Love is patient. I, however, am not. (miso#2)

J’me fais pitié, d’vant le miroir. J’ai l’impression qu’la chemise entrave mes mouvements et m’empêche de respirer convenablement (ou alors je commence une crise d’asthme). Je rajoute le cardigan couleur non identifiée par-dessus et j’me demande si c’est ça qu’ressentent les animaux quand on les habille. Sûrement. J’me plains à René, par message, j’me dis que si j’l’extériorise, ça me donnera peut-être assez d’force pour sortir comme ça. J’suis à deux doigts d’me dégonfler et d’enfiler le premier hoodie à logo que j’trouve, mais en même temps j’ai envie d’surprendre Minnie. Lui montrer que j’peux faire un effort, moi aussi, parce que lui, il se fait toujours beau pour nos rendez-vous. J’me sens un peu nul de m’pointer habillé pratiquement comme quand j’traîne à la maison. J’suis les conseils de René et recommence l’opération avec une chemise blanche, cette fois. Ça fait moins bizarre qu’la bleue, il a raison. J’programme mes cheveux sur un brun chaud et les recoiffe – j’crois que j’ai jamais passé autant d’temps devant un miroir. J’suis prêt à tout pour changer les idées de Minnie, vraiment. J’m’accorde trente secondes de méditation avant d’sortir de ma chambre, d’enfiler mon manteau beige (tout doux, par contre, parce que y’a des limites à ma bonne volonté) et d’partir pour le musée avec les peluches que j’voulais lui offrir dans un tote bag.

J’ai un quart d’heure d’avance parce que j’suis parti d’façon trop précipitée. J’me plante sur les marches devant l’musée, avec les mains dans les poches et une expression pas du tout avenante. J’jette quelques regards noirs à des gens qui m’dévisagent, bien qu’ce ne soit peut-être que mon imagination et le malaise de ma tenue combinés. Quand j’vois enfin Minnie arriver, y’a un sourire qui s’trace sur ma gueule sans qu'je puisse me retenir. J’descends les quelques marches qui nous séparent, reste sur la première histoire d’être à sa taille. J’lance un œil à gauche, à droite, tout le monde s’en fout de nous, alors j’glisse mes bras autour de son cou et dépose un bref baiser sur ses lèvres. Hi, j’fais simplement en réprimant mal mon sourire d’le voir après une interminable semaine. Si joli avec ses lunettes, en plus. You look… wait, I have a new word... Non, j'ai pas cherché toutes les variantes de beau, joli, ravissant et compagnie en anglais juste pour complimenter mon petit ami (si). ... Dazzling. J’lui offre un sourire en coin, très fier de moi-même.

Mon cœur est toujours un peu con, en présence de Minnie, et j’essaye de me contenir du mieux qu’je peux, de faire attention, aussi, aux gens qui nous entoure. J’en ai rien à foutre, d’elleux, mais j’sais que c’est pas le cas de Minnie, qu’il se sent vite inconfortable si y’a des regards qui coulent sur nous deux. Alors, j’fais gaffe, j’arrête mes gestes, tout c’qui me vient naturellement, pour prendre le temps d’observer autour de nous, lancer un sale regard à celleux qui osent dévisager pour qu’iels détournent leur tête et que j’puisse embrasser mon petit ami en paix. Mon petit ami a le rouge aux joues à mes mots et j’parviens pas du tout à retenir le sourire diaboliquement satisfait qui s’pose sur mes lèvres à cet instant. J’accueille le baiser suivant avec autant de contentement et détache mes bras de son cou lorsqu’il s’éloigne, ne sachant pas trop si c’était le but ou non. A son regard sur moi, j’crois pas, j’pince mes lèvres, hume un peu en réponse à ses paroles qui m’font fondre d’impatience. J’plisse les yeux, au compliment, penche légèrement la tête sur le côté. Yeah? You like it? J’passe une main embarrassée dans mes cheveux et ris, à peine, parce que j’suis très sérieux, au fond. C’est tout c’qui m’importe, sinon j’aurais jamais enfilé de chemise, à part en étant contraint et forcé par mon contrat et mon manager.

