You sound like a friend ;; Gideon

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@Maddox Threepwood et @Gideon Glassmann

Le temps filait, comme une fusée en plein vol. Gideon le réalisait un peu plus à chaque jour, en voyant sa nièce grandir, s'épanouir, et trouver son bonheur sans lui. Il mentirait s'il affirmait l'avoir regardée partir, après leur séance cinéma, sans un pincement au cœur.

L'homme se rappelait encore de la petite fille qui lui sautait dans les bras et qui refaisait avec lui de A à Z les films qu'ils avaient pu voir ensemble, pour le simple plaisir de s'entendre parler et de savoir écoutée. Et Gideon ne manquait jamais un seul mot, une seule expression, ayant fait de la demoiselle son univers, le soleil autour de laquelle la planète qu'il était tournait encore et encore.

Mais elle grandissait. La gamine devenait adulte. Et, avec ça, venait le désir de s'émanciper, de mener sa propre vie. Et, comme la mère dans ce dessin animé (stupide, bien sûr, il n'avait pas du tout pleuré en le regardant) où les personnages se transforment en Panda roux, Gideon essayait de faire bonne figure devant sa grande, trop grande nièce. "The farther you go the prouder I'll be", c'était ce que le personnage avait dit à sa fille, et le sentiment que Gideon éprouvait, sans parvenir à le prononcer à voix haute.

En attendant, Matilda était partie, et lui... lui était tout seul. Enfin, non. La présence de Maddox se rappela soudainement à lui, le tirant de ses pensées, et ses premières paroles lui tirèrent un grognement en guise de réponse. Abandonné, c'était bien le mot, mais Gideon ne voulait pas penser de la sorte. Elle avait beau être sa petite nièce adorée, la jeune fille n'en restait pas moins sa propre personne, et Gideon n'avait pas le droit de couper ses ailes.

Maddox lui suggéra de passer un peu plus de temps ensemble, en-dehors de ce cinéma au sein duquel Gideon n'avait définitivement pas eu la larme à l’œil, et l'homme naturellement grognon ne trouva rien à y redire. Peut-être que cela lui permettrait d'oublier un peu ce pincement permanent, qu'il ne pouvait s'empêcher d'avoir dès lors que Matilda lui prouvait qu'elle n'était plus une enfant.

"Okay pour la deuxième option. Je connais un endroit sympa dans le coin pour commander."

Il fit mine de ne pas voir que Maddox prenait soin de sa ratte, parce que Gideon ne pouvait s'empêcher de trouver cela adorable. Il adorait la petite bête, les bestioles poilues étaient son talon d'Achille définitif. Et la dernière chose qu'il voulait, actuellement, c'était de se mettre à couiner devant celui qu'il était venu à considérer comme un bon ami.

Il fit signe à l'homme de le suivre, mains dans les poches, sourcils perpétuellement froncés. Normalement, ils auraient dû partager ce moment à trois, mais Gideon ne voulait pas blâmer Matilda, qui avait tout à fait le droit de passer du temps avec ses amis, et encore moins Maddox, qui n'était absolument pas responsable de la situation. Il se contenta donc de serrer ses poings cachés, évacuant sa frustration comme il le pouvait.

Ce n'était pas innocemment que Gideon avait pris la tête de leur duo jusqu'à cet établissement : il connaissait l'endroit et les produits comme sa poche, et il n'avait donc pas à s'évertuer à déchiffrer des mots dont la signification l'éludait. Après tout ce temps, Gideon avait appris à se débrouiller avec ses limitations.

Leur commande récupérée, les voilà désormais posés à l'extérieur, Gideon se laissant tomber sur le banc de leur choix, sac de gourmandises et café en main. Ses yeux se levèrent vers le ciel sombre, la nuit tombée peu de temps avant leur sortie du cinéma, ses pensées s'égarant malgré lui hors de ses lèvres :

"Ca fait quoi, une gamine de 18 piges, à cette heure de la journée, hein ?"

Lui-même avait eu une adolescence loin d'être ordinaire, principalement occupée par le Fight Club, éloigné de tout et tout le monde. Il n'avait pas la moindre idée de ce que Matilda pouvait bien faire avec ses amis. Ce n'était pas une expérience qu'il avait connu. Est-ce qu'il devrait lui demander ? Ou est-ce qu'elle trouverait ça indiscret ? Les ados, c'était vraiment compliqué...

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La suggestion de Maddox lui tira un haussement de sourcils on ne peut plus sceptique. Manger des bonbons sans personne pour les voir ?

"J'ai dit "dix-huit piges". Pas douze ans."

Gideon ponctua sa phrase d'un bref grognement, avant de prendre une gorgée de café. Ses pensées dérivèrent vers sa nièce, ne pouvant s'empêcher de songer que, si c'était vraiment là ce qu'elle faisait, elle pouvait tout aussi bien le faire en sa compagnie. Mais c'était sans doute plus amusant et sain d'être avec des gamins de son âge, plutôt que de rester avec son vieil oncle grincheux...

