soulmates always find their way back to each other (Kyoka)

02/04/2023

La nourriture est prête dans son joli caddie de mamie, il a enfilé sa salopette (sans T-shirt), un gilet trop large (le thème est mamie aujourd’hui) et ses rangers défoncées. Un dernier coup d’œil dans le miroir lui fait savoir qu’il est beau comme un cœur pour Kyoka et il attache Eustache pour sortir et se rendre jusqu’au métro. Une fois à la surface, il récupère la vieille voiture de son père – il a demandé la permission de l’emprunter, un miracle –, fait monter son chien sur le siège avant à côté de lui et démarre en trombe, direction la ferme de Suni. Il n’a pas précisé l’heure à laquelle il allait débarquer, Kyoka le connaît assez pour savoir qu’il arrivera tôt ou tard. De toute façon, s’il en donne une, ce n’est jamais la bonne. L’heure de trajet est passée à chanter à tue-tête avec le vieil autoradio, Eustache doublant parfois la voix de son maître d’un hurlement de loup, par appréciation ou mécontentement, seul un spécialiste canin pourrait le dire.

En arrivant, il exécute un beau dérapage contrôlé dans la boue, saute à pieds joints dedans en quittant l’habitacle et braille un délicat KYOKAAA, histoire de préparer le terrain et de lui signifier que son assourdissant copain est là. Il fait le tour de la voiture pour sortir son caddie du coffre, puis ouvre la portière à Eustache qu’il détache. Le petit chien se fait une joie de cavaler dans l’étendue verte autour de lui. Gigi l’observe un moment avec un regard fort attendri, jusqu’à ce que l’animal revienne vers lui en aboyant, le dépassant pour aller coller ses pattes boueuses sur Kyoka qui vient d’apparaître à la porte. Gigi se retourne et ne retient absolument pas l’immense sourire qui vient fleurir sur ses lèvres. Il court jusqu’à elle en traînant son caddie derrière lui, le laisse lamentablement tomber par terre pour simplement ouvrir ses bras et l’y envelopper tout entière. Honey, sugar, love of my life, dream babe, amore mio, non, il ne fait pas du tout dans l’excès d’amour, how you feel today? Il dépose un baiser sur sa tempe, sur son nez, plie ses genoux pour atteindre ses lèvres, et sourit encore, le rire au bord des lèvres. Il a mille choses à lui raconter. Il s’écarte un peu, pour signer, toujours plus confortable ainsi avec ses proches. I brought you way too much food as usual.* D’autant plus qu’il sait que Suni n’y touchera absolument pas. Peu importe, il compte bien manger avec elle ce soir, ça fera déjà ça de moins. Il se penche pour ramasser le caddie – un peu sale, maintenant – et lui présenter comme s’il contenait la septième merveille du monde.

*Langue des signes

Il y a une trépidation dans l'air, un rebond incertain qui tressaute jusque dans ses pieds, un séisme qui court du bout de ses orteils jusqu'à son talon. Gigi vient, il lui a dit, et elle n'a que ça en tête toute la journée. Gigi vient et Kyoka sourit, un sourire tout pointu et tout fier, qui fait fondre la glace et qui fait pousser les légumes. Ça lui arrive pas souvent, de sourire comme ça, pas depuis que la crise est arrivée, mais ça revient tout doucement, presque en catimini, ça la surprend à chaque fois. Gigi vient et Kyoka fredonne en faisant la vaisselle, les mains plongées dans l'eau chaude et les yeux perdus à travers la fenêtre et tout est si normal qu'elle pourrait se laisser fondre, retomber dans un sentiment de sécurité. Elle sait que c'est traître ; que la rechute la guette à chaque pas. C'est arrivé, plusieurs fois, des pics si hauts qu'elle pensait que tout irait bien, seulement pour être cueillie par des abysses qui lui semblaient sans fonds. C'est sans importance, ce jour-là, parce que Gigi vient, arrive à un moment, jamais sûre de quand, mais toujours sûre qu'il finira à bon port, à un moment donné, comme un marin qui rentrerait, éventuellement.

Kyoka n'a que des incertitudes certaines, au sujet de Gigi, des destinations sans trajet planifié, parce que le vent les portera bien où ils doivent arriver. Ça ne l'inquiète pas, jamais, c'est une des seules choses qui ne le fait pas, génie absurde du flou net, d'une histoire si absolue que rien n'est un obstacle, que tout est une porte ouverte, une nouveauté, une opportunité. Elle relève la tête, quand elle entend un bruit de moteur, s'essuie vaguement les mains, rosit un peu en entendant son prénom, parce que Gigi n'a jamais été discret, mais qu'à bien y penser, elle ne l'est pas tellement non plus. Elle inspire.

