nickel #1 | new person, same old mistakes.

30/12/2023

stop before it's too late.
@fidèle de l'épée & @niko asawa

Ils ont passé la soirée à regarder un film sur l’ordinateur de Rumi, une scène étrangement réconfortante si ce n’est que Fido n’a pas arrêté de demander à sa fille de se lever pour aller remplir la carafe d’eau qu’il finissait à toute allure.
C’est un vieux film américain un peu nul, dont les blagues douteuses sont complètement datées, mais ils ont tous les deux ri - ils se sont tous les deux forcés, en se jetant des regards en biais scrutateurs pour jauger de la réaction de l’autre et essayer de s’y aligner. Il n’y a jamais rien de naturel ou de facile entre eux, toujours une tension, un jeu de regard: celui inquisiteur de l’auteur, et celui plein de sagesse de la gamine qui a grandi avec des parents qui se déchiraient et qui a appris à se méfier de toutes les attitudes déplaisantes de son père.
Mais bon. Ils ont quand même bien ri.

Rumi est retournée dans sa chambre, et Fido a tiré sur lui l’épais plaid noir qu’elle lui a prêté en calant son crâne dans un coussin sur lequel sont passés des dizaines, des centaines de cul. Il y a bien plus confortable que cet appartement étudiant miteux que Rumi partage avec trois autres filles (qui d’ailleurs sont plutôt étrangement okay avec toute la situation, qui est triplement bizarre parce que l’une d’elles est une de ses anciennes élèves, et l’autre flirte avec lui à chaque fois qu’ils se croisent, which, ugh), mais il n’existe franchement pas moins cher que de crasher sur le canapé de sa fille qui n’attend que de passer plus de temps avec son père.
La nuit, puisqu’il ne peut pas dormir, Fido regarde les moulures artificielles du plafond qui ont vu passer des dizaines, des centaines de crânes de jeunes gens. Et comme c’est un connard qui a peaked quand il était jeune, il pense au temps qui passe et ne reviendra plus et au fait qu’il était bien plus beau lui aussi, quand il avait vingt ans…

Il finit invariablement sa nuit de la même façon: à la fenêtre à enchaîner les clopes en griffonnant sur son calepin (dont il n’hésite pas à dire à tout le monde qu’il emmène partout avec lui), passant plus de temps à raturer qu’à écrire, à soupirer qu’à se concentrer.
Qu’est-ce qu’il aimerait bien dormir, putain.

Pour se pardonner d’être un loser embarrassant qui crashe sur le lit de sa fille, il a pris l’habitude de faire le petit-déjeuner pour les filles avant qu’elles ne partent en cours. Fido n’a aucun talent manifeste pour la cuisine, mais il est capable de faire un excellent café de n’importe quelle cafetière, et il fait aussi des super crêpes, qui ont exactement le goût des crêpes dont Rumi raffolait quand elle était petite: fines, légères et gourmandes à la fois, just like they do it in Brittany, sweetheart.
Alors ce matin-là, un samedi, en caleçon + t-shirt à la couleur suspicieuse + une chaussette solitaire + une clope au bec (il a depuis longtemps désactivé le détecteur de fumée), Fidèle est en train de faire des crêpes en sifflotant. Il a le dos tourné à la porte et sourit un peu quand il entend le bruit du salon slash cuisine s’ouvrir; il a un regard vers l’horloge et se passe une main dans les cheveux. Des quatre filles, Anika est celle qui se lève toujours en premier, alors Fido se prépare pour l’accueillir en ébouriffant adorablement ses cheveux et en souriant un peu plus (on l’a deviné, c’est celle qui flirte avec lui; il n’est pas du tout intéressé parce que ugh mais il est complètement flatté parce que duh); et donc, s’immobilise comme un homme devant Méduse quand il croise un regard si familier qu’il en est devenu douloureux.

Rien n’est dit pendant quelques secondes, et puis Fido a un regard vers la fenêtre ouverte, et semble pendant quelques secondes sincèrement considérer se jeter à travers.
Il finit par relâcher sa spatule et la poêle, il écrase sa cigarette dans un cendrier qui déborde et il lève les deux mains d’un air innocent en se reculant face à la fureur qui s'installe lentement dans les yeux de Niko: "It’s not what you think at all, darling, truly,” commence-t-il déjà à mentir, sa voix partant dans des aigus coupables.

30/12/2023

you should be sad No, you're not half the man you think that you are and you can't fill the hole inside of you with money, drugs and cars. You can't love nothin' unless there's somethin' in it for you ♫
tw: /

L’hésitation lui ceint les jambes alors que le ‘ding’ de l’ascenseur lui indique qu’elle est arrivée au bon étage. Elle zieute une dernière fois sur son téléphone qui n’indique toujours de réponse de Rumi.
C’est qu’il est encore relativement tôt et c’est samedi matin. Mais elle a le petit déjeuner dans un sac pour se faire pardonner son intrusion, et surtout, une boîte de toutes les affaires que la jeune femme avait voulu récupérer de sa chambre à Los Angeles et que Niko avait enfin pris le temps de trier dans les cartons de déménagement qui sont encore à moitié défaits. Des disques vinyls, des guirlandes lumineuses, des photos par dizaines prises par un appareil instantané, des posters, des bibelots collectionnés au fil des ans, toute sa vie et toute sa personnalité casée dans une boîte et surtout toute une vague de nostalgie qui est encore nouée dans la gorge de Niko. Il lui semble que hier encore, sa fille était une enfant. Maintenant c’est une jeune adulte qui tente de prendre son indépendance et lève les yeux au ciel quand sa mère reste fumer des clopes avec ses amis de la fac.