"Tant qu'elle fait rien d'dangereux, c'est tout c'qui compte. Mais bon."

Mais bon, il aimerait quand même savoir. Pouvoir être là pour elle. Et, s'il devait être parfaitement honnête avec lui-même, ce qui n'était pas toujours le cas, il aurait également aimé qu'elle soit là pour lui. Pour lui tenir compagnie. Égoïste de sa part ? Certainement. C'était pour cela qu'il n'avait pas exprimé cette pensée à voix haute. Qu'il l'avait laissée partir sans faire d'histoires. Parce qu'elle méritait mieux que cela, venant de Gideon.

"C'est tellement loin, mes dix-huit ans. J'étais un foutu p'tit con."

C'était le moins qu'il puisse dire. A l'époque, Gideon faisait ses débuts de combattant, au sein du Fight Club, persuadé de ne pouvoir faire quelque chose de sa vie qu'à la force de ses poings, à la violence de ses coups. Que songerait Matilda, si elle était pleinement consciente de l'homme que son oncle avait été ? De cet homme qu'il était toujours, au fond de lui ? Saurait-il rester sur le droit chemin, sans elle pour le motiver ?

Heureusement pour lui, ses noires pensées furent détournées par la vision de la ratte de Maddox, Splinter, qui semblait désireuse d'obtenir quelque chose de sa part, et savait parfaitement bien s'y prendre pour ce faire. La demande fut formulée à voix haute par Maddox, et Gideon consentit d'un hochement de tête et d'un bref grognement, on ne peut plus conscient que le moindre mot tiré de ses lèvres à cet instant viserait à s'extasier sur le rongeur. Vraiment, il ne pouvait pas lui résister...

Il ne bougea pas d'un poil, tandis que Splinter lui grimpait dessus, ne s'autorisant un premier mouvement que lorsque la bestiole fut perchée sur son épaule. Gideon gratta son donut pour en tirer une miette sucrée, la tendant à l'animal sans la moindre hésitation, de ce geste répété encore et encore pour la ratte qui savait parfaitement comment le faire craquer.

"Adorable."

Le mot lui échappa, et Gideon se racla la gorge, tentant de reprendre une certaine contenance. Il ajouta, évitant soigneusement de regarder Splinter tandis qu'il lui tendait une autre miette :

"Elle sait exactement ce qu'elle fait. Petite maligne. A croire qu'elle s'est donnée le mot avec Matilda."

Il ne résistait pas non plus à sa nièce, comme il l'avait prouvé à maintes reprises. Mais il avait malgré tout appris à poser les limites nécessaires, tout ce qu'il fallait pour, il l'espérait, être une figure parentale digne de la jeune femme. Mais, aujourd'hui, il n'avait plus tant de barrières à poser. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était espérer que Matilda serait prête pour son envol, une fois ses ailes déployées. C'était tout ce qu'il pouvait lui souhaiter.

"T'étais un p'tit con, toi aussi, à cet âge ? Sûrement moins que moi."

Gideon gardait pour lui les détails, peu désireux de susciter la peur chez ce collègue qu'il considérait comme un ami (même s'il le qualifiait rarement de la sorte). Il n'avait pas besoin de connaître toute l'horreur dont il avait été à la fois source, victime et spectateur... Maddox ne connaissait de lui que le concierge grognon à la fibre paternelle, et il fallait que les choses en restent ainsi.

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Gideon savait que Matilda n'était pas du genre à se mettre en danger inutilement, et il la connaissait raisonnable. Cela ne l'empêchait pas pour autant d'être inquiet. Et contrarié. Quelque part, l'homme aimerait parfois que le reste du monde cesse d'exister, qu'il n'y ait plus qu'eux deux, et qu'il demeure éternellement ce super-héros que Mattie voyait en lui, lorsqu'elle n'était qu'une petite fille.

Mais il n'avait certainement pas le droit de refuser à Matilda cet avenir brillant qui s'offrait à elle, même si cela signifiait se retrouver seul. Alors, Gideon faisait taire cette part laide de sa personnalité, et gardait ses bras grands ouverts, que ce soit pour permettre à Matilda de s'en échapper ou de retrouver leur chaleur rassurante. A elle de choisir quand et si elle souhaitait lui revenir.

Heureusement pour lui, la rate de Maddox lui avait offerte la meilleure distraction, faisant fondre son coeur qui se voulait dur comme la roche. La bestiole semblait savoir exactement que faire pour obtenir de lui ce qu'elle souhaitait, ce qui n'était pas sans lui rappeler Matilda. Tendant une autre miette sucrée, il hocha distraitement la tête aux propos de Maddox, approuvant ses paroles :

"C'est sûr qu'elle a une sacrée cervelle."