Quand ils se retrouvent à la porte, elle peut enfin respirer, et c'est par un éclat de rire qu'elle lui répond, le visage tendu vers lui pour recevoir avec joie les baisers dispensés.

— T'es infernal, elle signe, un sourire en coin sur la bouche, toute l'affection du montre contre les lèvres. Au pire on congèlera.

Elle trouvera bien un moyen de ne rien gâcher, de toute façon, attrape le caddie à pleine main pour le poser à l'intérieur, avant de s'accroupir pour saluer Eustache avec le plus grand des sérieux, même s'il a taché son jean préféré.

— Ça va pas trop mal, et t'as la tête de quelqu'un qui a genre sa vie entière à me raconter, elle relève les yeux vers Gigi, mais d'abord on met la bouffe au frais, je veux pas chopper un truc en plus de tout le reste.

C'est déjà pas rigolo de se sentir toute cassée, elle veut pas en plus passer la nuit au-dessus des toilettes, merci bien. L'air un peu désolé, elle attrape le caddie, pour le tirer vers le frigo, fait signe à Gigi de la suivre :

— T'es trop beau, ton gilet a l'air trop confortable.

Elle le réquisitionnera probablement un peu plus tard, histoire de sentir un peu comme Gigi.

02/04/2023

Le rire de Kyoka est un trésor, c’est comme mille éclats d’étoiles qui se glissent dans son cœur et le font chavirer. L’un de ses sons préférés, depuis qu’il peut l’entendre. Un son qui s’est perdu, un peu, derrière les nuages de fatigue et de mélancolie, mais que Gigi a gardé précieusement dans ses souvenirs. Un son qu’il a attendu d’entendre une éternité, dès l’instant où il a arraché son premier rire à Kyoka, éclairant son doux visage de marbre, après des années à le chercher. Il l’avait dévorée des yeux, ce jour-là, iels n’étaient encore que des enfants, pourtant il se rappelle si bien le bonheur qui avait irradié tout son être, simplement pour ce rire, les dents comme des perles qu’il dévoilait, les adorables fossettes qu’il démasquait. Le rire de Kyoka est précieux, alors, et il étire un sourire immense sur les lèvres de Gigi. Exactly!! They kicked me out of hell ‘cause I brought too much food!!*, il rétorque avec un clin d’œil plein de fierté.

Il regarde Eustache faire la fête à Kyoka d’un air attendri, glousse aux mots qui prouvent qu’elle le connaît par cœur et lève les mains comme un coupable pris en flagrant délit. Gosh, if you knew how right you are, White family has been let loose. Il acquiesce en riant, la suit à l’intérieur en tapotant sur sa cuisse pour que son chien vienne avec. Le terrain de la ferme est immense et Eustache y a déjà disparu quelques fois, autant ne pas tenter le diable. It’ll be yours at the end of the day. Comme pour toutes ses affaires, Gigi n’a aucune idée d’où sort ce gilet, cela pourrait être autant une vieillerie trouvée dans le grenier des parents qu’un vêtement emprunté (chipé) dans le vestiaire d’une boîte de nuit. Peut-être même qu’à l’origine, il appartenait à Kyoka, il n’en sait rien. Tout ce qu’il sait, c’est que Kyoka demande, l’air de rien, et qu’elle l’aura.

Il embrasse l’arrière de son crâne avant de la dépasser dans la cuisine qu’il connaît bien, ouvre le frigo, et entreprend de stocker le contenu de son caddie dedans, empilant les tupperwares avec soin. I made lasagna verde and cannoli for dessert. Il se retient de faire la liste de tout le reste, parce qu’elle n’en sera que plus heureuse en les découvrant ; il a glissé quelques-unes de ses recettes préférées dans le lot. How’s it going with Suni? Do you still have the feelings?* Il sait bien que leurs sentiments à tous les deux les envahissent toujours comme d’irrésistibles vagues, les siens ne s’estompent que très rarement, peu importe les ruptures, les refus ou les années qui filent. Il ne suppose rien, pour Kyoka, veut juste savoir où elle en est, depuis qu’elle a avoué ce qu’elle ressentait à Suni, sans que la chose aille plus loin que cela. Suni qui ne se sentait pas capable d’aimer et d’être aimée de cette manière. Gigi a certainement eu plus de chance avec Levi, oui. Le sourire est doux, tendre, tandis qu’il s’installe sur une chaise.
*Langue des signes

