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this hell is better with you (venom#2)

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Le soleil de midi lui rappelle ses quelques visites ici lorsqu’il était enfant. Comparé à l’Ecosse et à l’état de New York il trouvait que l’astre brillait à Aotearoa (Teora insistait) comme un dieu chez lui  - le jalousait même. Jeremiah vouait à l’archipel une fascination extrême qu’il a perdue en grandissant mais dont il ne s’est jamais totalement débarrassé. Comme il ne s’est jamais débarrassé de ce mal du pays ressenti dès qu’il part d’Aotearoa, et de ce sentiment de malaise qui se plante dans son bide dès lors qu’il revient. Cette fois est encore pire que les autres fois. Passée l’euphorie du voyage et de l’atterrissage en compagnie de Maeve, Jeremiah s’est confronté à une réalité qu’il n’arrive pas à accepter ; Saul ne veut pas le voir. Teora, aussi surprise que tout le monde de le voir arriver dans le petit hameau familial, lui a conseillé de prendre son mal en patience. Give him time, Wuruhi. Du temps. La seule chose qu’il ne peut pas acheter. La seule chose qui lui échappe. Ce même temps qui lui a toujours manqué pour être un bon père ou s’en donner l’illusion.

Jeremiah ressasse l’épisode de ce matin en serrant et les dents, et le volant de sa jeep. Le véhicule traverse les vallées boisées de la côte pour rejoindre la villa dans laquelle lui et sa convive ont posé leurs valises. Bolide bruyant et trop rapide qui prend les virages aussi serré que possible, musique à fond, affolant la faune et tranchant la flore sur son passage. Lorsqu’il arrive dans la baie privée, et loin de tout, le soleil tape encore plus fort, luisant dans les lunettes noires de Jeremiah comme un acte provocateur. Malgré ça, les températures sont fraîches même si plutôt douces. L’hiver austral reste agréable, loin de l’humidité glaciale de l’Ecosse ou des neiges verglacées de l’état de New York ; Jeremiah se demande parfois ce qu’il serait devenu s’il était venu habiter ici avec sa mère. “'sup Oliver.” La jeep à présent garée, il salue d’un sourire tranquille le jardinier qui le lui retourne d’un petit signe de chapeau. La panique du personnel, prévenu au dernier moment, s’est étiolée au fil des heures ; après avoir préparé la chambre principale et l’une des chambres d’ami (la meilleure, avec vue sur la baie, consigne de Mr Thompson), les employés se sont démenés pour que la cuisine soit remplie de produits frais, que les piscines soient chauffées, que le pilote d’hélicoptère se rende disponible, et que les trois jeeps aient leur plein fait. Un empressement discret, qui n’aura pas été une seule fois manifesté : Jeremiah et Maeve sont arrivés la veille au soir dans un cocon de luxe et de confort comme s’il les avait toujours attendus. Il ne manquait plus qu'Oliver, pour venir tailler consciencieusement les buis bordant la propriété et les jardins.

En entrant, Jeremiah dépose ses clés et ses lunettes de soleil, auscultant rapidement son reflet dans le miroir de l’entrée. Il a l’air fermé, crispé, et morose. La fébrilité de sa frustration se voit jusque dans le luisant de ses yeux qui ont fini par rougir pendant le trajet. Il a le cœur qui bat fort, les veines bouillonnantes : il lui faut un combat, ou un excès. Il lui faut Maeve. Maeve et son euphorie contagieuse qui l’assomme comme aucune drogue n’a jamais su le faire. Jeremiah quitte l’entrée et déambule jusqu’à l’immense salon d’un style coastal, blanc et épuré, avec du parquet sous les pieds et des tapis naturels en jute. Aucune trace de Maeve. Il la cherche sur la terrasse de la taille d’un appartement new-blossomien, baignée de soleil et face à la baie, mais ne l’y trouve pas non plus. Quand il arrive à la cuisine, la cheffe est en train de préparer un brunch généreux. Jeremiah la salue, puis la félicite d’un grand sourire jovial un peu trop identique à ceux qu’il étire devant les caméras. Il donne l’impression d’être immensément heureux et satisfait de lui, ce qu’il est après tout parce que pourquoi pas ? Il s’est pris des vacances de rêve sur un coup de tête et Maeve McAdams l’a suivi dans sa folie. Tout est paradisiaque.

D’you mind?” demande-t-il à la cheffe, alors qu’il compose déjà un plateau avec plusieurs élément frais du brunch. Il n’oublie pas le ramequin rempli de petits dés de fruits de la passion, fruit préféré de Maeve, et le café de variété mundo nuovo qu’elle lui avait fait une fois acheter chez un torréfacteur français après deux heures de route pour satisfaire le caprice. Puis il traverse les couloirs pour arriver jusque devant la chambre d’ami, plaçant le plateau chargé sur une seule main pour donner de l’autre trois petits coups. “Room service.” Un sourire traverse ses lippes hispides, visiblement amusé - imperceptiblement tendu par cette fébrilité grouillante qui ne le quitte pas. “Can I come in?” Il attend l’aval pour entrer. Maeve est encore dans son lit. “Come on gorgeous, time to rise and shine.” Son grand sourire jovial est revenu, plus sincère que celui qu’il avait dans la cuisine mais tout autant exagéré. Jeremiah traverse la pièce, ouvre les rideaux de sa main libre, laisse le soleil illuminer la chambre et caresser la silhouette de Maeve - le jalouse encore. “It's noon,” l’en informe-t-elle, contournant le lit avant de s’allonger à côté d’elle, présentant l’énorme plateau à la seule force surhumaine d’un bras. “And here's your brunch.” Il se fait complaisant, serviable, incroyablement attentionné, capable de tout lui céder et tout lui acheter. “Jet lag still kicking?

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cw: consommation de cannabis

Ils ont fui, il n’y a pas mille manières d’expliquer les choses.
Ils ont fui comme des amants condamnés, qu’ils ne sont pas. Ils ont fui comme si la ville menaçait de se refermer sur eux et ce n’était pas loin d’être le cas.
Maeve sait exactement ce qu’elle laisse derrière elle, un coeur blessé, les remontrances de sa mère, l’immobilisme de sa carrière, l’exploitation de son être par une mégacorpo, un trop plein d’émotions qui l’a vidée de toutes ses larmes.
Elle n’a pas demandé ce que lui fuyait, elle s’en fait une idée précise. Il parlera quand il s’en sentira le coeur, l’empathe ne presse pas, elle remplira sa mission de soutien émotionnel tôt ou tard.

L’apathie s’est installée confortablement dans le jet, quelque part au-dessus du Mexique. C’est une bonne et une mauvaise nouvelle. C’est une bonne nouvelle parce qu’elle n’est pas assaillie de doutes quant à ses décisions, l’angoisse de faillir à ses obligations n’arrive pas à percer la torpeur de son esprit. La tristesse est bien loin également, elle raconte sa quasi rupture avec détachement, des faits et des évidences, un chapitre qui se clot sans effusion. Pour l’instant.
C’est une mauvaise nouvelle cependant pour Jeremiah, pour l’attente particulière qu’il a dans le regard. Il a un appétit particulier, une hâte de consommer l’ivresse factice qu’elle distribue par vagues, ivresse dont elle n’a qu’un souvenir évasif comme s’il s’agissait d’un concept d’une vie antérieure. Et tout le long du vol, la question l’a taraudée : que se passerait-il si elle ne parvenait pas à remplir le contrat tacite entre eux ? Elle aurait dû y penser avant de monter dans son jet privé pour escapade d’une durée inconnue dans sa villa. Combien de sursauts de colère pourrait-elle estomaquer avant de ne plus pouvoir le contenir ? C’est ainsi qu’à chaque fois qu’il était occupé à autre chose, elle posait sur lui un regard indéchiffrable, abritant un songe sombre : pas la peur de ne pas le connaître, mais au contraire celle de découvrir exactement qui il était. Mais la peur n’avait pas non plus la force de passer à travers le nuage gris.

Il se montrait pourtant d’une patience exemplaire, parfait gentleman quand il lui fait le tour du propriétaire, pas du tout pressant quand elle a du mal à manger et qu’elle décline le champagne, pas du tout vexé quand elle parle à peine. Ils n’évoquent jamais qu’ils sont peut-être en train de faire une erreur et cette perspective s’évanouit à la fin de la soirée quand ils finissent par se partager un pétard en écoutant le bruit des vagues. Un sentiment de sérénité inégalable dénoue ses épaules et elle n’est pas avare, comme il l’accueille dans sa demeure, elle l’accueille dans cette bulle de calme.
Ainsi quand elle finit par poser la tête sur l’oreiller, l’idée d’être coincée ici avec lui ne lui paraît plus si préoccupante. Une telle confiance en son contrôle aurait même pousser autrui à dire que c’était lui qui était coincé dans cette maison avec elle.

Il suffit de trois coups sur la porte après un silence religieux pour l’extirper du sommeil. “Room service.” Elle laisse échapper un râle qu’il ne doit pas entendre. Elle ne réalise pas tout de suite où elle est, ses yeux n’arrivent pas à faire sens de la pièce qu’elle perçoit dans l’obscurité. “Can I come in?” Difficilement, elle se redresse sur un coude, se frotte les yeux puis renvoie d’une voix rauque. “Yeah, come in.
Il investit la pièce avec entrain et elle laisse échapper une plainte à chaque commentaire, le visage entre ses mains parce qu’elle n’assume pas vraiment d’être vue ainsi, les paupières encore tirées par la fatigue. Le soleil l’encourage tout de même à se dégager des couvertures. “It’s noon. - Is it now?” L’information met du temps s’éclaircir, ce n’est que lorsqu’il pose le plateau et le café fumant devant elle dont elle hume les effluves, qu’elle trouve la force de se redresser. “Jet lag still kicking? - Yeah, that and the whole travel.” Ses yeux passent du visage éveillé du héros à son plateau de victuailles. Elle sent son estomac grogner discrètement et elle souffle presque de soulagement de ne pas avoir à mener un combat acharné contre elle-même de si bon milieu de journée.
Maeve s’empare d’une cuillère qu’elle plonge dans un fruit de la passion coupé en deux et le goût sucré et légèrement acide titille sa langue. “Does super strength come with super energy? How are you so-” Elle marque une pause en l’observant du coin de l’oeil, cherchant un adjectif qui ne soit pas trop révélateur. Avec la cuillère, elle effectue un mouvement de rotation dans sa direction. “-fresh?”  
Une fois le fruit de la passion fini, elle prend une bouchée timide des oeufs brouillés, boit une gorgée de jus frais, puis ses yeux s’aventurent sur la baie qu’ils peuvent observer depuis les immenses fenêtres. Alors que les saveurs fondent sur sa langue et que le soleil réchauffe ses jambes repliées vers elle, la sérénité de la veille se fait sentir en écho. Après une gorgée de café, les conversations lui reviennent également en mémoire. “Any luck with Saul?

