blood in the cut

L'appel n'aura duré que quelques secondes, se suffisant à lui-même : Arcelia a besoin de soins ; ce que Nyx aura traduit en soutien. En avait t-elle refusé délibérément en son absence ? Nimfa savait que les contacts n'étaient pas ce que préférait son amie de cœur, si bien qu'elle l'imaginait bien mal se laisser ausculter par qui que ce soit. Ne voulant pas provoquer le hasard pour qu'il devienne destin cette fois-là, elle s'était contentée de lui envoyer un message en lui demandant si tout allait bien, ce que Lia aurait eu vite fait d'occulter, peut-être, surtout par message interposés. Le fait que leur employeur commun admette qu'il faille qu'elles se rabibochent en ce jour avait un goût d'étrange amertume dans la bouche de la tatoueuse-soigneuse : elle n'appréciait pas qu'on lui dise quoi faire, qui plus est lorsque ses propres émotions étaient enchevêtrées à ladite situation. Cet appel, arrivé après son message, lui donne l'air de n'être qu'un tigre de papier, dans sa définition détournée : Nimfa ne voulait pas être teintée d'une fausseté dont elle n'avait jusque là jamais vraiment été imprégnée. Le jeu d'Icarus dans les coulisses ressemblait presque à un scénario bien rôdé, où l'on pousserait la soigneuse dans les bras de Valkyrie II ; ce qui ne devrait pas les déranger, puisqu'elles sont liées comme deux étoiles d'une même constellation, mais encore une fois, les formes et les concours de circonstances n'étaient pas agréables à éprouver.

Avant de se rendre à l'Aerium par taxi volant - ce qui lui laisse entendre qu'il faudrait qu'elle passe le permis volant, pour ne plus dépendre de cette logistique frustrante - Nimfa s'est appliquée à récupérer quelques petites choses qui, elle l'espère, sauront mettre un peu de baume au cœur à Arcelia. Le cas contraire ne serait pas mal prit, et quitte à l'envisager, la tatoueuse savait qu'elle le tournerait à la rigolade, la légèreté ayant un pouvoir insoupçonné pour désamorcer les situations.

Sac serré contre son dorsal, le platine de ses cheveux s'alliant avec l'ambiance céleste du quartier, Nim passe les sécurités pour pouvoir s'engouffrer dans les entrailles de sa villa et puis, arrivée sur le perron, se fait accueillir par Lia et Bagheera, qu'elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de voir pour de vrai jusque là. A l'affection quiète qui déborde du regard de la philippine en posant son regard sur sa moitié d'âme, oserait-elle penser, il y a trop de choses qui s'emmêlent. L'envie d'aller papouiller la panthère, d'en faire autant auprès de l'amie cassée, et peut-être lui sortir tout ce qu'elle avait ramené de son sac (qu'on s'imaginait sans mal sortir d'un créateur côté de Neo Arcadia).

"Enfin. J’ai l’impression de ne pas t’avoir vue depuis une éternité. Tu as besoin qu’Icarus te mande pour venir prendre des nouvelles de ton amie cassée ?" Une petite moue, la tête un peu penchée, alors qu'elle laisse glisser doucement ses doigts de sa main, remonte un peu son poignet en se rapprochant, n'appuyant pas son geste, ne sachant pas encore où exactement souffrait Lia. La proximité aidante, Nyx lui souffle, ses émotions réservées en kaléidoscope pour ces aveux : "J'aime pas quand ils font ça, je te jure." Si elles sont très certainement sur écoute, Nimfa n'en a cure. Que cela se lise sur son visage ou dans ses mots, le résultat était empreint de la même énergie. "Si je pouvais, j'habiterais chez toi, tu le sais. Imagine, tes petits soins personnalisés jusqu'à pas d'heure ?" Une petite moue chipie, alors qu'elle aide à refermer la porte dans son dos.

Cela fait, elle lui laisse un peu d'espace, rien qu'un peu, ne laissant la place qu'à ce dont Lia avait vraiment besoin : comme d'habitude, Nimfa s'adapterait, la bouche en cœur. "Je suis une mauvaise personne, tu crois ?" lui demande t-elle, le premier degré étant bien loin d'effleurer le nerf de la question - Nyx sent, sait que si la mutante lui avait fait ces remarques, ce n'était guère pour l'en blâmer, mais plutôt pour lui dire que sa compagnie est un trésor qui ne tarit jamais.

La tatoueuse laisse son regard glisser vers le magnifique animal posté là, près d'elles, dans une quiétude qui la surprenait, pour celle qu'elle s'imaginait sauvage. "Elle est magnifique," elle l'avait vu en photo, mais cela n'avait rien à voir avec la réalité. Cela semblait invraisemblable, donnant un goût d'irréel à la situation qu'elles savent banale. Un petit jeu d'yeux avec Lia, à qui elle demande, son enfant intérieur trépignant sans vraiment trop s'épancher pourtant : "Elle se laisserait toucher par les étrangers comme moi, tu crois ?" A vrai dire, elle avait toujours été entourée de chats, leur présence enveloppait son cœur et son âme de coton. Les animaux ont un langage que Nim comprend, pense t-elle, car beaucoup de choses passent par le corps et l'instinct : et c'est précisément son champ applicatif, voire d'expertise.  