Gideon ravala avec difficulté les paroles dégradantes qu'il allait ensuite avoir envers ses propres capacités mentales. Matilda n'était pas là pour le reprendre, comme elle le faisait habituellement lorsqu'il se dévalorisait de la sorte, mais il essayait malgré tout de faire cet effort pour elle. Même s'il n'en pensait pas moins. Remuant le moins possible pour ne pas déranger Splinter sur son épaule, Gideon reporta son attention sur Maddox, tandis qu'il lui évoquait ses jeunes années.

Il haussa un de ses épais sourcils lorsque l'homme lui confessa avoir frôlé la mort, dans des paroles emplies de légèreté. Gideon repensa à ses propres expériences, à cette vie financée par le sang et la douleur, convaincu qu'il était de n'avoir de valeur que sur un ring, à se briser les phalanges contre la mâchoire de ses adversaires. La mort, il avait fait plus que la frôler. Elle avait été presque une compagne de vie, pendant de nombreuses années, si proche de le saisir à tout moment.

Quand ses pensées les plus sombres lui revenaient, c'était le visage de Matilda qui s'imposait à lui, et la promesse qu'il avait fait à sa sœur d'être un homme digne de pouvoir l'élever. Ce qui signifiait renoncer à tout ce qui avait donné du sens à son existence jusqu'alors. Mais si ce choix était à refaire, Gideon n'hésiterait pas une seule seconde. Pas alors que cela lui avait donné une chance d'offrir à Mattie la vie qu'elle méritait de vivre.

Perdu brièvement dans ses pensées, Gideon manqua s'étouffer avec son café à la dernière question de Maddox, le mouvement secouant malgré lui ses épaules chassant Splinter de son perchoir. Parfaitement adulte. A cette idée, Gideon était partagé entre une franche hilarité et un embarras difficilement dissimulé. Parce que s'il y avait quelque chose qui le définissait, ce n'était certainement pas le fait qu'il était "parfaitement adulte".

"Tu déconnes ?"

Gideon hésitait sur la suite de ses paroles. Sur la part de vulnérabilité qu'il était prêt à admettre. Au final, il ne put empêcher ses murs de se relever quelque peu, incapable qu'il se sentait à cet instant de se dévoiler davantage. Il grogna, répondant sur la défensive :

"J'ai élevé une gamine de ses sept ans à ses dix-huit ans. Si j'suis pas un parfait adulte, ça fait quoi d'moi, hein ?"

Mais il était loin d'être parfaitement adulte. Comme il était loin d'avoir été la figure paternelle parfaite pour sa nièce. Il avait fait de son mieux, c'était sûr, mais était-ce réellement assez ? Avec son salaire, et ses défaillances, Gideon avait l'impression de ne pas avoir pu être là pour elle comme aurait pu l'être sa sœur, le reste de sa famille, s'ils étaient encore en vie pour prendre soin d'elle. Quel genre de père ne pouvait même pas aider sa fille avec ses devoirs ? Ou lui lire des histoires pour l'aider à trouver le sommeil ?

Gideon n'avait jamais oublié cet instant où, avec toute la timidité du monde, sa petite nièce adorée avait trouvé le courage de lui tendre le dernier album illustré que sa mère lui avait offert, pour le lire avec lui, cet oncle qui l'avait adopté depuis peu et qu'elle ne connaissait absolument pas. Et il n'avait pas pu être là pour elle. Pour quelque chose d'aussi simple.

"Merde."

Gideon soupira, se forçant à relaxer les bras qu'il avait croisés par réflexe, comme il tendait à le faire dès lors qu'il se mettait sur la défensive. Il n'était pas même certain de savoir pourquoi la question innocente de Maddox l'avait piqué ainsi. Peut-être s'était-il bêtement imaginé que, s'il avait été un meilleur adulte, Matilda aurait préféré passer cette soirée avec lui qu'avec ses amis. Stupide, vraiment.

"Okay, non. J'suis pas parfaitement adulte. Mais j'essaie d'être meilleur que le p'tit con que j'étais avant. Ce gars, j'pense que tu l'aurais détesté."

Gideon tenta de s'imaginer tel qu'il était autrefois, en compagnie de Maddox. Mais il n'était pas même certain qu'il aurait décroché le moindre mot à l'adresse de celui qu'il voyait aujourd'hui comme un ami (ce qu'il n'admettrait jamais à haute voix). Il l'aurait haï, ce type qui avait une meilleure prise sur sa propre vie que Gideon ne pourrait jamais l'avoir, intelligent, si facile pour lui de se faire aimer. Est-ce qu'il serait allé jusqu'à le frapper ? Gideon ne préférait pas s'aventurer sur ce terrain-là...

"Ce gars, il était pas vraiment du genre à aller au cinéma pour voir un film qui plait à sa nièce. Ou à donner des gourmandises à un rat."

Cela lui demandait des efforts considérables, ouvrir cet interstice pour laisser à Maddox le privilège d'entrapercevoir ce qu'il refusait généralement d'aborder. Mais, après s'être contrarié sans véritable raison, Gideon supposait que c'était la moindre des choses...

