honesty is such a lonely word | Gigi

La colère est un peu redescendue, au fil des coups de poings. Maintenant, Ludvig se traine une main abimée et un bel oeil au beurre noir, remontant les rues de l’Underapple rapidement, les mains dans les poches de son sweat et la capuche rabaissée sur sa tête. Y a trop de choses dans sa tête. Y a trop de choses dans son coeur aussi, et Lulu sait pas les gérer. Y a trop de douleur, aussi, des mots de Lou, et puis d’savoir qu’au fond, il a raison. Lulu, il sait pas être une bonne personne. Il a jamais su. Il essaie, pourtant, il essaie toujours mais la noirceur elle r’vient toujours. Elle est toujours là, elle le lâche pas, elle attend les faux pas et elle s’infiltre un peu plus à chaque fois, il a l’impression. Il l’aime pas Lulu, mais il sait pas la faire partir.

Il pousse un soupire, et puis presse le pas pour rentrer. Il sait que Gigi s’inquiète, et il s’en veut déjà - mais valait mieux qu’il soit pas là, valait mieux être tout seul, oui. Parfois, il veut pas que Gigi le voit comme ça, même si Gigi il a presque tout vu, même si Gigi, il le connaît parfois mieux que lui-même. Sauf que Gigi, il a un peu trop d’optimisme, pour lui. Mais Lulu, il veut pas l’inquiéter, et il lui a dit qu’il allait rentrer bientôt, alors… il presse le pas. Il s’dit que c’est fort possible que Gigi ait pleuré. ça lui serre le coeur, déjà. Il veut pas ça, Lulu. Il veut jamais ça.

Il prend une inspiration, puis rentre dans leur appartement, referme derrière lui et se débarrasse rapidement de ses chaussures. ‘I’m home’ Il annonce simplement, avec dans l’idée de vraiment pas parler de pas ce qu’il s’est passé. Franchement, il n'a pas envie et puis il a bien compris ce qu’il y avait à comprendre. Il jete un coup d’oeil à son portable, proche de minuit, grimace un peu et s’avance dans le salon alors que Gigi le rejoint. “It’s fine, you should see the other dude” Il fait aussitôt.

Lulu le laisse faire. Gigi, c’est bien l’une des seules personnes qu’il peut l’approcher et le toucher sans qu’il ne se tende ou croit qu’on va l’attaquer. Avec Gigi, y a jamais de peur, jamais de tension. Il se laisse faire, Lulu, il le laisse retirer sa capuche même s’il aurait bien voulu la garder, de toute façon il est trop occupé à être surpris par le crâne presque rasé de son frère et sa coloration. “What did you do to your hair?” Il demande, sans jugement, mais étonné de le voir arborer un nouveau style si brutalement. Il bronche pas, à la question, répond pas, encore fragile sur le sujet, et honnêtement c’est pas vraiment dans ses plans de parler de ses attirances cette nuit.

Il exhale alors qu’il disparaît dans la cuisine, roule un peu des épaules pour détendre des muscles bien trop tendus, et récupère le sac surgelé et ferme son oeil pour mieux le presser contre la blessure déjà sans doute bien vilaine. Il hausse les épaules. “I have two” il répond bien stupidement sans regard pour sa propre santé, et puis suit sans broncher son petit frère jusqu’au canapé. Il s’assoit sans protester, tend sa main docilement. La chose est habituelle, la chose a déjà été répétée 1000 fois, Gigi aurait pu devenir infirmière avec le nombre de ses blessures qu’il a soignées par le passé.

Il y a un silence, et le cœur de Lulu qui bat un peu trop fort, un peu trop douloureusement. C’est jamais supportable, de faire de la peine à son frère. Jamais jamais. Mais il sera jamais assez bon pour ne plus le faire, il le sait bien. “I’m sorry I made you cry” Il s’excuse, lentement, les yeux sur la blessure et les doigts de Gigi qui s’affaire. Il n’a pas besoin que Gigi le lui dise. ça se voit, et il le sait, juste. Il le sait. Il connaît Gigi.

