poussé à faire tout exploser, l'espoir que la face cachée d'Icarus soit dévoilée au grand public.

C'est un semi échec.
Elvira a joué aux rebelles.
Les gens les insultent, partout.
Des tags apparaissent contre Eux.

Les consciences s'éveillent ; juste pas assez vite ; pas assez fort. Il n'aura que vu la tour brûler, qu'Orion échouer à protéger les autres, qu'Icarus se laver les mains encore dans le sang qu'ils ont fait couler. Chad va inévitablement mourir avant que le rouge ne soit vu de tou.te.s ; tant pis.

Mais il peut encore briser un peu plus l'influence d'Orion sur ses "proches" ; peut casser davantage encore les chaînes de Sloane pour la libérer pour de bon - pour qu'elle remarque les ombres sur le bas côté.

Tous les cadavres d'Orion.
Le sien sera le suivant.

Mais il peut encore agir.

Le contact avait été bref - quelques messages échangées avec l'attachée de presse, quand enfin elle s'était intéressée à ce qu'il lui avait dit, durant l'attaque - et il sait, Chad, que bientôt elle aura tout trouvé de Clay Barton.

Du reflet dans le miroir.

Le rendez-vous a été donné - il lui a filé une adresse, une heure, pour la journée même ; a investi les lieux bien avant, juste histoire d'être sûr qu'aucun pion d'Icarus ne se pointe en plus ; a attendu dans un silence quasi religieux. C'est qu'il a l'impression que dans son crâne se joue des battements qui offrent une mélodie insidieuse - celle de son propre coeur ; de sa propre douleur.

Son téléphone vibre ; et il n'y a aucune autre présence, dans la maison en cours de construction, que la sienne - il le sait, grâce à la brume qui habite étranglement les lieux, fine mais assez présente pour l'alerter s'il y avait eu quelqu'un pour mettre un pied dedans ; alors deux... Rappel de celle-ci ; le mutant a l'impression de se retrouver, alors qu'il est habité par une forme de vie étrangère - en vérité il l'a connait bien.

Une minute.

Sloane est ponctuelle, on ne peut pas lui reprocher. L'Orphan reste assis à terre encore, ses fringues un peu couvertes par la poussière de béton - il est resté là un long moment. Encore de chair, à souffrir de celle-ci ; mais il fait avec encore, pour quand viendra le moment de s'éclipser - à la moindre suspicion qu'il y a quelqu'un d'autre ou qu'on les écoute, à vrai dire. Alors c'est un homme qu'elle trouve, Sloane, plutôt qu'un mutant.

Clay Barton est assis là, alors que déclaré disparu puis mort depuis des années.

Un drôle de fantôme. "Miss Hatcher." Devrait-il lui dire qu'elle n'a pas tant changé, en onze ans ? Ou si, sa manière d'être, de se porter ; rendue invisible par les Sept, pourtant indispensable pour Elleux. "Comme on se retrouve." Il irait bien à sourire, pour marquer l'ironie de la situation ; mais il n'a pas la tête à ça. "Tu es venue armée de ton sérum de vérité ?" Sa propre mutation à elle ; une arme redoutable qui, pourtant, n'avait jamais suffit face à Orion ni même Elvira - et d'autres encore.

Tellement d'autres.
Icare a vendu ses ailes.

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TW : mention d'attentat, mention de manipulation

L’hésitation.
Elle se traduit par ces doigts qui tambourinent contre le bureau ; par ce regard fixé sur les lettres pixellisées. Elle se trahit par le myocarde qui s’affole ; par les milliers de doutes survenus. Un piège. Ça pourrait l’être. Une belle prise que d’attraper l’attachée de presse. Petite-amie d’Aegis. Amie des autres. On ne la laisserait pas entre les mains des Orphans. Meilleur moyen de les attirer. Alors, oui, ça sent le piège. Pourtant, l’heure avance et Sloane se décide. Elle ira. Parce qu’elle doit savoir. Parce qu’elle a des questions. Beaucoup plus de questions que de doutes, d'ailleurs. Un mot griffonné sur un post-it. Le lieu. Le nom (Clay Barton). L’avertissement (piège, venir accompagné). À destination de Rhys. Il le trouvera chez elle, collé sur son bureau. Juste au cas où. Si elle ne donne pas de nouvelles, si elle ne répond pas, il viendra ici. Elle le sait.

