As above, so below ;; Guillem

Des accidents de chantiers, d’usine, de travail. On connaît tous une victime ; ces quelques doigts arrachés d’une machine, ce bout de pouce manquant, cet horrible incident de massicot en première année. Do not insert into any bodily orifice ; ces avertissements ne sont pas sans raison, et ces stickers jaunes sur les machineries ne plaisantent pas non plus. Ce monde est dangereux et à mesure qu’il progresse et continue son développement, il le devient d’autant plus.

C’est un peu pris de court qu’il avait accepté ; qu’il était tombé des nues, en balbutiant comme il en a si bien l’habitude. Guillem avait d’abord accepté la proposition, parce qu’il n’avait rien écouté, trop concentré qu’il était à ranger ses outils dans leur petite pochette à rouler ; puis le thaï mentionné ; puis la réalisation et, bien sûr, le mensonge : « Chouette, oui, parfait ! J’adore le thaï. » qu’il regrettera sans doute dès la première bouchée trop épicée.

Ne sont pas bras dessus bras dessous deux étrangers collègues marchant côte à côte, grandes figures enveloppées de leur manteaux et de leur silence gêné – ou respectueux – et bien que les petites paroles ne volent pas plus haut que les corbeaux, Tanner et lui tracent la route des deux pâtés. Inadéquat c’est toujours mieux que mortifié ; merci Kate – et le retour de ses noces – d’être leur cinquième savate ; bien qu’absente de sa personne, n’importe quel sujet de conversation est bon à prendre lorsqu’on se sent ainsi. Autrement, ils seraient sans doute en train de meubler la distance de leurs patients mutuels, d’anecdotes ou encore de techniques d’appoints.

« Une table pour deux… » Tanner l’intégrité, et Guillem l’identité – car bien qu’il soit important de savoir marcher ou agripper une poignée de nouveau, il l’est tout autant de pouvoir se regarder dans le miroir et savoir y reconnaître son reflet (j’en connais un rayon meh) – s’assoient vis à vis. « Est-ce qu’il serait possible d’avoir un stylo, s’il vous plaît ? » Les verres d’eau sont servis alors qu’il se débarrasse lui aussi de son manteau, du moins essaie – avec bien moins de coordination et d’élégance que son collègue ; aurait dû le faire encore debout, plutôt que de se battre avec les manches comme un abruti et se cogner le coude dans la vitrine juste à sa gauche. Aïe ; ravale un juron ; préfère rigoler bêtement de sa maladresse en se massant l'os.

Poignet enfin (libéré) délivré, la montre est consultée ; tard ne veut rien dire, tard ne cimente pas la psyché dans le temps. Des chiffres arbitraires, si. « Ah oui, quatorze heures. » Petit silence, alors que le stylo est apporté et remercié d’un plat sourire pincé. « C’était du très bon travail. » Tout le monde aime les compliments, non ? Téléphone sorti de sa poche, déposé sur le côté ; le miroir s’illumine sur LE nouveau fond d’écran ; et Guillem retourne Armando en pleine face ; manquait plus que lui. Ahem. « Tu me recommandes quelque chose en particulier ? » Stylo trituré un moment, puis son cliquetis ; Guillem doit toujours s’occuper les mains et gribouiller sur un coin du set de table en papier semble certes tout aussi inadéquat, mais apaise. Des petits papillons, d’abord.