J’lance un bref coup d’œil vers sa main, hésite à la prendre. J’me demande si c’est trop, toujours, si j’suis trop, en fait. J’sais qu’à m’écouter j’passerais mon temps scotché à lui. Et puis, Minnie, il me surprend, il glisse ses doigts entre les miens et je hurle vraiment très fort, intérieurement. Un miracle d’ailleurs que ça reste à l’intérieur de mon crâne. Proud of you, princess, j’chuchote, juste à son intention, un regard que j’sais beaucoup trop doux posé sur lui. J’dois me calmer. J’dois vraiment me calmer. On grimpe les marches jusqu’à l'entrée. I was a bit early and I think like four or five people didn’t goed inside because I was in front of door. C’est leur problème, pas le mien. J’sors mon téléphone de ma poche pour le contrôle des billets, chipotant un peu vu que j’ai plus trop l’habitude de l’utiliser depuis qu’j’ai tout implanté dans l’cerveau et surtout à le faire à une main parce que j’veux pas lâcher celle de Minnie maintenant qu’il me l’a donnée. Quelques minutes, et puis on nous laisse accéder à l’expo. J’range mon portable et fais glisser le tote bag avec les peluches de mon épaule à ma main libre, pour le lui tendre. Gifts for you, j’explique sommairement, incapable de n’pas le regarder trop fixement.

J’sens que mes joues chauffent et j’penche encore plus la tête pour cacher mon visage dans l’col de mon manteau, le relevant d’une main. Les compliments d’Minnie me rendent niais à en avoir mal au ventre tellement y’a d’papillons là-dedans. Y’a un sourire qui s’fait sa place sur mes lèvres et j’le réprime un peu, toujours embarrassé par ma tenue trop propre à laquelle j’suis pas habitué. J’le pousse gentiment d’l’épaule à sa taquinerie, lui offre un regard faussement noir et une moue vindicative. Don’t make fun of me or I never wear them again… Une belle menace qui s’termine sur un rire ; j’suis beaucoup trop amoureux.

Y’a un instant où j’le sens stressé, dans le hall du musée, j’l’observe du coin de l’œil et presse sa main dans la mienne. La tension semble disparaître quand la personne de l’accueil se montre plus que joviale – faudrait qu’elle se calme, ouais, j’ai pas aimé sa façon d’mater Minnie. Puis j’le vois doucement se transformer dans sa version passionnée d’histoire, attiré par les panneaux de l’expo, à attraper un flyer pour le lire directement. Ça m’donne envie de l’embrasser, mais j’me retiens et lui lance un regard tendre, à la place. J’me demande comment j’vais faire pour regarder autre chose que lui, aujourd’hui. J’ai l’impression que j’l’ai plus vu depuis des mois alors que ça fait une semaine, c’est n’importe quoi.

Mes sourcils se froncent quand il lâche ma main, et j’me maudis intérieurement d’pas avoir pu attendre deux minutes avant d’lui filer les peluches. J’espère qu’il va la reprendre, ma main. J’souris d’le voir si ravi, cela dit, j’étais pas sûr que ça lui plairait. It’s gift from Raging Sunrise team, they maked me think about you. Parce qu’elles sont mignonnes, oui. J’dois me mordre la joue pour pas lui répondre du tac au tac que c’est lui qui est adorable, mais j’crois qu’ça peut s’entendre juste à ma gueule. J’plisse les yeux à remarquer son expression qui change brusquement, comprends qu’des gens se sont retournés et j’dévisage un type qui s’est permis d’nous fixer d’un sale regard, en l’provoquant d’un haussement d’menton. Il détourne les yeux et j’ramène mon attention sur Minnie, sourit à nouveau. Yeah? I’m happy then. We put our stuff in the lockers? Il fait chaud dans l’musée, l’air de rien, et si j’avais bon dehors avec mon manteau bien duveteux, c’est carrément un overkill à l’intérieur. J’hésite une seconde et attrape simplement sa manche entre deux doigts pour le traîner jusqu’aux casiers. J’récupère le tote bag pour le caler dans le fond, qu’il soit pas embêté avec pendant toute la visite, et puis enfonce nos manteaux comme un acharné avant d’verrouiller la petite porte. You have everything?, j'demande quand même, au cas où.