ft. @Jeremiah Thompson
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cw: mention explicite (narration)
Yeah, that and the whole travel.” Jeremiah se souvient sans difficulté du vol, et plus précisément du décollage. Maeve sentait un parfum différent du sien, comme si elle avait passé un certain temps avec quelqu’un d’autre avant de venir le rejoindre, et l’étreinte qu’elle est venue chercher chez lui ressemblait davantage à un besoin immédiat de réconfort qu’à l’expression d’un désir quelconque. “Sure.” Le plateau est déposé sur les draps. Un coude planté sur le matelas, affaissé de tout son poids sur les autres oreillers, Jeremiah la regarde manger comme pour s’assurer que la fourchette amène bien le fruit jusqu’à sa bouche. Il connaît ses travers. N’est pas là pour l’en détourner, mais l’encourager à goûter plus de choses que Yolanda ne lui en a jamais permis. Bouffe comme caprices. “Does super strength come with super energy? How are you so-fresh?” Jeremiah tord ses traits sur un faux air vexé. “Why so surprised? I'm always fresh. I'm the freshest of the fresh in the fresh section.” Il voit que le fruit de la passion est consommé, consumé, même, sous ses grandes noisettes aplaties par la nonchalance. “I does, actually; come with super energy. I can fight non-stop for days, mind you.I can fuck non-stop for days too. Omission volontaire qu’il sous-entend dans le bref silence qui suit. L’ambiguïté est devenue une troisième présence entre eux depuis qu’ils ont séché leurs larmes. Pas qu’elle leur soit étrangère ; ils avaient l’habitude de l’emmener partout avec eux, avant, en plein milieu d’une foule de partygoers ou dans l’intimité d’un tête à tête peinard.

Jeremiah se met à observer la grande baie vitrée où l’horizon côtier s’étend, appréciant l’instant, la chaleur du soleil et l’odeur de Maeve au réveil. Elle a gardé quelques effluves de weed dans les cheveux - sa coiffure d’habitude si parfaite est échevelée et moins gonflée et il se surprend à apprécier chacun de ces petits détails d’elle au naturel. Il apprécie moins la lente expression de ses émotions, comme si, depuis qu’elle avait posé un pied dans le jet, elle avait laissé sur le tarmac toute son énergie vitale. Certains bad-trip ont la saveur douce-amère du calme et du désintérêt. “Any luck with Saul?” Le sien porte le nom de son fils. “Yeah.” Ça lui vient comme un réflexe, comme le besoin provocateur et belliqueux d’être insolent avec la réalité. Jeremiah se déchausse une godasse après l’autre, poussant les semelles entre elles. Ses baskets font un bruit sourd en tombant. “We talked a bit. He's fine.” Plus c’est gros, plus ça passe, comme on dit. Il n’éprouve aucun regret ou remord à lui mentir ; elle n’en ressentira de toute façon pas le pli dans son verbe évasif, ni l’envie de creuser. L’apathie de Maeve est une mauvaise nouvelle qu’il suffit de retourner en bonne nouvelle. Jeremiah pique un morceau de fruit à même l’assiette, se l’enfourne plus pour s’occuper les mains qu’autre chose. Il a mangé ses six kilos de viande crue au lever (après une heure de sommeil, tout au plus) ; il est suffisamment calé pour faire croire qu’il a des goûts simples et raffinés.

How're you feeling?” Jeremiah ramène ses billes sur le profil de Maeve. Il repense encore au parfum qu’il a senti quand elle est arrivée alors qu’il n’y croyait plus. Il y pense en boucle, comme une bête tourne en cage. Qui est-ce qu’elle a vu ? Qui l’a mise dans cet état : devoir s’écrouler dans ses bras comme si elle n’avait plus que lui au monde ? C’est faux, tout ça, des conneries. Elle est ici parce qu’elle avait besoin de fuir autant que lui. Ils sont le prétexte l’un de l’autre. Jeremiah regarde l’une de ses épaules nues où le grain de peau luit comme du sable au contact du soleil. Encore elle ; l’ambiguïté, allongée entre eux comme s’ils allaient le faire à trois en plein début d’après midi. “Wanna spend the day in bed?” Il repioche dans son assiette, grandes et sales pattes de loup qui se permettent tout. Non, pas tout. Pas encore. “Or d’you wanna go out?” Il croise ses mains entre elles, dans une illusion de docilité. Son regard remonte à nouveau vers la baie vitrée. “We could go to Wellington. It's an hour by boat, or twenty minutes by helicopter.” La frénésie, toujours là, impossible à contenir, grouillante, chaotique, tumulte qui lui remue les entrailles imbibées de sérum. L’irresponsabilité de Jeremiah Thompson, 2m50 au garrot, muselée sous une enveloppe de chair humaine. Il espérait que Maeve l’apprivoise un peu avec son bonheur diffus et superficiel, mais il se rend compte que cet espoir est vain. Pire ; il se retrouve lui à devoir tirer sur la laisse, maigre fil usé au bout duquel bave et grogne tout ce qu’il a de plus primitif. Plus qu'à s'activer pour déconcentrer la bête, plus qu'à enchaîner les excentricités pour l'étourdir.

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cw: mention consommation de drogue (cocaïne)

Il y a autour de l’enveloppe d’indifférence un bourdonnement qui lui parvient, des picotements qui tentent de réveiller et d’exciter les antennes empathiques. Ces dernières répondent mollement, caressent la surface des émotions de Jeremiah sans parvenir à démêler le noeud grouillant, comme si elle lisait un coeur pour la première fois. Dans d’autres circonstances, elle n’aurait rien demandé de plus que de pouvoir décortiquer le réseau complexe de ses nerfs, trouver ses failles, appuyer sur les fissures pour les fragiliser davantage avant de se proposer comme pansement. Juste à côté d’elle est allongé l’un es hommes les plus puissants au monde et dont l’influence est inquantifiable, et elle est trop sonnée pour en tirer avantage. Qu’il se considère chanceux.
Why so surprised? I'm always fresh. I'm the freshest of the fresh in the fresh section. - Hmm.” Les commissures de ses lèvres s’étirent en un petit sourire qui se fige quand il reprend. “It does, actually; come with super energy. I can fight non-stop for days, mind you.” Maeve reste concentrée sur le plateau pour ne pas croiser son regard. Elle n’est pas du genre à se détourner du jeu, n’a jamais rougi de ses remarques, a même entretenu l’ambiguité plus d’une fois, frôlant les limites, soufflant sur les braises, mais il y avait toujours eu une barrière très claire qui les retenait. Cette fois les choses sont différentes. Il n’a plus de foyer qui l’attend, Bonnie n’est plus qu’un fantôme de menace; deux cœurs brisés observent rarement la retenue. Est-ce que ce n'est pas un peu trop tôt pour basculer ?

Elle hoche la tête simplement quand il mentionne avoir vu son fils, ne tient pas à lui tirer les vers du nez, le labeur émotionnel que ça représente lui paraît insurmontable. Le sujet passe pendant qu’elle finit son café.
How’re you feeling.” Mécaniquement, elle pique un morceau d’avocat avec sa fourchette, le ramène à sa bouche, contemple le fond de sa tasse comme si la réponse s’y trouvait. Vide. Ce n’est pas qu’elle ne ressent rien, c’est plutôt que le flux habituel d’émotions est asséché, plus que quelques flaques boueuses ci et là dans le lit de sa rivière interne. “I’m not plagued by worries and concerns over my job, so there’s that.” Il devra se réjouir d’au moins ça, il n’a peut-être pas la version insouciante et festive de Maeve, mais il n’aura pas non plus à gérer ses crises d’angoisse à l’idée de foutre sa vie en l’air.
Les picotements reviennent agiter la surface de son esprit. Elle n’est pas surprise. Elle l’a toujours connu en frénésie, dans une course effrénée contre lui même, à chasser l’adrénaline avant que l’ennui ne le pousse à faire quelque chose de complètement fou. Elle pourrait le soumettre au même sentiment de vide, elle est tentée. Passer le reste de la journée sur un transat sur la terrasse, à observer les vagues et s’imaginer complètement immergés dans le néant sous-marin. Ce ne serait qu’un répit temporaire, il y a trop d’émotions à absorber pour maintenant l’illusion. C’est un homme qui a toujours faim, qui en veut toujours, il n’a pas changé sur ce point. Pour tenir son rythme, il lui arrivait de mettre le nez dans la coke; dans son milieu qui ne le fait pas ? La pensée parasite remonte à la surface : au moins ça repousserait l’apathie.

I’m down for the boat ride.” Sa voix est calme, elle ne fait même pas semblant d’être enthousiaste. Elle y a pensé tout le long du vol pour venir cependant, à quoi ressemblerait leurs journées, quels genres d’endroits ils visiteraient, les routes côtières qu’ils emprunteraient… Elle se voyait inspirer l’air iodé à plein poumon, le vent dans les cheveux, en écoutant Bodyguard, pendant que le soleil dore discrètement ses bras posés sur la portière. “I want you to show me around! I want to see your favorite spots, what you like most about this place.” Le sourire qu’elle lui adresse est sincère, elle a une chance unique de voir un aspect de sa vie que peu de gens au monde peuvent se vanter de connaître. Il y a des dizaines de couches que les médias ne montrent pas et des dizaines d’autres qu’il ne dévoile pas non plus, Maeve pense presque toutes les connaître, elle sait comment le mettre à nu - mais pas de la manière qu’il voudrait. Elle aussi a faim tout le temps, du monde secret des autres, de ce qu’ils cachent, elle veut tout voir, tout regarder dans les yeux et soupirer d’aise quand elle réalise qu’ils ne sont pas meilleurs qu’elle. Peur profonde personnelle.
Ce n’est pas parce qu’elle n’en ressent pas l’envie qu’elle ne peut pas continuer le jeu. Something about the show going on.
Just give me five more minutes though. This bed is comfy as hell.” Du bout des doigts, elle attrape un morceau de pitaya frais, la pulpe pourpre laisse son jus couler le long de ses doigts et tâche le bout de son index et de son pouce qu’elle laisse un peu plus longtemps dans sa bouche pour en extirper tout le goût. Elle repart pour piocher un autre morceau, toujours du bout des doigts, qu’elle apporte cette fois aux lèvres du héros, puisqu’il s’improvise pique-assiette. Peut-être qu’ils vont passer un peu plus de temps au lit finalement.

ft. @Jeremiah Thompson
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cw: mention explicite.
I’m not plagued by worries and concerns over my job, so there’s that.” Jeremiah l’observe de biais. La fracture est visible ; elle n’a pas une seule fois consulté son téléphone ni ne s’est enquise des unes des tabloïds. Lui non plus, d’ailleurs, mais c’est là son état normal. Il suppose, sans le moindre effort d’imagination, que la terre entière capitalise déjà sur leur escapade imprévue ; pour preuve leur atterrissage, évènement en soi dans le pays qui a agglutiné journalistes et fans sur le parking de l’aéroport privé. Il se félicite d’avoir choisir l’une de ses villas les plus isolées, les moins connues aussi des paparazzis, et tandis que les hyènes doivent déjà être en train de se regrouper au nord d’Auckland, eux flânent au lit avec vue sur une baie préservée d’Arapoa Island. Son regard revient contempler l’horizon piqué à vif par le soleil de midi. “I’m down for the boat ride.” Il a rarement connu Maeve aussi apathique et détachée de tout. “Then boat ride it is!” Son enthousiasme à lui éclate pour compenser, un enthousiasme qui n’atteint toujours pas ses yeux. Leur complicité n’est plus que façade, belle vitre bien nettoyée derrière laquelle mille et une TV aux pixels souriants éclairent les badauds moroses que sont leurs cœurs.