C’est pour ça qu’elle hésite, parce qu’elle n’a plus l’excuse de payer le loyer de la maison pour justifier ses incursions dans la vie de Rumi - c’était déjà une bien piètre excuse. Elle ne devrait pas se pointer chez sa fille sans invitation, alors elle prépare déjà son spiel : Don’t worry, I’m just dropping this by, I don’t want to impose. I'll be gone if you don't want me. Mais elle espère évidemment que sa fille l’invitera à rester et qu’elles passeront la matinée à continuer à décorer sa chambre en explorant les meilleurs moments passés et ceux qu’elles vivront encore, parce que Niko n’est pas prête à laisser cette relation filer.
Il y a la même incertitude qui lui tapit l’estomac, est-ce que c’est à cause d’elle que Rumi a déménagé à l’autre bout du pays ? Mais l’été qu’elles ont passé ensemble, aussi fusionnelles et naturelles que d’habitude lui indiquait que ce n’était pas ça. Elles sont toujours elles. Elles s’aiment toujours autant. Alors quoi.

Il est tôt et Niko s’agite devant la porte, mais elle entend du bruit à l’intérieur alors elle se gargarise et passe la clé dans la serrure. Rumi va certainement regretter de lui avoir confié un double, mais elle est prête pour le reproche. Elle n’est pas prête en revanche pour le spectacle qui l’accueille quand elle entre dans la pièce à vivre, intriguée par l’odeur étrangement familière.
Son coeur s’arrête.
L’image s’imprime sur sa rétine et se brouille douloureusement pour se superposer à un diaporama d’images similaires, étalées sur dix ans de sa vie. C’est pire encore quand il se retourne, quand la confirmation crispe tout son corps pendant que ses pensées tournent à mille à l’heure dans sa tête. Le premier sentiment qui monte, de son ventre jusqu’à sa gorge, c’est une tristesse acide et bileuse qui étouffe petit à petit sous une rage qui s’est renforcée en dix ans. Il lui donne du darling et elle a envie de lui sauter dessus pour le griffer, lui lacérer la peau, lui arracher les yeux, lui tirer les cheveux, une violence primaire qu’elle ne se connaît pas et qui lui donne le vertige. Elle sent pourtant que si ce n’est pas la colère qui parle, c’est la tristesse qui prendra le dessus et dix ans de larmes qui ne coulent plus briseraient les digues pour se déverser.

“What the hell are you doing here?!” Elle ne crie pas encore, mais le ton va en montant. Elle dépose la caisse et le sac de victuailles sur la table. Ce n’est pas clair dans sa question si l’accent est mis sur le you ou sur le here. “Where is Rumi?” Comme premier réflexe, parce qu’il lui paraît évident qu’elle est la clé pour comprendre ce qui se passe ici, que ce n’est pas une coïncidence folle mais plutôt une grande blague cosmique dont Niko est le sujet évident. Elle déteste ça. “You-” Elle crache entre ses dents serrées et un chapelet d’insultes lui vient à l’esprit. “Uh-” Il s’apprête à se justifier certainement mais elle l’arrête d’un geste de la main. Niko ne connaît que trop bien la chanson, la façon dont il enrobe tout ce qui se passe de mots sucrés qui endorment sa méfiance, et malgré la décennie qui les a séparés, elle n’est pas sûre d’être déjà entièrement immunisée à sa façon de tordre les choses à son avantage. “I don’t want to hear it. You have two minutes to put some fucking clothes on and get the HELL out of here!”
Comme attirée par le vacarme, Anika passe la tête par la porte, encore dans son pyjama un brin révélateur, ce qui ne fait qu’ajouter à l’agacement de Niko. Son visage s’arrondit de surprise quand elle comprend la situation qui se joue et elle disparaît presque aussitôt, paniquée, sûrement pour aller réveiller Rumi qui n’a aucune idée du conflit qui s’apprête à éclater dans sa cuisine.

ft. @Fidèle de l'Épée

30/12/2023

stop before it's too late.
@fidèle de l'épée & @niko asawa

tw: gaslighting

“What the hell are you doing here?!” Fido est un idiot parce qu’en entendant Niko lui parler, il se souvient de toutes les raisons pourquoi il est tombé fou amoureux d’elle et pourquoi il l’a été pendant des années, même après leur séparation, même après leur divorce. Il lui suffit de la regarder pour s’en souvenir, de l’entendre pour presque en sourire. Et rien que comme ça, toutes leurs incompatibilités et leur histoire s’effacent de son crâne et il ne peut pas s’empêcher de se dire: wow, I really did miss her and I love her and this time could be different.
“Cette fois”, peu importe combien de fois “cette fois” arrive, n’est jamais différente, parce que Fidèle ne change jamais.

Alors il sourit, légèrement, malgré lui, presque, une fossette se creusant sur sa joue pour souligner son contentement de la voir. “Where is Rumi? - It’s okay, Niko… - You-- - She’s in her room, it’s all good-- -Uh-- - Niko--” Il inspire profondément en s’approchant d’un pas précautionneux, comme on s’approche d’un prédateur sur ses gardes; il s’immobilise devant le regard noir, plus noir qu’il ne l’a jamais vu, qu’elle vrille sur lui. “Aw c’mon-- - I don’t want to hear it. You have two minutes to put some fucking clothes on and get the HELL out of here!” Fidèle secoue la tête, parvenant enfin à réprimer son sourire pour ne pas la mettre plus en rogne. “You’re overreacting,” dit-il d’un ton tranquille, apaisant, raisonnable, “let me explain.” Il perd très rarement son sang-froid, sauf avec elle justement, mais il a bizarrement l’impression d’avoir la main-forte de la situation: il a après tout été invité par leur fille, et il n’a pas entendu parler de la venue de Niko, alors il ne peut qu’imaginer que c’est une visite à l’improviste.

