Hellevator (daksol)

*dialogues en coréen

Comme à chaque fois qu’je fais une sortie professionnelle, j’suis englouti dans un hoodie immense, capuche relevée et manches tellement longues qu’elles recouvrent complètement mes mains – comme il se doit. J’suis à la bourre, mais j’m’arrête quand même pour un bubble tea. J’ai calculé que je serai pile à l’heure si je trottine jusqu’à l’immeuble, ça vaut le coup. D’toute façon, mon manager me dit jamais rien. Enfin, il essaye toujours d’me faire un sermon que j’interromps d’un cri aléatoire, en général ça fonctionne bien. J’atteins la tour d’mon entreprise, flashe mon badge devant la sécurité et puis là j’remarque les portes de l’ascenseur qui s’referment au ralenti. J’ai pas envie d’en attendre un autre alors j’me mets à courir en tenant mon bubble tea bien droit et je hurle un HOLD THE LIFTTTTT!!!!!! peut-être un rien agressif qui fait s’retourner tous les gens dans l’entrée. Rien à foutre, franchement, du moment qu’j’arrive à me glisser à l’intérieur. J’appuie directement sur le bouton pour refermer les portes, histoire qu’personne d’autre se ramène. J’tiens à mon confort, moi.  

J’sirote un peu de mon bubble tea en jetant un regard suspicieux à l’unique occupant des lieux qui s’rend au même étage que moi. J’le connais pas, j’crois. Faut dire qu’il est tout aussi englouti que moi dans son manteau et qu’il porte un masque, en plus. Mais bon, j’peux pas dire que j’connais franchement tout le monde là-haut, à part Connor et ma team proche, le reste, j’y fais pas trop attention. Ah et les gens du département sponsoring qui m’usent avec leur politique anti-grossièretés, elleux j’les déteste. Heureusement aujourd’hui c’est rendez-vous avec un styliste pour notre nouveau merch, j’devrais pas croiser ces connards. J’sirote encore, et puis l’ascenseur s’arrête brusquement, pas agréablement comme un ascenseur bien éduqué, et les portes s’ouvrent pas, en plus. C’est quoi cette merde encore…* Très calme et patient, j’appuie frénétiquement sur le bouton d’ouverture qui ne prend même pas la peine de réagir. J’sens l’envie de gueuler qui monte petit à petit. Et j’continue d’appuyer comme si ça pouvait servir à quelque chose.

CW: langage vulgaire

J’peux pas dire que j’suis pas habitué aux espaces confinés, j’passe les trois-quarts de mon temps dans ma chambre avec les rideaux fermés depuis plus de dix ans. Mais c’pas pareil, un ascenseur. C’pas confortable, puis y’a littéralement rien pour occuper mon cerveau qui est pas du tout habitué au rien. J’réfléchis pas, dans c’genre de situation, j’réagis à l’instinct et j’m’en prends au bouton d’ouverture des portes comme si ça allait changer quelque chose. Ça change que dalle. J’lance un regard noir à l’occupant des lieux qui s’est rapproché et m’fait part de son savoir comme s’il avait la science infuse. Y’a une tonalité d’téléphone qui s’fait entendre quand il appuie et j’plisse les yeux quand il parle d’instructions. J’cherche un peu et j’tombe sur l’encart avec du texte au-dessus des boutons. J’grimace une seconde et je hurle quand un Hello, how can I help you? s’fait entendre de nulle part. J’mets un temps à capter qu’c’est l’type de l’assistance. Can you please calm down? My name is Steve, I’m here to help. DON’T TELL ME TO CALM DOWN YOU FUCKER I’M BLOCKED IN A FUCKING LIFT!!!!! J’tape mon pied contre les portes et sirote bruyamment mon bubble tea pour reposer mes nerfs tandis que Steve sort un laïus sur les bonnes pratiques pour rester zen dans un ascenseur bloqué, des trucs comme quoi on va pas manquer d’air et on va pas s’écraser. En attendant, on est toujours bloqués.

