smells - not - like teen spirit (zeeluv#1)

Luv avait beau aimer les animaux, leur parler souvent et vivre à deux mètres des boxes de ses chevaux, il n'était pas le genre à être de merveilleuse humeur comme les princesses Disney – non Luv, c'était le genre à mériter sa resting bitch face.
En plus ce soir il n'avait vraiment pas envie de rire ; s'il était à New Blossom c'est que cette feignasse de livreur avait jugé bon de ne pas se déplacer jusqu'à Saddle River et de laisser le colis « au relais le plus proche de chez vous promis ». Dans un autre état.
Luv avait donc pris un des énormes pickup du domaine équestre sous l'oeil inquiet de sa maman qui savait bien, elle, que son fils était formidable et le plus beau mais clairement pas un très bon conducteur (leur assurance avait triplé en prix depuis que Lovable avait le permis quand même).

Il avait donc passé l'heure de trajet qui séparait Saddle River de New Blossom à alternativement marmonner mille idées de torture de livreur, et fredonner sur des raps qui vantaient les mérites de claquer des culs en sniffant de la coke – à des années-lumières de sa vie.

Arrivé à sa destination, une épicerie ouverte 24/24, il gara son Range Rover à moitié sur le trottoir après s'être appuyé sur une petite bagnole citadine, elle bien garée, et la forcer à reculer en utilisant la puissance de son moteur de bagnole qui pouvait tracter deux chevaux de sport sans peiner. Il glissa hors du pickup pour rallier la boutique et aller réclamer son colis.

Quand il revint vers le Range Rover, son paquet sous le bras, il y avait deux gars qui commentaient la (toute légère) trace à l'avant du capot de la petite citadine qu'il avait poussé. Il déverrouilla lez Range, les faisant sursauter, et s'approcha de sa portière avec dans l'idée de les ignorer totalement.

« Dis donc connard c'est toi le conducteur de ce truc ? »

Luv étrécit les yeux, pas impressionné le moins du monde :

« Nan chuis venu faire un tennis ducon ça s'voit pas ? Qu'est-ce que tu veux ? »
« T'aurais pas poussé ma bagnole par hasard ? »
« Tiens j'aurais parié que c'était la caisse de ta gonzesse vu sa gueule », cracha Lovable, qui portait vraiment très mal son prénom – il était un peu fâché parce que la caissière de l'épicerie avait fait un commentaire.

Les deux gus seraient un parfait exutoire. Une voix attira son attention et il leva les yeux vers une silhouette fièrement plantée en hauteur, les poings posés sur les hanches.

« Ils allaient s'lancer dans un cours sur la sécurité routière », expliqua obligeamment Luv, avec un mouvement de main suggérant qu'il n'en avait strictement rien à foutre. Il fronça un peu du nez à un effluve terrible – effectivement, c'était le putois, il connaissait l'odeur.

Lovable croisa les bras sur sa poitrine, pas vraiment impressionné, la mâchoire verrouillée. Les deux lascars eux se demandaient dans quel pétrin ils s'étaient fourrés, entre le type mince comme un coup de cravache qui leur faisait obstinément face en les traitant de cons, et l'autre qui puait la moufette et riait.
En fait ils étaient probablement en train de se demander si c'était pas un piège sophistiqué.

Luv glissa un regard mauvais vers le type à la visière – les gens masqués étaient obligatoirement louches dans son monde –, fronça du nez avec un air dérangé.

« Non c'est mon gros truc qui a un peu éraflé leur bagnole mal garée. »

C'était très audacieux comme affirmation vu la manière dont il avait loupé son créneau. Les deux loubards se sentirent un peu plus menacés.

« Et je vais rien payer du tout c'est juste un peu de peinture, ça va y a pas de quoi fouetter un chat. »

Et puis qui irait fouetter un chat de toute manière ?... Le regard acéré de Luv repassa aux deux types qui lui prenaient la tête, sentant leur manque d'assurance.

« A moins que vous vouliez qu'on appelle les flics pour leur expliquer la situation ? »

Il se disait qu'ils avaient bien l'air de dealers minables qui ne voulaient surtout pas de flics impliqués dans la situation – le mouvement de recul de l'un d'eux lui donna raison. Il pencha la tête sur le côté avec un très agaçant sourire d'attente, certain d'avoir raison.