Il a baissé les mains et a contourné l’ilôt de la cuisine pour s’approcher, même si il garde une distance de sécurité respectable d’elle. “Rumi invited me to stay,” ment-il avec aisance, il dirait plutôt que c’est une distorsion de la réalité, enfin, un réarrangement de l’ordre dans lequel les évènements sont arrivés. “It’s all good, really, it’s temporary and… well… she wanted to meet her Dad, is that so bad?” Le reproche indu, comme si Niko n’avait jamais permis à Rumi de rencontrer ou de passer du temps avec son père, se lit en filigrane sur la tête de Fidèle qui la baisse d’un air contrit. Il la regarde entre deux mèches grises, grands yeux perçants qui regardent le monde avec cet émerveillement constant, cette calculation froide, les yeux d’un poète et d’un menteur. “When did you get to the city?” Et, sincèrement, mais aussi par nécessité: “You look beautiful.”

30/12/2023

you should be sad No, you're not half the man you think that you are and you can't fill the hole inside of you with money, drugs and cars. You can't love nothin' unless there's somethin' in it for you ♫
tw: /

Dix ans après, il est toujours sous sa peau, à déranger ses nerfs un à un juste avec son sourire en coin et quelques mots bien placés. En le voyant ainsi, en chair et non pas comme le fantôme de souvenirs qu’elle voit de temps à autres dans ses rêves, toutes les raisons pour lesquelles elle le déteste reprennent du sens.
Mais elle doit naviguer à travers ses élans de colère, parce qu’il y a beaucoup de mots coincés dans sa gorge, accumulés pendant des années, des reproches et des questions et des sanglots étouffés qu’elle a préparés après s’être posée maintes et maintes fois la question fatidique : qu’est-ce que je lui dirais si je le revoyais ?
Aucun des scénarios dans sa tête n’aurait pu la préparer cependant au contraste flagrant, son calme et son assurance contre la rage qui boue dans le corps de la mutante. Elle doit réfréner ses envies de violence, tout en sachant que l’alternative n’est pas plus glorieuse. Elle pourrait s’effondrer et pleurer toutes les larmes de son corps et alors il laisserait encore entendre qu’elle était trop dans l’émotion et qu’effectivement, elle en faisait trop.

Heureusement, il suffit à Fido d’ouvrir la bouche davantage pour convaincre Niko qu’elle n’était pas folle et qu’en fait, il avait énormément de chance de ne pas encore s’être pris une gifle monumentale. Sûrement le craint-il intérieurement, parce qu’il prend toutes les précautions du monde à l’approcher et elle prend toutes les mesures du monde pour rester droite, fière, statue imperturbable. “Rumi invited me to stay.” Elle hausse un sourcil, ouvertement défiante, refusant de croire un mot de ce qu’il raconte, parce qu’assurément sa fille n’aurait rien fait de tel sans lui en parler auparavant, sans le lui mentionner même… “It’s all good, really, it’s temporary and… well… she wanted to meet her Dad, is that so bad?”
Dents serrées, elle tente tant bien que mal de ne pas laisser les mots lui retourner le cerveau. Fido est un menteur, c’est dans sa nature, c’est son plus grand art. Il n’est ni écrivain, ni intellectuel, il n’est qu’un type qui sait trop bien utiliser ses mots et trouver les personnes sur qui ça fonctionne. Elle était l’une de ces personnes. Elle voit son manège, décortique chaque geste, imperméable à la supercherie et elle se demande quel genre de filtre magique l’avait empêché de s’en rendre compte jusque-là. “You look beautiful. - Fuck you.”

Les pas précipités dans le couloir indiquent que la maisonnée est pleinement réveillée maintenant et Rumi passe par la porte, la panique dans le regard masque presque la fatigue d’un réveil brutal. Elle s’arrête net en voyant la scène de ses propres yeux, se pince les lèvres, passe une main dans ses cheveux pour tenter de les coiffer avant de se tourner vers Niko. “Mom, I can explain.”
Ca lui fait l’effet d’une douche froide, d’être la seule à ne rien comprendre et surtout, d’être celle que tout le monde approche avec appréhension, comme si elle était une bombe qui menaçait d’exploser. “Rumi, what’s going on? What’s he doing here?!” Comme elle parle à sa fille, il n’y a pas le même grondement dans sa voix, mais ça couve autre chose, une peur qui revient de loin, que Niko avait oubliée et qu’elle n’est pas prête à affronter. “I got in touch with him recently and we met occasionally to get to know each other.” Rumi parle à toute vitesse, mais elle tire des bouts de l’histoire au hasard et tente de les arranger de la façon qui sonnera le mieux à l’oreille de sa mère, mais celle-ci est encore moins dupe quand c’est sa propre chair qui essaie de lui cacher quelque chose. “He said you invited him to stay.” Elle échange un regard avec son père avant de revenir sur Niko, son sourire se veut rassurant mais demeure fébrile. “Yeah. Well. It’s temporary, we’re still sorting it out.”