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Il y avait une certaine naïveté dans la réponse que lui faisait Maddox. Il semblait évident que l'image qu'il avait de l'adolescent qu'avait été Gideon était aux antipodes de la vérité.

Comment pouvait-il s'imaginer que, à cette époque, Gideon passait le plus clair de son temps à faire perdre des dents à ses adversaires et à ruiner ses phalanges sur le visage de ses opposants ? Ce n'était pas une vie que quelqu'un comme Maddox pouvait seulement imaginer.

C'était une vie pour les gens comme Gideon, auxquels la vie avait décidé de leur dire de se faire voir et de se débrouiller avec ce qu'on avait bien voulu leur donner.

Pendant longtemps, Gideon avait été persuadé qu'il n'avait que sa force sur laquelle il pouvait compter. Sa force et sa résilience. Mais il était bien plus que ça. Il devait être plus que ça, pour Matilda, pour sa sœur à qui il avait fait une promesse qu'il ne s'était pas imaginé trahir un seul instant.

Il avait appris à faire attention aux autres, à prendre soin d'autrui, à ne plus rester enfermé dans sa vision du monde si limitée et sombre. Il s'était efforcé de devenir quelqu'un de bien, quelqu'un de meilleur, et il espérait y être arrivé.

"J'pense que j't'aurais détesté. Si j't'avais rencontré à l'époque."

La brutalité physique était sous contrôle, mais la franchise violente était toujours là, cette façon de dire les choses sans prendre de gants, et de réfléchir aux conséquences après coup. Un autre point dans la colonne "Gideon n'est pas un parfait adulte".

Se rendant d'ailleurs compte de ce qu'il venait de dire, il s'empressa d'ajouter, peu désireux de contrarier Maddox ou de le laisser sur un malentendu :

"A l'époque, je détestais beaucoup de monde. Ceux qui avaient une meilleure vie que moi, et des meilleures opportunités. C'était plus facile que d'essayer de changer, tu vois."

Surtout quand il y avait des choses pour lesquelles il ne pouvait rien faire, quoi qu'il puisse arriver. Des lacunes qu'il lui était impossible de combler. Plutôt que d'apprendre à vivre avec, Gideon, trop longtemps, avait choisi de haïr le reste du monde pour ce qu'il vivait comme une injustice. Les détester, eux pour qui tout cela semblait si facile...

Mais, au final, c'était sa propre vie qu'il avait failli ruiner, dans tout cela. Et il avait fallu que sa sœur meurt et qu'il ait la responsabilité de Matilda à assumer pour le réaliser pleinement.

"J'étais pire qu'un p'tit con. Pire que l'image que tu as probablement en tête, là. Et ce Gideon-là, il existe toujours. J'ai juste appris à lui faire fermer sa grande gueule et ranger ses poings."

C'était tout ce qu'il pouvait dire de son ancienne vie, assumer de son existence passée, et il laisserait l'imagination de Maddox faire le reste. Il n'était pas encore prêt à lui avouer à quel point sa jeunesse (et plus encore) avait été teintée par la violence et le sang. Et tout ça parce qu'il se détestait encore plus que le reste du monde lui répugnait. S'il n'était pas prêt à en parler à Matilda, il n'était pas en mesure de partager cela avec qui que ce soit.

"Mais oui, j'ai... j'ai appris de mes erreurs. Et le Gideon d'aujourd'hui ne te déteste pas."

Embarrassé par une sentimentalité qu'il ne maîtrisait pas et qui lui était peu habituelle, le reste des paroles de Gideon fut à peine murmurée, comme si les mots lui étaient arrachés de la gorge :

"P'têt' même qu'il t'apprécie. Bien."

Gideon prit une gorgée de son café, et s'étouffa sur sa gorgée, comme si son corps avait décidé de l'embarrasser plus encore. Fichue sentimentalité.

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Maddox n'était pas aussi candide que Gideon le pensait. Il semblait tout à fait conscient que celui qu'il était autrefois l'aurait certainement haï. C'était une triste vérité : le Gideon de l'époque était un être profondément négatif, détestant le reste du monde presque autant qu'il se répugnait lui-même. Gideon avait dû apprendre à grandir, à s'extirper de cette mentalité pour pouvoir être là pour sa nièce. Et il avait été là, même s'il était loin d'être parfait, même s'il avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir un homme dont il pourrait être fier.

"Y a assez d'gens sérieux dans ce monde. Et ils ne m'aiment pas non plus, ceux-là. Il faut bien quelqu'un comme toi ou Matilda pour supporter un grincheux dans mon genre."

Gideon étira un sourire hésitant, maladroit, qui se mua en une expression fermée lorsque Maddox rebondit sur son excès de sentimentalité et lui fit sa propre confession. Le rouge lui monta aux joues, et il tenta de dissimuler son embarras derrière son café presque vide, marmonnant entre deux gorgées :

"La ferme, idiot."

