Among two Sunshines.

Le coup-de-feu est passé. J'ai mal partout, surtout aux bras et aux pieds à force de piétiner en portant des plateaux remplis de bières et autres boissons alcoolisées.
On a couru partout avec Kali, elle en remplissant verres sur verres et moi en slalomant dans la salle avec les verres en question pour les distribuer. D'ailleurs, j'ai une touche, une fille m'a laissé son numéro de téléphone sur un petit bout de papier après que je lui ais servie trois pina Colada. Pas de bol, elle était pas mon genre -trop vulgaire- et le papier a fini à la poubelle sitôt revenu derrière le comptoir.

Par ailleurs, mon t-shirt sent le whisky après qu'un client maladroit m'ait renversé son verre dessus. Et bien sur, je n'avais pas de vêtements de rechange.
Le client étant roi, et malgré le fait qu'il m'ait insulté en me disant, en plus, que c'était de ma faute, j'avais du présenter mes excuses et lui apporter un nouveau verre. Avec le sourire. Autant sourire est naturel chez moi, autant là, j'avoue que celui-là était un poil crispé.

Bref, le bar est désormais vide, la barmaid lave le zinc et moi je l'aide en nettoyant les verres. On échange quelques mots ce faisant, tandis que je me dandine d'un pied sur l'autre pour tenter de les soulager.
Dehors, la nuit est tombée, et par les fenêtres, je ne vois que la pluie qui tombe à flot et les néons colorés qui se reflètent au sol détrempé.

Le silence retombe quand Kali m'annonce qu'elle prend sa pause. Je termine de laver la vaisselle quand la porte s'ouvre. Je jette un oeil à ma montre sans lever les yeux de l'évier le temps de finir ce que je suis en train de faire et annonce avec un sourire poli :

- Je suis désolé, nous allons fermer !

Puis je lève le nez vers l'entrée, pour y reconnaître Endora. Ho Endy, pardon ! Je lui souris de plus belle, m'essuie les mains et contourne le bar. C'est par la pensée que je lui demande, petite moue amusée au visage : "Comment vas-tu ?"

La réponse est laconique, brève et sans détail. Je crois qu'elle n'aime pas trop que je lui parle de cette manière mais moi je trouve ça super. C'est une mutation de folie ! Elle fait partie de mon top 10 des mutations géniales. - Loin derrière les mutants ailés cependant-.
Et puis quand elle est suffisamment défoncée, suffisamment joyeuse et ensoleillée, je crois que des fois, elle ne se rend pas compte que c'est dans sa tête que ma voix résonne, et pas dans ses oreilles. Enfin, je crois. Ou alors elle est de trop bonne humeur dans ces moments-là, pour m'engueuler ou m'en vouloir.

Pour ne pas changer, je viens glisser une bise légère sur sa joue. Elle n'a pas l'air aussi jouasse que d'habitude ce soir. Elle doit être... Sobre ? Ou un peu plus qu'en temps normal du moins. Ça change rien à ma propre bonne humeur, ni au sourire que je lui offre de bon coeur avant de rire à sa question.

- Techniquement, j'ai déjà fini et Kali est partie donc le bar est à nous ! Et tu sais bien que je te servirai un verre même après mon service. Nouvelle moue amusée quand j'ajoute : Ma patronne m'en voudrait surtout de ne pas le faire ! Je connais leur relation, ou du moins, je sais qu'elles sont proches, et j'aime m'en amuser. Même si moi, je ne suis insignifiant aux yeux de Rhéa, je crois. Je n'ai jamais affaire à elle en dehors du travail, et je n'ai pas l'impression qu'elle veuille que ça change.

Je prépare un verre généreux derrière le zinc, et un tout petit pour moi en prime, et la rejoins en l'invitant à une table dont je descends les chaises. Je n'ai pas encore passé le balai mais ça peut attendre. C'est pas comme si quelqu'un m'attendait à la maison de toute façon ! Même pas un chat, c'est pour dire.

- Oui, comme tu vois.. Kali est partie à l'instant, il ne reste plus que moi. Les meilleurs partent en dernier ! ris-je en distordant l'expression consacrée. Et toi, qu'est-ce que tu fais là à cette heure-ci ? J'incline doucement la tête. Tu n'arrives pas à te reposer ? Une proposition à peine dissimulée de lui proposer mes service de marchand de sable. Elle sait que je ne lui demanderai jamais de me payer mes services de mutant, libre à elle de me payer ou non. Entre mon travail ici et la vente de mes services de dreamcatcher en dilettante, je ne suis pas à plaindre question finances.

- Ça fait quelques jours que je t'ai pas vue.

