if we're not supposed to dance, why all this music ? (less#3)

L’hiver est une terrible chose ; New Blossom n’est pas bien différente d’une autre ville. Mon corps me rappelle à quel point j’ai échoué à le maintenir en forme au fil des années lorsque la neige recouvre les rues et que le froid s’installe. Si les douleurs sont des tourments constants dans ma vie, l’hiver ne fait qu’accentuer leur présence. Une telle chose me donne cette impression dérangeante d’être un intrus dans mon propre corps, une bête qui n’y a pas sa place. On essaie de m’en dégager ; de m’en faire partir. Il s’agit pourtant de la seule demeure que je possède encore. Qu’importe si Leonor m’a légué cette demeure, cette boutique et ces logements ; je ne m’y sens pas chez moi.
Qu’est-ce qu’une demeure, de toute manière ? Certains diraient qu’il s’agit des gens que l’on aime. Je n’en suis pas certain. Je ne vois pas l'intérêt, encore, de m’attacher à des gens pouvant me décevoir éventuellement. La déception est une chose qui va de paire avec les gens. Ils ne savent pas faire mieux que cela.
Ils déçoivent, encore et encore, et s’indignent par la suite.
Je préfère ne me faire aucune attente. Les seules qui prennent place dans mon esprit sont envers ma propre personne ; douce ironie.
La déception est encore présente.
Il y a eu du vent, cette nuit, je suppose. La chose est peu surprenante vu les couloirs de vent que l’on trouve dans le secteur. Malgré tout, ma chute m’a surpris, dans la rue. La douleur me traversant le genou, un peu moins. Heureusement, le sac contenant mes achats est intact. Il serait fort dommage que la nourriture de Miss en paie le prix.
Prendre les escaliers jusqu’à mon logement est une terrible tâche. Heureusement, ni Charlie ni Link n’entendent la difficulté que je vis à faire une chose si simple. Ma jambe est dans un état horrible ; porter un legging l’hiver est une idée idiote, je suppose. Qu’importe ; il ira à la poubelle vu la manière dont il  a été malmené par la chute, les petites roches et ma bêtise.
Lorsque j’ouvre la porte du logement, les miaulements de Miss m’accueillent. Je tâche d’étouffer ma grimace ; comme ma jambe - mon genou, précisément - ma main n’a pas bien survécu à la chute. Tenter d’y prendre appui était une terrible erreur, je suppose.
- Laisse moi quelques minutes, Miss. Ton repas arrive. Que je dicte à l’animal, serrant les dents tandis que je défais les boutons de mon manteau. Heureusement, celui-ci est sombre. Je n’y mets aucune trace de sang. Je suis désolé pour l'attente. Heureusement, la pharmacie est fermée aujourd’hui. Je ne m’aurais pas vu expliquer mon état à Keane aujourd’hui. Avec un peu de crème, le tout passera rapidement.
Le manteau posé sur le crochet, il me fait me pencher pour retirer mes bottes. La première tentative se finit dans un geste à peine entamé et un éclat de douleur traversant ma jambe. Ma chance est maigre ; évidemment que je suis tombé sur cette jambe déjà maudite. L’idée de faire des traces dans l’appartement me dérange particulièrement, mais je dois bien m’avouer vaincu ; quelques pas hésitants sont faits, et je m’assois sur l’une des chaises de la cuisine, lourde grimace sur les lèvres. Même une chose si simple est douloureuse.
Dans un soupir, je frotte les traits rougis par le froid de mon visage, me permettant une courte pause avant de retirer ces maudites bottes.
- Je sais, Miss. Quelques minutes. que je dis encore au chat, le ton épuisé.