Mon sourire s’agrandit en allant jusqu’aux casiers, parce qu’il a choisi sa peluche préférée. Si j’ai pas une crampe d’ici la fin d’la journée, j’ai d’la chance, franchement. I hoped so, it’s the one I helped to design, j’lui lance, très fier. J’enferme nos manteaux, puis j’baisse les yeux sur ma chemise et mon cardigan pour les remettre bien, tire un peu sur le col. J’suis pas habitué et ça m’fait bizarre, l’impression d’avoir le cou coincé là-dedans, mais bon. J’me rappelle de me tenir droit, aussi, et croise le regard de Minnie qui s’intéresse soudain plus à son flyer qu’à moi. J’lâche un léger rire gêné, au compliment. Minnie semble pressé de rejoindre l’entrée de l’exposition et ça m’amuse de le voir si enthousiaste, lui qui a toujours l’air si sérieux. Yes! Je le suis, un rien en retrait, j’fixe sa main et j’me demande si je peux la reprendre, encore. Le mouvement du flyer dans mon champ de vision me fait relever la tête et je bats des cils, un moment, face au flot de paroles et d’informations. J’aurais peut-être dû prendre un carnet de notes. Et me faire installer un traducteur instantané dans l’cerveau, il m’a perdu à proto-j’sais-pas-quoi. J’acquiesce sans comprendre, juste parce que j’apprécie la passion qui s’dégage de sa voix et ses gestes ; et la vue de tout ça, surtout. Les lunettes lui vont vraiment bien.

J’essaye de me concentrer sur ce qu’il y a dans les vitrines – des vieux vases avec des animaux marrants dessinés dessus –, mais mon regard arrête pas d’retourner sur lui, j’sais pas pourquoi. J’le colle un peu, juste assez pour que nos bras se frôlent. J’tente de suivre ses explications aussi, mais j’ai l’sentiment d’être à un test d’anglais beaucoup trop élevé pour mon niveau de compréhension orale. J’pense beaucoup trop à mon envie d’ravoir sa main dans la mienne, ça aide pas. Hm, Minnie? Can you speak more slow? I’m high school dropout. I got that Egypt was Greek and it seem very wrong. J’ris doucement, un rien embarrassé d’être à ce point à côté de la plaque. Also, can I have your hand back?, j’demande, un ton plus bas, la main tendue, ouverte, entre nous. It will help to focus, j’déclare en grimaçant un sourire, très content d’moi, pour le coup.

*dialogues en coréen

Son incrédulité m’fait glousser un peu. Yeah, really, I don’t lie. J’sais très bien c’qu’il pense, qu’cette peluche est beaucoup trop adorable pour mes standards habituels. J’suis quand même fier qu’ce soit sa préférée, j’étais pas certain qu’ce soit le cas parce que VV est bien plus doué qu’moi pour les choses mignonnes. Clairement, j’aurais hurlé si Minnie avait choisi la sienne. Mais il m’a choisi moi, alors tout va bien, surtout mon ego.
Un peu moins bien quand j’me rends compte que mon niveau d’anglais est à des années lumières de celui d’Minnie, et donc sûrement très loin d’me permettre d’choper la nationalité américaine. C’pas le moment d’penser à ça. J’entrouvre la bouche et bat des cils, à son explication qui m’paraît très logique. Même en ayant capté que les mots et pas la phrase, j’aurais pu faire le lien, en fait. J’dois avoir l’air bien con. Oh, it make much more sense. J’hoche la tête, tente d’être impliqué bien qu’la culture soit pas mon fort – j’suis une merde au Trivial Pursuit – et qu’j’aurai sans doute tout oublié d’ici demain. J’espère que y’a pas d’test prévu en fin de rendez-vous.