I want you to show me around! I want to see your favorite spots, what you like most about this place.” Jeremiah ramène ses noisettes sur le profil qui grignote ici et là nourriture et fragments de vie. “Really?” Il étire ses lippes, charmé sans l’être, conscient qu’ils redeviennent la version, sinon améliorée, évoluée, de ce qu’ils étaient quand elle le chaperonnait : alors il recommence, avec l’illusion d’être écouté non pas par pur intérêt mais par réelle envie de le connaître. “Okay then. I'll give you a tour of the East Bay. Bring a pair of walking shoes, you'll need them.” Jeremiah sait exactement où l’emmener et il sait aussi que la petite ascension nécessaire pourrait ne pas être au goût de Maeve. Son sourire s’étire un peu plus à cette pensée, son regard figé sur le visage de la présentatrice pour voir ce que cette mention provoque : si elle va tenir son discours agréable ou flancher. “Just give me five more minutes though. This bed is comfy as hell.” Il renifle. “More comfy than a hike, I'll give you that.” Son regard se détache momentanément du profil de Maeve pour couler sur toute la longueur de son corps allongé. Ce que les draps ne cachent pas, Jeremiah le dévore des yeux.

Dévore aussi le geste qu’elle a, en s’en prenant maintenant à une pitaya. Le jus dégouline sur ses doigts, suivi par les billes du super-héros. Il trouve l’instant si sensuel qu’il en perd ses sourires exagérés. Il ne lui prête pas l’intention délibéré de rendre ce geste sexy - même si des intentions délibérées de tout rendre sexy, elle en a eu, avec lui - mais quand les doigts de Maeve amènent dans sa direction encore un peu de pitaya, Jeremiah la regarde faire sans aucune crédulité. Il accueille docilement le mets, ouvre la bouche comme un bon garçon, capture derrière ses dents la texture onctueuse du fruit, puis derrière ses lèvres celle des doigts de Maeve. Un petit bruit de succion ponctue le geste lorsqu’elle les retire de là. Il mâche. Sans détacher ses yeux de ceux démaquillés. Jeremiah a un air plus grave et tranquille qui trahit son excitation ; à l’inverse de sa frénésie, qui bouillonne perceptiblement dans l’extravagance de ses sourires et décisions. Le petit gars se serait, encore une fois, posé des questions : qu’est-ce qu’elle veut ? qu’est-ce qu’elle attend ? est-ce qu’il peut ? est-ce qu’il doit ?

Le super-héros de quarante piges, pourri jusqu’à la moelle par la gloire et la présomption, vient retirer calmement le plateau des cuisses de Maeve. “Y’know,” son bras continue le mouvement jusque derrière lui, l’obligeant brièvement à se retourner pour déposer le plateau sur une table de chevet. Quand il revient dans sa position initiale, il a gardé cet air un peu lourd, un peu fainéant, à l’opposé de sa main qui continue d’être aérienne et souplement active ; soulève un peu le drap, sans se presser, passant déjà dessous. “Where I'm taking you is a sacred place.” Sa main tombe doucement sur le ventre de Maeve, uniquement séparée de sa peau par la fabrique fine d’une nuisette. Il continue son récit sans jamais détacher son regard du sien ; il n’y cherche pas son aval, ce n’est pas ça : il y cherche son désir, même et surtout vide de sentiments. “It requires openness…” La patte du loup se déplace, avance sous le drap, caresse une cuisse. “Would you say you're…,” cuisse qu’il incite à s’écarter, “open-minded, Maeve?” Les doigts enroulent entre eux les bords de la nuisette, découvrant plus qu’il n’a jamais découvert chez elle. Le mouvement continue, conquête soi-disant sage et innocente quand il ne fait que ça, encore : la bouffer des yeux.
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cw:

Il y a à peine un haussement de sourcils quand il évoque la randonnée. Jeremiah cherche une réaction, il cherche l’indignation qu’elle aurait manifesté en temps normal mais qui peine à passer le brouillard. Alors elle coupe court à son manège avec un autre, auquel il réagit immédiatement, docilement, acceptant le geste sans le commenter; c’est autant une offrande que la réponse à une prière. Good boy, se dit-elle avec une pointe d’ironie. Et c’est satisfaisant de se dire que l’un des hommes les plus puissants au monde lui mange littéralement dans la main.
Avec lui, elle a tenté le diable plus d’une fois. Ils n’en sont pas à leurs premiers rapprochements ambigus ni à leur première discussion pleine de sous entendus. C’est une tradition, quelques conversations fades, quelques moqueries sur les personnages qui les entourent, un peu de flirt et un soupçon de vulnérabilité, ils pratiquent cette valse avec aisance. Pourtant quelque chose a changé. Les si sont devenus des quand et depuis qu’elle a mis un pied dans l’avion, ou peut-être depuis leur dispute, elle savait que ce qu’ils avaient repoussé au nom de leur amitié et au nom de leur vie sentimentale respective - après tout il est toujours marié - reviendrait s’imposer cette fois comme une issue inévitable.

Et autant régler la question du quand le plus vite possible, quand elle n’est pas bridée par ses émotions qui se développent toujours à toute vitesse, quand elle ne ressent ni remords ni scrupules. La décision n’est rien d’autre que pragmatique, un calcul simple, qui en plus lui redonnera du grain à moudre à son hôte, dont les attentes à son égard sur tous les autres plans frémissent sous la couche fine de l’épiderme. Et tout le reste, elle ne peut le lui offrir : ses ambitions, ses émotions, sa faiblesse, son coeur, impossible de s’en souvenir quand la source est tarie. Il leur reste la mécanique des corps. Il lui suffisait juste de lancer l’hameçon. Et la pêche n’est pas une discipline complexe quand le poisson est prêt à mordre à tout.
Maeve peut se vanter autant qu’elle veut d’être une grande stratège de la séduction et oui, elle se pare d’un rictus malin quand la manoeuvre prend et qu’il pose sa main sur son ventre, mais elle n’arrivera jamais à prétendre qu’elle n’est que ça. Il y a aussi un monstre avide dans sa chair, qui s’éveille et érige des colonnes de frisson sur ses jambes qui remontent en flèche jusqu’à se nicher dans son bassin. Elle le veut autant que lui, c’est juste moins flatteur de l’admettre. Mais l’intimité physique, dépouillée de toutes ses complications sentimentales, c’est trop rare elle pour qu’elle laisse le train filer. Juste du plaisir, sans corruption, sans gangréner le coeur des autres, sans se questionner sur la réciprocité réelle du dit désir, elle est réduite à son état le plus humain.

It requires openness…” Souffle retenu alors que la main de Jeremiah se balade délicatement jusqu’à rencontrer la peau nue de sa cuisse. “Would you say you're…,” Elle répond à l’injonction silencieuse sans le quitter des yeux, alors qu’il passe de son visage à elle à la peau lisse de ses jambes, démontrant plus d’appétit que pour la nourriture qui était sur le plateau. “open-minded, Maeve?” Avant même qu’il ne puisse aller plus loin, elle récupère son attention, la main tendue pour relever son menton du bout de l’index. Elle temporise en peut, fait monter la tension, alors que les doigts du héros remontent dangereusement jusqu’à la dentelle. “You have no idea how open-minded I can be.” Elle lui emprunte ce même ton lent, plein de sous entendus et sa voix est suave, ne laisse aucun doute sur ses intentions.
But walking? What if my legs are too sore?” Le sourire en coin se perd dans une moue un peu boudeuse. “Will you carry me? Show me how strong you are?” Un peu de défi, un peu de taquinerie, beaucoup de charme et d’insolence et une pointe de ce charisme hypnotique, cette aura particulière qui l’entoure parfois, et qui lui donne cet air ensorcelant.

ft. @Jeremiah Thompson
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cw: explicite, mention d'adultère.
L’index sous le menton ; jeux de mains qui les rend vilains. Jeremiah a les canines qui apparaissent un peu plus sous ses babines quand il se met à sourire, la paume immobile. “You have no idea how open-minded I can be.” Ils ne flirtent plus vraiment. Pas comme avant, quand la saveur des mots était tout ce qu’ils se donnaient. Une lourdeur nouvelle s’installe dans leur regard et leurs gestes, une langueur qui s’étire avec la paresse du péché tranquille. La facilité avec laquelle Maeve répond à son verbe et son toucher débarrasse les quelques épingles d’hésitation que sa raison égraine ; ils se sont toujours empêchés de franchir ce pas, entente tacite qui donnait au dit pas une dimension immense, presque intimidante, d’erreur qu’il ne faut pas commettre au risque de tout foutre en l’air.

Cet après midi l’infranchissable paraît risible, littéralement à portée de main. Ce n’est pas le détachement émotionnel de Maeve. Ce ne sont même pas ses fièvres animales à lui. C’est dans la simplicité de leur conduite, comme s’ils avaient toujours fait ça. Parce qu’ils ont toujours fait ça : la débauche au bout des doigts, le charme dans la voix, ils ont la luxure facile. “But walking? What if my legs are too sore?” Jeremiah réagit dans un mouvement de tête, l’exagération comblant sa gueule comme s’il se souvenait avoir affaire à une diva. “Right, your legs… Poor thing.” Des jambes qu’il a plus d’une fois vues se dénuder, dans le pli d’une robe haute couture ou allongées sous le soleil, luttant contre lui-même pour ne pas aller y abandonner des caresses qui marquent et qui griffent. “Will you carry me? Show me how strong you are?” Il renifle avec amusement. Ils parlent un langage qu’ils comprennent, celui de Venus et de Wolfman, celui qui fait fantasmer, s’attrouper followers et fans sur leurs comptes et à leurs pieds. “Oh, honey. I could carry you as far as you'd like.” Une réplique de cinéma comme on rêve de lui en faire jouer ; comme il en a tant de fois ronronné à ces femmes qu’elle l’a accusé de se taper. Et voilà qu’elle cède pourtant à son tour. “And no matter how high.” Elle n’est pas bien différente de toutes les autres, attend la même chose de lui ; les mêmes grondements séducteurs, les mêmes contacts brûlants, son bagou sur la langue et jusque dans ses baisers.