Le taxi s’arrête à deux rues du point de rendez-vous. Précaution prise au cas où. Au cas où quoi ? Sloane l’ignore. Elle n’est pas suivie. En tout cas, elle ne le pense pas. Elle n’aurait de toute façon aucune capacité de semer qui que ce soit. Le reste du trajet est fait à pied. Trajet mis à profit pour observer les alentours. C’est isolé. Et le lieu choisi l’est encore plus. Personne n’y mettrait les pieds, tant la maison est en travaux. Personne pour les déranger. Le choix est judicieux. Le choix en est d'autant plus inquiétant. Temps d’arrêt devant la bâtisse. Glauque. Froide. Vide. Faut du courage pour s’avancer, pour entrer à l’intérieur, pour visiter jusqu’à trouver l’hôte. Assis à même le sol. Tranquille. Nouveau temps de pause, cette fois à l’entrée de la pièce. Elle l’observe, lui, l’environnement. Scrute l’espace à la recherche d’une ombre suspecte, d’une présence cachée. Il n’y a rien. Juste Clay et son air ironique. Les iris bleus se posent sur lui, le fixent. Elle n’avance pas. Bien plus à l’aise dans l’entrée de la pièce qu’au plus près de lui. Il y a presque de la familiarité dans ses prises de parole. Comme deux connaissances qui se retrouvent. Ça contraste avec Sloane. Aucun son encore sorti de ses lèvres. Elle se contente d'écouter, la méfiance à son paroxysme. “Tu es venue armée de ton sérum de vérité ?” Plus possible de garder le silence, sa parole est requise. Alors, elle cesse d'écouter ses craintes, son coeur affolé. Elle se risque à faire un pas en avant. Les épaules se soulèvent dans une désinvolture feinte. Ça cache son inconfort à le savoir si bien informé sur ses capacités. Aucun secret pour celui qu’elle aurait déjà connu. “Ce serait dommage de ne pas l’utiliser. Il paraît que la vérité est rare de nos jours.” Rare et précieuse. Sloane n’a jamais autant utilisé sa déchirure que depuis les attentats. Elle n’a jamais eu autant conscience des mensonges que depuis cette nuit fatidique. Comme si le monde se révélait enfin à elle tel qu’il est réellement : moche.

“Pourquoi se rencontrer ici ? On aurait pu se voir ailleurs.” La première interrogation pour laquelle elle est toute concentrée. Prête à recevoir la réponse et à en détecter les mensonges. Elle ne s’attendait pas à un parc ou à un café. En fait, cette maison est typiquement le genre d’endroit qu’elle avait imaginé. Mais pourquoi ici précisément ? Quelques pas sur le côté. Se donne l’air de se promener. Le bruit de sa marche résonne dans la bâtisse. À peine camouflé par un léger nuage de poussière. Elle s’arrête, se tourne vers Clay. Le regard dardé sur lui. “Il n’y a que nous ? Pas de mauvaise surprise ?” L’une des questions les plus importantes. Celle qu’elle aurait dû poser en premier. Celle qui lui indiquera si elle a commis une erreur en faisant confiance. Faire confiance, une bien belle expression. Un poil ambitieuse et prématurée. Elle sait que Clay a dit vrai lors de cette terrible nuit. Elle a fouiné. Elle est tombée sur des photos, sur des articles. Orion et lui ont été en couple. Un couple public, connu. Heureux. Épanoui. En apparence, seulement. Un fiancé manipulé, à la liberté recouvrée quand Orion a été éjecté de la scène. Et quand il est revenu, c’était pour mieux tout effacer. Au jour de toutes ces informations, Sloane ne devrait pas se méfier. Mais elle n’a pas oublié les menaces, la douleur, la peur. Elle sait un peu trop bien de quoi Clay est capable. De quoi les Orphans sont capables. “Qui d’autre est au courant de notre rencontre ?” Là encore, une interrogation importante, légitime. Qui pourrait bien déterminer la suite ou non de leurs échanges. Mais elle arrive trop tard. Sloane est déjà là et on ne la laissera pas partir aussi facilement.

Il irait bien lui dire que si on écoute toujours les rumeurs, y'aurait bien des choses qui se feraient rares - et d'autres plus envahissantes. Mais Chad n'est pas venu ici pour jouer au pitre... Et à vrai dire, c'est pas tant dans sa nature ; parce que le coeur est mort depuis plus longtemps encore que les fameux onze ans, qu'il a été épinglé à un tableau de chasse qu'il ne pourra sans nul doute ne jamais récupérer - l'a seulement entrevu, lors de l'attaque de la Tour. Alors, l'est déjà l'heure de passer à autre chose ; de rentrer dans le vif d'un sujet qui sera sans doute aussi douloureux pour l'une que pour l'autre ; s'il n'est qu'une ombre qui a depuis su accepter la fatalité, reste pas moins traumatisant de remuer tout ces plaies-là. Ainsi, c'est bien que ce soit Sloane en face, qu'elle puisse savoir quand il dira la vérité ou ce qu'il taira derrière des silences ou des mensonges ; Chad reste humain, après tout ; lui aussi a des blessures qu'il ne saurait dire à haute voix.

Un regard sur la pièce, quand elle l'interroge sur le choix de la baraque. "Ailleurs, y'a des gens." Moue étrange, sur le visage de l'orphans. "Et ici, il me sera facile de m'enfuir si tu n'es pas venue seule." Il pourra traverser le mur, s'enfuir par les emplacements de fenêtres pas encore posées - il pourra même disparaître dans le sous sol en semant potentiellement la confusion, si besoin était, pour faire croire qu'il aurait pu partir ailleurs. Les courants d'air le rassure, autant qu'ils lui font mal, éveille une douleur dans l'oreille même, à cause de sa tête malade. "Que nous." Sauf si Sloane a trahi - mais il a tendance à se dire que non ; a attendu là depuis le moment où il a envoyé le message, a vérifié toute la construction deux fois, même trois - il voulait être sûr, Chad ; Icarus l'a déjà bien assez eu comme ça.

Il serait dommage que Sloane s'y mette aussi.

