this young lady is some trouble. (suka#1)

La voiture déferle à toute vitesse sur la route de terre. Derrière, le soleil est à peine levé. Combien de jours se sont écoulés depuis que Suni n'a pas mis un pied à la ferme ? Juste à y penser, son ventre se tord cruellement. Il y a un rendez-vous, plus tard dans la journée. Il y a un rendez-vous à la tour d'Icarus Inc pour une prise de sang que, cette fois, elle ne pourra pas faire. Un seul regard sur sa personne pourrait suffir à savoir qu'elle n'est pas humaine. Les ailes sont encore plus grandes qu'avant, difficiles à cacher. Et elles font mal ; elles sont mal, oui, cachées sous son manteau depuis plus d'une heure maintenant. Contre ses lippes, ses canines ne cessent de s'enfoncer et ses lèvres ne ressemblent plus à grand chose. Il y a une petite plaie, un petit goût de sang. La red est un poison est doux, dans ses veines. Une puissance qui résonne en elle délicatement, qui la torture et l'apaise à la fois. Il y a quelque chose de tendre qui accompagne le sentiment. Il y a quelque chose d'angoissant, aussi.
La vue de la ferme ne lui apporte aucun repos. Suni est tourmentée tandis que le moulin apparait. Malgré la certitude de ses actes, un doute l'effleure et elle le chasse comme une mouche. Elle n'a pas de temps, non, pour cela. Elle n'a pas de temps à perdre. L'idée que des employés d'Icarus soient déjà présents à la ferme la traverse, mais Suni préfère ne pas y penser.
Il n'y a personne, oui. Il n'y a que Kyoka. Suni prendra ses choses, avisera sa locataire, puis partira.
Elle pense aux animaux. Aux cochons, aux chèvres. Oh, elle a déjà laissé un mot sur la porte de la voisine à quelques kilomètres de là, mais Suni s'en veut de les délaisser.
La voiture s'arrête et elle s'en extrait, rapidement.
D'abord, le pas est lent vers la demeure. Le regard caresse le moulin. Elle n'a pas trouvé la demeure de Monsieur Rose pour lui dire au revoir, la chose la chagrine. L'homme a été bien gentil il y a plusieurs mois. Suni sait qu'il comprendrait parfaitement ses actes, oui.
Plus elle s'approche de la demeure, et plus son pas est rapide.
Quand elle arrive au porche, elle court presque.
La porte est ouverte brusquement et Suni sursaute à la vue d'une ombre. Un cri la quitte.
- Kyoka !  Oh - Bon sang, tu m'as fait si peur. Un rire nerveux la traverse, et Suni retire la main qu'elle a posé contre sa poitrine. Elle resserre son manteau autour d'elle, légèrement. Tu vas bien ? Oh je  - Pardon pour l'absence des derniers jours j'étais - Le mensonge caresse son esprit. Suni fronce finement des sourcils, hésite et puis, la tristesse effleure ses traits. Dans ses prunelles, les larmes se posent délicatement. Kyoka - Je dois partir. , qu'elle lui dit, avoue.

Elle ne mérite pas Kyoka, Suni. Poser les yeux sur elle, chaque jour, voir les douceurs qu'elle lui offre alors qu'elle possède ses propres maux, ses propres chagrins, ça ne cesse de lui confirmer. Parfois, elle aimerait glisser ses doigts délicatement en elle pour capturer le vilain qui y règne, pour le combattre pour elle ou à défaut d'y parvenir, le retirer et l'enfermer dans son propre coeur. Elle aimerait la libérer encore plus des malheurs qu'elle porte avec elle, parce que Kyoka est beaucoup plus forte que Suni ne le fera jamais. Qu'à ses yeux, c'est elle qui mérite d'être une héroine. Pas de ceux que l'on voit à la télévision, non ; de ceux qui changent les choses pour les gens qui sont importants, pour les opprimés et les oubliés, ceux qui ont besoin qu'on leur tende les doigts, la main, et qu'on les aide. Suni aimerait penser un peu moins à son nombril, écouter moins Icarus et aider les plus démunis.
Elle le fait, un peu, enfin.