Ayant fini sa boisson, il rangea le récipient dans le sac en papier contenant ses gourmandises, avant de croiser les bras, comme s'il ressentait le besoin de se refermer physiquement après avoir entrouvert la porte de ses émotions. Cela ne l'empêchait pas pour autant d'écouter Maddox, dont les paroles résonnaient avec sa propre expérience, même s'il ne savait probablement pas à quel point.

Après l'incident qui lui avait laissé un traumatisme cérébral permanent, Gideon avait été révolté par l'injustice de la situation. Pour si peu, il avait tant perdu, et rien de tout cela ne pourrait être pleinement regagné, malgré tous les efforts fournis, en dépit de toute sa volonté. Il en avait voulu au destin, au Seigneur, à sa famille, à tous ceux qu'il estimait plus chanceux que lui... et à lui-même. Se réfugier dans la haine et dans la violence, cela avait été plus simple que d'assumer pleinement ses failles.

Se battre lui avait donné l'illusion d'être fort, quand ce n'était qu'une faiblesse supplémentaire. Une erreur qui l'avait privé de tout ce qui comptait, et qui avait manqué de lui coûter la présence et l'amour de sa nièce, s'il n'avait pas enfin su se relever et assumer ses responsabilités. C'était pour elle qu'il avait trouvé sa vraie force. Pour elle et pour sa soeur.

"Matilda, ça a été cette personne pour moi, t'sais ?"

Gideon se cacha brièvement le visage dans les mains, assez pour admettre à voix haute :

"Putain, que je l'aime, cette gamine !"

Gamine, disait-il, mais elle n'était plus une enfant. Elle était une jeune femme, avec une vie qui allait peu à peu les pousser à se détacher l'un de l'autre. Et c'était définitivement le mieux pour elle, mais cela n'empêchait pas d'attrister Gideon. Le temps était passé si vite...

La proposition de Maddox l'extirpa de ses pensées négatives, et lui tira un haussement de sourcil perplexe. L'idée lui semblait venir de nulle part, mais elle ne lui paraissait pas mauvaise pour autant. Tout ce qu'il pouvait faire pour faire plaisir à Matilda était bienvenu. Gideon jeta brièvement un regard au contenu de son portefeuille, avant de hausser les épaules :

"Pourquoi pas ? J'ai assez pour lui prendre un p'tit truc. Et qu'elle ne m'engueule pas parce que j'ai sauté un repas pour ça. Elle a un sacré carafon, Matilda. De qui elle tient ça, hein ?"

La question ne se posait même pas, et Gideon en était on ne peut plus conscient. Au moins, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, c'était l'essentiel. Et elle était plus qu'assez intelligente pour ne pas reproduire ses erreurs, malgré leurs similitudes en terme de caractère. Gideon se releva, finissant de manger ce qu'il avait acheté précédemment, avant de jeter le tout dans la poubelle la plus proche.

"Okay pour le shopping. Une suggestion, Maddox ? Matilda a définitivement passé l'âge des poupées. Peut-être des fringues ?"

Gideon connaissait sa taille, ce serait déjà ça de gagné. Ou il pourrait lui prendre des chaussettes fantaisie, elle aimait bien ce genre de trucs. Il savait aussi que Matilda aurait probablement apprécié un livre, mais Gideon se sentait embarrassé à l'idée de galérer devant Maddox à comprendre le moindre intitulé, à tenter de déchiffrer le plus petit résumé. S'il y avait bien une part de lui qu'il n'était pas encore prêt à assumer pleinement, c'était bien celle-là.

"D'ailleurs, tu peux continuer à parler comme un mec qui a trop vécu. L'âge, ça veut rien dire, en vrai."

Matilda était bien plus mature et ajustée qu'il ne l'était quand il avait dix-huit ans, par exemple. Et il était resté si longtemps immature et brutal. Non, l'âge ne voulait définitivement rien dire.

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Tout aurait pu se passer au mieux. Une soirée ordinaire entre potes, à écumer un ou deux magasins pour trouver un cadeau pour sa nièce adorée. Gideon aurait pourtant dû s'attendre à ce que les choses basculent : le destin semblait avoir la fâcheuse tendance à se mettre constamment en travers de sa route. Pourquoi ne serait-il pas intervenu dans ce moment aussi simple qu'heureux pour le ruiner ?

C'était le silence qui l'avait saisi, tandis que Maddox le traînait sans y songer à deux fois dans une papeterie, chaque rayon semblant n'exister que pour mieux le moquer. Les paroles de l'homme s'entrechoquaient dans son crâne, sans qu'il ne parvienne à y répondre, sa compréhension ralentie par l'angoisse soudaine, mêlée de colère.

Une colère injuste, il le savait, puisque Maddox ne pouvait aucunement être au courant de ses troubles, dont sa fierté ne lui avait pas permis de parler. Mais cela ne l'empêchait pas de lui en vouloir pour cette foutue idée, pour cette fichue boutique, pour tout ce qui lui rappelait ce dont il était incapable, et ce dont il serait toujours incapable.