Gigi est à la maison et elle l’est automatiquement elle aussi, tête renversée en arrière pour chercher un nouveau baiser alors qu’ils s’éparpillent dans la cuisine. Elle se perche sur une chaise, le chien à ses pieds, le menton entre les mains, un sourire sur les lèvres lorsqu’il évoque le chaos des White, yeux roulés pour la bonne mesure quand son cerveau lui rappelle que Ludvig fait parti de la famille et qu’elle voudrait avoir le loisir de lui faire des croche-pieds la moitié de son temps éveillé — non pas qu’elle pense à lui réellement la moitié de son temps éveillé. La perspective du repas fait gronder son estomac un peu plus fort qu’elle ne le pensait et elle éclate de rire, se penche pour attraper un fruit posé sur le comptoir. La pomme fait un peu la tronche, mais elle a poussé à la ferme et c’est quand même autre chose que toutes les compotes qu’elle a mangé dans sa vie, toutes les pommes informes qui ont passé plus de temps dans une usine que dans un arbre. Elle croque dedans, pensivement, étend les jambes.

— La prochaine fois, je te cuisine un truc, elle lui lance, l’air de rien, bien trop fière des recettes qu’elle a apprise mais incapable de se décider à ruiner la surprise.

Elle est presque sûre que la palanquée d’alternative vegan qu’elle a appris à faire pour tous les plats de sa maman lui feront plaisir. Elle pourra jamais vraiment lui présenter et la nourriture, le goût des plats, l’odeur dans la cuisine, sont les dernières traces tangibles qu’il en reste, en réalité. Ca, et un nom dont elle ne se défera jamais. Ca, et une colère inextinguible, ça et- elle ne peut pas y penser, pas maintenant, pas tout de suite, pas alors que Gigi la ramène vers des sentiments plus doux, vers des territoires plus fragiles, plus dénués de colère, vers des plaines à perte de vue de tendresses. Elle soupire, un peu, tend les bras vers lui pour l’inviter à la rejoindre. Elle lui tend la pomme à moitié entamée.

— Je l’aime, et c’est une déclaration universelle et inflexible, parce que l’amour est protéiforme et merveilleux, parce qu’il est fabuleux comme ça, parce que la façon dont elle l’aime n’a que peu d’importance, en réalité. Ce ne sera jamais romantique, mais ça n’en est pas moins important. Mais je l’aime, elle est merveilleuse.

Suni est impossible à ne pas aimer, mais ce n’est pas quelque chose que Kyoka se sent capable d’expliquer, alors elle sourit, à la place, parce que le pincement qu’elle a au coeur parfois lui rappelle simplement qu’elle est vivante et capable d’exister, d’expérimenter, de vivre, d’aimer, et que rien ne peut l’en priver, et que rien ne peut changer ça, et que son amour est immense comme l’océan, suffisamment grand pour accueillir le monde entier, suffisamment malléable pour prendre les formes dont ont besoin les gens qui veulent bien s’appuyer dans ses bras. Elle embrasse gentiment la tempe de Gigi.

— Qu’est-ce qui se passe chez les White, en ce moment, alors ? Me dis pas que Ludvig a encore tenté d’être brillant, ça lui réussit pas.

Elle n’est jamais désagréable trop ouvertement, et elle sourit, pour adoucir l’exaspération dans sa voix. Elle aime trop Gigi pour supporter qu’on ait pu le blesser. Elle aime trop Gigi pour rentrer les griffes tout à fait.

02/04/2023

Kyoka quémande un autre baiser d’un simple mouvement de tête et il le donne sans concession, sourit contre ses lèvres avant de s’éloigner un peu pour déballer ses affaires. Ils sont ainsi, n’ont jamais eu besoin des mots pour se comprendre. Leur tendresse est naturelle, les mains se cherchent d’elles-mêmes, les corps aussi. Il finit de ranger le tout dans le frigo, mais garde les lasagnes à portée en entendant le ventre de Kyoka gronder ; il rit avec elle de bon cœur : Should I preheat the oven right now? Il se retourne vers elle, pose son regard d’amoureux transi sur elle, un sourire en coin qui fleurit lorsqu’elle parle de lui cuisiner quelque chose. Oh yeah? Les yeux se plissent légèrement, suspicieux, d’eux deux, c’est toujours lui qui cuisine, mais Gigi est comme ça avec toute sa famille. Il laisse rarement la place aux fourneaux à qui que ce soit – bien qu’il ait compris qu’il allait devoir la céder au petit ami de Lou, de temps à autre. Ça ne le dérange pas d’être commis, de toute façon. What’you gonna cook for me, hm? Il se rapproche à pas feutrés et croque dans la pomme tendue sans la prendre.