Lulu sait bien pourtant, que c’est pas grave de pleurer. Il le sait bien, il a vu Gigi l’faire plein de fois, lui aussi a déjà pleuré plusieurs fois. Pourtant, il y a toujours une honte. Pourtant, y a toujours une sensation de faiblesse, des réminiscences du violence psychologique subie depuis des années qui part difficilement, malgré tout l’amour qu’on peut lui donner depuis. Lulu il aimerait tant voir les choses comme Gigi, ou comme Robin, mais ça s’ra jamais le cas. Il s’ra toujours con, il s’ra toujours pollué par les mauvaises pensées. “I know” Il fait, bourru, se renfrogne un peu, la main tendu, ignorant la douleur, trop habitué à cette dernière de toute façon. Lulu, il dévie un peu le regard, Lulu il a le coeur qui se serre et puis il se sent coupable, un peu - toujours. “‘msorry” Il marmonne, la paume de sa main libre frottant son genou légèrement. Lulu, il aime tant Gigi, mais parfois les discussions sont difficiles parce que Lulu il est pas prêt à parler des choses. Lulu, il a beaucoup de choses à dire ces temps-ci, que ça déborde à l’intérieur. Et Gigi, il sait. Gigi il l’a dit, dans le sms. Lulu a rien confirmé - mais ça lui a fait quelque chose, d’être face à ses contradictions. “ ‘sjust…” Il soupire, Lulu. “have a lot, in my head, and i cant-” Il marmonne un peu. “i dont like it” Il y a une pause. Lulu, il réalise qu’en essayant de gérer ses propres sentiments pour Marcus et la crainte de les rendre trop réels, il a sans doute peut-être un peu évité son frère. “m sorry i didnt talk too much”

Lulu observe son frère avec un air un peu penaud, parce qu’il ne supporte pas quand Gigi le dispute ou pire, quand il lui fait de la peine. Il l’a déjà assez fait avec l’armée. Depuis, il essaie de plus jamais le faire. ça marche pas toujours malheureusement, parce qu’il est loin d'être le meilleur frère qu’on pourrait avoir. “I don’t n-” J’en ai pas besoin, qu’il s’apprête à dire alors que Gigi s’applique à bander sa main, mais sa protestation meurt aussitôt, imaginant déjà la réaction de son petit frère. Lulu exhale, et s’enfonce un peu plus dans le canapé sans un mot, lui tendant ensuite son autre main à sa demande.

Lulu pince les lèvres. Ce n’est pas vraiment qu’il ne veut pas. “ t’s just… stupid” sa main s’enfonce un peu dans le canapé. “and dont know if that’d help anything” il marmonne, pas assuré alors que dans sa poitrine, ça s’accélère un peu. Un coup d’oeil à Gigi, alors que la question raisonne. Le silence s’étire, un peu trop longtemps pour qu’il puisse balayer la demande. Il y a un malaise. Lulu, il voudrait signer, mais ses mains sont prises. son visage se tord dans une grimace, il lève le regard vers le plafond. ‘what i feel.” pause ‘inside’ exhale. “its- too much” les émotions et les sentiments sont forts, intense parfois et il a du mal à les gérer. Et il y a la peur aussi et tout le reste. La situation. “ ‘s just… there. even if i try not to” il annonce, maladroit.

Lulu a le regard qui s'égare sur le plafond. C’plus facile que de regarder Gigi. Gigi, il le renvoie toujours à ce qu’il a l’intérieur et surtout Gigi, il le connait mieux qu’il se connaît lui-même. Et il y a le manque d’assurance, l’angoisse de parler de ce qui le tourmente. Les mots de Gigi résonne, sans prendre quatre chemins, si spontané et naturel comme il l’a toujours été, et Lulu, lui, il se sent submergé d’un brutal et profond embarras. Lulu, il dit pas ces mots - jamais, jamais, ou presque. “I’m not in- I haven't said- i’m not cute” Il grimace, se redresse en soufflant, bourru, agacé…. embarrassé, par ce qui transparaît, parce qu’il ne saurait nier.

Il exhale, ramène ses mains vers lui, son regard y tombe, fuyant celui de Gigi, observe les bandages, dans son mutisme. Il doit bien relever les yeux vers son petit frère, pourtant, parce que Gigi se met à signer et qu’il ne veut pas l’ignorer. Un long soupir, parce qu’évidemment son frère a raison, comme toujours. ‘It’s better to keep them inside. Feelings suck” il signe aussitôt, rapidement. La question qui suit le surprend - à moitié. “No I don’t care about that - I mean, not really” Il y a des craintes, toujours. “I know I like- men” une grimace ‘and this is fine, it’s just” Il y connait rien, Lulu, les relations amoureuses, c’est pas son fort. “It is a problem. I’m his bodyguard, as you said. it’s my job. it’s not correct” C’est la première chose. “and it’s not like anything would or could happen anyway. So. case solved.” il fait un signe de la main pour chasser la chose, simplement. Y a rien d'autre à en faire ou à en dire. Marcus, il est pas dans la même ligue.

Les discours pleins d’intelligence émotionnelle de Gigi, Lulu ne les connaît que trop bien. Souvent il les comprend. Parfois il essaie de les mettre en pratique, quand il parvient à rester en contrôle, quand la situation le permet, avec son psy par exemple, avec Gigi, la famille un peu. Mais souvent aussi, il y pense pas et le naturel revient au galop, et puis surtout souvent, il voit pas ce que ça pourrait faire à part empirer une situation, de parler de ce qu’il ressent.