Le vernis d’inaccessibilité que Maeve conservait jusqu’alors vole peu à peu en éclats au fur et à mesure qu’elle s’abandonne à lui. Pourtant ces draps n’ont jamais accueilli aucune de ses liaisons et dans cet espace infime qui sépare leur regard flotte une impression inhabituelle : celle de vraiment tromper Bonnie. Jeremiah met un certain temps à le réaliser, et lorsque c’est fait il est déjà trop tard. Ses doigts la caressent déjà et il pense chacun de ses mots. Le majeur continue d’explorer ses lèvres qu’elle cache sous draps avec toute l’accalmie du temps qu’ils ont. Il écoute religieusement la respiration de Maeve qui s’arrête ou se soulève, les battements de son coeur qui s’accélèrent dans le creux de ses tympans. Il observe ses joues rosir, toutes les réactions physiologiques que son doigté provoque. Il cherche son contentement, tant au milieu de ses chairs qu’il presse et cajole, que sur ce visage éteint d’émotions.

Le masque de Wolfman tombe à vue d’oeil ; la performance fantasmée, plus d’une fois incarnée par pur narcissisme, se dérobe face au désir de Jeremiah. Il la veut depuis qu’ils se sont assis côte à côte sur une scène vide et dépouillée - et même avant ça, depuis qu’il l’a épinglée contre le mur en lui gueulant sa rage, et même encore avant ça, depuis qu’ils ont dansé un slow peinard par une nuit d’été. C’est sans doute une erreur et ça foutra sans doute tout en l’air : leur amitié la première. Mais Jeremiah fait moins semblant que Wolfman, et ce qu’il veut il l’obtient ; une dose de sérum qui ne lui était pas destinée ; une fille qui ne lui était pas non plus destinée ; et que dire de cette gloire, mondiale et pharaonique, qu’il ne méritera jamais. Qu’on l’arrête donc. Qu’on s’y essaie seulement.

I want to go down on you,” pourra-t-elle entendre au-dessus d’elle. Filet de voix chargé et grave qui lu coûte d’exhaler. Dénué de fard, brut et sincère. Il pourrait l’embrasser, de là où il se tient maintenant, mais il se contente de déverser son souffle dans le sien. Ce serait sans doute trop : il la désire comme un possédé, un animal, la queue déjà bien raide et le regard éméché. S’il l’embrasse il voudra lui faire l’amour ; des complications dont il ne veut pas, pas tout de suite, et peut-être bien jamais. À défaut de pouvoir éteindre ses émotions à lui il se recule déjà, soulève le drap de sa main un peu humide, se déplace sous le voile blanc où s’y camouflera une énième usurpation. Un fruit qui ne lui était pas non plus destiné, et qu’il ne méritera sans doute jamais. Il en sourit, le salaud, un sourire de tombeur qui se joue de la justice ; c’est lui qui la fait, après tout, et la défait à sa guise.

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cw: acte sexuel explicite

Elle rigole de ses réponses, pas vraiment conquise, pas de bon coeur, juste parce que c’est la suite de leur parade. Elle sait très bien se faire spectacle, se faire désirer, se faire objet dont on veut remodeler les contours, et quand elle coule dans cet état d’esprit, silhouette délicate aux prises avec les mains puissantes, elle a quelque chose d’irrésistible. Elle appelle, elle promet quelque chose, elle s’érige à la hauteur du fantasme qu’on se fait d’elle, et sa façon de s’offrir ne dresse aucun soupçon. Ses proies sont inconscientes du piège.
Le sexe n’arrive jamais par hasard, elle n’est jamais dépassée par ses envies, elle n’en perd jamais la raison. Le sexe c’est un calcul et c’est même un investissement. Le désir de Maeve ne s’arrête pas qu’à la chair. C’est un tout; ça englobe la literie de luxe, la vue sur la baie, la villa isolée, le bâteau, le jet privé, l’argent et le sommet de la gloire, c’est aussi parce qu’il est tout ça que s’éveille son appétit. Le corps qui la surplombe, le frottement de leurs vêtements, la langueur dans leur souffle, la main qui remonte jusqu’à son intimité, c’est un bonus évident.
Pour autant, le sexe n’est jamais non plus une fatalité, surtout quand il est dépourvu d’émotions, quand il est abrutissant, quand on la veut tellement qu’elle oublie de se détester. Et Jeremiah veut d’elle, c’est ancré dans ses pupilles qui scrutent la moindre réaction, décortique la façon dont elle se défait entièrement sous le toucher, seconde après seconde.

Elle sent la chaleur colorer ses joues, soulever sa poitrine, piquer la pointe de ses seins maintenant trop sensibles contre le tissu léger de la nuisette, puis se nicher dans son bas-ventre, l’épicentre du plaisir qu’il travaille avec expertise, déterminé à la réifier, à la regarder se perdre. Elle soutient son regard autant qu’elle peut, pas prête à lui abandonner tout d’elle, les lèvres mordues pour retenir ses gémissements. C’est sûrement pour pousser le vice plus loin qu’elle l’entend déclarer :  “I want to go down on you.” Maeve cligne des yeux, comme s’il l’extirpait d’un sommeil rêveur. “Huh.” Il n’y a rien de plus qui lui échappe, prise de court, électrisée à la simple idée de sentir sa langue .
Des yeux, elle suit ses mouvements, l’anticipation affole son coeur et elle retient son souffle quand elle sent la barbe de Jeremiah chatouiller l’intérieur de ses cuisses. Il s’y attelle avec méthode d’abord, puis avec passion, et elle n’est plus qu’un brouillon d’elle-même, les pensées parasitées par les sensations qui se répandent dans tout son corps. Il lui arrache des soupirs et des invocations divines, quand bien même ils sont deux pécheurs qui ne se soucient plus du monde extérieur et de ses conséquences.
Elle froisse les draps d’une main et presse un des bras qui entoure sa cuisse de l’autre. Et elle presse davantage quand elle se sent au bord du précipice, elle le prévient qu’elle y est presque entre deux souffles courts et quand la vague la submerge, de son ventre jusqu’à son cerveau, elle lave tout le reste pour ne laisser qu’une expression béate.

Après quelques secondes à se reprendre, les antennes empathiques captent à nouveau le bouillonnement qu’il contient, les vices par dizaine qui n’ont pas encore trouvé leur exutoire, qui transpirent sur elle et nourrissent ses propres dérives. Il y a un potentiel de corruption infini dans ce feu intérieur, la promesse d’une fougue naturelle et d’une frustration accumulée sur des années. Elle veut mettre la main dedans, elle veut goûter à la férocité de la bête, découvrir quelque chose de si brut et cru qu’elle en perdrait tout sens de l’humanité. Juste par curiosité, juste par besoin primaire inavoué, contaminée par sa fièvre.
Maeve se redresse sur un coude, ils se toisent un instant, comme pour tester celui qui aura la patience la plus courte. Dans ces moments, elle est loin d’être orgueilleuse, elle a déjà pris, elle n’a pas de mal à se laisser guider par l’instinct. Il n’y a plus que de l’empressement dans ses gestes, quand elle tire sur son col pour la ramener au-dessus d’elle, masse puissante, aussi protectrice que menaçante, et c’est dans l’incertitude qu’elle trouve encore un peu plus d’excitation. Ses doigts s’attaquent à un bouton de chemise, un autre, abandonnent pour se concentrer à ce qui compte vraiment, la fermeture de son pantalon qu’elle défait rapidement. Elle ne le regarde pas, elle est affairée à le libérer, à presser son bassin contre le sien, à l’entourer de ses jambes et elle sent son érection contre son ventre comme un avertissement.
Maeve relève les yeux vers lui, un voile de doute jette une expression plus grave sur son visage. Quand elle le regarde, c’est pour lui demander sans le dire : est-ce qu’ils vont vraiment le faire ?  

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cw: explicite, en partie sous hide.
Les bras de Jeremiah sont engourdis quand il remonte vers Maeve. Il a sa saveur encore partout sur la langue et sur sa barbe, et les mains qui se plantent dans le matelas de chaque côté de sa taille ont laissé leurs marques imprégnées sur les cuisses. Il est haletant d’avoir été trop gourmand, l’oxygène raréfié pour mieux enfoncer sa gueule en elle, mais il a le regard lourd et huileux qui fait briller ses noisettes et les oreilles encore chaudes des gémissements qu’elle a poussés. Jeremiah remonte avec lui la fierté pétulante et mal placée de lui avoir arraché ces soupirs et ces plaintes alors qu’elle plane dans l’apathie depuis l’atterrissage ; garde dans le poids de son corps une paresse triomphante qui rapplique lentement sur elle.

L’échange de regards se termine sur une précipitation catastrophée qui l’électrise immédiatement. Il n’arrête aucun des gestes de Maeve, et n’hésite pas une seule seconde à la laisser le déshabiller ; il crève d’envie de continuer ce qu’il a commencé, d’aller au bout de cette fièvre qui pulse dans ses tempes et dans son érection. Quelques boutons de sa chemise sont retirés, mais il gronde véritablement de satisfaction quand elle s’affaire à le libérer. Les paluches se sont déplacées, se plantent maintenant à côté du visage de Maeve qui l’interroge en silence ; guère longtemps. [...]



