Weird animal | Alice

Si Ace s'enferme dans le noir éternellement, qu'il en soit ainsi. J'ai cessé de lui tendre la main lorsque j'ai pris goût à me réveiller chaque matin. Au départ, je ne savais tout bonnement pas comment occuper mon temps, d'autant que l'état de ce corps ne me permettait plus grand-chose. Mais un mois a passé et j'ai recouvré mes forces.

Restait à trouver une distraction, et ce récent contrat avec Drowner est l'occasion parfaite de dénicher des cibles. Car j'ai bien compris qu'en massacrant n'importe qui et n'importe où, je me mettrais moi-même des bâtons dans les roues. Ace avait ce discernement - que je n'écoutais pas toujours il est vrai - et je dois bien me débrouiller seul à présent.

Posé à cheval sur le buste d’un homme qui gigote contre le béton, la paume plaquée sur son visage rouge et gémissant, je dégaine mon couteau à la lame courte et aiguisée. Il est l'une des nombreuses taupes de Theseus, paraît-il. Je n’ai pas cherché à vérifier cette information - je ne saurais même pas comment faire.

Derrière nous, la petite boutique de pièces électroniques ne paie pas de mine, coincée entre les hauts immeubles de l’ancien Manhattan. Quelques passants captent la scène sans vraiment s’en soucier : la violence fait partie du paysage sous le toit de pierre.

“J’ai juste besoin de récupérer ce que tu as dans la tête. Ça ne sera pas long.” Ou peut-être que si : je n’ai aucune idée d’où je suis censé trouver sa puce de stockage, alors peut-être faudra-t-il s’y reprendre à quelques reprises.

Weird Animal
tw : arme blanche, blessure

Le monde n’est plus un long fleuve tranquille depuis bien longtemps. En tout cas, depuis que je travaille à l’Institut et son armada de mutants aux envies vagabondes. Aujourd’hui ne déroge pas à la règle, puisqu’Athena me contacte, de l’autre côté d’une barrière que je lui ai demandé, très vigoureusement, de ne plus franchir. Mais elle s’explique – je veux aider mes amis, eux qui n’ont pas ma chance, promis je ne prends pas de risques inutiles, mais là, quand même…

Ouais, là quand même, il se passe quelque chose de très louche. Ça fait un moment qu’Ace fait le mur pour aller se mettre dans les embrouilles dans l’Underapple. Et si nous ne sommes pas une prison, nous sommes malgré tout responsables de ces adolescents et jeunes adultes. Si certains font quelques virées sans trop de conséquences, comme Siwon, Athena me dit clairement qu’Ace… Ace, c’est un autre calibre. Autre chose. Du genre Mr Hyde qui décide se faire son malin.

Alors quand le mutant décide de flouer notre gardien pour s’évanouir dans la nuit, je le suis, le poursuis, ne sachant pas vraiment ce que je cherche ni ce que je vais trouver. De toute façon, je survis à tout, même au baiser de la mort, alors pourquoi s’inquiéter ? Comme un besoin de frisson et d’adrénaline, que je trouve quand le garçon frappe et blesse et heurte et cogne un pauvre type trouvé dans les rues peu éclairées de l’Underapple. À deux pas d’une boutique d’électronique, alors que des passants passent, laissent certainement trépasser celui dont s’est emparé le monstre qui dévore Ace. On pourrait croire à une rixe ridicule, mais les mots d’Ace s’envolent jusqu’à moi, me glaçant sur place « J’ai juste besoin de récupérer ce que tu as dans la tête. Ça ne sera pas long. » Rien à faire de ne pas être discrète, mais je peux distinguer le scintillant de l’arme. Je ne sais pas ce qu’a fait ce pauvre hère sous ses cuisses, mais je ne le laisserai pas salir plus encore l’âme du mutant qui réside dans mon Institut. « Ace. » Le nom claque, et je réalise que je ne pourrai pas utiliser mes subterfuges habituels avec lui. Il ne se laissera pas amadouer par de jolis mots. « Laisse-le. » Je m’approche quand même, tente d’utiliser mon don sur lui, pour le forcer à revenir vers la lumière, mais bon sang, dans son esprit, tout est noirceur et chaos, une trame ficelée bien trop férocement pour que je puisse faire quoi que ce soit si loin et sans le toucher et plonger dans son regard et sans le connaître… Car le garçon qui se trouve en face de moi n’a plus rien du Ace que j’ai accueilli à l’Institut. Il ne reste de lui que des ténèbres.

