bake me up, before you dough dough! (ROBIN)

“The friend who holds your hand and says the wrong thing is made of dearer stuff than the one who stays away.” @Robin White

TW : mentions de grossesse et ses symptômes.

« Just so we’re absolutely clear on the matter: I am so not going on a shopping spree. I just want to take a look. That’s it! Nothing else, alright? » Voilà ce qu’Evie avait dit à Robin au téléphone, avec toute la détermination du monde. Elle avait commencé à faire une liste de toutes les choses qu’il faudrait avoir avant l’arrivée du bébé – en y notant probablement tout un tas de trucs dont ils ne se serviraient jamais, comme tout parent novice en la matière – mais elle n’allait pas faire de folies tout de suite. En théorie. Elle était parvenue à se persuader que Duncan et elle achèteraient l’essentiel avant qu’elle ne se laisse aller à une éventuelle fièvre acheteuse. En pratique, il n’était pas impossible qu’il y ait quelques dérapages, mais elle comptait sur Robin pour l’aider à éviter les achats impulsifs. Autant dire que la stratégie était plutôt bancale ; si Evie y avait réfléchi à deux fois, elle aurait réalisé qu’il y avait tout de même neuf chances sur dix pour que son ami la pousse au vice plutôt qu’à la retenue. Par principe, elle dirait qu’elle avait essayé. Elle craignait de devenir très tôt l’une de ces mères qui n’achètent jamais rien pour elles-mêmes, mais n’hésite jamais à dépenser des fortunes pour leur progéniture. La sienne avait été experte en la matière. Victoria avait à peine renouvelé sa garde-robe en quinze ans, tandis que celle d’Evie débordait toujours, au point qu’elle en oublie parfois l’existence de certains vêtements, qui avaient fini leurs jours au fond d’un tiroir ou d’un placard. Même en essayant d’être un tout petit peu objective, Evie ne trouvait rien à reprocher à sa défunte mère. Le secret de l’identité de son père mis à part – et avec le temps, elle avait compris ce choix – elle avait été parfaite du début à la fin. Sa fille avait eu une enfance dorée ; Victoria s’était saignée aux quatre veines pour que sa fille ait tout ce qu’il lui fallait. Evie, elle faisait partie de ces gens qui ne croyaient pas spécialement à cette histoire d’instinct maternel. Enfin, pas initialement, en tout cas. Toutes ces histoires visaient juste à culpabiliser les femmes pour qu’elles soient immédiatement des mères parfaites, à la seconde même où on leur mettait leur bébé dans les bras, oubliant que techniquement parlant, c’était un étranger qu’on leur refilait sans cérémonie. Bien sûr que certaines débordaient d’amour instantanément, là n’était pas la question. Mais Evie ne pouvait pas s’empêcher de se demander si ce serait son cas, si ses hormones joueraient le jeu, ou si elle allait se retrouver comme une poule à qui on aurait donné un couteau. Et d’un autre côté, elle se surprenait de plus en plus à passer une main sur son ventre de plus en plus rond avec un petit sourire absent. Duncan avait beau lui dire que c’était normal de se poser toutes ces questions et de douter, mais Evie avait l’impression de perdre la tête au moins dix fois par jour. Les joies de la maternité, donc.

Evie avait donné rendez-vous à Robin au Peaches & Crimes en fin d’après-midi ; exceptionnellement, elle laisserait le soin à son employé de fermer la boutique. Moins elle y était et mieux elle se portait. Non pas qu’elle n’ait plus envie d’y travailler, mais être entourée de pâtisseries fraîches à longueur de journée, alors qu’elle commençait tout juste à avoir des envies de plus en plus bizarres et tenaces… C’était risquer de céder à la tentation à n’importe quelle heure de la journée. Non pas que ce soit bien différent une fois loin de la boutique. Elle avait à peine à suggérer qu’elle avait envie de quoi que ce soit que Duncan bondissait déjà pour aller lui chercher. Le commerce presque entièrement dévalisé en fin de journée, elle s’était installée à une petite table près de l’entrée pour patienter et attendre Robin. Avec, évidemment, un chocolat chaud et deux cupcakes ayant survécu à l’appétit des clients. Elle avait sauvé deux red velvet saupoudrés de vermicelles blancs, rouges et verts. L’ambiance était festive au Peaches & Crimes. Evie avait passé une bonne journée à décorer entièrement la boutique pour les fêtes de fin d’année. L’idée de faire quelque chose de simple s’était vite envolée, au profit d’une vitrine et d’une décoration digne d’un film de Noël à la Hallmark. Elle leva les yeux de son téléphone quand la clochette qu’elle avait installée au-dessus de la porte sonna, annonçant la venue de quelqu’un. Un large sourire étira son visage déjà lumineux – soi-disant qu’elle avait enfin attrapé au vol le bel éclat de la grossesse – et elle se leva d’un coup, manquant de renverser sa tasse au passage. Evelyn Harvey, toujours tout en délicatesse. « Hello, handsome! » C’était aussi tout à fait son genre d’envahir l’espace vital des gens qu’elle aimait, à l’instar d’un chiot un peu trop excité. Elle fit claquer un baiser sur la joue de Robin avant de faire les gros yeux. « Jeez, love, you’re freezing! Can I get you a drink? We’ve got the best hot chocolate in town, or whatever. Coffee? Tea? We have all the coolest flavours of the season. They’re not all that great, but you know, whatever sells, right? Also, I saved you a cupcake. Had to take it from a kid and all. I’m kidding, of course. I would never do something like that! Oh, crap, am I already talking way too much and way too fast? Sorry, sorry! We haven’t seen each other in ages, I was, like, a lot slimmer last time! I missed you! Here, have a seat. » Evie retomba sur son siège sans se départir de son sourire, ses yeux semblaient pétiller. À moins que ce ne soit juste le reflet des guirlandes lumineuses qui fassent cette impression-là ? Peu importait, elle était d’humeur joyeuse. « So! How have you been? Sorry I missed our wedding, by the way. »