[...] Les fringues sont en vrac, le pantalon encore mis dénote avec les longues minutes passés à déraper. Jeremiah reste un moment comme ça, toutes les odeurs de Maeve remontant dans ses narines, tous ses bruits inondant son ouïe, le contact excessivement sensible et le sexe encore dur. S’arrache au terme d’une autre petite éternité, qui s’achève cette fois par un silence d’après-coup. Il se ramène sur le dos, ses boucles poivre-sel aplaties par la sueur et les oreillers. L’impression d’avoir commis une erreur se met à flotter au-dessus de son regard absent sans qu’il ne lui porte la moindre attention. Il fixe le plafond, ne pense à rien, savoure d’être rassasié pour le temps que ça durera. Sa main la plus proche est restée sur Maeve, sa nuisette plein de plis entre ses doigts. “Fuck…



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tw: explicite, adultère

Le baiser scelle le pacte avec le diable, mais ce n’est pas clair lequel des deux est réellement la figure tentatrice. Ce qui est certain en revanche, c’est la déraison qui les gagne comme une fièvre. Jeremiah prend son souffle, prend ses réserves et enfin, il prend son corps.
Elle est trop perdue dans l’étreinte pour penser à un retour en arrière. Le temps s’étiole et perd en linéarité, elle entend en choeur toutes les versions passées d’eux-mêmes qui n’ont jamais franchi la limite soupirer de soulagement. Ce sont des années de questionnements et de frustration qui trouvent une conclusion dans la paresse d’un début d’après-midi. Maeve ne s’attendait pas à ce rythme langoureux, à cette prison de chair qu’ils forment l’un autour de l’autre, comme s’ils faisaient tout pour ne pas laisser l’autre s’échapper. Elle n’en est pas mécontente, le redécouvre dans cette sollicitude particulière bien loin du monstre d’arrogance derrière lequel il se cache. Si ses émotions n’étaient pas cadenassées, elle aurait laissé tout son être s’imprégner du moment et le romantiser à l’extrême. Mais elle est concentrée uniquement sur les sensations : les piqûres de plaisir à chaque coup de rein, le frisson qui se répand à chaque fois qu’il souffle quelque chose à son oreille, la pression de son poids sur elle.

Ils font l’amour et ça ne leur ressemble pas. C’est peut-être ce dont ils avaient besoin pourtant, après des mois à se demander s’ils comptaient réellement l’un pour l’autre. Maeve sait qu’elle pourrait se l’accaparer entièrement, en triant son brouillon émotionnel pour ouvrir un chemin droit vers son coeur, s’assurer de façon pérenne son affection et par extension, ses moyens. Quand il plonge pour mordre ses lèvres à nouveau, elle sent cette toile vivante et complexe de sentiments. Elle sent aussi autre chose, le grondement animal, l’agitation d’un prédateur en cage, qui attend son moment. Sous l’impulsion folle, elle cueille cette émotion inconnue à même sa bouche, grignote juste un morceau qu’elle se promet de savourer plus tard.
Ils transpirent, ils se bouffent, ils étouffent, elle gémit, il s’épanche à son oreille, ils poussent le crime jusqu’à ce que ça ne ressemble plus à une tromperie mais à une profession de foi. Et juste à la limite, juste avant que ça ne devienne trop tard, la bête prend le dessus. Elle le sent avant de le voir dans les yeux de Jeremiah et elle ne trouve rien d’autre à répondre qu’un rictus satisfait, parce que ça titille la part du monstre qu’elle a ingérée.

La scène change assez soudainement, ils quittent leur parodie du couple pour s’approprier l’étiquette qui leur convient mieux, celle d’amants passionnés à l’autre bout du monde. Il prend le dessus complètement, dicte la position, le rythme, l’intensité, elle lui laisse volontier les directives. C’est exactement ce qu’elle voulait, une compétition d’égoïsme, une partie de jambes en l’air sans menace d’un je t’aime. Elle voulait tout ce qu’il était de pire et tout ce qu’il était de brute pour achever tout ce qu’elle était de sensible et de vulnérable.
Ils se damnent sans relâche. Elle le sent si profondément dans sa chair qu’elle finit par lui céder un autre orgasme, précipitant sa fin à lui. Ils s’affaissent, les corps suintant et terrassés, elle ne sent pas tout de suite ses muscles qui tirent et la peau de ses hanches qui virent au rouge, il n’y a qu’un nuage d’ocytocine et de dopamine.
C’est leur fin à eux, ils sont devenus autre chose, sans définition et sans remords, repus chacun du goût de l’autre qu’ils gardent sur la langue. Maeve ne s’inquiète que partiellement de l’absence de protection, ils sont irresponsables mais c'est comme si la réalité avait perdu de son accroche maintenant qu'elle n'était plus sous son dôme de pression à New Blossom. Ce n’est pas son genre de se mettre en danger, mais ça plaît à l’entité à part entière qui tapisse le fond de son estomac et en demande encore, créature insatiable et inépuisable. Elle n’a jamais connu d’émotion pareille, et comme elle n’a rien pour compenser, elle pourrait ne devenir que ça, à l’image du héros qui se retire pour rouler sur le dos à côté d’elle.

Maintenant qu’ils ont franchi la ligne, un nouveau monde s’ouvre à eux et il leur appartient d’en définir à nouveau les limites, si elles existent. Ca aussi, ça l’excite. “Fuck…” Maeve sort la tête de l’oreiller qui a pris la forme de son visage enfoncé. “Yeah…” Ses cheveux sont ébouriffés, il y a un voile sur son regard quand elle pose les yeux sur le profil de Jeremiah. Son corps se plaint quand elle se redresse sur un coude et se positionne sur le flanc pour étudier l’expression de contentement de l’homme. Sa frénésie interne a cessé, comme sonnée par leurs ébats, mais elle sent quand même l’écho de la bête quand elle caresse son bras qui est resté sur elle dans une posture possessive.
Il y a une certitude qui grandit en elle à cet instant : ils vont le refaire. Tant qu’ils seront loin du monde et loin des conséquences, les seuls à pouvoir mutuellement se juger, ils le referont. Justement parce qu’ils attirent une part sombre de l’autre. Au fond, elle l’a toujours sue. Ils sont mauvais l’un pour l’autre. Mais en même temps, quand c’est bon…

Dans ses jours les plus sentimentaux, elle se serait couchée contre lui, la tête sur son épaule, avide d’intimité et d’affection, comme si ça pouvait être sa place, mais la scène n’a absolument rien de romantique. Ils sont encore à moitié habillés, exposés. Elle coule un regard impudique sur tout son corps, curieuse de savoir à quoi il ressemble entièrement nu, quelle est la sensation exacte de son torse qui se presse contre elle, de ses mains qui se calent sous ses fesses pour la soulever… Ses joues sont sûrement encore rouge de l’effort et elle ne décolorent pas sous les pensées intrusives. Elle aussi a un parasite intérieur désormais. “I need to take a shower.” Maeve marque une pause en se redressant et se pousse à la force de ses bras jusqu’au bout du lit. Quand elle se retourne vers lui, c’est pour attraper sa main et le tirer de sa torpeur. “Come on, you too.” Son sourire malin traduit tout ce qu’elle ne dit pas. I want more.

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Le silence persiste, seulement troublé par leurs souffles. Jeremiah sent une fatigue agréable venir enlacer ses muscles sans jamais réussir à réduire cette énergie fantastique et bestiale qui ronfle sous chairs. Il garde sa main sur Maeve, comme s’il s’accrochait à sa respiration saccadée et le tremblement de ses membres. Le geste est possessif, envahissant, continue de froisser la nuisette entre les griffes du loup. Le tissu est de trop ; il aimerait la sentir davantage. Quand elle se redresse et se hisse hors du lit, la paluche fait mine de vouloir la retenir, puis la laisse s’évader. Parce qu’il sait qu’il remettra bien assez vite la main sur elle. “I need to take a shower.” La pogne est rattrapée alors qu’elle se retirait déjà. “Come on, you too.” La gueule du super-héros se fend d’une surprise enjouée. Les babines se plient sur un sourire, le regard un peu moite et amusé tiraille ses rides. Il se redresse à sa suite, l’accompagne dans un jeu de jambes et de bras qui se superposent ; les baisers reprennent, dans la nuque, sur son épaule, sur sa bouche quand ils s’arrêtent à l’entrée de la salle-de-bain, puis sur ses seins quand il la dénude.

Les fringues leur glissent dessus, aidées de leurs mains aux gestes lascifs. La hâte s’est transformée en paresse empressée. Maintenant qu’ils l’ont fait, que le goût de chacun est sur leur langue, la précipitation fait place au plaisir familier d’y revenir. Les doigts de Jeremiah prennent leur temps lorsqu’ils se mettent à découvrir Maeve. Il caresse ses formes, les serre, les attire, apprécie ses rondeurs qu’il cadenasse dans ses paumes. Nus, enfin, la douche les accueille dans de nouveaux soupirs, grondements et gémissements. Une demi-heure à baiser, encore, à remplir la pièce d’une vapeur chaude et à peine viable dans laquelle chaque inspiration ressemble à une inspiration prise en enfer. Le dos de Maeve est écrasé contre la faïence de luxe, les mains de Jeremiah sous ses fesses pour la soutenir au-dessus du vide ; le fantasme est comblé, et chaque caprice qu’elle lui ronronne il le satisfait. Le jet d’eau lave à peine leurs crimes, au pluriel. Le savon, son parfum et sa douceur, camoufle tout juste l’odeur du sexe dont leur corps s’imprègne.

Et ils le refont encore après, tout juste le temps de s’essuyer l’un et l’autre que le jeu désinvolte redevient un entrelacs de membres. S’habiller ? Difficile. Il suffit que ses mains l’aident à refermer ensuite une robe pour qu’il l’en déshabille aussitôt. La faim et la soif de l’autre semble impossible à étancher, satisfaire. Jeremiah oublie qu’ils sont dans la chambre conjugale, au milieu d’un décor savamment étudié par sa femme, il oublie les œuvres d’art qu’elle a chinées et les quelques lointains souvenirs d’une époque où ils voyageaient encore ensemble. Il est aveugle, sourd, envoûté par Maeve qu’il découvre désirer plus passionnément qu’il ne le pensait et, dans cette chambre où Bonnie et lui se sont déjà couchés, cette même chambre que le personnel prépare toujours pour deux, il s’oublie lui-même. Le Sept, le super-héros, le mari et le père. Il n’est qu’un amas de pulsions torsadées, contre lesquelles Maeve n’a pas peur de se nouer. Une fois, deux fois, trois fois, plein de fois, dans le lit, dans la douche, un peu partout dans la chambre, et lorsqu’ils reprennent à nouveau leur souffle, le soleil décline et ils sont dans l’épais fauteuil face à la baie.

Aucune des griffures que Maeve lui a infligées n’est resté. Les traces de Jeremiah sont en revanche visibles, mappemonde qu’il redessine sous sa paume. La caresse traverse toute sa hanche nue, puis dévale jusqu’à sa cuisse. Maeve, allongée de biais sur lui, qu’il garde dans ses bras avec la même possessivité qu’il y a quelques heures. “So much for the boat ride…” se marre-t-il d’un grondement, l’autre main caressant les cheveux bruns qui ont séché. Il l’embrasse, la langue encore obscène de leur dernier ébat, contraste flagrant avec ses gestes redevenus sages. L’échange de regard qui suit est un peu plus long que tous les autres, signe qu’ils arrivent à retrouver leur calme. Jeremiah roule ses noisettes vers l’immense vitre où leur reflet se superpose à l’encre du soir.