Nouvelle question ; et cette fois, il se mouve ; hausse les épaules à son tour, semble retrouver un peu de sang dans son corps à le faire. "Personne, de mon côté." Il n'avait aucun intérêt à en parler - les autres Orphans auraient pu vouloir s'en mêler alors qu'il s'agit de sa quête personnelle pour cette fois. Quant à l'Éclipse... Non, définitivement, il n'allait pas dire à Elvira qu'il allait rencontrer cette chère Sloane. Réellement, il n'y avait personne à  qui le dire ; si ce n'est peut-être mettre quelqu'un à qui il pourrait tenir en danger, parce qu'on aurait voulu l'empêcher de poursuivre ce qu'il avait pu entreprendre.

Et Chad aime encore à croire qu'il n'a plus rien à perdre.

Reprise de la parole. "Je ne te ferais aucun mal, si ça t'inquiète." Sincère. Lors de la tour, ça avait été différent - il était tombé sur elle, au hasard. Ici, elle n'était pas une ennemie ; juste une vieille connaissance, un éclat du passé à qui il pourrait rendre toute sa beauté. L'envie de murmurer souviens-toi était là ; mais plutôt que de le chuchoter, il allait hurler ! Avouer tout et au pire... Il aura parier sur la mauvaise personne ; ça n'aura pas été la première fois ; ni la dernière, en vérité. "Enfin, physiquement. J'imagine que pour le mental... On repassera." Souffle de rire, amer ; après tout, elle est au plus proche des héros ; est-ce qu'elle admirait tout le monde, avant ? Il pourrait comprendre que oui ; Clay Barton aussi s'y était fait avoir, à ce jeu-là. "Tu as évité Orion, depuis ?" Ou a-t-il pu lui pisser dans la tête à nouveau ?

Celle de Chad rencontre à nouveau le mur, lentement ; l'arrière du crâne qui s'y repose, alors que le vert de ses yeux continuent de fixer Sloane ; et ses sens tentent de rester attentifs au reste aussi, au cas où.

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TW : mention d'attentat, mention de manipulation

Lieu choisi pour sa facilité d’évasion. Pour lui. Certainement pas pour elle. Mouvement du menton, comme pour ponctuer la réponse de Clay. Les yeux poursuivent leur espionnage, continuent d’épier les lieux. Peu habituée à se retrouver dans cette situation. Les super-vilain·e·s, très peu pour elle. Elle ne les rencontre pas. Jamais. Sauf les faux·sses. Celleux inventé·e·s de toutes pièces par Icarus. Celleux façonné·e·s par les mains du Géant. Les autres, les vrai·e·s, c’est l’affaire des Sept. Exception faite aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est elle qui le rencontre. Aujourd’hui, c’est elle qui prend tous les risques. Pas de mode d’emploi pour ce genre de moment. Ou peut-être que si. Peut-être que Rhys lui en aurait donné un, si seulement elle avait pris la peine de lui en parler. Pas eu le temps. Pas eu l’opportunité. Il ne manquera pas de le lui reprocher, de s’inquiéter. Si elle le lui dit. Ce qui n’est pas sûr. Si

Que nous. Personne de mon côté. La mutation s’obstine à rester silencieuse, à mesure qu’il répond aux interrogations. Il aurait été plus facile que Clay mente. Ça aurait mis fin à la conversation. Elle aurait pu s’en aller et rester sur ses aprioris. Elle aurait pu laisser le bénéfice du doute à Orion, malgré tout ce qu’elle a appris. Mais non. Cette option est impossible parce que tout ce qui sort de sa bouche n'est que pure vérité. “Personne de mon côté non plus.” Dangereux de l’avouer. Pourtant nécessaire. Comme un gage de confiance. Comme une main tendue dans la direction de Clay. Iels sont seul·e·s. Un tête-à-tête improvisé qui ne réussira que grâce à elleux ou qui échouera à cause d’elleux. En tout cas, personne ne viendra les interrompre ni les mettre en danger. “Je ne te ferais aucun mal, si ça t'inquiète.” Calme plat du côté du détecteur de mensonges. Il dit vrai. Il a toujours dit vrai. Elle a un léger sourire. Un rictus sans joie. Touchée par l’ironie de la déclaration. Il lui en a fait, à elle, à Edgar. Et il faudrait croire à ses paroles, aussi sincères soient-elles ? Difficile. “Enfin, physiquement. J'imagine que pour le mental... On repassera.” Le sourire est chassé par le rire de l’homme. Il s’amuse de la situation, quand elle préférerait être ailleurs. En fait, Sloane aurait préféré ne jamais savoir, ne jamais se douter. Depuis qu’elle sait, son quotidien est plus compliqué. Fait d’une méfiance exacerbée, d’une suspicion accrue. Plus capable de discuter avec qui que ce soit sans se demander ce qu’il ou elle est capable de faire pour Icarus.

