daddies' girl - Greg

Il ne fût pas surpris par le cri.
Après tout, la voix de Sunday raillait les lieux comme un bruit entêtant. Comme une envolée de moustiques, tous groupés en une seule entité, petite et virevoltante.
Alors finalement, c’était plus plaisant de l’entendre elle que le silence coulant des lieux quand les autres insectes étaient affairés ailleurs. Le Cafard, lui, venait de rentrer pour quelques heures. Une escale dans sa virée souterraine, les bras chargés de deux gros sacs en plastique, un sur chaque épaule. Une collecte de vêtements de la surface, pour les besoins des nécessiteux de l’ombre.
Autant tout trier au cœur de sa seconde maison, point névralgique entre ses deux mondes.

Les sacs et les yeux se posent, les uns sur le sol, les autres sur la jeune femme, qui fait bonne figure entre sa lame et son polaire barbouillé de motifs sucrés. Il la regarde comme une partie de sa vie, une âme qui a rejoint la lutte et qui fait écho à ses propres motifs. Moins sucrés. Plus amères.
Alors, Gregory l’aime bien. Pour ce qu’il peut considérer être de l’attachement. Une notion qu’il a oubliée, qu’il retrouve, sans être certain de l’avoir déjà vraiment connu.

C’est peut-être parce qu’elle ressemble à sa fille, de son ancienne vie.
Elles lui ressemblent toutes.

« Maybe not all night. », qu’il répond, habitué par ses traits capricieux, aussi aiguisés que ses couteaux. Ils ne sont pas si gênants, ni les uns ni les autres, une fois qu’on les connait. « But most of it. I’ve got some things to do for tomorrow. »

Sa nuque se craque dans un geste sec. Ses os ne sont plus ceux d’antan, chaque virée un peu trop musclée le lui rappelle. Mais là, quelques kilomètres chargés, n’auraient pas dû le fatiguer à ce point.
Le vieux s’empâte, tristesse.
Les sacs sont repris, posés sur une table dans un râle discret. Le dos se déplie sur une chaise et Gregory commence à sortir les vêtements pliés, à trier et vérifier avant de les remettre aux familles de l’underapple.

« Do you want to help me with this ? » Requête à peine déguisée, un regard lancé avec connivence. « Perhaps you’ll find one piece or two that you might like. » Perche lancée, elle aussi. À voir si Sunday s’y agrippe, en moustique piquant ou pie brailleuse, Gregory restera là.

@Sunday Xing

tw : humour connoté.

« Sleeping isn't working on me. I just have things to check at the dispensary. »
C'est partiellement vrai. Gregory vit sur plusieurs fuseaux horaires, à force de n'utiliser que trop peu d'heures pour se reposer. Ses batteries se rechargent à l'énergie solaire. D'où ses présences constantes à la surface, pour mieux utiliser ses ressources dans les ombres de l'ancienne ville.

Dans son dos, Sunday résonne sans crainte, ici, les actes sont pardonnés. La protection de la fourmilière grouille tout autour d'eux et personne ne viendra interrompre les gamineries du Moustique. C'est pour ça qu'il la sait aussi familière, à l'aise comme à la maison, et qu'il cautionne en silence ses éclats de voix.
Elle est humaine pour deux, ça l'arrange sans doute un peu.

Il ne cille pas quand elle prend appuie sur lui, ignorant le poids plume de la pression, déjà occupé à plier un pantalon. Ses articulations ne sont clairement plus ce qu'elles étaient, mais sans doute qu'il reste un peu de cette résistance offerte par son ancienne mutation, imprimée dans ses veines comme une cicatrice encore à vif.

Alors il la regarde tout simplement faire, se saisir du tee-shirt, commenter la provenance potentiellement chinoise. À vrai dire, dans tout le tas de tissus plus ou moins colorés, Gregory n'est pas certain d'y trouver quelque chose de très éthique. Ou même de vraiment s'en soucier.