J’lève les yeux au ciel et j’me retourne vers l’autre individu à bord, et ça m’prend pas deux secondes pour que j’crie à nouveau, comme si j’venais d’apercevoir un fantôme ou une connerie du genre. QU’EST-CE TU FOUS LÀ TOI????? DÉGAGE!!!* Steve est confus par le coréen qui l’interrompt. Moi j’suis confus par l’apparition devant moi au point d’pas réaliser qu’il peut pas vraiment dégager dans le cas présent. Et c’est à c’moment que Steve décide de nous abandonner avec un Someone will be there within an hour. WHAT??? AN HOUR??? COME BACK YOU ASSHOLE!!! Mais Steve a déjà coupé. J’réappuie sur le bouton, mais il s’passe plus rien. J’fixe les portes droit devant moi, prends de grandes bouffées d’air. Peut-être que j’ai mal vu. J’tourne la tête pour lui jeter un autre coup d’œil, et non, c’est bien lui. C’est dαяꝁ hὄᴘε. J’suis enfermé dans un ascenseur avec dαяꝁ hὄᴘε. Y’a un ou deux mois, j’dis pas, j’aurais peut-être été heureux. Là, non. J’sais pas mais mon karma a un temps d’retard. J’me reconcentre sur les portes et appuie ma tête contre, un peu trop violemment, ça fait un boum. Fuuuuuuuuck, j’me lamente parce que j’me suis fait mal, mais j’bouge pas plus.

*dialogues en coréen

Je suis bloqué dans un ascenseur avec Nippleman. Et le mec est relou, en plus, à m’faire la morale, il croit quoi ? Que j’m’imagine vraiment que taper dans les portes d’ascenseur ça les ouvre comme par magie ? J’suis énervé, pas complètement con, merci. Tout va bien dans le meilleur des mondes, quoi. Hae-un va se foutre de ma gueule quand je vais lui raconter ça. Mais pour le moment, j’pense surtout au moyen le plus rapide pour sortir d’ici. Peut-être si j’arrive à glisser mes doigts entre les portes pour les tirer, ça s’fait on est arrêté à un étage et on n’aurait qu’à sortir. J’colle mes phalanges contre l’interstice, le front toujours collé au métal froid, mais ça a l’air trop bien fermé pour que j’puisse tenter quoi que ce soit. Nippleman s’décide à parler de nouveau et j’tourne la tête vers lui pour lui jeter un œil noir en gardant toujours un contact entre les portes et mon crâne. Tant qu’tu restes habillé, j’vais très bien*, j’grogne un peu, en me redressant pour me frotter le front à l’endroit où j’me suis cogné comme un bouffon.  

J’aspire bruyamment le fond de mon bubble tea qui s’avère désespérément vide à part de glaçons et me laisse glisser au sol pour m’y asseoir en tailleur. Si j’dois attendre une heure, autant l’faire le cul par terre, franchement. J’soupire lourdement en m’appuyant contre la paroi de l’ascenseur, fixe mon regard inquisiteur sur lui. Tu devrais pas appeler ton mari ou j’sais pas quoi, plutôt que d’me faire chier avec tes beaux discours ?* J’fronce légèrement le nez, dégoûté d’moi-même en me rappelant le crush tordu que j’avais sur ce type. Et puis tu fous quoi ici, d’abord ?*

*Dialogues en coréen

J’plisse les yeux, un instant, en le fixant d’un air suspicieux. J’sais pas ce qu’il me veut, avec son histoire de clim’. C’est une excuse pour se désaper ou quoi ? On est en hiver, en plus, ça a aucun sens de foutre la climatisation quand on s’les gèle dehors, j’capte pas son soudain besoin d’en parler. Qu’est-ce tu racontes? Garde tes fringues, c’tout*, j’fais, un brin agressif, avant d’m’asseoir par terre. J’me sens un peu mieux, comme ça, j’tape mon cadavre de bubble tea à côté de moi avec un soupir immense. Faut pas poster sa gueule sur argo si tu veux pas qu’on l’connaisse*, j’lâche en retirant la capuche de mon hoodie, secoue la tête comme si ça allait remettre mes cheveux en place correctement – j’en ai un peu rien à faire.

