Y’a que dans les films où ça finit bien ;; Piper

Y’a que dans les films où ça finit bien

Ft @Armando Lugo-Guerra

Son adversaire avait pu quitter le ring sur ses deux jambes : c'était définitivement un progrès pour Piper, même si elle était convaincue qu'elle aurait probablement pu lui faire plus de mal encore, si son partenaire de combat n'avait pas été aussi agile et prompt à éviter ses coups. Elle voulait néanmoins croire qu'elle s'était suffisamment améliorée pour ne plus avoir à craindre à tuer ou détruire au moindre coup de poing. Hors de question de reposer sur ses lauriers, néanmoins : Piper savait mieux que de croire que ses efforts produits tenaient de l'acquis.

Une fois son combat achevé, sa paie empochée, et un rapide check-up pour vérifier que tout allait bien de son côté, Piper s'était faite spectatrice, dès lors qu'elle avait compris qui se trouvait sur le ring. Armando. Le dernier entraînement qu'ils avaient pu avoir ensemble restait gravé dans sa mémoire, et Piper avait encore du mal à croire à quel point elle avait pu se confier et se reposer sur l'homme, elle qui était plutôt du genre à tout encaisser et garder à l'intérieur jusqu'à l'implosion.

La jeune femme l'encouragea vivement, tout en ayant parfaitement conscience qu'il n'entendrait probablement rien de ses exclamations, constatant déjà que leurs entraînements portaient leurs fruits. Armando était le meilleur partenaire dont elle aurait pu rêver pour s'améliorer, et elle était heureuse de voir qu'elle avait également su lui apporter quelque chose, ne serait-ce qu'une modeste contribution.

Une fois le combat fini, Piper s'empressa de vouloir le rejoindre, mais elle se stoppa net en le surprenant en pleine conversation. La curiosité l'emporta sur le reste, et la jeune femme se fit fouineuse, tendant l'oreille pour entendre l'échange. Les paroles qu'elle capta lui serrèrent le cœur. Bien sûr que ce n'était jamais assez pour eux. Bien sûr qu'ils pensaient avant tout au fric qu'ils pouvaient se faire sur son dos. Et Armando, est-ce qu'il allait vraiment faire ça ? Est-ce qu'il réfléchissait réellement à cette proposition ?

La présence de Piper fut remarquée avant qu'elle n'ait pu se signaler et, à voir l'expression de son partenaire d'entraînement, il était clair qu'il était parfaitement conscient que la jeune femme avait tout entendu de cet échange. Un "Salut, mec." fut adressé en réponse à la salutation de celui qu'elle commençait progressivement à considérer comme un ami, haussant les épaules à sa deuxième question :

"Ca, c'est le problème des docs. Il est sorti du ring en marchant, donc y a du progrès."

Piper ne pouvait pas rester silencieuse sur ce qu'elle venait d'entendre. Pas lorsqu'il s'agissait d'Armando. Un autre que lui aurait probablement suscité son indifférence, ou guère plus qu'une pointe d'agacement. Piper avait mieux à faire que de s'inquiéter des imbéciles prêts à s'infliger volontairement ce avec quoi elle devait composer au quotidien. Mais son ami ? Non. Non, elle ne pouvait pas ignorer le problème.

"L'écoute pas, ce connard. T'as pas besoin de Red ou de V ou de je ne sais quoi."

De la Red, en plus. Piper se mordilla la lèvre inférieure, contrariée. Du peu qu'elle en savait, du Red, c'était une fichue drogue, en terme d'addiction. Et tout ça pour quoi ? Un potentiel pouvoir qui ne lui sera peut-être même pas utile ? Voire dangereux ? Piper secoua la tête, ajoutant en direction d'Armando :

"Je t'ai vu combattre, ce soir. On a besoin de gens comme toi, dans l'ring. Tu crois qu'on aurait écrit l'histoire de David et Goliath, si David avait pris des stéroïdes ?"

Piper essayait de détendre un peu l'atmosphère ou, tout du moins, de faire sourire Armando, mais elle était sincère. Outre l'inquiétude qu'elle avait pour son ami, elle comprenait tout à fait l'intérêt à avoir des humains "ordinaires" œuvrer dans le ring. Qui n'aimait pas l'histoire d'un underdog, qui semblait n'avoir pas la moindre chance de l'emporter, et qui, pourtant, réussissait à faire face à ses adversaires, à gagner avec brio ou perdre avec classe ? S'il n'y avait que des gens comme elle, les spectateurs finiraient par se désintéresser à la longue.

Y’a que dans les films où ça finit bien

Ft @Armando Lugo-Guerra

Piper avait hoché la tête avec un sourire, lorsqu'Armando lui avait demandé si elle était contente de sa performance. Oui, elle l'était, indubitablement. Pouvoir se battre sans craindre pour la vie de son adversaire, sans s'inquiéter de le paralyser ou que savait-elle encore, c'était un progrès indéniable, même si elle était loin de s'illusionner à ce sujet. Elle avait encore beaucoup de parcours à faire. Mais le progrès était là.

"C'est grâce à toi, dude. Merci, hein."