« Well, I already see one here. », qu'il commente, en la regardant, elle. Pas si souvent qu'il ose l'humour factuel, mais après tout, il n'avait pas réellement tort. Sunday n'était pas un vêtement, pourtant, elle habille le paysage à sa manière.

Les mains s'affairent à nouveau, plie méticuleusement les habits offerts par les habitants du haut, les range par taille et catégorie, couleurs, état. La plupart sont relégués de côté. Beaucoup de travail à accomplir, de couture et de rattrapage.

« I guess I'll have to stitch them up a bit before giving those. », qu'il déclare, désignant le tas déclaré comme inutilisable.
Il reste quelques affaires du côté de Sunday, sans doute des trouvailles toutes personnelles avec ses goûts aussi affûtés que ses couteaux.

« So ? Anything worthy ? » Pas en valeur pécunière, mais peut-être juste pour elle.
Ce qui semble suffire, ici bas.

@Sunday Xing

Des couleurs aux tissus, ses yeux finissent par glisser vers Sunday qui tourne. Elle est plus vive qu'il ne le sera jamais, là où ses années de vie accusent sa propre souplesse. Il est encore capable de prouesses de parkour mais à la voir ainsi, dans cette jupe et pleine de vie, Gregory esquisse un bout de sourire. Quelque chose en coin, qui montre que cette part d'ombre qui ne partira jamais. Il lui semble qu'au fond, il aimerait voir d'autres personnes comme elle au moment où il ira donner ces vêtements.
Un sentiment qui ressemble à du bonheur, face à la simplicité de la charité.
Il n'est pas certain de pouvoir analyser ça, lui qui calcule tout ce qu'il voit. Ses émotions précises sont les énigmes qui lui échappent encore.
Quand elle offre son aide pour trier les trouée et autres bouts de chiffons, Gregory la considère un instant, avant de hocher la tête.

« Why not ? I didn't know you had skills for this. »

Vrai qu'il connait peu de Sunday, au-delà de ce qu'elle laisse entrevoir, à travers ses manières et la façon dont elle s'est laissée adopter par ce groupe d'âmes périclitées, grouillant pour les insectes échappés de leur vivarium. Un microcosme aggloméré, uni par ce qui ressemble au même objectif, mais dont les âmes se détachent parfois pour papillonner ailleurs. C'est le cas de Greg et son dispensaire. Sans doute aussi celui de Sunday.
Il se lève, quelques minutes, réfléchit un quart de seconde - le temps d'ouvrir le bon tiroir de ses informations compartimentées. Celle qu'il cherche est vite retrouvée, quelques pas pour aller chercher ce qui ressemble à une trousse de premiers secours. Et en quelques sortes, c'en est une : elle est aussi bien rangée que son esprit, pourvue d'une dizaine de petits tiroirs, triés, sans étiquettes. Il n'en a pas besoin : il sait ce que chacun contient. Au nombre près.
Il en ouvre un, sort quelques bobines de fils et deux aiguilles, aussi méticuleux qu'elle puisse le connaître.

« Don't worry. They're used to be precise enough with a needle and a thread. » déclare-t-il, sans s'étaler. Il n'en voit pas l'utilité, là où chaque geste redevient calculé, là où il laisse les apprentissages d'antan s'occuper de ses réflexes ancrés. Un fil et une aiguille, ça ne sert qu'à coudre et recoudre les tissus, qu'ils soient humains et ou artificielles. Les trous dans ces vêtements font pâle figure face à ceux qui ont pu percer sa peau d'agent, autrefois.

Le regard se concentre sur la tâche. La précision n'est plus à démontrer. Il faudrait que l'humanité revienne en avant, si l'on ne veut pas le confondre avec un robot exécutant.

« So, how was your day ? », qu'il finit par demander, candidement peut-être, sans pour autant quitter son travail des yeux.

Sunday est une distraction, certes, mais bienvenue.
Elle lui permet de ne pas perdre pied, lui qui peut si vite se perdre dans les brumes d'antan.

@Sunday Xing