J’grimace, à sa réponse. Urghhh, don’t tell me you’re the fashion designer. C’est logique, au fond, pourquoi il serait dans cet ascenseur en même temps que moi, sinon ? Ça se met beaucoup trop bien pour que ça soit pas le cas, puis il devait sortir au même étage, aussi. Fuck. J’appuie ma tête contre la paroi, la cogne presque, encore, dans mon mouvement trop brusque. Faut vraiment qu’j’arrête de faire ça, j’vais finir avec des bosses partout. S’il s’inquiète et nous sort plus vite de là, j’dis pas non. P’t’être qu’il peut aller voir Steve.* J’me demande si j’devrais prévenir Minnie, mais il travaille sûrement, là, et puis sinon il surveille le p'tit monstre, j'vais pas le faire chier.

*Dialogues en coréen

Y’a une moue d’dégoût qui s’trace sur mes lèvres, j’comprends pas c’qu’il veut dire. Envie d’quoi ?*, j’réplique, les sourcils froncés, les fronce encore plus quand il me dit d’arrêter. Arrêter quoi ? D’me cogner ? Me donne pas des ordres, j’fais pas exprès, okay.* J’ai la fâcheuse tendance à être trop brusque dans mes gestes et mes réactions, j’m’en cache pas (c’est difficile à cacher, de toute façon). C’est pas un truc qu’j’arrive vraiment à contrôler, j’sais pas comment font les gens qui restent calme et délicat en toute situation. Aeji est un peu comme ça, il a tout pris, on dira. Moi je hurle d’abord, j’réfléchis ensuite. Au moins, j’ai pas d’problème d’émotions refoulées.

J’crois pas que Steve veuille encore me causer.* J'hausse les épaules, désinvolte. J’ai déjà essayé de réappuyer sur le bouton une dizaine de fois, j’pense pas que le refaire maintenant va invoquer Steve miraculeusement. J’le suis du regard, tandis qu’il s’assied par terre lui aussi, fixe un rien la crête au sommet d’son crâne, trouve ça mignon et lève les yeux au ciel contre moi-même. Heureusement qu’j’suis plus dans mon délire de crush sur lui, il aurait bien souffert. Il a déjà l’air au bout d’sa vie. Être bloqué dans un ascenseur  ou devoir bosser avec des gens ? Moi aussi, les deux.* J’fouille dans les poches de mon hoodie et en sort deux barres chocolatées, en ouvre une et la cale direct entre mes dents, lui tend l’autre en signe de paix : You want? Normally it’s for my boyfriend but you look like you need chocolate right now.

*Dialogues en coréen

C’est important d’toujours avoir à manger sur soi pour se calmer. J’ai appris ça d’René. C’est vrai que j’ai tout d’suite moins les nerfs quand j’mâchonne du chocolat. Puis j’aime bien toujours avoir un truc pour Minnie sur moi. C’comme les friandises pour les chats, j’en ai toujours aussi. Ouais, j’suis un peu trop à fond dans cette relation. Mais ça fait d’mal à personne, des barres chocolatées. Ça a l’air d’aider dαяꝁ hὄᴘε à retrouver un semblant d’sérénité, en tout cas. J’secoue la tête vivement quand il parle de m’en racheter une autre : Non, c’bon. C’pour compenser ta perte auditive d’quand j’ai gueulé.* J’lui balance un sourire en coin en continuant d’grignoter la mienne. Faut avouer qu’ça a bien résonné entre les quatre parois d’l’ascenseur.