Mais par peur, par envie égoiste, encore.
Pas pour les autres, pas pour les plus faibles, les plus fragiles.
Suni est pourrie et égoiste, si égoiste.
C'est Kyoka, des deux, qui possède un coeur beaucoup plus pur.
La moue se glisse sur ses lippes face au mouchoir tendu ; on dirait un drapeau blanc, une terre promise, une paix légère. Est-ce qu'Icarus va rester loin, à voir ce maigre mouchoir blanc ? Suni l'espère tandis qu'elle s'en empare, le lisse et fait disparaître les plis.
La tête est hochée doucement, sous les demandes de Kyoka. Suni accepte son aide mais déjà, secoue sa tête dans l'autre sens, négatif, quand elle lui demande ce qui se passe.
- Oh Kyoka je  - Je ne peux pas. Lui dire. La mêler à tout ça. Mais Kyoka vit avec elle, Icarus le sait. Ils ne vont pas la chercher, si ? Suni a peur, pour elle. Elle a peur, pour elles. Son ventre se tord à l'idée de lui causer du tort.  Kyoka - qu'elle dit encore, mais cette fois-ci il s'agit d'une plainte. La moue se creuse et Suni a besoin de sa présence, de sa chaleur, mais elle n'ose pas faire un pas. Il y a des ailes, sur son dos. Kyoka pourrait les sentir, savoir, et la détester. Tout le monde sait qu'elle ne devrait pas prendre du sérum ou de la red. Les journaux en ont parlé si longtemps, il y a des années. Les informations refont toujours surface, une fois de temps en temps.
Il y a tant de force dans les mots de Kyoka, dans son regard.
Suni l'observe, la toise et tremble, tangue  ; elle aimerait prendre appui sur elle.
Elle désire prendre appui sur elle, lui confier ses secrets, ses tristesses. Elle le fait déjà un peu, à peine, depuis quelques mois. Kyoka a vu ses larmes comme ses sourires depuis le début de l'été.
- Je - Ne pars pas, s'il te plait. qu'elle demande, susurre si bas. Après une fine hésitation, elle s'empare des pans de son manteau et commence à l'ouvrir. Son regard fuit le sien ; elle ajoute : Je ne - c'est une partie de moi, Kyoka. Ça faisait si longtemps que - j'ai l'impression de respirer de nouveau, tu comprends ? J'étais incomplète, sans. Les mots ne ressemblent à rien, n'expliquent rien et puis, le manteau dégage, l'armure disparait et les ailes se déplient, s'exposent. Longues et grandes, translucides et veinées de lignes noires, elles reflètent la lumière venant des ampoules, créant des arc-en-ciel sur les surfaces, légères. Je suis désolée , qu'elle dit, qu'elle confesse, brisée d'avoir échoué sa promesse à Icarus, au monde entier, amenant le mouchoir à son visage pour essuyer ses larmes ainsi que son nez.
Elle a échoué. Elle est si égoiste.

Elle tremble comme une feuille, Suni. Elle tremble des émois des derniers jours, des anxiétés qui la dévorent de l'intérieur mais aussi, de l'excitation qui ne cesse de la porter. Elle est heureuse ; heureuse et bouleversée, prisonnière entre les deux sans savoir vers lequel tanguer. La vie est dangereuse ; elle le sait, elle l'a compris. Elle joue avec le feu et la chaleur est presque trop difficile à supporter mais le froid des dernières années commençaient à la tuer. Elle a ce besoin, ce désir de s'écouter. De poser ses paumes de chaque côté de sa tête pour ne pas voir ce qui se déroule autour d'elle et juste, avancer. Ne pas tendre les doigts derrière elle, ne pas attendre que l'on vienne la chercher et qu'on la récompense. Depuis combien de temps est-elle là, assise, à attendre qu'on lui pardonne ? Une éternité, déjà. Si longtemps, oui. Suni ne pouvait plus attendre.
Elle ne sait pas, malgré tout, si elle peut affronter le regard, le jugement de ses propres. Suni ne sait pas si elle veut de leur recul, de cette expression se traçant sur leurs traits pour lui faire comprendre qu'elle a fauté, qu'elle a dépassé les bornes, fait ce qu'il en fallait pas.