Il y a un bref moment de silence pendant lequel elle passe de l’un à l’autre en sentant qu’un d’eux va reprendre l’argumentation et l’endormir d’excuse en excuse et elle n’y tient plus. “Oh fuck this!” Son doigt accusateur est pointé vers son ex-mari qu’elle regarde franchement, avec tout le mépris qu’il lui inspire, quand elle commence enfin à dire les mots qui attendent depuis si longtemps. “You’ve been gone for ten years! TEN YEARS! You stopped paying alimony and just vanished! And I’m supposed to believe that now you’re around just to hang out and play father of the year? What do you want from my daughter?”
Parce que ça ne peut pas être autre chose. Il a toujours agi avec intérêt, elle l’a compris, plus tard certes, mais elle l’a compris. Et Rumi doit le comprendre aussi.

ft. @Fidèle de l'Épée

30/12/2023

stop before it's too late.
@fidèle de l'épée & @niko asawa

tw: manipulation émotionelle, relation parentale abusive, gaslighting

“Fuck you.” Fidèle désamorce un roulement d'yeux désinvolte et se contente de sourire en réponse, légèrement penaud, sa tête penchée sur le côté qui fait se retrousser d'un arc incroyablement esthétique et travaillé une mèche argentée sur son front. "Sorry." Le souffle est insincère, et il la regarde sans honte ni véritable regret, attendant la suite.
Autant qu'il est excellent pour que le monde s'entortille autour de son petit doigt, Fido sait aussi quand fermer sa gueule. Il la laisse venir avec ses questions, plutôt que de lui imposer directement ses mensonges: les gens en disent bien plus sur eux-mêmes quand ils ne savent pas que leur curiosité dévoilent tout à leur place.

(Mal?)heureusement, ils sont interrompus par des pas précipités dans le couloir. Fidèle se redresse un peu et sa gestuelle change imperceptiblement. Face à sa fille, il n'a pas l'allure inoffensive et vulnérable qu'il adopte devant Niko; il sait instinctivement que Rumi verrait tout de suite la supercherie, même si lui-même n'y pense pas en ces termes. A la place, il retourne derrière l'ilôt de la cuisine, et évite à l'une de ses crêpes de brûler au fond d'un poêle.
Sa fille aussi est très belle: heureusement pour elle, elle tient majoritairement de sa mère. Quelque chose de froid et de dur se ramollit à l'intérieur de Fido en voyant Niko et Rumi ensemble dans la même pièce, l'une resplendissante et l'autre une adulte, et son estomac se tord douloureusement dans son ventre face à leur proximité, l'intimité complice et naturelle qui existe entre elles. Qui a toujours existé, et à laquelle il n'a jamais été convié, malgré tous ses efforts.
C'est facile, de se sentir victimisé, sous le regard dur de Niko et paniqué de Rumi.

“Mom, I can explain. - It's okay, Rumi... - Rumi, what’s going on? What’s he doing here?!” La voix de Fido est avalée par celle de Niko et il se fait tout petit, silencieux, en rassemblant son putain de petit-déjeuner sur une assiette, observateur muet qui ne rate rien. Il se contente d'écouter, d'échanger un regard lointain avec Rumi, qui n'est ni suppliant ni enthousiaste, qui la laisse utiliser les mots de son choix.
Mais il est satisfait de ce qu'elle dit, et il lui sourit secrètement quand elle a fini, parce qu'elle a bien fait et que ça lui fera plaisir de le savoir.

Fidèle laisse la situation s'imprimer en Niko. “Oh fuck this! You’ve been gone for ten years! TEN YEARS! You stopped paying alimony and just vanished! And I’m supposed to believe that now you’re around just to hang out and play father of the year? What do you want from my daughter? - Niko, I don't think this is the appropriate place for this," répond-t-il d'une voix calme, ses yeux clairs et nonchalants lourds comme une chappe de plomb. Il ne cille pas face au doigt accusateur, s'en approche même quand il apporte l'assiette de crêpe sur la table à manger. "I can explain. How about you let me take a shower and we step out to get coffee outside?" Son ton est lent, calme, presque conciliant le this emphasé juste avant trônant dans l'air encore d'un poids accusateur: this comme l'éclat injustifié de Niko, this comme si elle lui faisait des reproches indus, this comme si elle devrait être embarrassée de chercher la dispute dans ce contexte.
Fido ne regarde plus Rumi, dont la bouche est pressée en une fine ligne indécise. Il ne regarde que Niko, tranquille et calme face à sa colère, infiniment patient. "Is it about the money?" Il y a presque un reproche en filigrane dans sa voix: n'existe-t-il pas plus important dans leurs vies que le fric? "...do you need money?" Il aurait presque l'air déçu

30/12/2023

you should be sad No, you're not half the man you think that you are and you can't fill the hole inside of you with money, drugs and cars. You can't love nothin' unless there's somethin' in it for you ♫
tw: divorce, abandon familial

Il apparaît tel qu’il était lors de leur dernière dernière dispute de couple : calme, ferme, indifférent aux montagnes d’émotions qu’elle gravit et dévale en quelques secondes à peine. Elle ne se sent jamais aussi seule que dans ces moments-là, quand il braque ses yeux perçant sur elle et lui fait comprendre qu’elle en fait trop, qu’elle exagère, qu’elle dépasse les bornes.
Il faut beaucoup de force intérieure à Niko pour ne pas être la même personne qu’il y a dix ans, à se laisser acculer contre un mur et pleurer incontrôlablement, perturbée par son émoi, ne trouvant d’autre solution que d’acquiescer à ce qu’il dit pour se calmer. Elle se l’est promis, quelque part pendant les années après le divorce, elle ne se ferait plus avoir par un manipulateur comme lui.