J’avoue qu’l’expo m’intéresse pas autant qu’d’avoir la main de Minnie dans la mienne. J’lui offre un petit sourire en coin alors qu’il cède à ma demande tout en voyant très clair dans mon jeu, prends bien soin d’entremêler nos doigts comme il se doit, histoire qu’ce soit galère de m’lâcher la main, cette fois. J’me laisse entraîner avec bonheur vers la vitrine suivante, observant son contenu tout en faisant légèrement balancer nos mains, entre nous. J’ai un sourire niais aux lèvres et une concentration pas du tout améliorée, tourne un regard surpris vers lui quand il me demande s’il a parlé trop vite à nouveau. J’ai rien écouté. Eehh, oui, ça m’aiderait. J’ai pas assez d’vocabulaire, j’crois*, j’admets dans un rire un peu gêné. J’lis la petite plaque devant les objets de la vitrine, fronce les sourcils : Hair comb…, j’déchiffre, perplexe. Iels se peignaient les ch’veux avec ça ? Ça a pas l’air pratique.*

Minnie passe au coréen sans problème. J’ai pas trop l’habitude de l’entendre dans ma langue natale vu qu’j’insiste pour qu’on cause en anglais tout l’temps, mais j’sais pas, y’a un truc qui m’réconforte dans la chose, j’me sens un peu à la maison. Franchement, si j’devais pas servir mon pays et toutes ces merdes, j’m’encombrerais pas d’l’anglais et j’me reposerais totalement sur lui. Minnie parle bien, en plus, très joliment ; on dirait un présentateur télé – j’me demande s’il capte mon accent de p’tite racaille quand j’parle. Mais bon, s’il veut bien me donner des cours, j’suppose que j’peux capitaliser là-dessus pour le voir plus souvent. j’veux pas que ça compte dans nos temps en amoureux, par contre, même si clairement j’vais avoir du mal à rester attentif en apprenant la grammaire anglaise avec Minnie en face.

J’ai déjà du mal à rester attentif à c’qu’il me raconte en coréen, là. Ouais, fascinant..., j’murmure avec un sourire idiot. Est-ce que j’ai l’regard collé sur lui plutôt qu’sur le peigne dans la vitrine ? Oui. C’t’un peu intense d’foutre ça sur un peigne, non ? J’l’écoute quand même un minimum, la création d’l’univers, tout ça. Moi j’me dis seulement que les animaux sont mignons et j’note dans un coin d’ma tête de lui acheter un joli peigne, mais j’écoute, puis j’caresse sa main du pouce, d’temps à autre, et ça m’rend très heureux. J’suis content qu’il soit autant à fond sur l’exposition. Ça doit bien l’aider à décompresser, au moins, même si j’arrive pas à tout suivre.

Après des heures à se promener dans le musée, j’suis plutôt lessivé, l’impression d’avoir passé une journée entière sur les bancs d’l’école. Et j’sais très bien que tout s’mélange, dans ma tête. J’espère qu’il me reparlera pas de l’Egypte un jour parce que je s’rais capable de sortir une énorme connerie, alors qu’il vient de m’faire un exposé ultra détaillé et intéressant. J’me sens coupable d’être aussi nul pour retenir les trucs historiques. J’ai envie d’l’embrasser lorsqu’il exprime sa joie en sortant d’la dernière salle. Mes yeux s’perdent sur son sourire, mais j’suis trop fatigué pour inspecter autour de nous et vérifier que personne fixe, alors j’me contente de l’regarder amoureusement en espérant qu’il m’embrasse lui. A la place, il me d’mande si j’veux un café. J’plisse les yeux, un instant, et puis soupire. Yeah, coffee. And sugar, too. J’jette un œil au café derrière moi, iels ont l’air d’avoir des gâteaux, ça va. J’le traîne à l’intérieur, y’a pas trop d’monde et on trouve facilement une table. J’me laisse tomber sur la banquette, lâchant sa main comme si c’était la fin du monde. J’me console en tendant mes jambes sous la table pour coincer une de ses chevilles entre mes pieds, attrapant l’menu pour le déchiffrer, les sourcils froncés. I want cheesy cake, what you want?