La petite abeille a déçu tant de gens, déjà. Elle ne veut pas décevoir ceux qui comptent, ceux qui importent vraiment.
Si Kyoka sourit, Suni se brise. Elle fissure en douceur, dans un sursaut léger. Le sanglot la traverse sans aucune trace pourtant sur son visage. Elle se fissure de l'intérieur, avec douceur ; une peine qui est tendre, qui finit en hoquet et en petit rire, surtout, quand son amie lui dit qu'elle est belle. Les mots la touchent en plein coeur. La suite des mots pose un reflet larmoyant dans ses iris, un sanglot audible. Suni pince ses lèvres, garde sa main délicate près de celles-ci. Elle essaie de revenir les larmes et les sanglots qui demandent à tomber.
- Oh non je - Pas ton père, Kyoka. Il ne mérite pas - c'est dangereux. Les derniers mots sont soufflés. Je ne sais pas ce qu'ils vont faire ... Confession à demi mot. Suni a peur de ce qu'ils peuvent faire. Des années, si longues, à la suivre, à prendre son sang, s'assurer qu'elle ne s'éloigne pas du droit chemin.
Des doigts tendus vers elle. Suni pince ses lèvres, hésite. D'un geste tremblant, elle glisse quelques mèches folles derrière son oreille puis renifle.
- Kyo - qu'elle commence, mais Suni retient son prénom, puis soupire. D'un geste léger et presque enfantin, elle hoche de la tête avec vigueur. Oui mais - Oui. Ce n'est pas - Oh, mais merde. L'exclamation est brusque, entre ses lèvres. D'un geste rapide, elle essuie son nez coulant et renifle, encore. Tu ne dois pas être en danger par ma faute, tu comprends ? Tu ne peux pas - Je suis désolée. Tu ne peux pas rester ici, tu comprends ? C'est - c'est dangereux. La terre leur appartient. J'aurais du - désolée de ne pas te l'avoir dit. Je n'ai rien, ici. Tout est à eux. Tu dois - ton père peut t'accueillir ? Ou peut-être Gigi ? Son coeur lui fait mal, à la savoir loin. À imaginer l'avenir sans elle. Mais Suni est trop égoiste, déjà. C'est dangereux, tu comprends ? qu'elle dit encore, pour Kyoka, pour elle-même, avant de quitter enfin le seuil de la porte pour s'aventurer dans la demeure et marcher vers sa chambre. Le temps est compté.

Le tremblement ne quitte pas ses doigts ; peu importe à quel point Suni les presse contre ses vêtements ou les uns contre les autres, le geste ne cesse pas. Elle souffle, pourtant ; elle souffle de son mieux, avec une douceur qui lui appartient, pour ne pas perdre le contrôle de ses nerfs. Le coeur panique malgré tout ; les pensées valsent et vont vers les animaux de la ferme, vers Kyoka qui ne peut pas rester ici, vers Liam et June qui se poseront des questions si l'information sort. Est-ce qu'Icarus parlera d'elle ? Elle n'est pas importante, pourtant. Elle est tombée il y a si longtemps, déjà. Une chute qui a été faite et dont elle ne s'est jamais redressée. Suni reste habitée par la crainte, malgré tout, tandis qu'elle pénètre dans sa chambre et que Kyoka la suit, encore.
Elle aimerait lui fermer la porte au nez.
Elle aimerait la prendre dans ses bras et la serrer, si fort.
- Tu n'es vraiment pas obligée - Kyoka, je peux m'en occuper. Les lèvres se pincent, le regard l'effleure et Suni secoue sa tête, déjà. D'accord, qu'elle souffle, si bas, avant d'ouvrir ses tiroirs et chercher les vêtements.
Elle en possède tant. Oh, elle aimerait tous les garder. Trois pulls sont sortis, au cas. Suni les pose sur le lit et serre le tissu d'une jupe quand Kyoka fait mention de son père de nouveau, mais aussi de Gigi. Son coeur se serre comme cette pauvre jupe.