Elle doit admettre cependant qu’il n’a pas tort sur ce point, la cuisine de l’appartement étudiant de leur fille n’est pas l’endroit approprié, pour peu qu’un tel endroit existe. Niko est soudainement consciente des potentielles trois paires d’oreilles collées au mur du couloir, et puis il y a cet air apeuré sur le visage de Rumi qui pèse aussi, et elle connaît suffisamment sa fille pour comprendre que des souvenirs douloureux d’enfance remontent à la surface.
Pourtant, elle croise résolument les bras contre sa poitrine et garde la même expression revêche, pas prête à céder du terrain parce que le moindre pas en arrière est une invitation pour qu’il prenne davantage de place. “I’m not going anywhere with you.” C’est dit entre ses dents serrées et elle est obligée de se mordre doucement le bout de la langue pour ne pas en rajouter.
Elle s’accroche si fort à ce brin de raison intérieure qu’elle remarque à peine que ses phalanges blanchissent sous la pression des poings formés qu’elle garde contre elle. Tout ce qui se passe dans son coeur se lit sur son visage, elle n’a jamais réussi à le cacher. Jamais marionnette n’a été si facile à manipuler, les fils apparents, il n’avait en général qu’à tirer dessus. Il ne s’en est jamais privé et ne manque pas l’occasion non plus. “Is it about the money? Do you need money?”

Un élan de chaleur remonte de sa poitrine à son visage et elle sent presque le sang se précipiter dans les veines contre ses tempes. Sa peau la tiraille par endroit, là où le stress et l’irritation se manifestent en plaques squameuses de paillettes d’améthyste.
Elle décroise les bras et s’approche à son tour de la table à manger et sa main droite se crispe sur le dossier de la chaise. Elle a dû formuler l’ordre inconsciemment, parce que les morceaux de pierre roule sous la peau et viennent hérisser le dos de sa main de plusieurs piques, comme une réaction. Parfois sa mutation semblait avoir sa propre conscience et elle choisissait des chemins de violence.
Rumi se sent le devoir de s’interposer, pose sa main sur le bras de sa mère pour essayer d’attirer son attention, pour l’inciter à mesurer sa colère, et encore une fois, Niko ne peut s’empêcher de ressentir une pointe de trahison au fond d’elle. “Mom-” Elle n’arrive pas à croire que sa fille défende son père et elle ne peut s’empêcher de se demander si elle n’a pas été trop conciliante dans ses récits sur son ex-mari. Les mots n’étaient pas tendres, certes, mais ils ont toujours ajouté des dizaines de nuances à son abandon, pour préserver les sentiments d’une enfant qui avait encore beaucoup d’admiration pour lui.
Naïvement, Niko avait cru que Rumi avait dépassé d’elle-même cette phase et avait compris qui était son père même sans les explications. Il avait disparu de leur vie, l’acte aurait dû parler de lui-même. Mais toute jeune adulte à la conscience morale très élevée qu’elle puisse être, Rumi avait ses blessures d’enfant à refermer, ça l’empêchait de voir clairement.

Elle aussi avait ses propres blessures qui n’avaient jamais proprement cicatrisé et la douleur se mêlait à la colère. Après une profonde inspiration, les piques refluent et elle parvient à détendre sa prise sur la chaise. Mentalement, elle fait la liste de toutes les tactiques de déstabilisation qu’elle a pu identifier au fil des ans. Elle reconnaît sa technique préférée, celle de lui faire perdre ses moyens, de la priver de ses mots pour expliquer ce qu’elle ressent jusqu’à ce que ses sentiments lui paraissent étrangers. Mais elle n’est folle que dans le portrait qu’il projette sur elle et avec le temps, elle a appris à faire confiance à son instinct plutôt qu’à ses mots. “It is not about the money and I couldn’t care less about your stupid money.” Son ton est maîtrisé, loin d’être calme mais ça n’a rien à voir avec l’éclat de voix précédent. “It is a matter of principle. You can’t just storm back into her life after being gone for so long and sleep-” elle se retourne pour confirmer sa suspicion et agite vaguement le bras vers le canapé, puis reprend avec une intonation montante qui exprime à la fois son dégoût et sa surprise “-on her couch?”
La tension accumulée dans ses épaules commence à se faire sentir et elle les roule puis s’étire la nuque pour chasser l’inconfort. “Surely you have many girlfriends in town with couches you can crash on.” La voix se charge de reproches, l’ironie n’en est pas vraiment, teintée d’une réalité du passé, celle de leur mariage durant lequel il n’a respecté aucun serment prêté.

Comme vexée d’être écartée de la conversation, Rumi répète d'une voix plus forte. “It’s okay, I insisted he stayed.” Et cette fois, le regard courroucé de Niko se tourne vers elle et les propos sifflés entre ls dents lui sont adressés. “Oh don’t worry, I’ll come back to you in a moment.” Ce n’est pas une menace, c’est une promesse. Il y a intérêt à y avoir de très bonnes explications à ce cirque.

ft. @Fidèle de l'Épée

30/12/2023

stop before it's too late.
@fidèle de l'épée & @niko asawa

tw: manipulation émotionelle, relation parentale abusive, gaslighting

Fido voit comme si elle avait une matérialisation physique la colère de Niko soudainement s'abattre sur elle et son joli visage. Il réprime difficilement un petit sourcil arqué, inspire à l'intérieur de lui-même, reste rigide même quand elle fait un pas déterminé et agressif dans sa direction. Le doute s'exprime seulement sur son visage quand il voit les pierres précieuses rouler sous sa peau, un phénomène qu'il n'a jamais pu observer de ses propres yeux.
C'est plus fort que lui: il a un pas craintif en arrière, le lâche, et l'indécision vient se glisser sur ses traits. "What the..." Il ne finit pas sa phrase. Regarde la peau là où elle est redevenue lisse. Relève un regard mi-figue mi-raisin vers Niko: à un endroit fasciné, à un autre effaré. “It is not about the money and I couldn’t care less about your stupid money. It is a matter of principle. You can’t just storm back into her life after being gone for so long and sleep-on her couch?” Fidèle voit préciser la situation lui échapper des mains alors il se précipite pour s'immiscer dans les paroles (douloureusement vraies) de son ex-femme: "It's not like that," ment-il d'une voix un peu plus forte, qui veut couvrir la sienne. "You're twisting things." C'est lui qui manipule les choses à sa convenance, en fait ce qu'il veut, retourne le blâme et la culpabilité dans la direction claire et nette de Niko. Pas vers lui. Jamais vers lui.