J’me rends compte que l’naturel est revenu au galop à la seconde où j’me suis assis – où j’me suis affalé, plutôt, dans la posture d’une p’tite frappe qui songe qu’à emmerder les serveurs. Porter des beaux habits ça fait pas tout, faut l’attitude qui va avec et c’est franchement épuisant. J’sais pas comment Minnie fait pour avoir l’air si pro pendant des journées entières. J’réprime un bâillement en fronçant le nez et puis m’redresse, faisant rouler mes épaules et attirant son pied un peu plus vers moi sous la table. J’ai des p’tites jambes, moi. Mes sourcils se froncent à l’entendre rire, j’ai dit une connerie ? What? J’fais la moue, lorsqu’il déclare que c’est mignon de le dire comme ça. Stop make fun of me! J’donne un petit coup de pied dans sa chaussure pour me venger, me reconcentrant sur la carte pour choisir quoi boire. Tous ces mots sont horriblement compliqués à prononcer et y’a des trucs j’suis même pas certain d’savoir c’que c’est. J’lui lance une grimace dégoûtée à son choix : What the fuck, red eye??? What’s that?? J’m’imagine totalement un œil servi au milieu d’un jus de tomate, mais bon, si ça l’rend heureux. Il sourit, c’est l’essentiel, j’lui souris en retour. Yeah? Good.

Mais son sourire se fait la malle l’instant d’après et j’bats un peu des cils, avant d’reposer le menu sur la table et de faire un signe trop large et pas du tout avenant au serveur. La nourriture ça r’monte toujours le moral, non ? Le gars vient jusqu’à nous, sa tablette dans les mains et j’lui laisse pas le temps d’en placer une : Chocolate fondant – imprononçable – red eye, oreo chissycake – j’tente de corriger, un coup d’œil vers Minnie – pumpkin spice latte – j’ai pris ça parce que y’avait spice dedans – and two waters. J’fais le deux avec mes doigts et il répète en disant tout tellement d’une autre manière que la mienne que j’suis obligé de regarder Minjun pour qu’il me confirme qu’c’est bon. Yes, j’fais avec beaucoup d’assurance pour quelqu’un qu’a rien capté à ce qu’il vient de dire. Le serveur retourne au comptoir et j’fais glisser ma main sur la table pour que le bout de nos doigts se touchent, à peine. Rien d’plus, j’suis sage malgré l’absence de bisou en fin de visite. Mon regard s’pose à nouveau sur son visage. Glasses are really pretty on you, j’murmure presque, à l’détailler un peu, sûrement trop amoureusement, encore.

J’croise les bras, un instant, m’esclaffe en détournant mon r’gard de lui, renfrogné, offensé par son choix d’mots. Endearing. J’lui en donnerais, des endearing. I’m not a kid, j’réplique puis j’passe à autre chose en un quart de seconde à cause du café bizarre, exactement comme si j’avais six ans. J’suis pas très doué pour prouver qu’j’ai raison. Minnie rit et y’a mon cœur qui s’met à battre beaucoup trop fort, alors qu’il m’explique le red eye. J’pince les lèvres et hoche la tête, me trouve un peu con d’m’imaginer des trucs aussi louches. Évidemment qu’personne va foutre des yeux dans un café.

La commande passée, je me reconcentre sur lui. Avec ses lunettes et ses joues qui se colorent si joliment – j’suis fier de moi d’le faire rougir, ouais –, et son sourire tellement doux qu’j’ai envie de hurler. Je hurle pas. J’me contente de mourir d’envie de le prendre dans mes bras ou d’caler ma tête sur son épaule, intérieurement, alors qu’nos doigts se touchent à peine. J’devrais lui d’mander de venir sur la banquette à côté de moi. Mes sourcils se froncent et y’a une petite moue qui passe sur mes lèvres. Really? I telled you so many times, I like the nerdy you. Ce date au musée, c’était la meilleure idée pour lui comme pour moi, mon esprit est rempli d’images de Minnie en mode intello, j’ai l’cœur rempli à ras bord d’un amour qui menace de dégouliner partout. Encore plus quand il les retire, se recoiffe, les remet. C’est quoi son but, m’achever ? Y’a ses doigts qui reviennent se glisser entre les miens et j’suis persuadé d’avoir le sourire le plus niais d’la terre entière sur la gueule.