Gigi, encore, essaie de lui faire comprendre le contraire, mais Lulu est pas certain qu’il saisisse pleinement la situation avec Marcus, franchement. C’est pas comme si Lulu pouvait y faire quoique ce soit, de ses sentiments. “I know that” Il proteste, fait les gros yeux, et puis à la remarque de Gigi, un rictus et il soupire par le nez. “Right.” Un signe de main pour expédier la chose. “You’re way too optimistic. I’m telling you, Marcus can do much better” Risible, franchement, de penser qu’il pourrait le considérer une seule seconde. “I know what you’re saying, but in that case I’m not going to make a fool out of myself. Plus, I don’t want another job, I want this one.” une légère pause s’installe avant qu’il ne reprenne. “Or rather, I don’t want anyone else to replace me. I don’t trust the others”

Il soupire, penche sa tête en arrière sur le canapé, hausse les épaules. “It’s fine. relationships aren’t for me anyway so, whatever” ça ne fonctionnerait jamais. Lulu, il le sait bien. Y a trop de trucs qui vont pas chez lui, pour que ça fonctionne avec quelqu’un. Et pour le reste, et bien, s’il a besoin d’un peu de chaleur, il y a toujours les coups d’un soir. Il secoue la tête, ajoute rapidement quand il réalise qu’il parle de relations alors même que Gigi ne l’a pas mentionné lui-même, et ça l'embarrasse. “Anyway. You didn’t update me about your prince”

“Precisely” Il répond. “and for once I’m good at my job and this job doesn’t involve killing people so I don’t really want to change” Lulu n’a pas de diplôme, une intelligence académique très limité, il a pleinement conscience qu’il n’y a pas grand chose qu’il peut faire, et c’est ok. Il aime son travail, après tout, et ne voit pas de raison suffisante d’en changer, surtout pour quelque chose d’aussi égoïste. Gigi poursuit dans son élan, avec des signes clairs et fermes. Lulu ne prend pas la peine de répondre. Il n’est pas d’accord, et Gigi ne le laissera jamais tranquille alors il préfère laisser couler si ça lui fait plaisir.

Il l’observe, lit ses signes et ses explications et ça l’irrite un peu. “You know what relationships I was talking about. It’s not the same thing” Il signe simplement, et puis essaie de clore le sujet, d’en changer le thème en parlant du fameux prince de son petit frère - et la réaction est sans appel. Lulu, ça ne fait que le vexer davantage, surtout avec ce qu’il s’est passé avec Lou quelques heures plus tôt. Se faire rappeler de son incapacité à gérer ce genre de nouvelles le fout en rogne. “Fine, keep your updates for yourself and I’ll keep mine” Il répond aussitôt et se lève pour aller dans la cuisine ouverte juste derrière, y récupérer un bol et sortir les céréales du placard et le lait du frigo. Il n’aime pas se faire pousser dans ses retranchements, surtout deux fois en si peu de temps - ça, et quand il a l’impression que son frère le voit sous un bien meilleur jour que la réalité. Lulu, il essaie toujours d’être au niveau que Gigi pense qu’il est, mais parfois, la marche est trop haute.

Lulu est en colère. Contre le monde entier, souvent, contre lui-même, surtout. Ce soir, cette nuit, contre lui-même. Gigi le renvoie à ses contradictions, Gigi lui rappelle la raison de son altercation avec leur grand-frère, et ça le fout en rogne. Il déteste se disputer avec Lou, avec Gigi - ça arrive encore moins souvent, alors c’est toujours quelque chose de vraiment difficile à gérer. C’est douloureux, de se dire qu'on ne lui fait pas confiance pour ce genre de choses et qu’ils ont sans doute raison.

Il en est là, à manger ses céréales dans un silence de plomb, perché sur son tabouret de bar accoudé à l'îlot de la cuisine, et à fixer la boîte en carton. Il y a Rocky qui gravit les étages, grimpe sur ses cuisses, ça le calme un peu, il vient le gratouiller entre les oreilles. Il compte bien terminer son bol, fuir la cuisine avant le retour de Gigi et prendre une bonne douche pour ensuite disparaître dans sa chambre parce qu’il a assez donné, aujourd’hui. Il se lève - à ce moment-là, Gigi vient se glisser dans son dos, vient y écraser son visage. Les mots soufflent toute sa colère. Lulu soupire, lâche son bol. “It won’t happen. j’suis bien entouré” S’il y a quelque chose qui supporte le moins, c’est bien d’inquiéter le benjamin de la famille. Il se retourne, le serre un peu plus dans ses bras, dépose un baiser sur sa tempe. “It’s better like this, for now. It’d be worse if i speak” ça, il en est certain. “I have my family. it’s enough” Il fronce les sourcils, observant son crâne. “That seems a bit inflamed. you okay?”.