“Surely you have many girlfriends in town with couches you can crash on.” Fido grimace, jette un regard évident en direction de Rumi qui s'assombrit un peu, mélange de tristesse et de culpabilité dans le fond du regard. Niko a raison, d'une certaine manière, de lui renvoyer ça à la figure; mais Fidèle trouve tout de même cela très déplacé de le faire devant leur fille. "Don't start," dit-il au même moment que Rumi qui en trahirait presque sa mère: “It’s okay, I insisted he stayed. - Oh don’t worry, I’ll come back to you in a moment. - That's enough, Niko, come on!" Il hausse la voix de nouveau, éclat qui ne lui ressemble pas, qui pourrait presque passer pour sincère si tout chez Fido n'était pas soigneusement construit et réfléchi, surtout quand il est face à son ex-femme. "Fine, I'll go." Il soupire, Sisyphe torturé et jamais apprécié à sa juste valeur, en secouant la tête. Fido se passe une main dans les cheveux et jette un regard fatigué à ses affaires. "This was a bad idea."

Et voilà Caliméro qui traîne les pieds vers le canapé, puis se met à rassembler toutes ses affaires sans queue ni tête dans son sac, chiffonnées, pas lavées. Il tourne résolument le dos à Niko, ne lui fera pas l'honneur de la regarder: c'est une nouvelle fois ce même dos qu'il lui présente, ce même dos qui partait tous les soirs voir ailleurs, qui n'est jamais revenu. À sa fille, pourtant, il adresse un regard. "I'm sorry, sweetheart. - Dad... - It's fine, Rumi. - But-- - It's fine." Ce n'est pas fine, et le ton Fido n'en prétend pas autant.
Rumi est blême quand il se relève après avoir enfilé un jean et mis son sac sur son épaule, une image déchirante à contre-jour de la fenêtre dans son dos: l'homme qui part, la dernière tentative de connecter ensemble qui est avortée, le lien qui va se casser pour de bon. La mise en scène est parfaite. Le regard de Fido est sombre.
Il le lève vers Niko. Hope you're happy. Are you really taking her father away again? This is your fault. This is me trying. You're doing this to us. I wish things were different. You're doing this to her. I love you. Autant de mensonges, autant de vérités, qui se précipitent dans sa tête et dans sa bouche sans pour autant traverser la barrière de ses lèvres; il la regarde juste, l'espace entre eux remplis de non-dits.

30/12/2023

you should be sad No, you're not half the man you think that you are and you can't fill the hole inside of you with money, drugs and cars. You can't love nothin' unless there's somethin' in it for you ♫
tw: relation abusive, gaslighting

"That's enough, Niko, come on!" Le ton qui monte a presque instantanément raison d’elle, réveille un vieux réflexe de baisser les yeux de honte le temps que la tempête passe. Elle détestait quand il se mettait en colère, dans ces moment-là, elle devenait une créature de contrition, attachée à le calmer, à murmurer des litanies désolées jusqu’à ce qu’il lui caresse la joue et lui dise qu’il aime. C’est fou tout ce qu’elle faisait pour qu’il l’aime.
Mais ce n’est plus quelque chose qu’elle cherche désormais, alors elle relève presque aussitôt le regard, à temps pour assister à son spectacle répété jusqu’à la perfection. Elle connaît par coeur ses soupirs, son air abattu, son chantage affectif, les menaces à peine voilées qui la condamnent à une existence sans lui. You can’t live without me. Et pourtant elle a passé dix ans qui ont eu l’effet d’un sas se décontamination. C’est donc sans affect qu’elle le regarde faire son sac dramatiquement, même si elle doit admettre qu’une pointe de frustration pique sa poitrine à le voir fuir aussi rapidement. Sans trembler cette fois, sans froisser quoique ce soit de colère, elle s’empare de son paquet de cigarettes dans son sac à main et porte une clope à sa bouche et soupire d’aise en sentant la nicotine brûler ses au bout des lèvres. Elle est tentée de jeter un regard à Rumi l’air de dire ‘see how he is??’ mais sa fille n’a pas la même immunité. Niko voit sur son visage le désarroi et elle comprend ce qui se passe avant qu’il ne le confirme. Il est dans sa tête.

Fidèle lui jette un regard noir, lourd de reproches silencieuses. Son estomac se remplit de plomb, le goût du tabac lui paraît soudainement dégueulasse, mélangé à une montée de bile sur sa langue. Et juste comme ça, elle devient tout ce qu’elle redoutait d’être dans la narrative : la vilaine de l’histoire. Elle devient la mère aigrie qui se plaint toujours de l’autre parent, elle devient la femme qui a été incapable de garder son mari, elle devient celle qui ruine leur famille et le souvenir des rares fois où ils en ont vraiment formée une.
Le piège se referme sur elle, lui broie les entrailles, et ses genoux faiblissent quand elle devine le début de cette réflexion se faire dans les yeux de sa gamine. Il y a une fraction de secondes durant lesquelles elles s’affrontent, mais Niko est grande perdante, parce qu’elle a juré de tout faire dans sa vie pour Rumi et ça implique mettre son coeur de côté, être une mère avant d’être une femme blessée. Elle capitule évidemment. “Don’t go.” Le ton est résigné. “Let’s talk this out.” Elle prend une longue bouffée de sa cigarette, repousse l’émotion qui stagne dans sa gorge, mais ses yeux brillent de larmes qui pourraient menacer de couler si elle ne se contient pas. “Just you and me. Somewhere else like you said, like a coffee shop or whatever.”