J’hausse un sourcil quand il recommence à causer, par habitude j’lâche un Hm? avec le menton relevé, même si j’sais très bien qu’c’est pour ça qu’tout le monde me trouve agressif. Au moins, on m’fait pas chier. Bon, c’est peut-être excessif quand tout c’qu’il veut demander, c’mon prénom. Ah. Sol. You’re really dαяꝁ hὄᴘε?, j’fais avec mon accent à couper au couteau. Ce serait con qu’ce soit son doppelgänger après mon pétage de plombs. Mon regard s’illumine quand il parle de redbulls, j’tends la main instinctivement. Balance, ça d’vrait m’faire tenir la réunion. T’es pas prêt pour mon manager, il la ferme jamais.* J’fais la grimace en pensant à quel point il va me saouler dès qu’je vais sortir d’ici. L’ascenseur me protège sûrement des quarante appels en absence qu’il est en train d’me passer, en fait. J’sursaute en même temps qu’lui lorsque y’a du bruit de l’autre côté. J’tape du poing contre les portes en réponse. WORK SILENTLY, ASSHOLES. Y’a un rire complètement con qui s’fait entendre, étouffé par la couche de métal, j’suppose. Y’a une infime – microscopique – part de moi qui s’sent soulagé que VV soit juste là, le reste de ma personne pousse le plus long des soupirs exaspérés en levant les yeux au ciel pendant au moins dix secondes. The stupid laugh is my captain. Ignore him.

J’grimace à sa question, écarquille un peu trop les yeux. J’peux pas trop lui balancer qu’j’ai fait une fixette sur lui au point d’le suivre avec dix faux comptes et d’commenter des conneries tous les deux jours sur ses publications, pour finir dans une crise de larmes excessive parce qu’il s’est montré torse nu. Ouais, j’vais peut-être le garder pour moi. On est bloqués dans un ascenseur sans qu’il puisse fuir, j’doute que ça le mette très à l’aise. J’gagne du temps en finissant d’mâchonner ma barre chocolatée, puis j’finis par lancer : Metaworld and argo space, I liked your plushies. Pas d’mensonge, j’ai juste omis beaucoup d’détails. Ce qu’il sait pas peut pas l’faire flipper.
J’attrape la canette et l’ouvre directement pour boire – j’ai soif après l’chocolat. J’plisse les yeux, toise son expression impassible, à sa p’tite pique dite sur un ton très froid. Au bout d’quelques secondes, y’a un demi-sourire en coin qui s’colle sur mes lèvres. You’re funny, j’admets simplement, avant d’me reconcentrer sur mon red bull et l’terminer en deux ou trois gorgées très rapides. L’habitude de s’gaver de boissons énergisantes en tournoi, ça, on développe de sacrées skills.

Mon rire éclate, résonne trop fort dans l’ascenseur à l’écouter écorcher Raging Sunrise. J’espère pour lui qu’y’a personne de chez eux aujourd’hui, iels seraient plutôt vexés. J’tente de calmer mon fou rire, mais y’a des soubresauts qui agitent légèrement mes épaules. Why you’re sorry for, I don’t like them either. Probably be better if the name was really Rainbow Stuff, honestly, j’glousse encore, en l’regardant. I mostly play dating games or cute ones with my boyfriend. He’s a scaredy-cat. J’adore ce mot alors que j’sais même pas le prononcer. Raging is just my job and I’m scaredy-cat too, so I hate it, actually. J’hausse les épaules, désinvolte, c’pas comme si c’était un secret vu comment je hurle à chaque livestream. J’étends mes jambes devant moi pour m’étirer. C’est pas très confortable, un ascenseur, en fait. What you like?