Aucun reproche dans mes mots ni dans mon ton, au contraire, un plaisir certain de la voir. Je lève mon verre et trempe mes lèvres dans mon verre, grimaçant légèrement en avalant. Je n'aime pas vraiment l'alcool, et surtout je ne le tiens pas du tout. Donc je l'accompagne pour le principe.

Le sourire de ma comparse revient petit à petit, et ça ne fait qu'accentuer le mien, ça me fait du bien de voir les gens sourire, surtout les gens que j'apprécie.
Et toi, je t'apprécie ! Je peux pas m'empêcher de m'adresser à elle sans ouvrir les lèvres, ça fait certainement de moi un sale gosse, mais je joue la carte de l'innocence.

Quand elle me demande un cocktail, je lâche un rire amusé. C'est marrant, les clients l'aiment beaucoup, celui-là. Le Pornstar Martini, un classique de la Maison. Je file prendre la place de Kali et m'active à sortir les ingrédients, de tête. Je l'ai déjà remplacée quelques fois au poste de barman, alors je commence à connaître les boissons, et surtout leur composition. Vodka, liqueur, nectar...
Le tout se succède dans un shaker rempli de glaçons. En dernier lieu, je coupe un citron vert en deux et vide le jus avec le reste. Shaker refermé, je m'emploie à le secouer dans tous les sens en me remuant sur la musique qui est restée allumée dans le bar, un air récent et entrainant. Je chantonne même un peu en sautillant, les pupilles amusées posées sur Endora.

Quand elle me parle de Rhéa, alors que je lui verse son verre, je reviens la fixer quelques secondes. Ah oui. C'est vrai que j'ai pensé à elle. J'lui en veux pas. C'est juste... frustrant ? Mais je comprends ! Et puis.. je crois pas qu'on ait grand chose en commun, elle et moi. Alors, c'est mieux comme ça. Je lui offre un nouveau sourire, sincère, et enfin lui sers sa boisson, versant la fin du cocktail dans un petit verre que je prends pour moi.

Une fois assis, la conversation reprend. Un peu de small-talk peut-être, mais ça reste agréable, on est pas obligés de parler politique et religion à chaque conversation, quoi. Tu préfères qu'il soit vide ? Puis je tilte. Oh.. Oui, ça doit être plus reposant pour toi. J'ai une pensée pour les drogues qu'elle ingère, qui me serre l'estomac. Moi aussi je le ferais certainement si j'avais ce don-là. Mais je m'empresse de repousser cette idée, je ne veux pas penser à ce genre de choses, pas ce soir. Et puis elle sait déjà ce que j'en pense de toute façon. Je m'inquiète pour elle, pour sa santé, mais je la comprends.
Je laisse filer un petit rire en l'entendant. Figure-toi que je ne sais plus non plus de quand date ma dernière nuit, mais c'est pas pour les mêmes raisons. Je commence à fatiguer sérieusement, pour être honnête. Mais si t'as besoin de moi, je suis à votre service, Princess !

Nos verres tintent avec légèreté, et je me brûle la langue et la gorge avec ma boisson. Le pire, c'est que c'est bon. Juste... fort.
J'acquiesce quand elle réalise qu'elle n'est pas venue depuis une semaine, et je m'assombris un peu. Je n'aime pas quand elle perd la notion du temps à ce point, ça aussi ça m'inquiète pour elle. Quelque chose te tracasse en ce moment ? C'est vrai que je ne suis pas son confident, loin s'en faut, mais elle sait qu'elle peut me parler, et que ses secrets seront bien gardés. Ho, tu peins à nouveau ? T'as des photos ? Mon intérêt est réel, une fois encore. Mais ma bonne humeur se fane un peu à ses dernières questions. Et bien... j'envisage d'adopter un chat. Peut-on faire réponse plus déprimante ? Surtout qu'en vérité, je ne veux pas réellement enfermer un chat dans mon tout petit appart', je n'ai pas le cœur à ça. Alors je me contente d'en rêvasser. Les amis, et bien.. toujours les quelques rares même depuis mon départ de l'Institut. Et les amours, c'est le néant ! Faut croire que les cheveux roses, ça intimide trop pour m'approcher. Je me raccroche à cette touche d'humour pour pas laisser sombrer la discussion, et reprend pour la peine une grande gorgée de martini. Bordel, ce que ça brûle ! Pas grave, une seconde suit. Avec un peu de chance, dans dix minutes je suis pompette, ça m'évitera de penser à la solitude qui m'attend chez moi. Eeeeet... Quant au boulot, ben je me plais toujours bien ici ! J'ai l'impression d'être un alien comparé à la clientèle, je te mens pas, mais personne m'emmerde, alors, ça me dérange pas ! Je suppose qu'ils veulent pas avoir de souci en s'attaquant à un employé de Rhéa, en vrai. Et ça me convient parfaitement.

- Et toi alors.. T'en es où dans tout ça ?