Elle se rapproche de la table pour cendrer, puis tourne son air las vers Rumi. “I was just coming over to bring you some stuff I just unpacked.” Elle indique le carton posé sur le buffet à l’entrée. Le stress est lisible sur le visage de sa fille, toute la situation sera grandement discutée sur le fauteuil de sa psychologue à ne n’en pas douter. Mais Niko n’a pas la force tout de suite d’adoucir la situation en offrant une caresse rassurante ou une étreinte chaleureuse, elle doit prendre le temps de souffler proprement au risque d’être abrasive. Alors elle écrase la cigarette dans le cendrier et remonte son sac sur l’épaule signalant qu’elle est prête à partir maintenant. Mais elle n’affronte pas Fidèle des yeux comme lui s’est permis de le faire, elle sait qu’encore une fois, il a gagné. Elle ne veut pas voir la satisfaction sur ses traits.

ft. @Fidèle de l'Épée

30/12/2023

stop before it's too late.
@fidèle de l'épée & @niko asawa

tw: manipulation émotionelle, relation parentale abusive, gaslighting

Fidèle gagne. Il gagne souvent. “Don’t go.” Il n'y a pas d'air triomphal sur son visage pourtant, ni un petit sourire, ni un gramme de soulagement: juste ce regard lourd, sombre, qui ne la quitte pas un instant, presque sentencieux dans sa soudaine sévérité. “Let’s talk this out.” Ça, c'est une vraie victoire. Fido regarde Niko fumer en se disant à quel point elle est belle. “Just you and me. Somewhere else like you said, like a coffee shop or whatever. - Okay." Peut-être qu'une version plus jeune de lui aurait exagérément essayé de rendre tout plus facile, aurait été terriblement casual about it, aurait fait une remarque sur la conciliance de Niko - mais pas cette fois. Cette fois, Fido soupire et il a tout d'un coup l'air un peu vieux, un peu las, cernes lourds d'un homme qui ne peut pas dormir ni se reposer, visage sillonné par les marques et le temps. Il se passe une main dans les cheveux en s'approchant d'un pas hésitant, n'interrompt pas le moment entre mère et fille. Il semble considérer quelque chose.

Une fois que Rumi a marmonné quelques mots à sa mère, il se rapproche. Après une courte réflexion, il a gardé son sac sur l'épaule - il l'emportera avec lui là où Niko et lui iront, et ça veut peut-être dire qu'il ne reviendra pas.
Même si elle n'en dit rien, Rumi a remarqué ce détail. Malgré ses meilleurs efforts, Fido peut ressentir sa nervosité et son désespoir comme une force palpable dans l'air et il lui adresse un sourire encourageant. "It's alright, kiddo, we're not going far okay? And you have my number. Thanks so much for everything." Il a un mouvement vers elle, qui est avorté par la présence de Niko; pareillement, Rumi change ses appuis dans sa direction, puis se restreint. L'affection ne leur vient pas facilement et, intuitivement, ils savent tous les deux que la moindre démonstration physique leur vaudrait l'ire ou la tristesse de Niko; alors ils se regardent juste. "I'll send you that book I was telling you about if you send me my missing socks, alright?" Il lui fait un clin d'oeil, mais Rumi ne sourit pas, hoche la tête. "Alright. See you, dad..." Fido ne s'habituera jamais à l'entendre l'appeler ainsi. Il doit se réprimer de lui ébouriffer les cheveux dans une parade virile de défection émotionnelle; à la place, il tend la main et lui tapote l'épaule et puis il s'en va sans se retourner.

Il a seulement une hésitation sur le pas de la porte de la cuisine, mais persévère, ne ralentit pas, adresse un sourire aux colocs de Rumi, "don't worry, I won't be far," fait son show, et puis finalement il est enfermé dans une cage d'escaliers avec Niko dans son dos en craignant qu'elle le pousse sur les marches à chaque détour.
Fido est presque soulagée qu'elle l'épargne. Ils débarquent sur le trottoir abattu par le soleil de New Blossom. Fido met sa main en visière, désorienté. "Come, I know a place." Il s'use à observer la ville autour de lui pour ne pas trop regarder Niko. Il ne saurait pas quoi dire.
Ils débarquent dans un brunch huppé qui a une petite terrasse à l'arrière du bâtiment; l'endroit est plein à craquer mais au moment de s'asseoir, la meilleure table du restaurant se libère. Personne ne vient les faire chier quand il s'allume une clope et Fido est reconnaissant pour la première bouffée, dont il apprécie uniquement la saveur.
Tout pour ne pas regarder Niko. Mais au bout d'un moment, il n'a plus d'autre choix que de se rendre à l'évidence.

"Look, Niko I'm not here to start shit up." Les cafés ont été commandés, les réflexions ont été faites qu'ils ne s'attarderaient pas. Ils sont enfin tranquille, même si Fido a naturellement choisi et imposé un endroit où il y a d'autres gens, des tables proches, autant d'assurances que Niko ne se mette pas à hurler "Nor am I here to play father of the year. I'll never be that. We both know that. I wish I could be, but I can't." Il y aurait presque de l'amertume dans sa voix. "I'm just- fuck, I don't know. Rumi means the world to me. She really does. And this whole thing- it kind of just happened- and I should have messaged you but I..." Sa voix s'éteint progressivement. Elle sait pourquoi il ne l'a pas contactée. "I know that I can't make okay these past ten years and that you probably have a full list of grievances against me, which is completely understandable. I'll hear them all out if that's what you need me to do. But right now, honestly, I'm going through a lot, and I just want to reconnect with Rumi and- and make sure that it's not just the bad that she remembers. You know?" On dirait qu'il va lui annoncer un cancer, se dit Fido, avant de sérieusement considérer cette piste à explorer. "She's so... she's so fucking bright. Her mother's daughter, for sure..." C'est dit sincèrement, presque avec un soupir, et avec un secouement du chef. "Will you accept that? That this is not a ploy, this is- this is just me trying. I'm really trying, Niko."