L’sourire qui s’envole aussitôt lorsqu’il amène le sujet qui fâche sans prévenir. J’entrouvre les lèvres, mais rien ne sort à part un soupir. J’baisse les yeux alors qu’il relève les siens, joue avec sa main dans la mienne pour tenter d’me distraire. J’veux pas parler de ça. J’veux même pas y penser. Si ça avait pas été la sienne, j’pouvais encore espérer qu’il entendrait raison et lui trouverait une autre famille. Mais c’est la sienne. Okay…, j’marmonne, l’visage fermé. J’presse ma langue contre mes dents pour m’empêcher d’balancer une connerie sur le coup d’la colère. J’sais même pas pourquoi ça m’énerve autant. Les choses m’énervent toujours beaucoup trop par rapport à c’qu’elles sont. J’ai juste la haine d’être enfin avec lui et qu’cette gamine nous tombe dessus sans qu’personne lui ait sonné, ça fait qu’deux semaines. J’me sens fragile, j’me dis qu’il suffit qu’j’ouvre la bouche pour tout briser, alors j’dis rien.

J’aime pas c’qui est en train d’se passer. Le changement d’atmosphère alors qu’tout allait si bien, qu’il souriait, qu’il semblait moins stressé par c’qui le tourmente depuis le début de la semaine. Le changement d’conversation, vers un sujet qui m’plaît pas et auquel j’ai pas réfléchi plus que ça parce que j’voulais pas y penser, en fait. J’aurais préféré passer l’reste de l’après-midi à l’complimenter, esquiver le problème qui pend au-dessus de nos tête comme une putain d’épée de Damoclès. Mon changement d’humeur que j’arrive ni à contrôler, ni à cacher, c’qui fait que m’agacer encore plus et que j’vis le retrait de sa main comme si c’était la fin du monde. Et c’est d’ma faute, parce que j’ai rien répondu d’plus qu’un minable okay, parce que j’en suis toujours à fixer la table comme si j’avais l’intention d’la casser en deux. J’ai envie de hurler, et pas de joie, cette fois.

Minnie se remet à parler et j’me redresse brusquement, libérant son pied sous la table pour m’asseoir à la manière d’un p’tit con, jambes écartées, bras croisés. J’ai les mâchoires qui se serrent à ses paroles. Non, clairement, c’est pas c’que je voulais, ni c’que j’avais imaginé pour nous deux. Et j’ai peut-être beaucoup trop imaginé, pour une relation qui n’en est même pas encore à sa troisième semaine, mais là on frôle le non-sens, avec une situation pareille. J’sais pas c’que j’ai foutu dans mes vies antérieures pour qu’on m’colle le petit ami parfait qui semble enfin pas vouloir coucher avec moi, juste pour lui sortir une gamine de nulle part. Le karma se fout de ma gueule, franchement. Y’a l’serveur qui vient déposer nos verres d’eau et j’lui jette un œil noir, avant d’me réabsorber dans ma contemplation haineuse de la table, à écouter Minnie qui dit des choses qui m’paraissent tellement improbables que j’en suis presque à espérer qu’y’ait une caméra cachée quelque part. J’dis rien, j’le laisse causer jusqu’à la fin, jusqu’à c’que ses mots me fassent relever un regard blessé vers lui. What?? Why the fuck you say that? You didn’t like the date?? I look like I want to end things??? FUCK, j’lâche, un peu trop fort, quelques paires d’yeux qui s’retournent vers nous. Hey, why don’t you mind your fucking business???, j’lance à quelqu’un qui s’attarde trop à mon goût, le menton soulevé dans sa direction. C’pas le moment d’me chercher, tout peut devenir un prétexte pour me défouler. La personne se réintéresse à son assiette, et j’me reconcentre sur Minnie, sourcils froncés, lèvres pincées. J’exhale pour tenter d’évacuer la pression, essayer d’me radoucir. Mais ça m’fout en rogne qu’il ait pu même seulement penser que j’pourrais vouloir ça. Is this–, y’a ma voix qui flanche, Is this what you want? J’en ai mal dans la poitrine, à force de r’tenir l’émotion qui monte et dont j’veux pas. Si c’est c’qu’il veut, j’avais bien raison d’péter un câble à la nouvelle de cette gamine. Don’t tell me it’s what you want. J’tends le bras, pose ma main sur la table, vers lui, paume vers le haut, dans l’attente de la sienne. I don’t want that. I want us.