Let me take you out to dinner,” propose-t-il à la silhouette évanescente de Maeve. “A fancy restaurant in Wellington.” Ses lippes découvrent un peu ses canines, dans le demi-sourire qui lui tranche la gueule. “We'll do the hike another time.” Il se met à rire, la patte s’aventurant maintenant le long des jambes pliées de Maeve, comme un rappel à la fois mordant et sensuel de leur dernière conversation - avant que tout bascule. “Or,” un air plus sérieux regagne ses traits, “I ask the chef to prepare us a feast.” Il l’interroge du regard. L’interroge au-delà des mots. La cheffe leur a fait bonne impression, lorsqu’il a fallu faire une pause entre deux baises torrides. Le plan à trois n’est d’ailleurs pas passé loin ; peut-être le festin dont parle Jeremiah et qu’il lui propose dans le confort de son fauteuil. Chiné lui aussi par Bonnie.



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Ses mains pressantes s’impriment en sensations et en souvenirs, sculptent sa chair, et ils s’improvisent artistes du désir, dessinant l’un sur l’autre leurs nombreuses envies. La notion du temps disparaît, celle de la mesure aussi. Elle se noie dans le plaisir jusqu’à en avoir le cerveau embué, comme les vitres de la douche et les miroirs.
Entre la troisième et la quatrième fois, elle se perd complètement, devient autre chose, incapable d’aligner deux pensées cohérentes, elle ne pense plus qu’à son corps puissant, son souffle lourd dans son cou, ses lèvres avides sur sa peau, ses coups de rein qui lui laissent peu de répit… Elle voit bien que c’est la même chose pour lui, elle sent frémir sour l’épiderme le tumulte de la bête qui se goinfre d’elle. Il la désire tellement et ça l’excite, parce qu’elle ne se sent belle que dans le regard des autres et celui du loup lui donne l’impression d’être la seule femme au monde.

So much for the boat ride…” Son rire secoue sa poitrine malgré les protestations de son corps endolori. Ils ont passé l’après-midi collés ensemble, exposés, offerts et ça n’a pas l’air de leur suffire pourtant parce qu’elle reste enveloppée dans la chaleur naturelle qu’il irradie. Ses caresses à lui persistent, même s’il a déjà exploré le moindre centimètre carré de son corps, savouré le grain de peau lisse et tracé sur elle la chronologie de leurs ébats. Quand il l’embrasse, elle ferme les yeux, elle contemple le vide intérieur qu’il remplit avec la fougue de sa bête.
Elle a passé l’après-midi à se laisser transcender par cette émotion nouvelle, si crue et indomptable, et elle n’est toujours pas parvenue à comprendre ni le début ni la fin de ce qu’elle a bien pu avaler. Ce qu’elle a pris chez lui s’impose avec force dans son esprit. C’est à l’antithèse de ce qu’elle a toujours connu, ce n’est pas juste une envie mordante, c’est la faim, dans sa forme la plus cruelle. C’est une faim qui tiraille, qui ne trouve jamais vraiment de quoi la satisfaire, peu importe ce qu’elle consomme - elle a fait un sort aux snacks préparés par la cheffe et ils ont remis le couvert jusqu’à ce ce que son corps crie au supplice. C’est une faim qui ne sait pas ce qu’elle veut, sûrement même que ce qui pourrait la sustenter pleinement n’existe pas. Il lui vient en tête que Jeremiah vit au quotidien avec cette faim et ça le met sous une toute nouvelle lumière.

Let me take you out to dinner. A fancy restaurant in Wellington.” Elle considère l’idée, les paupières toujours closes, la tête nichée dans le creux du cou de son amant. Le paysage de la baie a été remplacé par leur reflet et elle n’a pas la force de se voir, encore moins d’avoir un aperçu visuel de leur aventure qui la hantera sans doute une fois que les remords feront leur chemin à la surface. Comme si les voir ensemble concrétiserait quelque chose bien plus assurément que les heures passées à baiser comme si c’était leur dernière fois sur terre.
We'll do the hike another time.” En écho à Jeremiah, elle laisse échapper un gloussement. “Please, I’m not even sure I can stand right now.” La plaisanterie a tout de même un fond de vérité, si son nouvel appétit semble être sans limite, son corps a en revanche des contraintes bien humaines contrairement au surhomme. “Or I ask the chef to prepare us a feast. - A feast?” Le mot réveille un instinct en elle, un dégoût qui entre en conflit direct avec l’émotion monstrueuse qui en demande encore. “I’m pretty sure we are on the menu if we let her have her way.” La réplique est agrémentée d’un sourire mutin qui se transforme en moue capricieuse : “I want to go out. I want to party and drink and dance.” Si la faim ne s’arrête ni avec la nourriture, ni avec le sexe, alors elle doit essayer la fête. Leur genre de fête. Démesurée, qui ne s’arrête jamais, qui ne dit pas non à l’excès de plus.

Pourtant, un voile de sérieux la gagne aussi quand elle relève la tête pour planter deux orbes sombres dans ses yeux noisette. “But I don’t know if we should.” C’est une piqûre de rappel, le monde existe encore autour d’eux même s’ils ne respirent plus que par l’un l’autre. Hors de ces murs, il redevient le héros le plus connu au monde et elle une arriviste qui ne sait plus quoi faire pour se rendre célèbre. Elle peut supporter cette étiquette, mais elle n’est pas sûre de vouloir montrer leur vrai visage : deux infidèles qui préfèrent fuir leurs responsabilités plutôt que de les affronter. “Are you not worried?” Des regards, des rumeurs, des scandales, de ce que dirait le monde, de ce que dirait son fils ? Et Maeve, de son côté, s’en fout presque de tout ça, sauf de Rapha, qui pince légèrement son coeur, perce la couche d’apathie pour lui rappeler qu’elle est une créature d’émotions avant tout.


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A feast?” Chez lui, le mot réveille ses appétits. Tous énormes, tous difficiles à contenir, cependant rassasiés - pour le moment. Un grondement appréciatif répond à l’étonnement sensiblement écoeuré de Maeve. “I’m pretty sure we are on the menu if we let her have her way. - Yeah,” répond-t-il d’un air rêveur, les billes rivées dans celles qu’elles surplombent. Une patte continue de dévaler sur la hanche féminine, dispensant une autre longue caresse que ses airs joueurs rendent équivoque. “I want to go out. I want to party and drink and dance.” Jeremiah se fend d’un soupir amusé, laissant sa tête tomber contre le dossier du fauteuil, la glotte tremblant sous un début de rire tandis que ses yeux valdinguant vers les hauteurs de plafond. “See? You’re inexhaustible.” Ses mots vaguement moqueurs sont aussi épatés, charmés par la folie des grandeurs dont Maeve se rend coupable. Elle est aussi démesurée que lui. Aussi difficile à assouvir. Il sent son cœur battre une chamade abjecte, dégouliner de sentiments qui révolteraient de plus nobles cœurs ; baver comme le loup bave devant la brebis.

But I don’t know if we should.” Les doigts de Jeremiah se crispent autour d’une fesse, plantent leurs ongles dans la chair fraîche tandis que son regard, devenu hagard, contemple le plafond baigné d’ombres. “I guess not,” répond-t-il, soudain détaché, le verbe cynique grimpant au-dessus de leur masse bifide. Un air de prince ennuyé s’est emparé de son bonheur facial, lissant ses rides et ses humeurs par un masque insensible. Il aurait aimé qu’elle n’aborde même pas le sujet. Qu’elle reste un monstre de flegme seulement voué aux pulsions. Mais il a fallu qu’elle soit malgré tout raisonnable ; crime qu’il punit en saisissant davantage sa fesse, marquant sa peau de croissants de lune joliment alignés. “Are you not worried?” Nouveau soupir. Celui-là las. Les phalanges finissent par se déplier, préférant aux incisions méchantes la douceur de sa paume. La caresse reprend. “Sure.” Bien malgré lui. Des dizaines de scénarios qui se superposent dans son crâne, parasitent ses pensées et abîment la fatigue d’après sexe. Son autre main joue avec les boucles moins bien mises de Maeve, trouve son scalp pour y éparpiller la pulpe de ses doigts. “But it's a little too late to back out now.” Les choses se sont compliquées à la seconde où elle est montée dans son jet. Et elles se sont compliquées davantage encore quand elle en est descendue avec lui, sur le tarmac de l’aéroport privé où, bien évidemment, les paparazzis étaient déjà là.

Une certaine distance dans leur posture a soutenu la thèse des simples amis partis en vacance. Pas sûr qu’ils tiennent cette posture en sortant d’ici. “So, we might as well have some fun.” Jeremiah rabaisse le regard vers Maeve, un sourire plein de dents et de confiance cinglée. Il ne montre rien de ses inquiétudes, qui, pour le coup, convergent toutes vers son fils. Que dira-t-il, s’il apprend ? Que fera-t-il ? Le détestera-t-il encore plus ? La bête a déjà répondu : d’un long grognement sardonique. Foutu pour foutu. L’esprit animal demeure, dominant celui humain depuis de trop longues semaines. Il tapisse ses craintes lucides d’une peau dure semblable à du cuir, il transperce ses précautions de longues griffes acérées, il fait de l’humain un cadavre dans lequel se réfugie le règne de la bête. Pas de capotes, pas de discrétion, pas de lendemain : tout doit être vécu là, maintenant, avec fureur et appétit.

La main caressante quitte la hanche, passe sur le visage de Maeve, déplie à nouveau sa paume et ses doigts pour y épouser la forme de la mâchoire. Le pouce câline la joue, se souvient des larmes et du maquillage coulant. Jeremiah ne sourit plus. Il est absorbé par leur souvenir, au pied de la scène, dans la pénombre, là où personne ne pouvait les voir, il se raccroche au sentiment qu’il avait ressenti, celui de la solitude qui quitte enfin ses épaules. “We’ll go out. We’ll party and drink and dance.We’ll forget ; qu’ils sont le centre du monde. Un monde qu’ils ont pourtant choisi et pour lequel ils ont vendu leur âme, leur cul, même leur image. Jeremiah retrouve un léger sourire. “We'll do whatever you want.” Répondre à ses caprice, tous ses caprices, et rien que ses caprices : c’est la promesse qu’il lui fait. Le pouce passe sur la lèvre inférieure de Maeve, retrace tous les sillons de leurs baisers, imagine le venin qui parfois - souvent - en coule. “You’re so fucking beautiful,” l’en accuse-t-il, secouant la tête et ses boucles poivre-sel. “It makes me sick.” L’aveu est un rauquement penaud, relent en effet malade qui lui monte des tripes. Il n’a pas l’habitude de se sentir aussi bien, aussi serein, aussi repus ; il sent la bête vrombir de délice chaque fois qu’il touche Maeve, chaque fois qu’il la baise ou l’embrasse. “Come on, get up or I'll eat you again.” Les bras la soulèvent, l’entraînent à la verticale, un sourire large, joueur - et naïf - caché dans le mouvement.