TW: langage vulgaire

We started play Yoshi’s Crafted World last time. He’s bit clumsy so this one’s nice, I can carry him on my back when he struggle. Y’a un p’tit sourire qui s’pose sur mes lèvres, à m’rappeler de notre dernière partie. Minnie est adorable quand il s’agace parce qu’il n’arrive pas à passer un obstacle. Parfois il fait que m’regarder jouer et il s’endort dans le canapé derrière moi. C’est très adorable aussi. J’évite d’le partager, j’crois qu’j’ai déjà donné assez d’détails embarrassants selon les standards d’mon petit ami. J’cligne beaucoup trop à sa question suivante, roule des yeux à réfléchir. J’y pense pas vraiment, au fond. J’déteste Raging, d’voir jouer en VR – c’est mille fois pire – et puis l’concept qui fait qu’les gens cherchent seulement à faire flipper l’plus possible les joueurs pros comme moi, parce que ça les fait marrer. J’déteste les gens, en fait. Et si j’devais m’arrêter à ma haine des gens, j’ferais vraiment pas grand-chose de ma vie. It’s the only thing I’m good at and they pay a lot. J’hausse les épaules, j’ai pas trop de honte à dire que mon seul but, c’est l’fric. J’fais que capitaliser d’puis qu’j’ai commencé à gagner beaucoup plus qu’mes parents à quinze ans. J’claque pratiquement rien d’mes prix ; j’ai des actions, d’la cryptomonnaie et des comptes de rendement dans tous les coins. Ça m’donne un sentiment d’sécurité et puis c’t’important pour moi que j’puisse offrir une belle vie à la personne qu’j’aime.

J’ricane gentiment, à la mention du mari jaloux. J’compatis, franchement. Oh, we have to try Stardew, is it easy gameplay? I’m the jealous one, like in dating games he always gets the guy, it’s sooo annoying. J’fronce un peu le nez, dans une moue boudeuse. Minnie s’moque toujours de moi et ça m’fait râler encore plus. J’suis mauvais perdant, ça aide pas. Disgustingly cute, j’fais avec une grimace de dégoût quand il mentionne son projet de rajouter son mari dans le jeu. J’lâche un soupir et lance un I love it dramatique. Your construct is cool, j’déclare en jetant un coup d’œil désespéré autour d’moi. Plus d’bouffe, plus d’boisson. J’espère qu’ça va pas durer trop longtemps, quand même, ma patience a des très petites limites. Y’a encore du bruit de l’autre côté, j’me redresse un brin, tends l’oreille. You think they try open the door? HURRY UP FUCKING MORONS!!! Y'a l'rire de VV, encore. C'bâtard a sûrement son téléphone dégainé, prêt à filmer ma sortie. ASSHOLE IF I SEE YOUR FUCKING PHONE WHEN I GET OUT, I SWEAR I GONNA MAKE YOU EAT IT!! Evidemment, ça l'fait marrer encore plus, ce con.

J’gueule sur VV à travers les portes, profondément irrité par son rire alors que j’suis enfermé dans moins de quatre mètres carrés avec mon ancien crush obsessif qui va designer notre merch. C’est pas l’moment de s’foutre de moi – c’est jamais l’moment, j’dois avouer, me faut pas grand-chose pour péter un câble, mais là c’est particulièrement pas le moment. J’tape du poing sur la porte en métal, brusquement, avant d’capter que Dak-Ho me d’mande d’arrêter. J’me retourne vers lui, le regard assassin, prêt à lui balancer que j’fais c’que j’veux et qu’personne me dit d’me calmer. Ça s’passe toujours mal, quand on m’dit d’me calmer, ça m’donne toujours envie de hurler deux fois plus. Mais Dak-Ho, il a pas dit ça et j’suis en train de le traumatiser, je crois. J’fronce les sourcils en l’fixant, il a pratiquement disparu dans son hoodie comme une tortue dans sa carapace, et puis il m’envoie son sac comme on filerait son portefeuille à un voyou pour pas s’faire agresser. J’lâche un immense soupir et me laisse retomber au sol, les bras croisés. J’veux pas angoisser quelqu’un qu’a pas spécialement voulu se r’trouver dans cette situation, j’suis pas non plus un bourreau sans cœur. I don’t yell on you, j’fais, m’forçant à causer dix tons plus bas, un peu boudeur quand même. He’s pissing me off. J’remonte la capuche de mon hoodie moi aussi, mais elle est pas aussi grande que la sienne, c’est nul. You look like a turtle.