Le super-héros à la con se rendit compte qu'il avait tout capté de travers et fit un commentaire sur la taille de la voiture des dealers qui arracha un rire à Luv – ok ça, c'était plutôt drôle comme réflexion. Les gars en question n'avaient pas l'air de penser la même chose et leur posture changea, sous l'oeil attentif de Lovable qui ne fit aucune difficulté pour se ranger derrière le type masqué. Il était toujours aussi louche mais là c'était surtout le seul qui voulait pas lui botter le cul et il était pas armé.
Luv battit en retraite en exécutant quelques pas en marche arrière vers son Range Rover, ouvrit la portière pour y récupérer quelque chose – qu'il faillit lâcher quand le super-héros envoya bouler le dealer armé d'un coup de poing, genre, loin. C'était lui ou il avait entendu grésiller ?

Son regard effilé, méfiant, se porta sur le dos large du mec masqué et qui puait la moufette – bon autant pour le « pas armé ». Il avait l'air quand même relativement armé même sans lame ou revolver...
Il se redressa, avisant le second dealer qui hésitait entre ramasser le cran d'arrêt ou son pote, et décida de l'aider à décider en faisant siffler la cravache de dressage qu'il avait chopée dans le Range.

« Tirez-vous et allez repeindre cette foutue bagnole. »

Le mec se dit que c'en était trop pour la soirée, ramassa effectivement son ami assommé par le coup de poing infligé par Masqueman, abandonna le couteau, et après avoir réussi on ne savait comment à entrer dans la voiture, il démarra et partit.
Les doigts de Luv se desserrèrent de la poignée de la cravache de dressage, qu'il tenait alignée contre sa cuisse dans une habitude bien ancrée et il soupira.

« Quelle merde, cette ville », il tourna son attention vers le super-héros. « Merci j'suppose. Même si je gérais totalement – c'est toi qui les as énervés avec le commentaire sur la taille de leur bagnole. C'est quoi ton nom ? »

Il porta sa main libre à son visage – l'odeur de putois le prenait à la gorge. Il fit quelques pas pour récupérer le cran d'arrêt abandonné, l'observant en le faisant tourner entre ses longs doigts. Une vraie arme de dealer.

Le super-héros était déstabilisant de bonne humeur et de bonne volonté – en fait tout le monde était tendu ici sauf lui qui avait l'air parfaitement dans son élément... Bon, Luv pensait bien que quand on était capable d'assener des chocs électriques assez puissants pour envoyer valser un mec d'1m85, on était pas le genre à avoir peur dans la vie. Y avait pas de quoi s'inquiéter effectivement. Il rangea sa cravache de dressage absolument pas à sa place (là où elle était avant garanti que la prochaine fois qu'il en aurait besoin, il saurait pas où la trouver et pesterait) et haussa des épaules.

« Ils ont ptêt pas les moyens de plus, mais je suis aussi curieux, j'avoue, de savoir comment ils font pour conduire avec les g'noux dans le volant. »

Il considéra son sauveur (pfff ! Il gérait très bien sans lui) avec cette expression sérieuse et dérangée qu'il arborait tout le temps, même quand il n'était pas sérieux et dérangé.
Enfin là l'odeur, quand même...

« ça t'irait bien, tiens, super putois », il rit un peu, « non mais sérieux tu te fais appeler comment ? »

Il était entêté, il voulait une réponse. Il jeta un regard vers le commerce alors que le type masqué évoquait la sympathie pour eux – Luv n'en avait plus aucune depuis que la vendeuse avait fait un commentaire sur son prénom, ce qui était un crime de lèse-majesté. Enfin il pouvait bien faire ça pour le putois – le type avait... un certain charme rafraîchissant.

« Okay », il sourit, amusé par ses manières, tendit la main pour qu'il lui passe sa carte ou son téléphone, ou autre moyen de paiement. « Qu'est-ce que tu veux ? »

Luv haussa des sourcils dans un mouvement perplexe à la prononciation du blaze. Ce type était certes charmant, mais n'avait pas l'air très équilibré. Enfin si on demandait au cavalier, quelqu'un qui se baladait la nuit avec un masque pour intervenir dans des potentielles bagarres de rue – pfff, Luv gérait parfaitement d'abord –, c'était pas le signe d'une santé mentale flamboyante.