Il n'avait pas les mots pour ce présent qui, il le savait pourtant, ferait énormément plaisir à Matilda. Et ce n'était pas simplement son handicap qui lui posait problème : après tout, Maddox lui avait proposé d'écrire pour lui, et lui-même pouvait tracer les lettres si on lui dictait précisément les choses. Mais... Mais comment était-il supposé accomplir cette tâche ? Poser ses émotions sur le papier, ou laisser ses sentiments franchir le seuil de ses lèvres comme si de rien n'était ?

Il n'avait pas les mots. Il ne les avait jamais eu, et il ne les aurait jamais. Et son cadeau serait superficiel, incomplet, indigne de sa nièce et de l'amour qu'il lui portait. La haine qui le dévorait en profondeur revint à la surface, tandis que se rebâtissaient les murs qui le protégeaient du reste du monde autant qu'ils l'isolaient. Poings serrés dans les poches, regard plus noir que jamais, Gideon dissimulait ses fêlures derrière sa colère. Cette colère qui faisait toujours de lui le sale con d'autrefois.

Lèvres pincées, cœur battant furieusement dans sa poitrine, Gideon bouillait de l'intérieur, mais restait silencieux, coincé, ne parvenant d'abord guère plus qu'à laisser échapper un grondement agacé, désapprobateur. Pourtant, enfin, les mots s'extirpèrent de sa gorge, mâtinées de cette haine qui lui servait de bouclier, qui protégeait ce qui restait de sa stupide fierté :

"J'pense que c'est putain d'niaiseux. Voilà c'que je pense."

C'est un mensonge. Un pur mensonge. Au contraire, Gideon savait que ce serait un beau cadeau, et c'était ce qui le frustrait plus encore. Un magnifique cadeau qu'il ne saurait offrir. Une fois de plus, Gideon ne serait pas capable de la faire sourire comme elle le mériterait. Parce qu'il était ce qu'il était. Parce qu'il était en vie quand sa sœur ne l'était plus.

Le geste suivant fut impulsif, brutal, idiot. De ses poches, Gideon avait sorti l'un de ses poings, et ce fut avec violence qu'il en fit l'usage, frappant le maigre rayon pour mieux en renverser son contenu. Pour le punir de son existence qui le narguait vicieusement. Pour ne pas frapper Maddox, qui ne méritait rien de tout cela. Gideon n'attendait qu'une chose : être jeté de cette boutique dans laquelle il faisait tache.

Et c'était probablement sur le point d'arriver, le propriétaire de la boutique venant directement s'indigner de son comportement. L'homme était de stature ordinaire, de ceux pour qui le sport n'était qu'une vague pratique, et leur proximité ne fit que confirmer les mondes qui les séparaient. Gideon distingua clairement l'instant où la peur le saisit, le moment où l'homme réalisa combien il serait facile à son interlocuteur de le briser.

Il le pourrait. La tentation était là, la colère vibrante. Mais son regard plus noir que les plus sombres ténèbres se posa sur Maddox, et ce fut la honte qui prit le dessus. Gideon tourna les talons, sans regarder en arrière, les oreilles bourdonnantes, la cervelle en vrac. Et ce fut alors qu'il se croyait seul, trouvant refuge dans une ruelle attenante, que la colère explosa.

Son poing tiré de sa poche frappa le mur, avec une intensité qu'il ne se connaissait plus. La souffrance était à peine perceptible, secondaire derrière les tourments qui l'empoisonnaient. Lorsqu'il s'arrêta de frapper, ce fut pour constater avec une certaine indifférence la rougeur de son sang sur ses jointures amochées. Son sang, et personne d'autre. Pas celui du proprio de cette fichue boutique. Pas celui de Maddox.

Maddox, dont il venait à peine de remarquer la présence, posant sur lui ce regard lointain noir, ce thousand-year stare appartenant à une brute qui avait flirté d'un peu trop près avec une violence chérie trop longtemps.

"Toujours là ?"

Il y avait de la colère, encore, dans sa voix. Mais, au-delà de ça, il y avait aussi de la surprise. Et la peur d'avoir tout gâché. Une fois de plus.

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@Maddox Threepwood et @Gideon Glassmann
TW : validisme internalisé

Il n'avait pas voulu déborder de la sorte. C'avait été plus fort que lui. Gideon avait eu le sentiment que le monde se moquait soudainement de lui, et la colère était revenue, avec toute la violence qu'il avait contenu toutes ces années durant. Il n'avait jamais éclaté de la sorte devant Maddox, et encore moins devant Mattie. Cette explosion, aussi contrôlée ait-elle pu être, le répugnait autant qu'elle l'effrayait. Et s'il cédait un jour devant sa nièce ? Que se passerait-il alors ?

Gideon effleura du bout des doigts ses jointures abîmées, cherchant, par son geste, à raviver la douleur qu'il percevait à peine, à mille lieues de processer la souffrance physique à cet instant précis. Son regard s'était détourné de Maddox quand celui-ci avait pris la parole, s'attendant pleinement à ce que l'homme ne se détourne finalement de lui. Comme bien d'autres avant lui avaient pu le faire. Au lieu de cela, Maddox était resté, et c'était d'une voix qu'il voulait apaisée qu'il s'exprimait à son égard.