Y’a mes sourcils qui se froncent à sa réflexion. J’me demande si ça a secrètement un sens profond, décide de pas trop me prendre la tête non plus. J’suis bloqué dans un ascenseur, ça suffit comme ça. Le rire de VV en arrière-plan me fait lever les yeux au ciel et ce que Dak-Ho dit aussi. Bien sûr, que c’est pas grave. Rien n’est grave, avec VV. Tout est grave, avec moi. He likes when I scream. I scream and he giggle. That’s our thing, j’ronchonne un peu. J’connais personne d’aussi bon public que VV pour mes hurlements. Il en est limite au point d’m’applaudir à chaque fois. Mais en même temps, j’le soupçonne de faire ça pour me faire arrêter, du coup j’continue. A cute turtle, j’lance avec un sourire en coin quand il s’observe dans son téléphone.

J’fais la moue, à entendre ses questions. J’ramène mes jambes vers moi pour m’asseoir en tailleur, pose un coude sur mon genou, mon menton sur ma paume, le regard dans le vague à y songer. Hmmm, no. I don’t care if people listen. C’est souvent mieux quand les gens écoutent pas, d’ailleurs, j’dis beaucoup d’la merde quand j’suis énervé. Surtout les gens importants pour moi, les autres, j’m’en tape. You never do that? Scream when you feel under pressure? It’s just my way to release bad feelings. Or good feelings. All feelings. J’ai toujours parlé fort, d’toute façon. L’truc c’est que j’ressens aucune honte quand on s’retourne sur moi dans la rue, au resto, ou n’importe où. J’sais que ça gêne Minnie et j’essaye de m’contrôler, mais c’pas naturel, pour moi. Puis j’aime pas quand on dénigre quelqu'un qui crie en l’traitant d’hystérique. J’comprends qu’on ait envie d’gueuler, parfois, ça fait du bien. It’s more like, when people go to empty places to scream? I just don’t go to empty places.

J’penche la tête sur le côté, j’me souviens pas de chansons où il criait. J’étais pas très enchanté par certaines paroles, mais j’pense que j’m’en rappellerais. J’écoute beaucoup d’gens qui gueulent en musique, quand même, parfois ça m’aide à faire partir toute la colère sans qu’ce soit moi qui hurle. Minnie aime pas trop ça. J’mets de la K-Pop fleur bleue quand il est là – et parce que j’aime ça aussi. J’sais pas trop comment expliquer mieux qu’ça ce qui se passe dans ma tête, mais Dak-Ho a l’air de capter, finalement. J’grimace un sourire quand il partage la manie de chialer de son mari ; il a l’air heureux, en en causant, c’est bien trop adorable. Le nom du chien me fait froncer les sourcils, par contre : Mouton?, j’répète, en l’massacrant sûrement. L’histoire est très mignonne, j’ris un peu. Cute, j’fais, dans un souffle.

J’bouge encore, ramène mes genoux contre moi et les encercle des mes bras. J’commence à m’impatienter sérieusement, j’tente de pas le montrer, pourtant. Y’a mes doigts qui s’agitent, tandis que je hoche la tête à ses mots. I see. I guess it’s good way to calm down. I think, hm–, j’réfléchis, quelques secondes. I have my cats. When I have them with me, I don’t want to scream or hit stuff. Ouais, j’les voudrais tous les trois sur moi là maintenant, pour apaiser mes nerfs pas très solides. I love animals, j’lâche dans un soupir, une petite moue sur les lèvres. J’sais pas comment on peut vouloir leur faire du mal. You prefer music or your artwork to relax?

J’plisse les yeux, à sa manière de m’regarder quand j’cause de mes chats. Peut-être qu’il aime pas les chats, auquel cas j’suis vraiment très heureux d’plus avoir de crush sur lui. C’est encore pire que de s’balader torse nu, franchement. Three. J’fronce des sourcils lorsqu’il annonce en avoir un, me demande s’il a pour but que tous ses animaux aient un nom se terminant par ton. J’imagine que c’est aussi louable que de trouver tous les membres de la famille Addams version félins. Mine are Fester, Itt and Thing, j’énumère avec mon accent très coréen. J’parlais à peine anglais quand j’ai eu les deux premiers, ça m’ferait trop bizarre de corriger la prononciation maintenant.