Les signes sont suivis avec attention, Gigi hoche la tête et comprend parfaitement les sentiments de son âme sœur. Leur vision de l’amour s’est toujours accordée, il n’y a jamais eu de compétition entre les personnes qu’ils aiment, qu’il y ait romance ou non. Chaque amour est différent et surtout chaque amour est précieux, à leurs yeux. She is*, il acquiesce en se lovant contre elle pour un câlin. Le rire éclate, à la question suivante, il s’écarte un peu et lève les mains pour commencer à signer. Oh, they’re driving me nuts, il secoue la tête, l’air passablement ennuyé par les capacités de communication déplorables de ses frangins. Lulu’s in love, Lou too, but their lovers are siblings and it seems they had some issues in the past that I know nothing of. Anyway, as usual with Lou and Lulu, it’s like they talk to each other with their heads underwater or something. Il soupire un peu, dépité, à croire qu’il a toujours été le seul à écouter leur mère quand elle leur disait qu’ils ne devaient pas garder leurs émotions bloquées à l’intérieur. Before I forget, I want you to meet my prince if you feel like it? I mean, I have to ask him too, but wanted to ask you first. We’re officially together*, il annonce la nouvelle en gloussant comme un idiot. Peu importe le nombre de relations qu’il a pu avoir, il les accueille toujours avec autant de joie. Il a bassiné Kyoka pendant des mois avec son prince, ce serait donc tout naturel de lui présenter Levi maintenant, si elle le souhaite, et lui aussi, bien sûr. Il est conscient que la notion de polyamour est encore très neuve pour Levi et n’a pas envie de lui imposer des choses contre son gré.

*langue des signes

Gigi lui laisse la pomme et Kyoka croque à nouveau dedans, habituée à manger dans la même assiette, sur la même fourchette. Elle l’observe habiter la cuisine avec une grâce habituelle, dévore des yeux la façon dont il s’agite, voudrait pouvoir se fondre sous sa peau pour profiter de sa chaleur, s’endormir sous ses os pour ne plus se poser de questions. Elle sait que ce n’est pas possible ; elle ne supporterait pas une vie entière dans les baskets de Gigi, et c’est très bien comme ça, fusionnels mais pas uns, juste assez distincts pour vivre pleinement. Il la taquine et elle lève un peu dramatiquement les yeux au ciel, tend la jambe pour pousser ses fesses, sans trop de brusquerie, prédateur dont on aurait limé les canines.

— Préchauffe le four, oui. Tu sauras ce que je veux te cuisiner quand ce sera dans ton assiette, elle répond, relève le menton, éclate de rire dès qu’il commence à lui décrire en détail les problèmes que rencontrent ses deux frères.

Ca n’a rien de gentil, mais le fou rire est irrépressible, et elle s’essuie les yeux pour en chasser les larmes qui commencent à en couler. Vraiment, il n’y a que la famille White pour se retrouver enchevêtré dans des situations si complexes, que la famille White pour provoquer Madame Destin et son cortège d’absurdités comme ça. Et tant pis pour Lulu, s’il se retrouve dans la sauce, elle pense, sans le prononcer, parce que ce serait cruel de mettre Gigi en porte-à-faux comme cela. Tant pis pour lui. Il retombera bien sur ses pattes, de toute façon.

— Tes frères ont un talent particulier pour le n’importe quoi, elle répond, avec plus de gentillesse qu’il n’y en avait dans son rire. Mais de toute façon, c’est toi l’enfant prodige, tout le monde le sait.

Kyoka le sait, en tout cas, et irait s’engueuler avec le monde entier si quelqu’un venait la contredire. Quand Gigi recommence à signer, elle s’immobilise, la pomme à moitié dans la bouche, et les yeux immenses, comme pour mieux déchiffrer. Il parle de son prince, et le visage de Kyoka s’illumine d’une joie qui n’a rien de feinte, il glousse et elle pose la pomme sur le comptoir, geste un peu brusque, pour mieux se jeter dans ses bras. Elle est ravie, infiniment heureuse, presse un baiser un peu collant contre la joue de son amoureux.

— J’ai trop hâte de le rencontrer.