- Je suis - qu'elle commence, plein d'excuses, mais Kyoka parle de nouveau, demande simplement à être déposée ailleurs. Le coeur de Suni se serre encore plus. La culpabilité est si lourde, ses genoux pourraient céder. Elle n'est pas certaine que ses ailes pourraient la supporter.
La vérité est que Suni n'a pas volé, encore. Elle a peur de tomber.
Peur d'avoir oubliée.
- Kyoka - ; qu'elle dit de nouveau et cette fois, la lèvre est tremblante, les yeux sont humides et innondés. Suni renifle avec peu d'élégance et dépose la jupe contre le lit, avant d'avancer vers son amie pour la prendre dans ses bras. Elle la serre avec force, qu'importe si ses bras ont perdu leur force d'antan. Je suis désolée - Je ne voulais pas te mettre dans une mauvaise situation. C'est le dernier de mes souhaits tu sais ? Que tu sois en danger par ma faute. Que n'importe qui soit en danger par ma faute, vraiment. Les larmes coulent. Son visage va se terrer contre l'épaule de Kyoka. J'ai peur; qu'elle avoue, contre elle. Dire ces mots lui apportent le plus grand bien.
Une longue inspiration est prise, puis Suni se défait d'elle.
Mais pas entièrement ;
- Je ne peux pas - Oh, Kyoka. Je ne peux pas te laisser quelque part seule. Viens avec moi. qu'elle décide, implore, sans même demander la permission.
Son regard est déterminé, malgré la rougeur présente, les larmes coulantes.

Elle ne sait pas, Suni. Elle ne sait pas s'il s'agit d'une bonne idée. Elle ne sait rien, en vérité. Mais que peut-elle faire ? Que peut-elle faire outre proposer, outre inviter Kyoka dans sa fuite ? Elle sait, de toute manière ; elle sait que son amie aura besoin de fuir, de se cacher aussi. Que la vie aura raison d'elle, que le monde est injuste, cruelle.
La vérité est que ;
La vérité est que Suni n'en a que faire des bonnes ou des mauvaises idées, maintenant.
Que le monde est terrible, si terrible avec elle depuis longtemps, et qu'elle veut simplement choisir par elle même, avancer par elle-même, et surtout tomber par elle-même. Elle n'en veut plus de ces chaines que l'on trouve à ses chevilles, que l'on a mis à ses poignets. Elle ne veut plus que l'on lui arrache les ailes, qu'on lui prenne des parts de son corps sans lui demander la permission tout en lui disant qu'elle est responsable de la chose. Qu'elle a fait une bétise horrible, gigantesque, et qu'elle doit en payer le prix.
Les paupières papillonnent ; les yeux ferment une courte seconde, douceur posé contre sa joue, puis Suni ouvre les yeux et observe son amie, sa confidente. Elle l'aime, Kyoka ; elle l'aime comme on aime sa famille, comme on aime sa demeure, son chez soi. Il y a un réconfort qui s'est inspiré en sa présence, une sérénité et surtout, une honnêteté. Certes, les silences et les mensonges existent encore et Suni porte sa noirceur, son brouillard mais avec Kyoka, elle est certainement la version la plus honnête qu'elle même, qu'importe le beau, le laid. Elle est simplement elle. Suni. Sun-Hi.
Les lèvres se pincent ; la fierté de Kyoka à son égard pourrait la faire pleurer de nouveau et en vérité, la chose a lieu. Les larmes glissent contre les joues de Suni mais elle sourit et hoche de la tête rapidement, un rire brisant sa tristesse. Il est étrange et pourtant si bon d'être heureuse et triste à la fois.
- D'accord je - Oh, Kyoka. De ses maigres mains, Suni essuie ses joues et hoche de la tête, rit encore quand Kyoka parle de ses choses. Kyoka  - qu'elle dit encore, un doigt tendu vers elle. Les paroles la frappent en plein de coeur.
Et elle rit encore, Suni. Elle rit de chagrin, de bonheur aussi. Elle rit pour toutes ces émotions qui la traversent et surtout, qu'elle évacue.