Good for you, j’acquiesce d’un air inspiré – j’y connais rien à l’art – et fais la moue en entendant un énième bruit derrière les portes qui ne se solde pas par une ouverture. J’pose mon menton sur mes genoux et serre un peu plus mes bras autour de mes jambes. J’veux sortir. J’veux sortir et hurler sur VV, puis rentrer chez moi et appeler Minnie. J’aurais pas dû prendre le redbull. Mon énergie est en train d’crever le plafond par rapport à l’espace beaucoup trop limité, j’ai grave envie de faire du bruit et de cogner la porte encore, mais j’peux pas parce que Dak-Ho, ça l’met mal. J’agite un d’mes pieds pour tenter d’me calmer, ramène mon regard sur lui, perplexe. La réunion, j’l’avais déjà zappée. C’pour ça que j’suis là, pourtant. Probably not. Connor is pain in the ass with meetings. My manager, j’précise dans un soupir. But…, j’commence avec un sourire en coin, ...if you give me permission to scream when we get out, I can make them cancel. Easy, j’me vante, comme si c’était une vraie qualité.

J’acquiesce en hochant la tête, d’un air entendu. C’tout un art, de hurler, et j’sais très bien que personne n’aime me gérer quand j’suis dans cet état. J’aimerais dire que j’en abuse, mais nonante pour cent du temps j’suis vraiment énervé quand j’me mets à gueuler. J’ai pas d’mal non plus à retrouver mes nerfs à vif d’quelques minutes plus tôt. Me suffit d’penser à VV et son rire irritant, à Connor qui va tenter d’jouer au manager modèle alors que j’viens d’passer trois-quarts d’heure dans un ascenseur pas foutu d’fonctionner. Y’a une voix qui sort d’l’interphone, soudain, et j’sursaute tout pareil qu’à première fois. For fuck’s sake, l’exclamation qui m’échappe, moins virulente que la précédente, cela dit.

Les portes semblent bouger légèrement. J’me redresse en même temps que Dak-Ho et me cale bien devant la sortie, en plein centre. J’lui jette un dernier coup d’œil pour m’assurer qu’il a bien son casque, lui lance une moue confiante puis m’reconcentre sur les portes, tapant du pied dessus. Ça va pas assez vite à mon goût. Pourquoi on nous l’annonce si ça s’ouvre pas dans la seconde, hein ? J’aurais même pas b’soin de faire semblant, si ça continue. OPEN THE FUCKING DOORS, ASSHOLES!!! J’commence en guise d’échauffement, l’rire de VV qui m’accueille encore. Il est resté planté là tout c’temps, un vrai idiot. Enfin, les portes s’écartent et j’sors en trombes, fonce sur VV qui a son téléphone en mains et Connor s’interpose, évidemment. I GONNA KILL YOU, I SWEAR!!! Y’a mon manager qui essaye de bredouiller des excuses à Dak-Ho tout en me disant d’me calmer, que je n’dois pas gâcher l’opportunité de l’équipe de travailler avec un styliste de talent, et autres compliments à son intention pour le garder là. I CALM DOWN WHEN YOU MORONS FUCKING MAKE ELEVATORS WORK IN THIS FUCKING BUILDING, YEAH??? D’autres protestations et j’continue de gueuler, encore et encore – aucun problème, mes cordes vocales sont très entraînées –, jusqu’à ce que j’contaste du coin d’l’œil que l’assistante de Connor a pris Dak-Ho à part pour s’excuser et probablement lui d’mander pour reporter tout l’plan à un autre jour, vu qu’l’heure de la réunion est déjà bien entamée, d’toute façon.