Elle meurt d’envie de voir la personne qui met des étoiles dans les yeux de Gigi, parce que ça ne peut qu’être quelqu’un d’exceptionnel. C’est certain, ça ne fait aucun doute, parce que Gigi a un talent pour ça, pour s’entourer de gens intéressants, parce que Gigi est tellement amoureux de son prince qu’elle ne peut pas ne pas vouloir lui dire bonjour, pour ne pas avoir envie de lui dire tout ce qu’elle aime chez Gigi. Elle attrape une de ses mains, pour le faire tourner sur lui-même, lui plante un nouveau baiser sur la joue.

C’est simple, avec Gigi, c’est tellement simple, et elle respire, appuyée contre lui, des mots au bout des lèvres, parce qu’après tout ça, elle a d’autres questions qui tournent, d’autres questions qui l’habitent. Elle pianote gentiment sur son épaule, avant de s’écarter de lui, finit par demander, tout bas :

— Tu as des nouvelles de Marlow et Tiny ?

Dans cet ordre-là et dans tous les ordres, deux autres petits bouts de son coeur. Elle se sent si loin d’eux, à la ferme, et ça lui tord le ventre, parfois, comme des petites aiguilles qui transpercerait son âme. Les yeux pleins d’espoir, elle observe Gigi.

02/04/2023

Il y a son rire qui résonne, à sentir le pied de Kyoka contre lui, deux gamins qui passent leur temps à chahuter, c’est ce qu’iels sont depuis toujours. Il parvient à lui filer une petite tape sur le mollet avant qu’elle ne le retire et qu’il ne se hâte à préchauffer le four pour les lasagnes, retourne vers elle pour raconter sa vie de famille. C’est à son tour de lever les yeux au ciel d’un air dramatique, lorsqu’elle se moque de ses frères ; Gigi est plutôt désespéré de cette situation, bien qu’il n’attaque jamais les tracas quotidiens de manière négative. Il sait qu’il est possible de discuter, aussi bien avec Lou qu’avec Lulu, mais dès lors qu’ils ont chacun une idée bien ancrée dans la tête, il n’est pas évident de la déloger de là. Mais peu importe, Gigi les aime ainsi, et en dernier recours il peut toujours compter sur son statut de petit dernier et leur faire les yeux doux – voire larmoyants –, ça fonctionne à tous les coups. Pour le moment, il leur laisse le bénéfice du doute et leur fait confiance pour arranger les choses par eux-mêmes. Gigi ne trouve pas forcément légitime de se mêler de leurs affaires, et surtout de celles de leurs petits amis.

Il fait la moue, un peu. I hope they’re gonna be okay, though. Il chasse la pensée d’un petit geste de la main et fait le beau au compliment, sourire flatté aux lèvres. I know, I know. I got all the fairies around my cradle for sure, that’s why I’m fabulous.* Gigi, il s’est toujours vu terriblement chanceux d’avoir sa famille, ses frères, Kyoka, Tiny, Marlow, et tou.te.s les autres, dans sa vie. Il ne serait jamais devenu celui qu’il est, sans elleux, et il est incapable d’exprimer tout l’amour qu’il ressent pour chaque personne de son entourage. Pourtant il n’a jamais eu peur de l’exprimer, mais il y en a beaucoup trop, à l’intérieur, parfois même trop pour le monde, il croit. Et puis, il y a Levi, maintenant, qui a fait son entrée dans son univers, qui le rend terriblement heureux, lui aussi, autant que Kyoka qui se jette dans ses bras à la nouvelle. Il respire la joie, Gigi, dans ces moments-là, dans ces instants hors du temps loin des soucis qui tourmentent Kyoka d’habitude. Il s’en abreuve, parce que les bas ont été difficiles à vivre, pour lui aussi ; il n’est jamais simple de voir quelqu’un qu’on aime aussi fort sombrer peu à peu. Il embrasse sa joue, lui aussi, tourne sur lui-même telle une princesse de conte de fées

Il l’attire à lui, la serre dans ses bras, et quand elle s’éloigne d’un rien, attrape son visage entre ses paumes et dépose un baiser sur son front, rassurant. Marlow misses you, a lot. Il souffle, tendrement. Il ne veut pas lui faire de la peine, évidemment, mais il est important pour lui d’être honnête, malgré tout. And Tiny is Tiny. I think he’s doing better, but he still disappears from time to time. Il embrasse à nouveau le sommet de sa tête, la reprend dans ses bras pour quelques secondes, à la bercer un peu, puis se détache délicatement en caressant ses cheveux. You know we all love you, right?, il fait, avec toute la tendresse du monde dans le regard.

*langue des signes