- D'accord, oui. D'accord, promis. Je ne laisse rien derrière. Devrait-elle envoyer un message à JiHo ? Lui expliquer les choses, sa vie. Suni ne sait pas. De ses poches pourtant, elle sort son téléphone. L'un de ses téléphones ; celui qui vient d'Icarus, qu'elle traine depuis des années. Le second, enfoui plus profondément dans sa poche, est inconnu au bataillon. Ils ne le connaissent pas. Il s'agit de son vilain petit secret. Peut-être que  -
Les lèvres se pincent, et Suni balance le premier téléphone dans un coin de la pièce, avant de retourner à ses vêtements.
- Kyoka je - Oh, c'est peut-être trop demandé mais - Elle grimace, sourit un peu et continue : Tu pourrais aller chercher Bernardo et Dragon ? Je sais que - oh, c'est si stupide de fuir avec des canards. Je sais  - tu sais, je les amenerais tous. Même les vaches. C'est si bête qu'elle en rit, Suni. Mais le dire, y penser lui brise le coeur. je - juste les canards. On peut amener les canards, oui ? qu'elle demande dans la plus grande des douceurs, comme un enfant croyant encore à la magie de noel.

Il y a une frénésie. Quelque chose de lourd et de léger, en même temps. Suni a le sourire aux lèvres, le rire dans la gorge et pourtant, les larmes au bord des yeux. Elle se sent perdue tout autant qu'elle a l'impression de se retrouver. L'ensemble des choses lui donne le vertige, terriblement. Soudainement, elle perd son horaire ; elle perd sa norme, mais sa cage en même temps. Tout disparait sous ses yeux. Il y a un sentiment apaisant, presque, à savoir que Kyoka restera avec elle. Que son amie ne la quitte pas et que dans cet inconnu qui se trouve devant elle, elle pourra tenir la main d'une personne en laquelle elle a terriblement confiance.
Le salut fait par Kyoka lui arrache un sourire, un rire ; Suni porte sa maigre main à sa bouche, ses joues enflées par le sourire trop grand. Elle est émue, touchée. Elle est heureuse malgré les tremblements qui habitent son coeur, son corps.
- Oh ! qu'elle fait, courant rapidement à la porte de sa chambre, s'accrochant au cadre. La petite abeille penche son corps vers l'avant, laisse sa voix être portée dans le couloir, répond : J'ai laissé un mot à la ferme de Madame Folet ! Elle s'en occupera, j'en suis certaine ! Suni a espoir, vraiment, que la femme le fera. Le décès de son mari lui donne beaucoup plus de temps et s'il n'aimait pas tant les animaux, elle les adore. Depuis que son mari l'a quitté, elle ouvre encore plus sa demeure aux animaux. Suni sait qu'elle prendra soin de ceux dont elle ne peut plus se soucier.
Le regard s'accroche sur Kyoka, les bras si plein et si pleine de vie, aussi. Son coeur s'apaise à la voir ainsi armée de ses choses. Doucement, elle hoche de la tête, replace quelques mèches sombres derrière son oreille.
- Je n'en oublierais aucun, promis qu'elle lui répond, à propos des plats de Gigi. Un pincement au coeur à l'idée, à la possibilité de ne pas le revoir avant longtemps. Suni espère que cette vie ne sera pas éternellement cachée ; elle aimerait tant voir tout ceux qu'elle aime. Les serrer dans ses bras, lui dire qu'elle se sent libre.
Une pensée pour Liam, June, Arcelia ; Suni pince ses lèvres, retourne dans sa chambre alors que Kyoka disparait hors de la demeure.
Elle souffle, Suni. Elle souffle et ouvre les tiroirs encore fermés, a le coeur qui se pince à devoir choisir entre ses pulls à fleurs, à abeilles, à pois. Les choix sont si nombreux, ses robes si nombreuses, comme ses jupes. Il y a tant de bonheur, dans ses vêtements. Sa seule liberté pendant si longtemps. Suni, elle a les larmes qui coulent, un peu, mais elle les chasse. Elle les chasse et elle choisit ses habits rapidement, remplit son sac avec la force de ses maigres bras. Avec tenacité certaine, elle attache les lacets de ses bottes préférées ensemble, les porte comme un sac sur son épaule et tangue un peu, si difficilement, dans les escaliers. Sur l'un de ses bras, quelques jupes, quelques robes. Les pantalons sont dans son sac. Peut-être que Kyoka a de la place, comme promis ?