« P'tain tu me brûles les yeux », se plaignit-il, parce que c'était vraiment atroce cette odeur de moufette qu'il se trimballait, le Energizer-putois. Et pourtant, Lovable n'était pas exactement une princesse délicate, vu son travail (parce qu'il ne s'agissait pas seulement de sortir ses fringues les plus chères pour aller joyeusement patauger dans la boue et sauter des obstacles trop grands sur des chevaux hors de prix, fallait aussi faire les boxes et marcher dans le crottin quand même). « Okay je vais te chercher ça, j'vais bien trouver quelque chose. »

Il fit demi-tour, entra avec sa brusquerie habituelle dans le magasin en faisant grincer la pauvre porte qui n'avait rien demandé, attirant l'attention de la meuf derrière le comptoir, à qui il adressa un grognement signifiant simplement qu'il l'avait vue.

Il finit par prendre deux sprays éliminateurs d'odeurs de moufette (parfum agrumes), un litre de jus de tomates, et deux paquets de ramens instantanés (goût crevette). Il paya une partie avec le fric de Zee, l'autre avec sa carte, et ressortit.

Bon sang c'était encore pire avec la pause au milieu.

« Okay j'vais t'asperger avec ce truc-là », il secoua l'une des bombes comme s'il se préparait à tagguer un mur. « Eloignons-nous un peu. Si ça tient ses promesses tu seras pas obligé de jeter tes fringues et d'investir dans un abonnement parfum à Sephora. »

Il déposa le reste de ses achats sur le gros capot du Range toujours aussi mal garé, et arrosa Energizer avec le déodorant. Maintenant à l'odeur insoutenable de la moufette se mélangeait celui des agrumes de synthèse, merveilleux. Il avait un peu envie de rire de la situation.

Luv rit un peu à la surprise du super-héros, qui n'arrêtait plus de parler et de secouer les mains pour essayer de dissiper l'odeur très forte, très acide des agrumes synthétiques. Il attrapa la seconde bombe dans le sac en papier kraft :

« Attend j'ai pas fini », et tout à fait comme si Energizer était un grand chien fou qui s'était fait arroser par une moufette (c'était un peu ça), il l'aspergea généreusement de nouveau. « Recule pas il faut que le produit touche sa cible ! »

Et la cible, bah c'était Energizer. Une fois la deuxième bombe vidée, Luv s'estima satisfait, eut un ricanement, et attrapa le jus de tomates pour en boire une gorgée. Ça lui dégagea un peu la gorge, encombrée d'un improbable mélange agrumes moufette, et secoua la tête.

« Bien ça c'est fait ! Maintenant on peut manger. »

Il récupéra les ramens, reprit la direction de la boutique 24/24 pour se servir du micro-ondes.

« Encore moi », signala-t-il à la donzelle qui devait se demander s'il était pas en train de la draguer à passer et repasser comme ça.

« Me traite pas d'moufette », fit Luv sans perdre son objectif de vue c'est-à-dire arroser le super-héros de tout le contenu de la bombe désodorisante. Il était plutôt satisfait de lui, il avait réussi son coup, et c'est donc assez content qu'il revint vers le type qui ne l'attendait pas vraiment, à genoux de devant le Rover à faire il ne savait quoi, les deux coupes en carton contenant les ramens dans une main (il avait de très longs doigts habitués à porter plein de bordel en même temps). « Bien sûr qu'il y en a un pour toi. Tiens », il lui tendit.

« La peinture de quoi ? »

Il détacha les baguettes incluses dans les ramens, les fit claquer l'une contre l'autre comme un gosse, et s'installa sur le capot du Range toujours aussi mal garé. Si on lui disait quelque chose il répondrait qu'il avait un trauma crânien grave, voilà. Il tapota la carlingue à côté de lui.

« Viens, tu peux t'installer à côté d'moi », il fronça de son nez pointu, « même si tu pues encore un peu. »

Il touilla la mixture du bout des baguettes.

« Alors du coup dis-moi c'est genre, une vocation de parcourir les rues la nuit pour sauver les moufettes ? »

S'incluait-il dans l'espèce « moufette », mystère. Après tout il avait bien précisé ne pas avoir besoin d'aide, n'est-ce pas ? Il gérait parfaitement la situation, c'était clair et net.

« Oh », Luv haussa des épaules, ce pauvre Range en avait vu des misères et continuerait. Une fois, une jument caractérielle que Luv avait au travail avait botté dedans pour montrer qu'elle était en colère, comme ça, paf ! « Tu sais il en a vu d'autres. Je crois pas qu'un peu de vernis à ongles le remette en état – mais c'est très gentil de ta part d'y penser. »

Il mit une jambe en tailleur en profitant du fait que le capot du Range Rover soit suffisamment large, coinçant le gobelet en carton des nouilles instantanées dans le creux de son genou pour se libérer les mains, et jeta un regard à Energizer qui grimpait à côté de lui façon lapin Duracell.