“Tu as évité Orion, depuis ?” Les premières semaines, ce n’était pas difficile. Coincée soit à l’hôpital soit chez elle. Sloane n’a pas eu l’occasion de le croiser. Et Orion ne s’est pas embêté à venir jusqu’à elle pour s’enquérir de son état de santé. Évidemment. Pourquoi s’inquiéter pour la victime de son ex-fiancé, après tout ? C’est après, quand elle a repris le chemin du bureau que tout s’est compliqué. “J’ai essayé, en tout cas. Quand je ne le pouvais pas, je me suis arrangée pour être accompagnée.” Toujours son assistant dans les parages. La croyance futile qu’être à deux dissuaderait Orion d’agir. Pourtant, il a bien réussi à effacer Clay de la mémoire de tous ses proches. La quantité n'effraie pas la super-héros. Ça ne l’a jamais inquiété. “Et j’ai écrit. Beaucoup. Ce que tu nous as dit l’autre soir et ce que j’ai découvert.” Il le lui avait recommandé. Elle a écouté. Elle a écrit. Dans plusieurs carnets, disséminés ici et là. Comme si multiplier les supports allaient rendre le travail d’Orion plus difficile, si toutefois il décidait d’effacer ses traces. Encore. Parce que l’homme est toujours en vie. Se promène et vit sa vie normalement et continue ses manigances en toute impunité. “Tu aurais pu en profiter pour te venger d’Orion pour ce qu’il t’a fait et le tuer. Pourtant, il est toujours en vie.” Orion n’a toujours pas payé. Pourquoi faire sauter une bombe dans un building, blesser et tuer des dizaines de personnes, si c’est pour laisser l’une des causes vivante ? “Pourquoi ?” Pourquoi les avoir épargné·e·s ?

TW : vulgarité, mentions de manipulations et mensonges.

Sloane est la moins pire du lot, sans doute ; parce qu'elle semble réellement naïve ; parce qu'elle se retrouve en face de lui, à la recherche des réponses qu'il possède ; et il en a une pléthore à lui avouer, à présent. Alors sûr que mentalement, ça risque de faire mal - il préfère ne pas s'en cacher, parce qu'il se rappelle que ça lui avait été fatal à l'époque, de tout comprendre. Aussi bien les manigances de Siren que celles de son "fiancé" ; comprendre combien il avait été un pantin pour les Wingfield ; et l'insulte finale envers Elvira quand il avait compris pourquoi elle avait agit comme elle l'avait fait n'avait rien changé à ses ressentis ; à peine une goutte de colère dans un océan d'horreur. Ouais, ça va faire mal ; ça va sans doute même détruire sa vision du monde.

Parce qu'elle est entourée de menteurs, Sloane.

Et même accompagnée, elle est en danger permanent ; qu'ils sont capables de lui rentrer dans la tête malgré tout ; de lui dire tout ce qu'il y a de pire et le faire passer pour du beau, via leurs mutations. Alors il a un bref sourire rempli d'ironie, d'un venin qu'il a trop avalé et qui lui brûle encore l'œsophage aujourd'hui. "Les écrits ne disparaissent pas aussi facilement, au moins." Suffit de voir tout ce qui, couché sur le papier, est resté comme preuve de son existence ; Orion avait juste fait en sorte que personne ne s'inquiète de la soudaine disparition de son fiancé. Il irait bien pour rajouter qu'il est parfois de bons conseils, mais Chad n'a pas assez d'énergie pour ça.

Et puis, Sloane pose la question fatidique ; celle qui le hante encore, parfois ; mais il est mis face à celle-ci, désormais ; et ne peut plus fuir la réponse. "J'en suis incapable." La regarde dans les yeux, en le disant. "Il y a en moi... Encore des putains de résidus de cette époque..." Il en est persuadé, Chad ; ne se doute pas qu'il y a aussi dans tout ça ses propres sentiments, parce qu'il se refuse à ce que ça puisse être réellement les siens... Mais ça reste vrai. "Et puis... Je veux détruire Megamind, moi." Orion, c'est autre chose ; Chad/Clay a, après tout, ses torts dans ce qu'il a pu lui arriver. "Je veux qu'il chute de son putain de piédestal. Je veux qu'Orion se retrouve à payer pour ce qu'il a fait autrement qu'en mourant. Il ne mérite pas quelque chose de si rapide. Il mérite un putain de procès." La colère qui pulse, dans ses veines.

Puis, il est temps de mettre un premier coup à Sloane. "En prime, Elvira serait pas contente non plus si j'tuais son frère." Sloane cherchait la personne la plus susceptible de les trahir ? Il la lui offrirait sur un plateau d'argent ; parce qu'il n'en a plus rien à faire. "Oh, crois pas qu'elle veut son bien. Elle veut le détruire aussi, mais pas l'tuer." Oh oui ; plus que ça, même ; elle lui avait volé son jouet en "libérant" Chad à l'époque. Et il la haïra à jamais, elle aussi, pour ça. "Et il me reste pas assez de temps pour me la foutre à dos en plus du reste." Il sait pertinemment, Chad, que si elle l'a accepté dans le trafic des mods, c'était parce que c'était amusant de rejouer avec la nourriture précédemment mâchée par son frère.

La seule surprise d'Elvira fût de voir que "Clay" avait inversé les rôles avec Orion.

Néanmoins, il peut expliciter un peu ses pensées. "L'attaquer en frontale, c'est le pousser à la colère. Lui montrer qu'il n'a plus le contrôle sur absolument tout." Chad bouge à peine, juste pour changer un peu de position - le béton, ça fini par faire mal. "Il va chercher toutes les autres erreurs qu'il a commise par le passé. Et tout ce qu'il fouillera... J'ferais en sorte que ça ressorte aussi." Comme celle de l'avoir laissé vivre, à l'époque ; Orion regrette sans doute amèrement, désormais. Et Chad sent que ça ne s'arrêtera pas là, qu'il va y avoir ce moment où le manipulateur agira par impulsion pour réparer tout ce qu'il a raté - s'en tient prêt... Mais livrera tout avant au monde.