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Il a raison sur un point, il est trop tard pour faire marche arrière. Il semble incapable de décoller ses mains d’elle et elle est trop flattée par l’attention pour l’en dissuader. Elle frémit même à chaque toucher, à chaque message que le contact cache, tantôt homme providentiel et amant généreux, tantôt figure punitive qui exprime tout son mécontentement en lacérant sa peau délicate. Il donne et reprend en un revers et le challenge de lui plaire à tout prix réveille des instincts de chasse chez elle. Le triomphe est plus grand quand on gagne par conquête et pas par abandon.
Des frissons escaladent sa colonne vertébrale alors qu’elle s’égare dans toutes les perspectives que ce lien fait naître. Jeremiah est une machine à fric (et une machine à tuer), un atout et une arme, un homme qui a l’appétit et les moyens de bouffer le monde, et c’est près d’elle qu’il se couche. Par proxy, elle aussi siège au sommet. Si elle pouvait transformer cette attraction en infatuation, si elle pouvait planter ses griffes en retour, alors elle dicterait le jour et la nuit à New Blossom, à Icarus et pourquoi pas au-delà ?

C’est si tentant qu’elle se laisse convaincre. Il balaie les conséquences sans plus d’égard, elle accepte de miser sur sa confiance. Yes, we might as well have fun. On pourrait croire que le choix est simple, après tout, il est celui qui aurait tout à perdre : son mariage, son statut, le soutien de ses fans… Mais Maeve a assez vu ce milieu réinventer les faits pour savoir qu’elle serait la première sacrifiée. On finit toujours par tout passer aux hommes, les scandales et les pires violences sont oubliés dès leur premier acte de gloire. Icarus ne lâcherait jamais son héros le plus populaire, qui n’en est de toute façon pas à sa première sortie médiatique. Il n’aurait qu’à écraser un supervilain pour retrouver l’admiration du peuple. Quant à elle… elle voyait déjà les gros titres, les commentaires, les dms d’insultes… Traînée, briseuse de ménage, putain opportuniste, gold digger, il n’y a jamais de mots tendres pour celles qui occupent sa position. Le monde n’en avait rien à faire de leur différence d’âge, de la dynamique de pouvoir, du fait qu’on devrait exiger de lui un peu de sagesse, c’est elle qui serait passée au crible, verrait toutes ses fautes détaillées et étalées sur la place publique, alors qu’elles ne se résument finalement qu’au fait d’être une femme. Belle, de surcroît.
Lui même paraît amer quand il le lui dit, comme si c’était quelque chose d’abject, quand bien même il caresse sa joue affectueusement. Elle se méfie de cette main ambivalente, de sa poigne qui a laissé des marques partout sur elle, qui pourrait la soutenir comme la briser en deux.

Il la soulève comme si elle ne pesait rien. À son échelle, c’est sûrement le cas. Elle laisse échapper une exclamation de surprise avant de se laisser aller à rire à sa remarque (à sa menace). Une brève hésitation passe dans son regard, alimentée par les picotements ressentis au plus profond d’elle, elle pourrait s’abandonner et être entièrement dévorée, encore. La fête peut toujours attendre.
Les bras passées autour du cou du héros, elle le regarde avec intention avant de se rapprocher comme pour l’embrasser. Lorsque leurs lèvres sont toutes proches, elle s’arrête et murmure : “Do not let go off me.” Physiquement, figurativement, s’il l’emporte dans sa démesure, s’ils doivent briser tous les tabous aux yeux du monde, alors il doit promettre de la protéger. Promesse qui se conclut d’un baiser tendre… et chaste.
I need to get ready now. To make you feel even sicker.” Un rictus malin habille son visage, son impertinence brille dans ses iris, expression qu’elle expose rarement car elle est d’ordinaire attachée à apparaître comme une good girl - il l’a confirmé plusieurs fois à son oreille.

Ses pieds retouchent le sol, ses jambes se plaignent d’être à nouveau sollicitées après tant d’efforts, elle le congédie même s’il proteste et s’attèle à reprendre l’apparence impeccable d’une reine de beauté. Si elle doit être immortalisée dans son rôle de maîtresse, autant rendre les clichés iconiques. Et outrageants.
Elle se glisse dans une robe noire délicate, un patchwork de trois dentelles différentes qui forment un entrelacs riche et détaillé. Le tissu est fin et quelque peu transparent, on voit sa peau hâlée, et on n’a pas besoin de deviner ses formes puisqu’elles s’offrent allègrement à tous les regards. Comme c’est une habituée du maquillage en express pour prendre l’antenne le matin et qu’elle décide de garder ses boucles naturelles mais seulement de les définir, elle termine sa mise en beauté en moins de temps que ce qu’elle avait quémandé à Jeremiah.

Les dernières minutes sont tuées sur son téléphone, jusque-là boudé à la fois par indifférence et par appréhension. Les appels manqués défilent, sa mère, son agent, son producteur, des numéros qu’elle ne connaît pas mais dont la structure lui fait penser à ceux d’Omnivox. Les messages sont encore plus nombreux, tous incrédules, curieux ou furieux, tous lui demandant si c’était vrai, si elle avait vraiment fui le pays sur un coup de tête en compagnie de Wolfman. Elle croit voir passer un mail de la part d’Atom, hésite à l’ouvrir, passe finalement à autre chose.
Il n’y a rien de la part de Rapha. Alors ça ne vaut pas le coup de s’intéresser au reste.
Elle ne sait pas si cette absence de nouvelles est une bonne ou une mauvaise chose. D’un côté, la jeune femme respecte son choix de prendre ses distances, de l’autre, elle n’a pas l’air de se battre plus que ça pour celle qu’elle dit aimer. C’est injuste évidemment de le lui reprocher, mais au fond, Maeve sait que c’est cette fougue tamisée qui aurait fini par avoir raison d’elles deux. Si les rôles avaient été inversés, la présentatrice aurait été comme une folle. Le grondement de l’émotion bestiale lui répond : c’est parce qu’elle se saisit toujours de ce qu’elle veut. Ambitieuse ou égoïste, ce sont les deux faces d’une même pièce. Tout ce qu’elle veut, c’est exactement ce que lui offre l’homme qu’elle rejoint après avoir laissé son téléphone derrière.

La soirée met du temps à s’installer. Ils patinent, se mesurent, ré-accordent le piano de leur amitié jusqu’à toucher les notes avec justesse. Le déclic s’opère alors. La conversation reprend comme à l’ancienne, ils rigolent, ils se moquent de tout et de tout le monde comme s’ils n’étaient pas les caricatures du milieu qu’ils critiquent tant, ils boient, elle laisse sa joie irradier dans des grands éclats de rire.
C’est la semaine mais le pays entier est en ébullition de savoir le Sept sur leurs terres, des soirées spéciales sont organisées un peu partout, ils tirent au sort celle à laquelle ils vont se montrer par surprise. Ce coup de pub provoque évidemment l’événement, une foule s’amasse dans le club, elle en a presque le vertige en se rappelant exactement qui il est et son niveau de célébrité qui rend les gens hystériques. Ils décident de s’éclipser dans une autre boîte où ils sont à peine plus tranquilles. C’est le jeu, il aura des fans en adoration partout où il ira. Pourtant, c’est à chaque fois sur elle qu’il fixe son regard, ils n’ont d’yeux que l’un pour l’autre, ou alors ils font semblant.
Il y a un moment à partir duquel ils n’arrivent plus à se tenir. Elle danse avec relâchement, il se glisse derrière elle, lui tient les hanches, quand elle se retourne, ils finissent par s’embrasser. En public. Des flashs crépitent immédiatement, mais Maeve est concentrée sur autre chose : le cachet qui fond sur sa langue.

L’euphorie est une vague qui ne descend jamais. Ses émotions boostées à la sérotonine créent un cocon d’allégresse qui amplifie chaque sensation. Elle est shootée à la drogue et ils sont tous shootés à elle et à eux deux ils sont le centre du monde et en même temps leur monde ne compte qu’eux. Toute réserve est partie en fumée, ils se touchent autant qu’ils peuvent, l’impression que c’est la première fois que ce sens est exalté. Combien de temps passe comme ça n’a aucune importance, quelques minutes, peut-être des heures, ils planent au-dessus d’eux-mêmes et quand Drunk in love passe dans les enceintes, les mots sonnent temporairement vrais.
Maeve fait remarquer qu’elle est habillée presque comme dans le clip et il répond qu’ils n’ont qu’à le recréer, ça part sur un coup de tête. C’est comme ça qu’ils finissent sur la plage privée d’un hôtel et qu’il la filme, coupe de champagne à la main en train de danser les pieds dans l’eau glaciale qu’elle ne ressent plus dans l’ivresse. Elle chante, ils se marrent, revisionnent la vidéo, il fait des commentaires comme s’il était réalisateur, elle suit ses conseils jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits de l’enregistrement et dans un élan, c’est posté en story pour donner encore plus de travail à l’équipe d’Icarus qui doit déjà crouler sous les clichés d’eux en train de se rouler une pelle sur la piste de danse.

I can’t remember the last time I felt so stupidly happy.
Les effets de l’ecstasy commencent déjà à se faire oublier mais ils ont réussi à caler un dernier coup avant de reprendre l’hélicoptère jusqu’à la villa. Elle cligne des yeux plusieurs fois pour chasser le sommeil alors que les premiers rayons de soleil commencent à colorer le ciel matinal. “We’re going to be in so much trouble!” Elle s’exclame, mais au lieu de la panique qu’elle devrait ressentir, elle est prise d’un fou rire en imaginant toutes les retombées. L’hilarité secoue ses épaules, tord ses abdominaux qui sont épuisés, elle essuie des larmes au coin des yeux. “Oh god, just thinking about their faces at hq-” et le fou rire repart, nerveux et en même temps cathartique. Son corps ne la tenant plus, elle laisse son dos retomber sur le sable, amorti par la veste dont Jeremiah l’a enveloppé alors le froid reprenait ses droit sur elle.
Il répondrait sûrement qu’il ne fallait pas s’en inquiéter, ils sont jeunes, beaux et riches, les gens privilégiés n’ont jamais à craindre quoi que ce soit.
Pourtant, dans les méandres de sa mutation qui se remet du trip et de son coeur en achère, elle ressent une pointe d’appréhension. Elle ressent.