Y’a sa main qui rejoint la mienne sur la table et j’exhale brusquement, comme si j’avais retenu ma respiration sans réaliser. J’caresse sa main du pouce, me concentre sur le mouvement pour me calmer, essayer d’évacuer l’angoisse qui vient d’se loger dans mon crâne. J’sens mon cœur encore un peu serré, les émotions négatives qui restent présentes malgré les paroles rassurantes de Minnie. Autant ma bonne humeur s’évapore en une seconde, autant le stress et la peine c’toujours une galère pour les faire partir. J’voudrais hurler pour évacuer tout ça, mais j’sais que Minnie le prendra pas trop bien. J’jette un œil vers le comptoir, du coup, espérant pouvoir étouffer mes sentiments avec la bouffe. J’crois que notre commande est prête.

J’ramène mon attention sur mon petit ami, les sourcils froncés, grimace au bord des lèvres. J’aime pas qu’il se sente obligé de s’justifier, comme ça. J’suis vraiment qu’une merde, c’pas possible, à lui donner l’impression qu’il devrait abandonner sa gamine. J’peux pas dire que ça m’rend heureux, ni que j’veuille devenir beau-parent – sûrement mieux si j’m’approche pas d’elle vu comment tout le monde réagit à c’que j’pense –, mais j’veux pas être aussi horrible. J’tente de me rappeler les mots de Nuage quand il me dit qu’il aura moins d’temps, ça empêche pas ma main d’se crisper autour de la sienne. J’suis toujours sur les nerfs et j’arrive pas à l’contenir complètement. J’trouvais déjà qu’on s’voyait pas assez y’a deux semaines, c’est quoi moins d’temps, exactement ? J’pince les lèvres pour pas cracher la question, articule un okay…, très compliqué avec les mâchoires serrées à m’en faire mal. Heureusement le serveur vient poser les gâteaux et les boissons chaudes devant nous, avec beaucoup d’précautions et très rapidement. J’lui ai sans doute fait peur, il s’enfuit presque. J’enfourne une bouchée de cheesecake immédiatement, mâchonne avec soin, rien d’mieux pour détendre les mâchoires qu’un truc bourré d’sucre, franchement. J’soupire après avoir avalé, fais la moue. Sorry I reacted like shit. I got scared you didn’t like me no more. J’prends une gorgée d’mon latte, me brûle ; j’ferme les yeux brusquement et tâche de souffrir en silence. J’suppose que j’le mérite. Fucking hot, j’me plains à mi-voix, et puis l’regarde à nouveau, retends mes jambes sous la table pour placer mes pieds de part et d’autre les siens. You don’t have to tell me those stuff, I know you’re not a bitch like her mother. But I don’t want you to believe I leave you for that. My feelings for you not gonna disappear because of your kid, you’re not a stupid crush I cry one night and gone. C’est clair pour moi qu’mes sentiments sont pas aussi superficiels que d’autres que j’aie pu avoir avant, et qu’rompre maintenant reviendrait à l’regretter toute ma vie. I stick with you no matter what, even if you don’t kiss me after three hours history course in a museum, j’balance avec un moue boudeuse, avant d’pouffer un peu. J’commence à m’sentir mieux.