30/12/2023

you should be sad No, you're not half the man you think that you are and you can't fill the hole inside of you with money, drugs and cars. You can't love nothin' unless there's somethin' in it for you ♫
tw:

“I should have told you sooner I just didn’t know how you would react. - What’s done is done, we’ll talk about it later. - He’s not bothering us and he’s-” D’un geste de la main, Niko interrompt sa fille. “Later, Rumi.” Si elle devait affronter son ex-mari, elle aimerait le faire sans avoir eu la plaidoirie de la défense avant. Il y a des discussions qu’ils devront avoir en famille, et il y en a d’autres qui ne regardent que Fidèle et elle, au nom de l’entité qu’ils ont un jour été.
Elle leur laisse de la place, s’encourage à ne pas les regarder, mais elle ne résiste pas à jeter un coup d’oeil aux interactions qu’ils ont, à leur langage corporel, écoute leur échange… Il y a une piqûre évidente au coeur, elle oscille entre trop de pensées vertigineuses. La première, c’est qu’elle a l’impression d’être une étrangère alors que se trouvent devant elle les deux personnes qu’elle connaît le plus au monde. La deuxième, c’est que des petits déjeuners à les écouter parler de livres en profitant de crêpes à la française, ça aurait pu être leur quotidien dans une autre vie, la vie qu’on a dans les si qu’on imagine, comme, si seulement leur mariage n’avait pas pris l’eau. La troisième, c’est un pensée à propos du timing de tout cette affaire. Pourquoi maintenant ? Pourquoi est-il revenu ? Dans quelles circonstances ? La réalité doit lui être dévastatrice, parce qu’ils ont tous choisi d’en faire un secret, et dans le tous, elle inclut les colocataires de Rumi dont elle remarque les ombres dans le couloir qui mène à la cuisine.

Niko finit par détourner le regard quand il approche d’elle. Elle est résolument mutique, bras croisés contre elle, les yeux braqués devant elle, l’esprit tourmenté par les questions qu’elle se pose tout le long du chemin, dans les escaliers, sur le trottoir ensoleillé, dans l’encadrement de la porte du restaurant. Quand ils s’assoient enfin, elle a une idée de la réponse et ça ne lui plaît décidément pas. Elle l’imite en allumant une cigarette à son tour, le dos collé à la chaise, elle a les yeux qui papillonnent à droite et à gauche, loi du silence jusqu’à ce qu’il craque. C’est lui qui a des choses à expliquer.
"Look, Niko I'm not here to start shit up." Sa réaction est immédiate, viscérale, elle lève les yeux au ciel d’agacement. Tout ce qu’il dit lui laisse une vague sensation de malaise. Puis peu à peu, il se met à parler, mais il n’irradie pas la même assurance de baratineur qu’il a d’ordinaire. Rien dans son discours n’est préparé, un peu comme si… Comme si ça venait du coeur. Alors elle lui fait la grâce de le regarder, de vraiment le regarder, de prendre en considération chaque détail de son visage, combien il a changé avec les années : ses cheveux sont plus longs et grisonnent déjà, il a des cernes sous les yeux, des rides qui commencent à marquer son visage et surtout il y a cet air fatigué, le genre qui ne s’invente pas. Malgré ça, malgré le temps, malgré les listes de griefs qu’elle a contre lui, elle le trouve toujours beau. Elle voit toujours celui qu’elle a épousé vingt ans auparavant. Elle aime toujours autant le son de sa voix, qui tire des cordes nostalgiques en elle. L’accent en revanche est nouveau, même s’il a l’air moins présent maintenant qu’il ne parle qu’à elle, sans autre audience.
Il parle de Rumi avec attachement, ça elle n’en doute pas. Ca lui serre le coeur, parce qu’elle sait combien leur fille est formidable et drôle et vive d’esprit, et combien de fois elle aurait aimé qu’il soit là pour le constater. Cette fois il est là. Il essaie, selon ses propres mots. Est-ce que c’est vraiment trop tard ?

“Hmm. You’re right, she is great. She’s funny, she’s combative, she’s so intelligent and she is far more in touch with her emotions than I ever was. But you still got to her, I can tell.” Elle peut déposer les armes, mais elle le fera en faisant savoir à Fidèle qu’elle n’est pas dupe. Elle connaît ses stratégies, elle sait très bien qu’il a fait exprès de mettre Rumi au milieu d’eux, comme un bouclier, pour toucher à sa sensibilité de mère. “If you’re really trying, try with your heart. No scheming, no gaslighting, no using her to get to me again. Get to know her and let her know you.”
La serveuse apporte les deux cafés et les dépose sur la table, fait du mieux qu’elle peut pour ne pas dévisager l’Améthyste et les paillettes qui brillent à la lumière du jour. Niko ouvre le sachet de sucre et le verse entièrement dans sa tasse et touille avec sa cuillère en même temps qu’elle réfléchit. Prudemment, elle finit par demander. “Did she really reach out to you? What happened?”

ft. @Fidèle de l'Épée