Armando l'avait indubitablement aidée, en acceptant d'être son partenaire d'entraînement, prenant le risque d'être la nouvelle victime de sa brutalité mal contrôlée. Il avait réussi à percer ses murs et à lui permettre d'exprimer un semblant de vulnérabilité, quelque chose dont, semblait-il, elle avait eu besoin pour surpasser un certain blocage. Elle n'était pas la seule à féliciter pour cet avancement : Armando méritait également d'être reconnu pour cela.

Mais l'homme avait d'autres chats à fouetter à cet instant, et plus particulièrement la dureté impitoyable de l'environnement dans lequel ils évoluaient tous deux, qui ne laissait aucune place à l'échec ou à la difficulté. Face à des titans, on mettait la pression à Armando pour qu'il "s'élève" à leur niveau. Mais à quel prix ? Piper ne voulait pas perdre son ami à cause de cette saleté de Red. S'il n'était pas tué ou affaibli par un pouvoir non maîtrisé, c'était les spectres de l'addiction qui menaçaient de s'emparer de lui. Sans aucune bonne raison.

Piper l'écouta attentivement, sans l'interrompre, plaçant précautionneusement sa main sur son épaule lorsqu'il continua à cracher ses doutes et ses craintes, veillant à ne pas lui faire du mal par mégarde. La jeune femme en voulait à ce système, à ceux qui les poussaient à se dénaturer de la sorte. L'environnement du Fight Circle était déjà dur et impitoyable, pourquoi en rajouter davantage ? Pourquoi vouloir les bouffer de la sorte ?

Sentant sa frustration monter, Piper retira sa main, par crainte de la serrer par maladresse et de broyer l'épaule de son pauvre ami. Elle prit une profonde inspiration, avant de chercher le regard d'Armando, lui déclarant en réponse :

"Ecoute, si tu veux arrêter parce que t'aimes plus ça, parce que t'as trouvé autre chose qui te plaît, que t'as pas besoin du Fight Circle, à ta guise. C'est pas moi qui vais t'en empêcher, même si ça me foutra les boules de te perdre. Mais arrêter pour eux ? Qu'ils aillent se faire foutre !"

Piper tapa du pied, dans une expression de colère, et le sol s'affaissa légèrement sous la violence du coup. Les yeux de la jeune femme se posèrent sur les dégâts qu'elle avait causé, et elle soupira, travaillant sur sa respiration pour se calmer tant bien que mal. Elle reprit d'une voix plus posée, essayant tant bien que mal de réconforter son ami :

"Ecoute, quand je vais sur le ring, la première question que les gens se posent, c'est de savoir dans quel état va sortir mon adversaire. Quand c'est toi qui te bat, ils se demandent comment tu vas t'en sortir. Ils se voient en toi. Et, quand tu gagnes, c'est encore plus jouissif, parce que tu prouves que t'as pas besoin de tout ça. Même les défaites, elles donnent envie de t'encourager. C'est important, tu sais ?"

Piper ne voulait pas qu'Armando perde cela. Qu'il abandonne cet esprit de combativité pour se tourner vers la drogue, qu'il laisse la Red le détruire dans l'espoir de satisfaire ceux qui les employaient. Qu'en savaient-ils, après tout ? Est-ce qu'ils étaient sur le ring, eux, à risquer tout pour exciter les foules ?

"Mes parents ont dû m'abandonner, parce qu'ils avaient peur que je finisse dans un laboratoire. J'ai failli tuer mon père d'adoption en lui faisant un simple câlin. J'ai vu la terreur dans les yeux d'amis, de personnes qui me tenaient à cœur, parce qu'ils étaient effrayés à l'idée que je les brise. J'veux pas que t'aies à vivre tout ça, si t'as le choix de faire autrement. Et encore moins pour convenir aux attentes de quelqu'un d'autre."

Piper se mordilla la lèvre inférieure. Armando était la première personne à qui elle osait se confier, concernant sa famille. Hormis son père d'adoption, personne n'en avait jamais rien su. Elle-même ignorait si ses parents étaient morts, en vie, en cavale, prisonniers... Tout ce qu'elle savait, c'était qu'ils avaient fait le sacrifice ultime pour la protéger, parce qu'elle était née différente, comme eux, et qu'ils devaient en subir les conséquences chaque jour.

Mais Armando savait, désormais, et Piper avait pleine confiance en lui. C'était pour cela qu'elle le lui avait raconté, dans l'espoir de lui faire changer d'avis, de lui faire revoir cette perspective. Mais elle voulait aussi lui faire comprendre qu'elle serait là pour lui, quoi qu'il arrive.

"Ecoute... Si, vraiment, tu penses à essayer cette merde, je veux que tu me le dises, okay ? Je veux être là, à tes côtés, parce que tu devrais pas avoir à être seul pour subir ça. Parce que je veux être présente pour te protéger de toi-même, si nécessaire. Je suis là, okay ? Dans tes bonnes comme dans tes mauvaises décisions."

La dernière chose qu'elle voulait, c'était bien qu'Armando prétende qu'il n'en ferait rien, pour agir dans son dos et se mettre en danger, parce qu'il craignait sa réaction. Piper avait déjà perdu trop de choses, trop de gens : elle refusait que son ami lui échappe de la sorte, à cause de la stupidité d'autrui.