Pour que Megamind paye.
Pour qu'Icarus soit détruit.

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La force de poser les premières questions est rassemblé. Il faut bien commencer à un moment. Et ce moment est arrivé. Elle ignore ce qui l’attend. Si elle savait, probablement qu’elle ne serait pas venue, qu’elle aurait préféré rester ignorante. Mais elle porte encore sa candeur et sa naïveté au creux du cœur. L’espoir persiste. Flammèche cachée, presque oubliée, qui vacille au moindre souffle. Elle existe, pourtant. Elle reste là, à se consumer. Et Clay souffle allègrement dessus, jusqu’à l’éteindre définitivement. Il s’en assure. Il prend grand soin de l’étouffer et de la couper de tout oxygène. Pour ne surtout pas qu'elle se raccroche à une once de déni. L’homme est fatigué, épuisé par la douleur. Il en a assez. Il veut vengeance. Pas d’effusion de sang. Juste dévoiler le vrai visage d’Orion à la Terre entière. Juste faire de sa vie un Enfer, en faisant de lui l'ennemi public numéro un. Sloane l’écoute déverser sa haine. Se la prend en pleine face. Elle le savait remonté. Elle n’imaginait pas à quel point.

Puis soudain, Elvira.
Le prénom lui fait froncer les sourcils. Quel est le rapport ? Comme si Clay s’en inquiétait. Comme s’il craignait des représailles de la sœur. Lui, prêt à tout pour nuire au frère, aurait peur d’Elvira ? Risible. Ce qui l’est beaucoup, c’est d’imaginer Siren en vouloir à son propre frère. Leurs échanges n’ont jamais été amicaux entre les deux. Ils ont toujours eu ce quelque chose de toxique. Mais de là à vouloir le détruire… ? Il lui manque une pièce. Un élément pour observer l’entièreté du tableau, pour comprendre toute sa complexité. “Qu’est-ce que tu en sais ?” Elle la lâche, la question. Avec un soupçon de défi envers lui qui semble connaître si bien les Sept. Qu’il lui dévoile son secret. Qu’il lui crache tout. Parce qu’elle aussi veut tout savoir d’elleux. Elle veut percer leurs mystères et ne plus se laisser surprendre. Même après une décennie à leurs côtés.

Qu’il ne reste plus beaucoup de temps à Clay, peu importe. Sloane ne cherche pas à comprendre ce que cela veut dire ni ce que cela implique. Si son temps est compté, tant mieux. Il n’aura plus l’occasion de blesser ses proches. Un bien maigre réconfort, vu les circonstances. Mais Clay ne partira pas sans avoir causé des dégâts. Oh que non. Sloane écoute attentivement. Tente de suivre le raisonnement. Et se demande de plus en plus ce qu’elle fait là, à écouter les paroles d’un homme qui aurait pu les tuer l’autre soit, qui ne se cache pas de vouloir nuire. Qui a toutes les raisons de mener une vendetta contre Orion. Qui lui crache sa vérité. Oh que oui, c’est le cas. Il lui déballe tout. Coeur ouvert à même le sol. Sans aucune pincette. Il lui crache ce qu’il sait, ce qu’il pense vrai. Et c’est terrifiant. L'expression tente de rester de marbre fasse aux assauts. Elle y parvient, mais la posture ne ment pas. Les bras croisés. Le cou trop droit. Elle encaisse et elle en redemande. “Donc, c’est une guerre d’image et d’usure que tu mènes ?” Usure psychologique jusqu’à conduire Orion au bord du gouffre. Pour tout lui retirer. Sa richesse, sa réputation, ses fans, son métier, ses proches. Pour qu’il soit dans le même état que Clay, lorsqu’il l’a effacé. Ça fait sens. “Pourquoi avoir rejoint les Orphans, dans ce cas ? Ils ont assez bien prouvé avec Bonnie qu’ils n’étaient pas là pour seulement s’en prendre à l’image des Sept.” Ils voulaient faire couler du sang. Ils voulaient s’en prendre physiquement aux Sept. Ils s’y sont préparés. Ont su s’accompagner de sources fiables et proches. Ça, Sloane le sait. Cherche encore à débusquer lesdites sources. Mais ça ne colle pas avec les desseins de Clay. “Quel rapport avec Icarus ?” Il n’y a qu’Orion dans la bouche de Clay. Pas Icarus. Ça ne l’a pas empêché de s’associer aux Orphans pour faire exploser des bâtiments et s’en prendre au personnel. Orion aurait pu faire partie des victimes. Non, vraiment, son histoire ne tient pas la route. Alors pourquoi son histoire est vraie ?

Ce qu'il en sait ? Trop, presque tout ; a deviné, avec le temps ; et retrouver la fameuse Siren n'avait fait que tout lui confirmer ; ils jouaient d'avec les mêmes outils, les Wingfield. Le seul truc qui échappe à Chad, c'est la raison d'une telle colère de celle-ci envers son frère ; ne sait pas pour la relation avec, très justement, Sloane ; il ne peut deviner et ne devinera jamais ce point. Il est un mystère que Chad ne souhaite pas résoudre. "D'après toi ?" Un brin provocateur, le ton - peut-être juste un poil agacé ? Rien n'est sûr à cet instant, simplement parce qu'ils sont sur un terrain déjà ardu à emprunter. "Repense à qui était la moins surprise de me revoir après tout ce temps." Si Elvira n'était pas surprise de voir Clay, qu'elle se souvenait de lui ; c'est qu'elle savait déjà qu'il était là, dans cette ville ; et elle n'a rien fait pour l'empêcher d'agir. "Elle a parlé de finir ce qu'elle avait commencé." Cette phrase est vraie ; elle l'a prononcé, juste avant qu'elle ne revienne à nouveau dans sa tête, il y a quelques mois ; en pensant maîtriser toute la situation.