La douleur est présente mais supportable ; de toute manière, elle est un vestige de ma propre maladresse et une chose méritée. Il aurait fallu faire plus attention dans la rue. Après tout, la glace est présente depuis des semaines maintenant, et mes jambes ne sont plus ce qu’elles étaient. Mon corps m’abandonne. Il ne fait plus ce que je lui demande de faire. La chose se ressent un peu plus chaque mois, avec les saisons et les intempéries de la nature. Il faudrait déménager dans un pays plus chaud, certainement. En aurais-je les moyens lorsque le magasin sera vendu ? Je ne saurais dire. De toute manière, l’idée de le vendre perd de sa fermeté dans mon esprit. Je suppose que m’attacher moindrement aux occupants des logements et à mon employé n’est pas une bonne idée. Il me faudra maintenir une certaine distance dans les prochaines semaines pour ne pas céder à un caprice qui n’est pas à mon avantage. Garder cette boutique serait me tirer une balle dans le pied. Et en toute franchise, je ne désire pas blesser davantage le corps que je possède.
Mon corps se tend lorsque Miss saute sur mes genoux. Si la bête semble faire attention, ma blessure n’est pas visible sous mes vêtements. Je grimace sous le poids de ses coussinets contre la peau fragilisée par ma chute.
- Miss, pas maintenant, que je dicte, les dents serrées. Je l’attrape par dessous et tente de la déposer le plus doucement possible au sol avant de m’occuper de mes bottes, de nouveau. La chose prend un peu de temps, mais j’y parviens malgré tout. Un soupir traverse mes lèvres lorsque la chose est faite et je fixe le vide quelques secondes, avant d’entreprendre de retirer mon pantalon. Autant m’occuper de la chose maintenant.
Je peine à me redresser pour permettre à mon legging de descendre entièrement. Serré comme il est, la blessure est malmenée par une pareille opération. Le vêtement est abandonné au sol tandis que j’observe l’état de mon genou et par la même occasion, de mon tibias.
Par endroit, le sang a séché. Par ailleurs, des bouts de roches sont encore dans la peau.
- Quel horreur, que je dicte, avant de soupirer de nouveau. Il me faut aller dans la salle de bain pour m’occuper de la chose. Bien évidemment, celle-ci est au second étage. Je déteste la manière dont ces logements sont faits. Mon regard coule vers Miss, toujours si attentive. Je te nourris, oui Autant le faire maintenant. De toute manière, je doute d'être apte à monter les escaliers rapidement et par la suite, les descendre. Il me faudra certainement m’allonger. Alors, garder ma jambe tendue et avancer d’une manière fortement pathétique, je me rends au frigo pour sortir sa nourriture. Miss est une princesse, elle demande des aliments bien précis ; sinon, elle ne mange pas. La chose m’a profondément dérangée au début et trouver un repas lui plaisant a été une tâche très compliquée. Sur le comptoir, son bol propre attend la nourriture. J’y dépose la quantité précise avant d’ouvrir le bol à Miss, non sans grimacer. Me pencher jusqu’au sol est compliqué.
- Et voilà que je lui dis, bien sérieux. Maintenant, il faut trouver l’énergie pour les escaliers.

La douleur est une vieille amie, maintenant. Malgré tout, elle ne cesse de me surprendre ou du moins, de vouloir le faire. La chose est particulièrement dérangeante. Je n'ai pas le besoin de savoir de quelle manière je peux souffrir, encore. Elle ne me donne pas le choix, pourtant. La souffrance possède bien des visages et elle est déterminée à me les faire découvrir. Une idée puérile, vraiment. Je me garde d’y porter attention et rassemble le courage pour entreprendre la montée de ces escaliers lorsqu’un bruit résonne dans celles-ci.
Il me faut quelques secondes pour que je comprenne ce qui est en train de se passer. Comprendre l’information ne la rend pas logique. Bien au contraire.
Chancelant jusqu’à l’escalier, j’observe Miss qui tire de toutes ses forces un sac.
- Miss ? Prononcer le nom de ma chatte n’apportera certainement aucune réponse. Je me sens particulièrement perdu. Dérangé, je porte une main à ma tête et cherche, au travers de mes boucles, une trace de sang. Je me suis cogné la tête que je dicte bien que mes doigts soient encore secs. C’est bien la seule explication. Aucun chat ne ferait une telle chose.
Le sac, comme Miss, arrive en bas des escaliers. Elle miaule et je les observe un moment, sans faire quoique ce soit.
Les chats ne peuvent pas comprendre la douleur humaine. Les gens non plus, d’ailleurs.