« C'est un délire le goût crevette ? » s'étonna-t-il poliment. Ce type avait l'air d'un chiot enthousiaste à qui tout plaisait par défaut. C'était mignon et un peu déconcertant tout de même. Avec son boulot et vu le milieu dans lequel il évoluait, Lovable avait plus l'habitude de fréquenter des perfectionnistes grincheux déconnectés de la réalité, et des gens pourris par le fric.
… Pas le genre à s'extasier sur des nouilles instantanées goût crevette, effectivement.

« Un serpent ? » le ton était beaucoup trop étonné pour quelqu'un qui avait des équidés (beaucoup d'équidés) en guise d'animal de compagnie. Un serpent c'était largement moins encombrant et moins cher d'entretien que sa compagnie de bourrins.

Il avait un joli sourire, se fit-il la réflexion distraite. Le piercing à la lèvre lui allait bien – enfin de ce qu'il en voyait.

« Je suppose. Je suis pas très bon à aider les gens, 'fin sorti de mon boulot. »

Il ne comptait plus le nombre de chevaux qu'il récupérait pour les travailler parce qu'ils s'avéraient trop difficiles à monter par leurs propriétaires – des fois son intervention était salutaire, des fois... Rien n'y faisait.
Dans ces cas-là, il conseillait de revendre.

« En fait », résuma-t-il, « tu te balades la nuit avec ton masque et tu cherches les problèmes, c'est ça ? »

Luv eut un rire qui manquait de charité, prompt à se moquer des gens, c'était pas la partie la plus reluisante de sa personnalité volontaire et remuante :

« Ah bah ça pour pas l'étouffer il l'a pas étouffé ! Le serpent a survécu à l'aventure ? »

La pauvre bête, les gens étaient vraiment inconséquents – bon Lovable aurait pas été jusqu'à sauver un serpent, fallait pas déconner, d'autant que c'était sans doute pas un animal de compagnie super prisé à Saddle River. Il fronça de son petit nez pointu :

« Bah ouais j'allais pas te laisser te démerder avec les deux débiles alors que c'était moi qui les ai énervés. Tout ça pour leur bagnole pourrie en plus », fit-il avec hauteur – littéralement – perché sur le capot énorme de son Range Rover. Il coula un regard de côté à Zee, qui mangeait comme s'il se prenait pour un foutu aspirateur. « Elle est au courant, ta mère, que tu cours les rues à te faire pisser dessus par les moufettes et effrayer les dealers ? Au fait c'était quoi c'coup de poing du démon que tu lui as mis ? »

Il était curieux, Luv, franchement trop – ça le regardait pas du tout, ce que c'était le coup de poing du démon. Il mangea encore un peu – il aurait peut-être dû prendre goût poulet, la crevette le lassait déjà – et rit un peu.

« Ouais y a un peu de ça – sauf que je monte pas à cheval en jeans j'ai du respect pour moi-même », allez bim dans votre gueule les cowboys c'est gratuit, « je suis payé pour monter à cheval. Dans les concours, tout ça. Puis j'donne des cours, et je forme des chevaux. C'pour ça le gros Rover, faut bien réussir à traverser les chemins plein de boue.
Bon évidemment en ville c'est un peu plus dur à manoeuvrer », admit-il comme si c'était pas juste lui qui conduisait comme un pied.

« Oui, du démon », insista Luv, « le mec a fait un sacré bond en arrière quand tu l'as touché et il était assommé. Avec un seul coup de poing c'est assez impressionnant même si », il jeta un coup d'oeil à la silhouette du type à ses côtés, plus carré que lui. « T'es plutôt musclé. Pas à ce point-là, quoi. »

S'il avait un doute quant au fait qu'il cache bien son jeu (et Lovable avait un gros doute parce que même sans connaître le mec, il avait l'air d'une maladresse terrible et pas vraiment d'un grand dissimulateur – et Luv était prompt à juger les gens, oui), il ne dit rien, se contentant de hausser des sourcils.
Alors que lui-même avait reluqué le super-héros, il parut sincèrement étonné que ledit super-héros se permette de le fixer aussi longtemps, finit par attirer son attention d'un raclement de gorge, alors qu'Energizer reluquait ouvertement ses cuisses :

« Hum ! Tu as besoin d'aide ? »

Il fronça des sourcils.