Mais la fumée à ça de charmant ; elle passe entre nos doigts.

Mais Sloane porte encore trop de naïveté en elle ; et à cet instant, Chad plisse les yeux, soupçonneux un bref instant. "Hm." Se méfie ; ça se ressent - comment peut-elle demander le rapport avec Icarus alors qu'Orion lui-même a avoué cette soirée-là qu'il exécutait leurs ordres ? "Revois le film à l'envers, Sloane." La projection peut débuter. "Pratiquement tout les Sept ont été confronté à nous... Sauf deux d'entre eux." Aie aie aie. "Hyperion, Wolfman, Megamind, Siren, Valkyrie II... Ils sont ressortis d'avec leurs égos blessés, mais personne n'a été attaqué au point de les tuer." Se mouve à peine, se tient droit, les épaules retrouve le dur du mur derrière lui tandis que la tête se repose. "C'était pas nous, pour Ladyhawk. Désolé de te l'apprendre, mais soit c'était CERBER, soit... Et bien, ça venait de votre camp." Ca, il ne sait pas exactement de qui il pouvait s'agir ; il sait juste qu'aucun Orphans présent à l'usine n'a fait le coup et que l'information a été assez vérifié de leur côté - et puis, Chad ne doute pas que l'un d'entre eux se serait vanté de l'exploit. Sauf que c'est pas arrivé, jamais ; et que tout le monde a révélé n'y être pour rien. Donc, ne reste que deux autres potentiels coupables. "Et Megamind lui-même a reconnu qu'il accomplissait de très basses besognes pour Icarus, donc..." L'expression du visage devient un peu plus dure, à cet instant ; comme si, définitivement, il souhaitait briser cette foutue naïveté qui l'agace. "D'après toi, pourquoi viser Icarus ?" C'est vrai, ça ; pourquoi viser le coeur de l'hydre, quand toutes les têtes de celle-ci repoussent en continue ?

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Il sait des choses. Beaucoup trop. Tellement que Sloane ne veut pas y croire. Elle ne veut pas accepter qu’il en sache plus sur les autres. Sur Orion. Sur Elvira. Sur leur relation. Mais Clay a décidé qu’elle n’aurait pas raison aujourd’hui. Il a décidé qu’elle saurait tout. Sans exception. Il n’est plus l’heure de la préserver et de minimiser la cruauté des uns et des autres. L’heure est celle des grandes révélations. Que Sloane soit prête ou non. Et le premier coup porte. Premiers dégâts enregistrés quand elle réalise un détail, aussi léger qu'insignifiant pour la plupart des gens. “Elle savait…” Elvira connaissait l'existence de Clay. Était même familière avec. Sloane darde de grands yeux ouverts sur le concerné. Comment est-ce possible ? Orion leur avait fait oublier l’existence de son fiancé, comment a-t-elle pu le reconnaître ? Mais il y a pire. Il y a l’idée d’une vengeance qui se dessine dans les paroles rapportées. Finir ce qu’elle avait commencé. Ce n’est jamais bon signe. Pas quand on s’appelle Elvira Wingfield. “Qu’est-ce que ça veut dire ?” Ça suppose qu’Orion a fait quelque chose d’horrible. Assez pour blesser sa sœur. Assez pour que leur relation soit à jamais écorchée.

Il y a des vérités qu’on ne veut pas entendre, qu’on ne veut pas connaître.
Il y a des vérités trop cruelles, trop bouleversantes, pour les accepter.
Celles dont Clay est le gardien sont les pires. Elles coupent le souffle. Elles bousculent les certitudes. Elles catapultent la cruauté humaine au centre de la scène. Le myocarde bat à tout rompre. Prêt à sauter hors de la cage thoracique. “Non. Impossible.” Elle vacille. Le monde semble tourner autour d’elle. Ce n’est qu’une illusion de son cerveau. La Terre est bien ferme sous ses pieds. Le décor est bien stable. Mais pour elle, tout bouge. Sloane s’assoit dans des gestes lents, calculés. À croire qu’avec trop de vitesse, qu’avec un geste de travers, elle pourrait perdre l'équilibre, elle pourrait s’effondrer. Ça venait de votre camp. Elle voit le visage de Bonnie, endormie. Elle voit ses blessures, ses hématomes. Elle voit son fils qui attend inlassablement le réveil de sa mère. Ça venait de votre camp. Icarus en est capable. A bien fomenté un plan pour se débarrasser de June lorsqu’elle n’était qu’une apprentie. La Corporation ne recule devant rien, mais pourquoi ? Pourquoi Bonnie ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ?! Ce n’est pas possible.