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“The friend who holds your hand and says the wrong thing is made of dearer stuff than the one who stays away.” @Robin White

TW : mentions de grossesse et ses symptômes.

Ce qu’il y avait de bien avec Robin, c’était qu’Evie n’avait pas besoin de faire attention à ce qu’elle disait et faisait. Elle pouvait être aussi exubérante et à côté de la plaque qu’elle le voulait, iel ne tiquait pas. Elle était comme ça, extravertie, maladroite, heureuse de vivre et grande gueule. Parfois (pour ne pas dire tous les matins), elle se demandait comment Duncan faisait pour la supporter. Comme quoi, le dicton qui dit que les contraires s’attirent visait juste en ce qui les concernait. Avec Robin, elle ne se sentait (malheureusement) pas obligée de réfléchir avant de parler, elle pouvait bien dire toutes les conneries qui lui passaient par la tête (autant dire qu’elles étaient nombreuses), iel ne sourcillait pas. Iel avait fini par s’habituer à son exubérance, ce qui permettait à Evie d’abandonner son filtre, le temps de quelques heures. Il fallait bien le dire, iels se marraient bien ensemble. « Hé oh, attention à ce que tu dis, hein ! J’ai pris du ventre, mais pas encore au point de rouler d’un point A à un point B ! » Mais ça finirait bien par arriver et franchement, Evie ne savait pas si elle avait hâte ou si elle était morte de peur. Ne plus voir ses pieds ni réussir à mettre ses chaussettes, ça faisait partie des merveilles de la grossesse ; le genre qu’elle n’avait pas forcément hâte d’expérimenter, mais elle n’avait pas le choix. Encore que, jusque-là, elle ne pouvait pas se plaindre. Elle vivait une grossesse plutôt facile, en dehors de quelques nausées matinales. Elle n’avait pas (encore, en tout cas) l’impression d’être une baleine échouée incapable de bouger à chaque fois qu’elle posait ses fesses quelque part. « La même chose que moi ? Franchement, t’exagères, ça m’aide pas ! Je suis enceinte, je te rappelle ! Traduction : je peux boire et manger à peu près n’importe quoi. Je suis devenue un ventre sur pattes, c’est terrible. Adieu, mes abdos ! » Evie eut un petit ricanement en tapotant l’arrondi de son ventre. Elle n’en avait pas grand-chose à faire de ses prétendus abdos, mais il fallait bien rire un peu. « Tu sais quoi, je vais nous faire deux grands chocolats chauds. Interdit de me dire que c’est trop sucré, je te préviens ! Et le cupcake, voilà. Au pire, si tu finis pas, hein… » Elle battit des cils, avec un sourire exagéré. « Oh non, ton pauvre petit cœur ! » Elle afficha une expression triste forcée, façon moue boudeuse et petits yeux larmoyants. « Je suis sûre que quelqu’un s’est porté volontaire pour te réconforter, va… » Et un petit clin d’œil, l’air de dire : I know you know I know. Un petit rire plus tard, Evie disparut quelques minutes derrière le comptoir, pour préparer leurs boissons chaudes. Ce qui, évidemment, ne l’empêchait pas de continuer à parler. « Bon, je te préviens hein, je compte pas dépenser une fortune aujourd’hui. Je veux juste regarder un peu. J’ai même pas commencé à faire la liste des choses qu’il me faut vraiment… Enfin, si, j’ai déjà acheté des trucs, mais pas les plus utiles… Genre, une tonne de peluches et la peinture pour la chambre. Bon, tu me diras, je suis pas la fille la plus prévoyante au monde, faut peut-être que je laisse Duncan gérer tout ça… Enfin, non ! Je veux quand même voir. Mais je compte sur toi pour m’empêcher de faire des achats compulsifs, tu vois. » Autant le dire tout de suite, c’était plutôt mal barré. Ce qui n’empêchait pas Evie d’être optimiste quant à la (non) utilisation de sa carte bleue ce jour-là. Toujours aussi souriante, elle revint s’asseoir à côté de Robin, un petit plateau avec deux chocolats chauds et deux cupcakes qu’elle mit entre elleux. « Pour réparer ton petit cœur brisé. Supplément chantilly, pour tes beaux yeux. »

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