Tandis que Maddox s'approchait, Gideon recula lui-même d'un pas, par réflexe, pour se préserver, par peur d'exploser à nouveau et de lui faire mal. Les mots restaient bloqués, coincés dans sa gorge, contenus par la honte et la haine qu'il éprouvait avant tout envers lui-même. A la main que lui tendait Maddox, Gideon écarta la sienne, ramenant le poing ensanglanté contre son cœur, le tenant fermement contre lui. Le mouvement de son ami était empli d'une sollicitude que Gideon n'était pas prêt à recevoir. Qu'il n'estimait pas mériter, à ce moment précis.

Il était tenté de partir en courant, lui qui, pourtant, n'était pas du genre à fuir, mais le reste des propos de Maddox le fit réfléchir, lui tirant un grognement agacé. Bien sûr que Matilda allait se poser des questions, en le voyant dans cet état. Bien sûr qu'elle s'inquiéterait, et qu'elle poserait des questions auxquelles il n'était pas prêt à répondre. Et s'il venait à s'énerver, et à lui faire peur, il...

Le reste des propos de Maddox le tirèrent de ses pensées anxieuses, lui tirant un haussement de sourcils. Pas humain. Mutant, donc, il supposait. Gideon ne l'aurait pas pris pour l'un de ces gars qui gâchaient leur fric à obtenir des aptitudes qui pourraient bien les tuer, mais pouvait-il dire qu'il le connaissait vraiment ? Après tout, lui-même avait ses secrets, ce passé de pure violence dont il n'avait parlé qu'à demi-mot, ce cerveau déréglé, cette honte qu'il trimballait avec lui, lourds bagages du quotidien. Il n'était donc pas du genre à le blâmer pour ce genre d'omission.

Les mots lui manquaient encore, à cet instant, consumés par la colère et la lassitude. Ses actes avaient toujours été plus parlants que tout ce qui pouvait s'extirper de ses cordes vocales : Gideon tendit sa main blessée, mutique, hochant silencieusement la tête pour donner sa permission. C'était bien parce que c'était Maddox : un autre que lui aurait certainement attisé sa méfiance. Les mutations, c'était vraiment pas son truc.

Alors qu'il regagnait son calme, après s'être défoulé ainsi, le sentiment de malaise ne fut que s'accroître, accompagné d'embarras et de dégoût. Gideon avait l'impression d'avoir jeté son progrès par la fenêtre, des années et des années de travail sur soi-même gâchées parce que sa fierté avait pris un coup. Parce qu'il s'était senti en inadéquation, et n'avait pas su répondre à cela autrement que par de la violence, aussi bien par ses mots que par ses gestes. Si sa sœur pouvait le voir...

Sa blessure soignée, Gideon tira un mouchoir de sa poche pour essuyer le sang, qui avait déjà commencé à sécher. Il regrettait déjà la douleur qui, à défaut de le soulager pleinement, atténuait légèrement les sombres sentiments qu'il éprouvait à son égard. Soupir s'extirpant de ses lèvres, il marmonna en direction de Maddox, le regardant à peine :

"Merci."

Il n'était pas prêt à parler de ce qui venait de se passer. Des raisons de son geste. Maddox s'était ouvert à lui, mais Gideon restait fermé, souffrance d'autrefois et d'aujourd'hui enfermée dans son cœur à double tour. Il ne voulait pas admettre ses faiblesses, et encore moins supporter les questions qui suivraient inévitablement. C'était une chose de parler de son handicap : c'en était une autre que d'expliquer qu'il existait des solutions potentielles, mais qu'il préférait y renoncer en raison des risques. Qu'il était terrifié à l'idée de perdre plus encore que ce qui avait déjà filé entre ses doigts.

Gideon ne pouvait pas pour autant rester silencieux, même si cela était on ne peut plus tentant de demeurer éternellement mutique. Plutôt que d'expliquer ce qui avait motivé son explosion soudaine, Gideon préféra se focaliser sur Maddox, et la révélation qu'il venait de lui faire :

"Donc, t'es un mutant."

Gideon grattait distraitement le dos de sa main, celle qui venait juste d'être guérie, comme s'il s'attendait à tout moment à ce que les plaies ne viennent à se reformer. Pour l'instant, Gideon n'éprouvait qu'une forme d'indifférence face à la révélation. Plus tard, peut-être, il aurait le temps et les moyens d'y songer davantage et de décortiquer ses propres émotions. Mais, pour l'instant, Gideon était trop détaché de la situation et de ses propres émotions pour y réfléchir plus. Ce qui ne l'empêchait pas d'être à l'écoute :

"T'as dit que t'as jamais été humain. C'est quoi ? Ils t'ont bourré de V quand t'étais un embryon ou un truc du genre ?"