Ça venait de votre camp. L’écho de la vérité résonne dans le bâtiment bien trop vide. Encore et encore. Tourne en boucle, sans jamais s’arrêter, sans jamais trouver de répit. Clay continue, n’en a pas fini de la mettre à terre. Il rappelle Orion et ses actions commanditées par la direction d’Icarus. Preuve irréfutable que l’entreprise n’en a que faire de l’humanité. Depuis bien longtemps brûlée avec le reste de leurs valeurs. Ça s’embrouille là-haut. Mélange explosif de pensées qui tournoient et ne s’arrêtent pas. Elle suffoque. Se demande quand elle se réveillera. Ceci est un cauchemar, pure invention de son esprit pour la torturer. Ça ne peut être vrai. “D'après toi, pourquoi viser Icarus ?” Les iris se font plus enflammés, plus agacés. La conversation est désagréable, gênante. Elle n’est pas de celles qu’on aimerait avoir. Et Sloane n’est plus à même de réfléchir. Elle aurait plutôt besoin de reprendre son souffle, de marcher, de remettre de l’ordre dans ses pensées. Sauf qu'aucune pause n’est pas autorisée. “Je n’en sais rien, pourquoi !” Assez d’énigmes. Assez de mystères. Sloane veut les informations d’un coup, comme on arracherait un pansement. Elle ne veut pas jouer. Fatiguée de ces règles, de ces conséquences. Fatiguée de la réalité dans laquelle elle évolue sans rien savoir. “Pour montrer qu’on est aussi fragile que le commun des mortels ?! Parce qu’Icarus vous a payé pour faire diversion ?” Elle secoue la tête. Ne sait plus vers quelle théorie tendre. Il y en aurait des dizaines d’autres, mais elle n’y arrive plus. Se contente de s’agacer, de s’énerver. De s’impatienter. “Pourquoi tu ne dis pas simplement les choses ? Qu’est-ce que tu attends au juste ?!” Il veut la torturer, la faire craquer. Voilà ce qu’il veut. Voilà pourquoi il voulait lui parler. Voilà pourquoi il lui a donné rendez-vous. “Je ne sais même pas pourquoi je te fais confiance. Tu veux clairement te venger de ce qu’Orion t’a fait… ce n’est qu’un jeu tordu… il voulait nous protéger de toi, c’est ce qu’il a dit…” Elle délire. Se raccroche aux branches réconfortantes. Tout nier plutôt que de croire Clay et ses vérités trop violentes. Un dernier réflexe de survie avant de sombrer définitivement dans une réalité qu’elle n’aimera pas.

TW : vulgarité, personnage mourant, sang.

Il était temps de détruire le tableau ; au moins pour une personne ; au moins ça, pour lui montrer toute l'horreur de la situation dans laquelle elle se trouve, qu'elle couvre en étant une si bonne employée pour Icarus Inc. Et si la dernière question de Chad était là plus par rhétorique, après tout ce qu'il avait pu dire, il ne s'attendait pas à ce que ça l'embrouille plus encore. C'est qu'il a du mal à avoir de l'empathie pour elle, parce qu'elle représente l'entreprise tout de même ; alors il s'en fout bien de la mettre autant dans le mal, parce que de toute il est déjà un monstre à ses yeux et que Chad Bennington s'est promis de ne jamais accorder le moindre ressenti positif au sujet d'Icarus et ses pions - tristement il ne tiendra même pas sa propre promesse d'ici quelques mois.

Pour l'heure, il y parvient encore.

D'autant plus quand elle remet Orion en héros ; en évoquant les mensonges que lui avait proféré ; et pour cette fois, il sent la colère dévorer son estomac, parce qu'en ricochet elle évoque cette époque où Megamind lui a tout pris ; où il a dû profiter de la crédulité de ses parents pour qu'ils le laissent rentrer dans la maison, dans leur tête ; eux aussi avaient confiance en lui.

Eux aussi.

Alors, définitivement, il ne présente plus le soupçon d'empathie ; et la colère débarque. "T'es conne ou quoi ??!" Il se redresse vivement, sent sa tête lui infliger un tournis directement, à se relever si promptement ; alors il est obligé de poser une main sur le mur derrière lui ; et ça le calme. "Vas-y, va lui demander à quel point j'étais dangereux. Va renifler ses mensonges à plein nez cette fois et puis vient me raconter ce qu'il aura inventé." Sa voix trahit l'émotion ; parce qu'il n'a jamais eu la moindre excuse pour ça ; parce qu'il pense qu'il n'en aura jamais.

Au fond, Chad voulait juste qu'on lui rende son Humanité en s'excusant auprès de lui.
Mais on ne le fera pas ; alors il s'est transformé définitivement en monstre.
Parce que l'Humain est mort depuis longtemps déjà.

Sa seconde pogne est portée à sa tête, pour y sentir pulser - il lui semble - son mal en dedans, pour tenter de comprimer le mal de crâne permanent qu'il se traîne. "Si on vise Icarus, c'est parce qu'ils sont des putains de monstres !" L'idée qu'elle se soit imaginé qu'ils avaient pu être employés par eux le dégoûtent ; plutôt crever que de remettre un jour le moindre morceau de lui dans cet engrenage. "J'avais encore des micros doutes, sur s'ils savaient pour les saloperies d'Orion... Et puis ce con nous a avoué de lui-même que ouais, ils savent très bien même." Réellement du dégoût et de la colère. "Alors qu'ils crèvent, putain... Plus personne ne souffrira, si Icarus Inc venait à disparaître enfin." Et quand il sent que définitivement, il avait choqué son propre corps, Chad jure dans sa barbe un "fuck" éloquent quand son nez se met à saigner ; se laisse à nouveau glisser le long du mur et vient à appuyer sur la narine, pour tenter d'endiguer.