- Ce n’est pas normal Le dire à voix-haute ne m’apporte aucune réponse. Voilà qui est bien dérangeant. Tu es un chat. Ce n’est pas normal. Que je répète malgré tout. J’ai besoin de le dire à haute voix.
Ou alors, suis-je mal éduqué sur les félins ? De longues recherches ont été faites lorsque j’ai abdiqué et choisi de garder l’animal, pourtant.
D’un geste méfiant, je m’empare du sac en dévisageant la bête du coin de l’oeil.
- Je t’emmène chez le vétérinaire plus tard Voilà un choix raisonnable. Je me demande un instant s’il s’agit réellement de Miss, et mes sourcils se froncent. Mon attention revient sur la bête qui roucoule. Je plisse les yeux avant de soupirer. La douleur n’a toujours pas quitté ma jambe. Je m’occuperais de ce mystère plus tard ; il vaut mieux soigner la plaie. D’un pas lent, je retourne à la chaise et m’assoit difficilement - pour ne pas dire que je m’y laisse tomber - avant d’ouvrir le sac et d’en évaluer le contenu. Les produits sont nombreux.
- Si seulement Keane était là Il saurait comment nettoyer ma blessure à la perfection.

tw : blessure, sang
La grimace ne quitte pas les lèvres tandis que j’essaie de nettoyer la plaie. Il faut dire que la présence invasive de Miss n’aide aucunement à la chose. Elle n’est pas si affectueuse, normalement. Du moins, elle ne réclame pas autant de proximité. S’est-il passé quelque chose ? D’un geste léger, je l’éloigne une énième fois avant de soupirer, jetant la compresse déjà bien rouge pour en comprendre une autre.
- Je n’ai pas de temps pour toi actuellement, Miss Tigri. Peut-être que dire son nom en entier lui fera comprendre. Je lui offre un regard avant de retourner à mon nettoyage. Quelques secondes se passent avant qu’elle ne m'envahisse de nouveau. Miss que je fais, un soupir au bord des lèvres. Tu ne peux pas aider, tu es un chat ; Parler autant à un félin est un embarras. J’ai bien conscience de la chose. Malgré tout, je ne peux pas m’empêcher de le faire.
Lui offrant un autre regard, je la fixe quelques secondes avant de lui caresser la tête.
- Tout va bien que je lui dicte, mensonge effronté. Qu’importe, ce n’est qu’un chat. Va jouer avec ta souris Un signe de main pour lui indiquer de s’éloigner. Je ne peux pas faire mieux, de toute manière, vu ma position. La compresse de nouveau pleine de sang, je m’en défais et en prends une nouvelle. merde, grimace avec l’exclamation. Il y a quelques cailloux dans l’une des plaies. Soufflant, je regarde dans la trousse pour y trouver une paire de pince pour les extirper de là.

tw : mention de trouble alimentaire
La souffrance est tolérable. Elle n’a pas le choix de l’être ; trop longtemps ressentie, je m’y suis habitué. Elle est là, vieille amie, une part de ma personne. Le fait qu’elle soit non seulement dans ma jambe mais aussi dans ma tête cette fois-ci n’est pas bien différent. Il n’est pas rare, de toute manière, que ma tête me fasse mal. Bien que je fasse particulièrement attention, il m’arrive encore de ne pas manger suffisamment certains jours. Je tâche de faire attention ; pour ne pas me sentir faible, du moins. Pour donner à mon corps ce qu’il réclame sans dépasser les limites. Un équilibre constant, toujours.
J’ai la tête qui tangue comme une mauvaise journée sans repas. La sensation est familière bien que je tâche de ne pas en faire une habitude.
Fouillant à l’intérieur de la trousse, je dois fermer les yeux quelques secondes pour bien me concentrer. Je les ouvre quand un bruit étrange résonne et que la voix de Keane se fait entendre. Interdit, je tourne les yeux vers lui sans comprendre. Miss a disparu.