@arcelia serna

Je peux comprendre. Mais moi j'aime bien, ça te force à venir me voir régulièrement. La moue devient une légère grimace, de préférence un brin théâtrale, parce qu'elle n'a pas d'autre choix que de lui donner raison : il est vrai que cela donne prétexte à, mais il ne faudrait pas que cela devienne une habitude pour Lia de s'esquinter pour pouvoir l'avoir auprès d'elle. En vérité, il ne suffisait que de quelques mots sur un écran pour qu'elle n'accoure, faute de mieux. Son esprit était vif, à Nim, il ne s'arrêtait pas aux contours d'une chair, de son shop ou même d'une ville ; pourtant, il n'y avait pas un jour où elle regrettait d'être restée là, car à chaque fois, son point de chute rimait avec Arcelia. "Tu me supporterais pas au quotidien ! — Je te renvoie le compliment, t'en aurais marre de m'entendre ronfler." ricane t-elle en retour. Parce que ça lui arrive, oui, Nimfa l'admet aussi facilement et sans en être gênée, parce qu'elle sait très bien que l'être en face a suffisamment de valeur pour accueillir elle aussi quelques secrets qui n'en sont pas.

Aussi, lorsqu'elle lui demande naïvement si elle est une mauvaise personne, la réponse reçue est d'une honnêteté implacable. Le sourire lui est rendu naturellement, ne souhaitant pas pour autant piétiner cette image qu'elle pourrait avoir. Nimfa ne se considère pas parfaite, ni même chic, sauf peut-être lorsqu'elle revêt ses atours les plus chers payés, mais ça, c'était du premier degré. Le sujet est de toute façon balayé assez vite étant donné que son attention s'est déportée sur Bagheera et son crin d'argent.

"Merci, c’est un cadeau non désiré de la part de Siren et Hypérion. J’ai voulu la rendre, évidemment, ce n’est pas la place pour une panthère des neiges, ici. Mais… eh bien, elle n’a pas eu envie de repartir. — Oh... on va pas la vexer alors." c'est qu'il serait mal venu de vexer un félin de cette taille, quant bien même les panthères des neiges étaient connues pour ne pas être agressives. Il y avait au contraire quelque chose d'assez sage qui se dégageait de l'animal, comme s'il en savait davantage sur le monde et pourquoi il tournait aussi mal. "Tu peux toujours essayer. Elle ne croque que les méchants. Et oui, elle est aussi duveteuse qu’elle en a l’air. Tu veux boire ou grignoter quelque chose ?" Le challenge était accepté, comme tout ceux qui pouvaient courir sa vie de manière générale, si peu qu'elle se sente en phase avec. A sa question, elle lève le nez dans sa direction, ôtant une anse de son sac à dos. "J'ai ramené des petites choses pour toi dans mon sac, pour le premier il faut le mettre au frais, j'ai pas confiance dans l'isotherme de celui-là," l'on pouvait devenir mutant, altéré, mais en ce qui concernait les imprimantes et l'isotherme des sacs à dos, ça laissait toujours à désirer. "T'auras le droit de me mettre des -1 pour cette idée... j'avais des envies de fraises. Pour toi... nous." alors elle est passée à la boulangerie française qui coûte un rein, enfin ; plutôt un rein à quelqu'un qui viendrait de l'Underapple, à dire vrai.

Elle sort délicatement le cartonné carré, renfermant un fraisier impeccablement monté.

"Je m'essaierai à lui faire des câlins après. Tu passes en premier !" décide t-elle, le menton levé, crapahutant jusqu'à la cuisine, aux côtés d'Arcelia et suivies par la panthère. Avant de glisser le gâteau au réfrigérateur, elle lui montre tout de même la pâtisserie, au moins agréable pour l'œil, faute de savoir comment cela pouvait goûter. "En attendant, je me laisse offrir tout ce que tu veux. Ensuite, on ira faire un tour du propriétaire pour voir comment je peux te soulager. Deal ?" Car elle n'avait pas perdu de vue qu'elle souffrait, même si Arcelia était un roc qu'on ne soupçonnait pas.

