Tell me what is it that I should do. [Gustav]

Tell me what is it that I should do.

With @Gustav Hansen

La journée s’annonçait pourtant comme les autres, une journée de plus à se lever aux alentours de dix heures, le soleil déjà haut dans le ciel, et la vie active dans les rues de New Blossom. La veille, le bar avait fermé à trois heures du matin, parties de cartes avec des habitués qui s'étaient complètement éternisées. Rideau baissé, les quelques hommes restés jusque là autorisés à fumer dans l’établissement, des verres offerts, une ambiance tamisée et la possibilité de sortir par la porte arrière. C’était qu’ils faisaient le principal de sa recette, ces piliers de bar qui venaient des heures durant en commandant boisson après boisson, qui ne finissaient jamais par s’écrouler comme si l’alcool n’avait aucun effet sur eux. Parfois, Viggo se demandait comment des êtres humains normalement constitués pouvaient boire autant. Il n’y avait plus de différence entre leur état normal, et leur état alcoolisé, ou du moins, elle n’était plus visible. Il les appréciait, ses petits habitués, et bien que certains soient même plus vieux que lui, il en prenait soin, leur disant quand il valait mieux arrêter / rentrer, quand leur femme appelait le numéro du bar pour qu’ils rentrent à la maison… Bien évidemment, il avait aussi des habitués de journée, qui venaient toujours boire juste une bière / un café, de quoi passer un peu de temps au calme dans le petit bar sombre avec une musique très caractéristique.

Seize heures. Il venait de pousser la porte de l’établissement et avait eu un long soupir. C’était qu’il avait passé un bref coup de ménage avant de s’en aller, cependant clairement pas assez pour lui qui était un peu trop maniaque pour son propre bien. Le sol ne brillait pas comme il le devrait, il restait quelques tâches collantes, les bouteilles n’étaient pas ordonnées comme elles l’auraient dû… Bref, rien n’allait. Fisk, son grand chien pataud et couvert de poils s’était glissé entre la porte et lui, le bousculant au passage dans un grognement désapprobateur de sa part, avant d’aller se coucher à sa place dédiée, son panier coincé sous un coin du bar qui n’était pas gênant. Viggo avait roulé des yeux et souri.

- Tu pourrais au moins me filer un coup de patte, serpillère ! Avait-il dit en riant.

La porte avait été refermée, verrouillée et il n’y avait plus qu’à faire le nécessaire. Il avait pris un petit verre de whisky pour la motivation, et s’y était mis. C’était qu’il y avait du travail, c’était le jour de repos d’Aksel, et décidé comme il était à ne pas dépenser plus en employés, il faisait tout seul. Il avait l’habitude, et il n’y avait fallu qu’une heure pour que tout soit extrêmement propre comme il l’aimait, et avait fait l’inventaire des bouteilles derrière le comptoir, mettant à disposition non loin des neuves au cas où. Il ne comptait pas tenir le bar ouvert très longtemps ce soir, seul, il n’allait pas excéder les vingt trois heures, il ne pouvait pas se le permettre, c’était qu’il n’avait plus vingt ans. Il avait pris une grande inspiration et avait ouvert la porte, tournant la petite pancarte indiquant que c’était ouvert. Il n’y avait pas de logique dans les horaires du bar, l’heure officielle était dix neuf heures, cependant il lui arrivait régulièrement d’ouvrir bien plus tôt, quand il prévoyait justement de fermer à une heure décente, et non pas jusqu’au bout de la nuit. Il se doutait qu’il n’y aurait pas grand monde à une heure pareille, aussi il s’était permis de s’allumer une cigarette devant l’établissement, jusqu’à entendre le téléphone sonner. Il avait râlé, posant la cigarette à peine allumée sur le bord de la fenêtre.

- Non Laura, Jack n’est pas là. Hier soir ? Oui, il est reparti vers deux heures, je crois ? Ok, appelle moi quand t’as des nouvelles. Bien sûr que je te tiens au courant s’il remet les pieds avant que tu m’appelles. Un rire. Oui, je lui passerai un savon.

Téléphone raccroché, il était retourné fumer, attendant que le premier client pointe le bout de son nez, ce qui n’avait pas pris tant de temps. Son établissement n’avait pas la meilleure des réputations, il ne brillait pas de mille feux non plus, cependant il était facile de s’y perdre, lorsque quelqu’un voulait seulement un endroit tranquille après une journée de travail étouffante. Une bière pour chacun de ces messieurs, servies fraîches comme il le fallait, quelques petits biscuits apéritif offerts, et le temps avait filé.

La soirée était pourtant calmes, quelques habitués comme d’habitude, Laura avait rappelé pour dire que son soulard de mari était en fait bien rentré dans la nuit, mais endormi dans la voiture dans le garage. Viggo avait ricané, il s’attendait à ne pas voir Jack pendant quelques jours au moins, elle allait clairement le garder à la maison comme un roquet qui surveille son os, et il allait l’écouter. Il ne faisait même plus attention aux personnes qui rentraient dans le bar, il était tard, il n’allait pas tarder à tourner la petite pancarte qui indiquait que plus personne ne pouvait rentrer, c’était qu’il commençait à fatiguer un peu… Il avait néanmoins levé la tête vers la personne qui venait de s’approcher du bar, chope en main qui était en train d’être lavée qui s’était écrasée sur le sol, Fisk détalant par la même occasion pour l’autre côté du bar. Du coin de l’oeil, il avait vu un des habitués de lever, et il avait levé la main pour signifier que “tout allait bien”.

- Matthew, tu peux me fermer le bar ?

La demande avait à peine glissé vers l’habitué accoudé au comptoir qui avait ouvert de grands yeux, avant de hocher la tête et de commencer à prévenir les clients qu’il fallait s’en aller, et même ceux pourtant habitués aux protestations n’avaient rien dit. Viggo avait fait le tour du bar sans même attendre que tout le monde s’en aille, et après un silence un peu trop long, où le reste des personnes présentes avaient complètement disparu du cadre dans son esprit, et tant pis si cela ne plaisait pas, tant pis. Il avait attrapé Tobias par l’épaule, le tirant contre lui pour une accolade courte mais qui coupait le souffle, les yeux peut-être un peu trop brillants pour ce qu’il voulait montrer de son image. Il avait regardé le jeune homme comme si un fantôme se tenait devant lui et son sourire avait fini par apparaître, un peu bancal.

- T’étais passé où ?! La remarque était sortie comme celle d’un paternel inquiet qui ne savait pas exprimer l’inquiétude sourde qu’il avait vécue tout ce temps. Je vais appeler… Il s’était coupé dans ce qu’il allait dire. Tu n’as jamais répondu à mes lettres.

Et disant tout cela, sa main avait refusé de se décoller de l’épaule de Tobias, les doigts serrés comme s’il craignait qu’il ne s’évapore en fumée devant lui. La pensée qu’il n’ait même pas daigné lire les lettres venait de le heurter, et si c’était le cas, parler de but en blanc d’Aksel serait peut-être un choc un peu trop important. En réalité, Viggo ne savait même pas quel comportement avoir, tout ce qu’il avait été capable de faire quand il avait lâché l’épaule si familière mais pourtant si étrangère avait été d’aller verrouiller la porte, pendant que son chien venait renifler curieusement l’inconnu qui avait provoqué tout ça. Sans plus attendre, il avait presque couru jusqu’au bar pour servir sans réfléchir un verre de whisky à Tobias, récupérant au passage le balais pour commencer à ramasser le bouts de verre d’une main tremblante.