Quand elle atteint la porte, le perron, Kyoka est assise avec Leon. Suni a un pincement au coeur face à la vue, face à Kyoka, face au chat qu'elle a oublié. La ferme lui manque déjà si fort. Elle souffle doucement, les yeux innondés, et pose ses choses à côté de son amie.
- Kyoka ? qu'elle dit, pleine de douceur. Le vent fait voltiger ses cheveux, ses mèches fouettant son visage. Suni les laisse être. Merci d'être là. Je t'aime. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Elle serait certainement au milieu de sa chambre, encore, effondrée en larmes. Icarus l'aurait trouvé ainsi, peut-être, avant qu'elle ne trouve la force de se relever. Leon peut venir, oui. Il est si - oh, je l'aime aussi qu'elle dit, et c'est si bête qu'elle en rit, et elle sanglote un petit peu. Suni rit encore plus, renifle et essuie ses yeux, chasse ses mèches folles. J'ai besoin  - tu as de la place, encore ? J'ai trop de vêtements, Kyoka La confidence est faite avec un autre sanglot, et elle rit encore. Je vais  - les plats de Gigi. Je vais les chercher. qu'elle annonce, reniflant encore, abandonnant ses choses, si peu nombreuses, trop nombreuses pour la situation pourtant, pour aller chercher un sac de courses et y mettre les plats si nombreux de Gigi. Au passage, Suni s'arrête et ouvre le frigo, hésite mais remplit les contenants des aliments encore bons. Il ne faudrait pas les gaspiller, non.

Elle tremble, Suni, face à ce qui l'attend. Elle tremble d'une peur immense mais aussi d'un bonheur gigantesque. Elle est troublée, si troublée par toutes ces choses qui la bouleversent. Comment va-t-elle s'en sortir ? Elle ne sait plus, non, à quoi ressemble demain. Elle ne sait plus rien, outre que le chemin n'est plus tracé sous ses yeux, ses pieds. Elle a quitté le chemin tracé, oui, Suni. Elle s'en est éloignée brusquement sans attendre son reste, sans porter attention aux avertissements qu'on lui murmure depuis des années et elle est libre. Elle est libre, mais pas seule.
Non, elle n'est pas seule. Il y a Kyoka qui est là, avec elle. Il y a ces deux hommes si bons et gentils qui sont là, prêts à l'aider. Les aider. Suni ne sait pas ce qu'ils diront quand elle arrivera avec Kyoka, mais elle espère si fort qu'ils ne diront rien, qu'ils l'accueilleront elle aussi, oui, dans leurs bras. Parce que Kyoka, elle ne mérite pas d'être mise dans une telle situation par sa faute. Kyoka, elle ne mérite pas une telle vie, un tel sort.
Suni, elle aimerait tant lui offrir de meilleures possibilités.
Elle renifle, Suni, et chasse ses larmes quand Kyoka la rejoint. Un sourire est offert en vitesse sous le poids du baiser posé contre son épaule, et Suni, elle se redresse et inspire doucement, regarde sa petite cuisine, ses belles choses, son univers depuis des années.
Elle n'est pas prête à tout quitter.
Mais elle n'a pas le choix, non, pour respirer.
- Non, qu'elle dicte, et sa voix est aussi douce que ferme. Suni porte son regard sur Kyoka, et lui tend les doigts. S'empare des siens et les serre avec douceur, légèrement. Nous trouverons un nouveau chez nous, Kyoka. Parce que Suni, elle ne se voit pas sans Kyoka. Si elle est devenue l'un des pilliers de l'autre au fil des mois, la chose va aussi dans l'autre sens. Suni ne sait pas ce qu'elle ferait, sans elle.
Peut-être qu'elle serait toujours dans sa petite prison de cristal, si Kyoka ne lui avait pas montré quel goût pouvait avoir la colère et la rage face à l'injustice totale.