@arcelia serna

Son il ne fallait pas tombe dans l'oreille d'une sourde, qui n'en fait forcément qu'à sa tête : Nimfa avait cette habitude de vouloir partager à ceux qu'elle appréciait, aimait. Accumuler richesses et honneurs ne valaient rien s'ils étaient cernés par le soi, c'est en tout cas la façon dont la désormais réputée Nyx concevait la chose. "Oh, elle ne va pas bouger, elle reste constamment sur mes talons. J’ai l’impression d’avoir éveillé un autre versant de ma mutation en la côtoyant. Il y avait des pingouins, aussi, qui m’aimaient bien, mais là j’ai baissé les bras, je ne suis pas une ménagerie. — Des pingouins ?!" s'exclame t-elle presque ; était-ce encore un cadeau de Siren et Hyperion ? Qu'est-ce qui avait pu donc justifier que toute une ménagerie finisse ici ? Toujours est-il que cela paraissait tout à fait légitime qu'elle ne les ait pas adopté eux aussi, elle se serait même demandé quel scénario rédigé à la main par Icarus aurait justifié que Valkyrie II se pavane avec pingouins à sa suite. Ne jamais les sous-estimer en terme de magouilles bien ficelées, aussi elle préférait ne pas imaginer ce qui aurait été décidé à ce niveau. Les rouages de la corporation étaient parfois risibles, quand ils n'inspiraient pas la crainte à ceux qui étaient garants de leurs secrets.

Lorsqu'elle lui dévoile son petit cadeau, l'effet semble être quasi-immédiat, le grondement d'estomac se suffisant à lui-même - et provoquant un léger rire de la part de la philippine.  "Oh, c’est incroyable, mais c’est pas du tout la saison des fraises ? Tu as dû payer une blinde, t’as qu’à faire passer ça en note de frais, va. Pour prendre soin de ta Sept préférée. — C'est pas l'argent qui manque, mais je pense qu'ils en manqueront moins si je passe ça en note de frais, comme tu dis. Lia m'a exigé un fraisier, sinon elle ne voulait pas se faire bichonner !" Retourner la situation en leur faveur, c'était l'une des rares choses qu'elles pouvaient vraiment se permettre en réalité, face à un géant tel que celui-ci. "Moi je vais m’ouvrir une bouteille de vin mais tu veux certainement autre chose ? Dis-moi ce qui te ferait plaisir. Et je n’ai pas grand-chose, tu ne devrais pas avoir de mal à me rafistoler. La mission était filmée et… j’ai surtout eu l’impression qu’on me demandait de jouer dans un foutu film. J’ai une côté un peu abîmée, des hématomes et j’ai repris un sale coup sur mes doigts déjà pas très bien remis. Mais globalement, c’est comme si les figurants avaient retenus leurs coups. — Ah, pour changer..." soupire t-elle du nez doucement, quelque peu blasée de ces mises en scènes qui coûtaient la santé d'Arcelia, un peu plus chaque fois. Icarus avait beau lui remplir les poches, faire de son profil quelque chose de quasi-mythique à panser les plaies des Sept, Nyx était aussi consciente de la réalité des choses et ne pouvait s'empêcher de trouver certains travers réellement problématiques. A tel point que la triste et inquiétante pensée lui soit déjà venue, à se demander si une mort d'un de ces héros, si elle devait arriver un jour, ne serait pas elle aussi calculée pour doser leur apothéose scénaristique.

La jeune femme range le fraisier au frigo après l'avoir couvert, répond enfin à son amie de cœur. "Tout ce qui te ferait plaisir me fera plaisir aussi. Tu sais que je suis pas difficile." Il est vrai qu'à part de rares aliments qu'elle ne pouvait pas vraiment voir en peinture, ce n'était pas le genre de personne à trier les tomates ou cornichons de son burger. "Je te laisse choisir, je vais préparer les verres." qu'elle lui annonce en s'étonnant elle-même de savoir où ces derniers étaient rangés. Cette villa était si grande qu'il aurait fallu un ou une domestique pour pouvoir cartographier tout ce qui pouvait s'y trouver... si Lia était capable de s'en rappeler elle aussi, elle en serait presque bluffée, alors qu'elle habitait littéralement là. "J'ouvre la bouteille aussi, tant qu'à faire ! Laisse." qu'elle annonce, galopant à temps pour aller récupérer la trouvaille d'Arcelia. Plus que pour préserver ses petits bobos, elle voulait qu'elle se sente soulagée de par sa présence - Nim était encore loin de s'imaginer à quel point elle n'avait pas besoin d'en faire tant.

"On va voir si mes dernières tractions ont porté leur fruit..." glisse t-elle en s'armant du tire-bouchon pour pouvoir œuvrer. Plus à l'aise avec un volant ou une aiguille pulsée qu'avec ça au demeurant, en témoigne la moue grimaçante, mais tout à fait attendrissante, qui froisse un peu ses traits lorsqu'elle s'affaire à creuser le liège du bouchon. En se préparant à l'opération finale, c'est à dire à tirer, elle se met à rigoler comme une enfant. "Si c'était un test pour que je puisse avoir le droit de me marier avec toi, j'aurais grave foiré," qu'elle lance en riant, renifle un coup et parvient enfin à se concentrer un tant soit peu pour pouvoir délivrer le bouchon de la bouteille dans un poc tout à fait caractéristique. Hume un peu à son bout, tend le goulot à Arcelia pour qu'elle renifle à son tour : "Il a l'air giga bon quand même !" ce n'était pas une fine connaisseuse, mais si ça sentait bon, on était rarement déçu par la marchandise.

@arcelia serna