- Que fais-tu là ? que je lui demande aussitôt. Mes yeux cherchent Miss et retombent sur lui. Keane Je prononce son nom comme un avertissement, mais l’Assistant ne porte pas attention à mes mots. Il réagit comme s’il était là depuis de longues minutes et la chose est particulièrement illogique. Sa mélodie est si vive et agitée que ses préoccupations peuvent se lire comme un livre ouvert. Il a conscience de tout. Et moi, de rien. Où est Miss que je demande. Il y a une cohérence entre les deux mais je ne la vois pas encore. Je ne veux pas la voir, plutôt.
Une grimace traverse mes traits en sentant ses doigts contre ma plaie. Je pose ma main contre la sienne pour l’arrêter.
- Plus doucement ; souffrance connue ou non, elle n’est pas agréable. D’un geste fatigué, je frotte mes traits et appuie mon dos contre le banc. Les yeux fermés, je dis ce qui me parait impossible et logique, pourtant : Tu es le chat, Keane ? Une pause. Mes yeux s’ouvrent et se posent sur lui. Ou Miss ? Leonor le savait-iel ? J’ai l’impression que oui. Je pourrais presque entendre son rire. Une bonne blague, oui.

Les paroles ont beau quitter mes lèvres, je ne veux pas les croire. Le fait que Keane soit Miss me semble particulièrement impossible. Malgré tout, les faits sont présents sous mes yeux. Le chat n’est plus là et l’Assistant est apparu. Les faits ne peuvent pas mentir. Mais lui, si ? Comment a-t-il pu me mentir tout ce temps ? A-t-il pris du plaisir à jouer de la sorte avec moi ? Il n’y a rien d’amusant à agir de la sorte. Je ne suis certes pas la personne la plus sentimentale qu’il existe, loin de là d’ailleurs, mais je possède quand même des sentiments. Jouer de la sorte avec ma confiance n’est pas juste.
La migraine qui me malmène le crane depuis de nombreuses minutes ne cherche qu’à augmenter et la révélation de cette vérité si cruelle est une épine sous mon pied qui blesse autant que ma jambe. Je ne sais pas quoi penser. Toute logique cherche à s’échapper et je n’apprécie en rien la situation. Il devrait pourtant y voir une raison logique. Une réaction sensée à voir. Tout m’échappe, pourtant. Keane est un être cruel qui, depuis quelques mois, me force à vivre de nouvelles émotions que je ne cherche pas à découvrir. Le fait qu’il ait agi de la sorte est une trahison profonde qui me chagrine autant qu’elle me sort de mes gongs.
Je ne comprends simplement pas.
Il me faut un moment pour réagir, pour sortir de mes pensées. Aucune organisation y est fait ; je n’ai toujours pas trouvé d’explications. Ses doigts sur mon front sont froids et je fais un bref mouvement de recul pour m’en défaire. Je n’aime pas le toucher des autres. Le sien passe, normalement. Maintenant, je ne saurais dire.
Je l’observe encore sans un mot, le regard cherchant encore une explication.
Il n’y a rien.
Il prétend disparaître une fois les choses terminées.
Soit, qu’il en soit ainsi.
- Va t’en, que je réponds alors. Aucune réponse ne me vient et son départ changera les choses. J’aurais le temps de réfléchir par la suite. Présentement, je ne comprends rien et j’ai besoin d’être seul. D’être entouré de choses que je contrôle. Je pensais avoir l’aspect Keane et Miss sous contrôle. Il s’avère que j’avais tort.
La douleur de mon genou est ignorée. Je l’observe la nettoyer et sait que les dégâts sont ailleurs. Ma plaie n’est rien comparée à la bombe qui a éclaté dans ma tête. Il y a tant de ménages à faire. Je ne sais pas par où commencer. Je reste figé.
- Non., que je réponds, à propos de ma tête. Ma tête ne va pas bien, mais ce n’est pas à cause du coup. J’observe Keane et me demande s’il s’agit de son prénom. Tu as fini ? Pars. que je dicte, encore. Avec lui ici, je ne peux pas réfléchir. J’ai besoin de comprendre. J’ai besoin de temps.
Ma confiance a été trahie par deux fois. Et ce, par la même personne.
Une ironie moqueuse.
- Je n’ai pas envie de te voir présentement. Vas t’en. que je prononce, sans savoir qu’il disparaîtra pendant très longtemps.