« Quels trucs ? »

Bien sûr qu'il entretenait, il pensait quoi Energizer ?... La question suivante le fit éclater d'un rire franchement pas discret.

« Bah non sinon plus aucun mec monterait à cheval ! Non le secret c'est de pas s'asseoir sur les couilles en fait – tout con », il rit encore, secoua la tête. « Après j'dis pas ça arrive de se prendre des chocs, mais pas pire que dans d'autres sports quoi », un nouveau gloussement, « casse-noisettes », marmonna-t-il en semblant trouver que c'était la blague du siècle.

Lovable haussa des sourcils avec un air intéressé, regardant comment le super-héros se débattait avec le fait d'avoir été choper à le reluquer sans la moindre discrétion (tellement peu discrètement que Luv l'avait repéré même s'il portait un masque c'était dire). Son expression ne s'effaça pas alors qu'Energizer continuait, parlant manifestement des tapis et couvertures à nettoyer, et du type qui s'en occupait, puis d'un date.
Whoa.
Et là en un éclair, le cavalier parvint à mettre le doigt sur ce que lui rappelait le piercing à la lèvre caractéristique : le type de la laverie qui râlait toujours qu'ils ramènent ses affaires de cheval franchement dégueulasses (normal, ça traînait dehors tsss), Kenzie-lâche-ton-ordi-et-viens-aider, comme l'appelait sa mère quand y avait trop de monde à la laverie.

Il eut un rire bas, velouté – alors ça, le mec de la laverie avait donc un coup de poing magique et traînait en ville à la recherche de gens à sauver ! … Enfin maintenant Luv craignait moins pour ses fringues, il saurait sans doute récupérer l'odeur de mouffette et de désodorisant industriel.

« Un date, hein. »

Il plissa les yeux dans une expression rusée, passa la langue sur ses dents, comme pour en tester la solidité.

« Oui j'aime. »

La prochaine fois que Kenzie-viens-m'aider soupirerait en le voyant débarquer avec ses affaires dégueulasses, il lui filerait direct son numéro c'était décidé. Enfin il n'aurait peut-être pas besoin parce qu'il avait toujours pas besoin de voir les yeux du type pour savoir qu'il était totalement en train de checker ses cuisses, encore.
Peut-être que ce froc était un brin trop moulant, finalement.

« Une fois j'ai une pote qui est tombée sur la tête et a fait une espèce de toupie dans le sable, c'était vraiment ridicule...
Enfin elle s'est aussi pétée la colonne vertébrale cette fois-là », grimaça Luv, sans trop de compassion – il fallait dire que de tous ses potes, c'était lui qui s'était accidenté le plus gravement, alors il avait gagné le droit de se foutre de la gueule de tout le monde. Ça pouvait le faire passer pour franchement insensible quand on connaissait pas l'histoire... Il rit à l'histoire d'Energizer, vraiment amusé : « c'est vraiment l'illustration parfaite d'être un danger pour soi-même ! Tu finis pas tes nouilles ? »

Sinon lui il les terminerait hein. Pas de souci.

Luv eut un petit geste de dénégation, rapide – comme à peu près tous ses mouvements, au demeurant.

« Nah. J'étais à cheval et trop loin, j'ai juste vu la scène – et oui elle va bien elle a été insupportable six mois le temps de sa convalescence et j'lui ai prêté un de mes poneys pour la remettre à cheval parce qu'il lui fallait un calme. »

Et Goldie en ayant pris un peu d'âge était devenue remarquablement calme – dans ses jeunes années ça avait été un dragon mais maintenant qu'elle était une dame plus âgée et respectable elle se tenait mieux. Luv était très, très fier d'elle.
Energizer, à l'immense surprise de Luv, semblait avoir totalement oublié l'existence de ses nouilles (mais comment pouvait-on oublier de manger ?!), et il plissa de son petit nez pointu.

« T'es sûr ? »

Il avait tout le temps faim, Luv. C'était qu'il fallait de quoi nourrir sa considérable énergie, hein ! Il hésita un peu, que dirait maman, et puis se dit qu'on s'en foutait de ce que dirait sa mère, parce que déjà, elle aurait hurlé à la manière dont il avait « garé » le Range Rover. Il attrapa donc le bol de nouilles de Kenzie-viens-m'aider, pour le terminer.
Et décida de s'amuser un petit peu.

« Et hormis super-héros, tu fais quoi dans la vie ? »