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Do not let go off me.” Elle n’avait même pas à le lui dire. Pourtant la demande, ordre implicite et capricieux, n’a fait que renforcer la possessivité de Jeremiah. Partout où ils sont allés il était là, dans son champ de vision, loup attentif et captatif, le regard posé sur elle et sur personne d’autre. Ironique, lui qui l’a tant éclipsée ; ce n’est pas la présentatrice préférée des USA qu’on a invitée aux soirées ou qu’on a acclamée dans des cris hystériques sur des bords de trottoirs saturés, mais Wolfman ; ce n’est pas non plus elle qui fera demain la une des quotidiens nationaux mais lui. Parce qu’il est un astre autour de qui tout doit graviter, pays et followers, et qu’un homme surhumain présentera toujours mieux qu’une femme objectifiée. Venus nourrira pour sa part les tabloïds, les magasines people et l’argo space, parce qu’elle est une machine à scandale plus lucrative que lui ; c’est sur elle que se concentreront les questions et les remarques même s’ils sont deux sur les photos, sur elle aussi qu’on tirera pour condamner leur baiser si Icarus ne le censure pas avant.

Jeremiah n’a rien ignoré de tout cela. Même quand il dansait avec Maeve, buvait avait elle, la tenait par la taille en marchant vers leur prochaine destination ou riait aux éclats en étant ivre de son euphorie. Il a laissé les regards dégouliner d’envie et d’admiration, s’en est gorgé, en a joué, un salut par ici qui déchaîne les passions, un autographe par là pour qu’on hurle de joie, la mégalomanie tranquille et paresseuse gravée en filigrane sur son lustre de Sept. Mais ses gestes convergeaient tout le temps vers elle ; pour la mettre en valeur devant les objectifs, lui manifester son désir, la combler d’égards et la dévorer des yeux. Parce que Jeremiah est un homme de pouvoir généreux pour peu qu’on lui fasse sentir être aimé. Même si c’est factice, même si c’est intéressé. Dans leur exultation mutuelle étirée sur plusieurs heures il a senti la volonté de Maeve de lui plaire, au pieu comme sur la piste de danse, nue comme vêtue, il l’a sentie toute entière se déverser sur lui comme il s’est déversé en elle, et affirmer sans s’en cacher vouloir être vue à ses côtés. Elle a été une reine et il a besoin d’une reine. Qui sait ce qu’elle veut, qui le cherche et qui l’obtient. Lui, en d’autres termes.

I can’t remember the last time I felt so stupidly happy.” Il se met à rire contre sa nuque avant de la laisser s’écrouler sur le sable. Elle a gardé sa veste en cuir noire qui lui fait des épaules carrées - son débardeur agrémenté de lourdes chaînes en or et son pantalon sont aussi noirs pour matcher avec la dentelle de Maeve, un mariage sexy d’outfits qui affole déjà la fashion sphère. “We’re going to be in so much trouble!” Le fou rire de Maeve est contagieux, il atteint Jeremiah qui se marre en même temps, les mains écrasées dans le sable derrière lui après avoir rebouclé sa ceinture assortie à ses bijoux, le regard planant sur l’horizon. “Sounds familiar.

Il s’accroche aux ultimes filets d’émotion dont Maeve irradie, une drogue à laquelle il n’avait pas goûté depuis des lustres et dont il commence à sentir le manque par anticipation. Sa joie si candide et stupide est par conséquent la sienne aussi ; un état de grâce qui ne durera pas et en devient par conséquent éblouissant. “Oh god, just thinking about their faces at hq-” Jeremiah s’allonge à côté d’elle, les mains croisées sous son occiput. “I mean, we really pulled out all the stops,” sourit-il, de la fierté dans la voix. La bête parle à travers lui, animal dépourvu de raison et de mesure qui impose ses envies, ses humeurs, balaie d’un coup de patte l'épouse dont il a humilié la mémoire. À moins que la bête n’ait jamais été que le pôle pulsionnel de sa personnalité, le prétexte tout trouvé pour être un monstre d’égoïsme. Au contact de Maeve, les frontières hier claires deviennent aujourd’hui poreuses ; il ne s’est jamais autant senti en symbiose avec la bête que depuis qu’ils la désirent ensemble, que depuis qu’elle les calme, que depuis qu’elle les rassasie.

Fuck ‘em,” conclue-t-il d’un grognement, s’arrachant à sa position pour basculer du côté de Maeve. Un coude dans le sable et allongé sur le flanc, il l’embrasse et caresse la fine fabrique couvrant son ventre. “We’ll blame it on the jet lag,” ronronne-t-il au-dessus de ses lèvres, un sourire moqueur relevant ses babines. Le sérieux tombe soudain. “Oh my god I’m so sorry Sloane, we were just out for a drink! I don't know how we ended up making out!” Jeremiah prend des airs catastrophés comme si Maeve était leur attachée presse. “The video?! Well, I'm glad you mentioned it, ‘cause I've been dreaming of making my own films for ages.” Le superhero fait la moue, avant de prendre des airs surpris. “Oh you mean the pictures?! Of us kissing?! Yeah, I know… it’s hot. But y’know what’s hotter Sloane? Maeve, fucking, McAdams…” l’embrasse-t-il encore, des baisers dans le cou dont un suçon appuyé.

Il rit encore dans sa gorge au parfum de luxe, puis quitte son cinéma de grand idiot en revenant sur son flanc, la tête appuyée contre sa main, l’autre tirant d’un geste nonchalant le téléphone de sa poche de pantalon. Il l’allume et montre les dizaines de messages reçus de toutes les équipes confondues d’Icarus, cryptés compris. Les sélectionne les uns après les autres et les supprime sous leurs yeux. Puis l’éteint. “There. Problem solved.” Si c’était aussi simple. Ils sont pourtant des comédiens, des acteurs de tous les instants ; et l’illusion paraît presque réelle. “Give me yours now,” dit-il en lâchant le sien sur le sable. “Come on.



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I mean, we really pulled out all the stops. - Don’t sound too proud about it.” Mais elle a le même rictus arrogant aux lèvres, inspirée par la mini-rébellion qu’ils mènent depuis leur départ de New Blossom.
C’était définitivement grisant d’être de l’autre côté de la crise PR, d’être le problème et de ne pas avoir à se soucier de comment on allait la résoudre. Un shot d’adrénaline pur, qui continuait d’enflammer son regard et d’appeler à elle l’homme et sa bête. Maeve était cruellement consciente que cette sortie de route n’était possible que parce qu’il avait le bras bien larges et longs et le porte-feuille bien profond. Il était à lui seul un cadre dans lequel son chaos personnel pouvait éclore sans être remis à sa place. Sans garde-fou, sans injonction, sans commentaire critique, jusqu’où pouvait-elle aller ? Elle n’a pas la force émotionnelle de s’en soucier et il écrase déjà tous les questionnements avec sa désinvolture légendaire : “Fuck ‘em.

Elle trouve un goût d’alcool, de tabac et de sel sur sa langue, elle ferme les yeux alors qu’il suit les motifs de la dentelle sur son ventre. C’est ça la vie, quand on a perdu pied et qu’on n’a plus qu’à se laisser aller dans le moment présent.
La distraction de Jeremiah arrache un nouveau rire à Maeve, dont le coin des yeux s’embrume et des perles de larmes s’accumulent sur ses cils. La scénarisation exagérée de leur problème ne fait que révéler le caractère encore plus ridicule de l’existence qu’ils mènent. Tout est millimétré, expliqué, orchestré, justifié, tout est faux ; leur soirée existe déjà en trois versions dans la presse, la réalité brute, les rumeurs qui en sont faites, le récit que sort Icarus en un temps record pour remplacer les faits.
Le moment qu’ils partagent cependant n’existe qu’entre eux, les baisers dans son cou, sa poitrine qui se soulève et se repose sous sa respiration alourdie, sa peau qui fourmille là où il laisse ses marques. Toutes ces années à se demander ce que ça ferait de se laisser prendre par Jeremiah Thompson et maintenant ça lui paraissait naturel, évident, fusionnel. Et comme elle était dans le high de leur relation - les premiers jours fous, égarés, passionnels - ça lui paraissait indispensable.

Cette frénésie où ils ne sont que deux, il la pousse plus loin encore. Sous le regard curieux de Maeve, il fait défiler les notifications de son téléphone, les messages sur des canaux de discussion qui ne sont d’ordinaire accessibles qu’à une poignée de personnes. Il supprime tout, comme une preuve qu’il n’a plus de limites. Elle observe le geste, fascinée par l’aisance avec laquelle il envoie tout balader. Est-ce que c’était ça, être indispensable à Icarus ? A chaque fois qu’elle pense se faire une idée du gouffre qui les sépare, il fait quelque chose d’inédit qui ajoute au vertige. Il serait bien naïf de croire qu’ils sont tous les deux sur le chemin de la machine, elle est seule sous la roue, lui en est un rouage essentiel.
Quand il l’invite à faire de même, elle lui retourne un regard indéchiffrable, à la fois d’admiration, d’envie, d’agacement et un soupçon de peur. Il est à la fois trop tard pour se soucier des retombées et trop tôt pour s’en remettre entièrement à lui. “I-” l’hésitation est plus que palpable, elle baisse les yeux sur son minuscule sac à main qui n’a de place que pour son téléphone et un gloss. Elle n’est pas prête à être un livre ouvert, à lui donner accès à une autre forme d’intimité, il a assez vu d’elle, mordu tout ce qui pouvait se goûter. Pourtant, ses doigts font glisser la fermeture éclair et extirpent l’appareil qui s’éveille aussitôt en reconnaissant l’empreinte de sa main.

Il y a la même salve de notifications qu’il y avait plus tôt et bien d’autres encore, une quantité monstrueuse de messages dans lesquels se développent au moins cinq crises de sa mère - de la panique à la colère à l’organisation stratégique. Etrangement, il n’y a plus d’appels, comme si celles et ceux qui s’étaient épuisés à essayer de la joindre avaient compris le message. Il y a évidemment la notification de Wolfman et la fameuse vidéo postée en story dans leur folie, ce qui a prompt quelques réactions immédiates et médusées… Mais il n’y a toujours rien de Rapha.
Maeve ne sait toujours pas si elle doit être vexée ou soulagée, quelque chose se fiche dans sa poitrine, une épine qui rappelle qu’en dessous de toute cette aventure, elle a encore un coeur et des émotions qui ne sauraient être contenues plus longtemps. “Here.” Elle lui tend le téléphone, maintenant désintéressée par toute l’affaire. Il pourrait tout aussi bien jeter l’objet dans l’océan.
Elle se colle davantage à lui, cherchant de sa chaleur naturelle et un peu de son réconfort, ferme les yeux, laisse le bruit des vagues la bercer pendant qu’elle se concentre sur ce qui se passe à nouveau à l’intérieur d’elle. Quelques émotions percent la couche apathique, s’accordent au remou tranquille, lui rappellent ce que c’est d’être humaine. “Can we head back after? I’m starting to get tired.


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