S'en fout bien d'avoir l'air pitoyable ; qui en aurait encore quelque chose à faire, quand la deadline est aussi visible ?

The
White
Noise
/

I need this mess cleaned up. These burning pieces have no hope.

(The Whigs) (icons. Rubi_da_Scrim)

Le sol la soutient. L’oblige à rester dans cette scène douloureuse. Alors qu’elle n’aspire qu’à fuir. Loin. Mais les jambes ne suivent pas. Le reste du corps n’est pas plus coopératif. Il n’y a bien que le sol pour la garder là. Elle sent son poids reposer sur lui, réconfortant. Rassurant. Solide. Sloane s’oblige à se focaliser dessus pour ne pas perdre la raison. Elle n’a plus que ça, Sloane. Il n’y a que ça qui fait sens. Le reste… le reste est impossible à croire. Chad crache son venin, touche sa cible, mais le déni est plus fort. Force à raisonner autrement, à trouver des échappatoires désespérées. Jusqu’à croire qu’Orion aurait pu, peut-être, être bon. Bien intentionné. Ça la ferait rire jaune, à un autre moment, d’arriver à croire cela. Pas aujourd’hui. Elle est sérieuse. Profondément sérieuse. Et l’insulte qui vole vers elle la frappe plus fort que n’importe quelle vérité. “Pardon ?!” Ça allume un feu, une colère. Une réponse à la hauteur de celle de Clay. Mais il n’est pas celui contre qui elle devrait s’énerver. Elle se trompe de personne. Orion est le responsable, le coupable. Celui contre qui devrait être tourné toutes les suspicions, tous les ressentiments. Mais il n’est jamais là quand il faut, à fuir son procès avec toute la lâcheté dont il sait faire preuve. À la place, il y a Clay.

Clay qui n’en a pas fini avec elle. Clay qui tue chaque minuscule parcelle d’espoir. Clay qui s’assure qu’elle ouvre les yeux. En grand. Et qu’ils restent ouverts à jamais pour voir toute la noirceur d’Icarus. Sloane est acculée. N’a plus aucune sortie de secours. Coincée. Complètement piégée. Elle n’aurait pas dû venir. Elle aurait dû rester dans son ignorance bien confortable. S’en envelopper jusqu’à la fin de sa carrière chez Icarus. S’accommoder des mensonges qu’on lui aurait craché à la face… Non. Non, ça n’aurait pas marché. La tête bascule en arrière, rencontre le vide derrière elle. La voix de Clay continue à lui parvenir, à la manière d’une musique dont les notes seraient trop agressives. À en grimacer. À vouloir passer à la chanson suivante. Mais Clay ne changera pas, même si Sloane demande gentiment. Faut serrer les dents. Attendre que l’instant passe. Retenir sa respiration. Encaisser le prochain coup. Surtout, accepter qu’elle fait partie du problème, qu’elle devrait se détester autant qu’elle déteste Orion. Autant qu’elle déteste ce qu’il lui dit. L’image d’Icarus qu’il lui renvoie. Sa propre implication dans leurs actions.

Au milieu du brouillard, elle entrevoit la réalité imaginée par Clay, par les Orphans. Celle d’un monde meilleur sans Icarus. Celle d’un monde sans souffrance sans la Corporation. C’est un doux conte, une belle histoire qu’ils se racontent. Un rictus effleure les lèvres de Sloane. Elle ne l’imaginait pas utopiste. Pourtant, il l'est. Sans Icarus, d’autres Corporations prendront le relais et feront assurément pire. On peut toujours faire pire. “Fuck.” Le visage revient dans sa position naturelle. Sens en alerte. D’un coup craintive à l’idée que cela soit synonyme d’ennuis. Les yeux se posent sur Clay. Sur son doigt coller à sa narine. “Tout va bien ?” Non, il n’y a rien qui va. Ça, c’est plutôt clair pour tout le monde. Mais pour l’heure, au milieu de ce bordel immense, une pointe d’humanité résiste encore un peu. Pas au point de sortir un mouchoir de son sac et de le donner à Clay. Elle ne s’approchera pas, Sloane. Elle a bien appris sa leçon. “Qu’est-ce qui te fait croire que sans Icarus, tout ira mieux ?” Il n’y a pas de colère. Il n’y a pas de jugement. Il y a juste un semblant de résilience, de calme. Sloane se détache de ses émotions. Plus facile à gérer, ainsi. “Il y aura toujours des gens assez inhumains pour créer une entreprise et faire du mal autour d’eux. Il y aura toujours des victimes.” Ce qu’elle imagine, Sloane, c’est de connaître par coeur son ennemi, c’est de le surveiller, c’est de le contrôler, pas de l’anéantir. Au moins, Icarus est un ennemi connu, un ennemi démasqué. Le supprimer, ce serait prendre le risque qu’un autre prenne la place sans le voir arriver. Un trop grand risque. “Comment vous comptez vous y prendre ? Vous avez des taupes chez nous ?” C’est finalement ce qui l’intéresse. Le plan d’attaque des Orphans : il ne peut se reposer uniquement sur des attentats (est-ce qu’ils en sont seulement les responsables ?) et la divulgation des informations compromettantes d’Orion. Il doit y avoir autres choses. Et Sloane doit savoir.