Cela ne le surprendrait pas plus que ça. Cette société pouvait vraiment être flippante. Une raison de plus pour garder Matilda à l'écart de toutes ces conneries. Mutation, altération... Jamais de la vie.

You sound like a friend

@Maddox Threepwood et @Gideon Glassmann
TW : langage vulgaire

La colère était évacuée progressivement, remplacée par la curiosité, et une pointe de méfiance. C'était plus fort que lui : les gens qui pouvaient se payer du V, en général, ça ne faisait pas vraiment partie du peuple qu'il fréquentait. Au contraire, ils étaient plutôt de ceux qui le regardaient de haut, lui qui comptait chaque sou et ne pourrait pas même imaginer se payer ce luxe une fois sans devoir s'affamer pour le reste du mois. Mais Maddox était Maddox : un ami qui lui faisait suffisamment confiance pour lui révéler quelque chose d'inavouable.

Pour tout cela, malgré l'ombre d'un doute, Gideon faisait l'effort d'écouter, et de ne pas juger. Pas Maddox, en tout cas. Icarus et les autres vautours derrière ce système ? Il ne se privait pas pour les détester et les mépriser. Il avait croisé les bras, doigts crispés, à l'évocation du grand-père de Maddox, cobaye humain, qui avait par la suite transmis ses gènes à sa descendance. Le pauvre type n'avait probablement rien demandé, et, maintenant, c'était toute sa famille qui continuait à payer le prix.

"Et t'en veux, des gosses ?"

La remarque de Maddox l'avait interpellé, et Gideon n'était pas certain de savoir quelle réponse il espérait entendre de sa part. Ce serait triste de se dire que Maddox puisse avoir renoncé à la paternité spécifiquement pour empêcher de transmettre sa mutation, mais l'inverse serait probablement déraisonnable et dangereux. Non sans un certain inconfort, Gideon reprit, marmonnant dans sa barbe :

"J'veux dire... Si j'comprends bien, t'as tiré l'gros lot et tu peux guérir les gens. Ca sera pareil pour ton gamin, ou ce sera la roulette russe pour lui ? Je sais pas c'que je ferais à ta place. C'est... flippant."

C'était le moins qu'on puisse dire. A cet instant, ses propres problèmes semblaient s'être envolés, devant la perspective d'une existence à dissimuler sa vraie nature comme le faisait Maddox. Gideon gardait ses secrets par fierté, et la moindre révélation ne serait douloureuse que pour son ego, mais son ami avait bien davantage à s'inquiéter que ça.

Quand Maddox lui avoua avoir peur d'Icarus, Gideon ne put réagir que par un bref "Sans rire, merde.", validant bien à sa manière les craintes de son ami. Jamais de la vie Gideon ne voudrait être dans le potentiel collimateur d'un monstre comme Icarus, et Maddox l'était définitivement, avec ses capacités qui défiaient tout leur système de vente de mutation, et que savait-il encore. Gideon était on ne peut plus conscient de la responsabilité qui lui incombait désormais, avec ce secret que lui confiait Maddox. C'était sa vie qu'il lui remettait entre ses mains.

Le reste des propos laissa Gideon mutique, touché par cette marque on ne peut plus explicite de confiance, confirmant son ressenti vis-à-vis de cette conversation. Heureusement pour lui, Splinter offrit une parfaite diversion à ses sentiments compliqués à gérer, et Gideon ne put s'empêcher de souffler du nez, entre rire désabusé et perplexité.

"Bien sûr. Bien sûr que tu parles aux rats. Et après ? Tu peux chier des arcs-en-ciel aussi ?"

Gideon blaguait à moitié, n'excluant pas un aspect plus absurde encore de la mutation de Maddox. Cela allait demander un peu de temps d'adaptation, tout ça. Juste de quoi permettre à Gideon d'ajuster ses paramètres. Le grognon qu'il était n'avait plus l'habitude d'être secoué dans sa routine, et c'était un sacré changement. Mais c'était Maddox. Son ami. Et il le lui communiqua à sa manière, avec une certaine maladresse, lui tapotant le dos un peu fort avant de déclarer :

"J'dirais rien. A personne. Et tu peux me parler de ces trucs. Même si j'pige pas tout, même si c'est pas mon monde, j'peux écouter. Juste..."

Gideon hésita un court instant, détournant brièvement son regard, avant d'ajouter :

"On laisse Mattie en-dehors de ça, okay ? Elle... C'est qu'une gamine. Elle a pas besoin de savoir, d'être p't'être dans l'radar d'Icarus ou de je sais pas qui d'autre. J'peux pas lui faire ça, tu comprends ?"

Elle était sa nièce. Sa fille. Et Gideon avait promis d'être là pour elle, de la protéger, de lui permettre de mener une belle vie. Et un secret comme celui que Maddox venait de lui confier, c'était définitivement un obstacle sur ce chemin qu'elle avait emprunté. Gideon pouvait en souffrir les conséquences potentielles. Pas Matilda. Jamais Matilda.