Et je ne le laisserai pas briser d’autres vies.

ft. @Ace Caldwell

Les passants poursuivent leurs routes lorsqu’ils nous croisent ; du moins, jusqu’à ce qu'une paire de pas s’arrête près de moi. La voix est familière. Alors mon geste reste suspendu, la lame s'immisçant déjà entre les cheveux noirs de ma proie qui contient à peu près ses mouvements pour ne pas s’y planter lui-même.

Je relève les yeux, la scrute sans pudeur des pieds à la tête. Il faut être sacrément culotté - et avec une bonne dose d'inconscience - pour m'interrompre au beau milieu d’une situation comme celle-ci.

Je souffle, la voix grave vibrante d’une pointe de sarcasme, “Il n'est pas joignable pour le moment, mais je peux prendre un message.” J’en aurai accumulé quelques-uns d’ici à ce que Ace refasse surface. Peut-être devrais-je commencer à prendre des notes ?

Je plante mes yeux dans les siens. Elle, je la reconnais. J'ignore son nom, et mon alter ne prendra pas la peine de sortir de sa tétanie pour me le souffler. Je sais juste qu'elle dirige l'endroit qu'il nous a trouvé comme refuge, avant même que la planque des Neon Blades ne tombe. Qu’elle aurait éventuellement le pouvoir de nous mettre en difficulté.

Pourtant, sa présence a quelque chose d'apaisant. C’est ce qu’elle dégage, alors qu’elle fouille dans mon regard qui intuitivement la fuit pour s’écraser de nouveau sur l’homme coincé entre mes cuisses. Ma main libre attrape ses cheveux pour faire pivoter son crâne contre le sol. Je me sens d'aborder cette opération sauvage avec l'esprit en paix, mais je suis pris d'un doute - et la proie semble capter son sursis quand elle étrangle ses gémissements, ses grands yeux sombres suppliant la brune de ne pas le laisser à son sort.

“Pourquoi ? Tu le connais ?” Ce serait bien la seule raison possible pour laquelle elle me demande de l'épargner, n'est-ce pas ? Qu'elle y tienne, d'une façon ou d'une autre. Je soupire, blasé, "Je suis sûr que tu t'en trouveras un autre, il y en a plein dans le genre, par ici." Avec des machines qui brillent incrustées dans la tête, si c'est ça qui lui plaît. A moins qu'elle ne s'apitoie sur le sort de tous les insectes qu'on écrase ici bas ; car la vie de ce type est aussi insignifiante que toutes les autres.

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tw : arme blanche, blessure

Je repousse l’idée plus loin, parce que je ne veux pas y faire face, mais le chaos nimbe ma bouche, s’enroule autour de ma bouche, manque de m’étouffer. Je peux le sentir pulser dans mes veines, alors qu’il ne m’appartient pas et qu’il est seulement en train de noyer l’esprit d’Ace. Ou ce qu’il en reste.

Les faibles lumières qui nous auréolent attrapent le scintillant de sa lame, qui s’enfonce déjà dans la chevelure de sa proie.

« Il n’est pas joignable pour le moment, mais je peux prendre un message. » Le sarcasme roule sur ma peau, le long de ma colonne vertébrale. La colère flamboie en moi, mais je ne sais pas si elle m’appartient totalement ou si les ténèbres d’Ace ne sont pas comme de l’essence jetée sur ce feu. « Pourquoi, tu le connais ? — Ça changerait quelque chose ? » Je veux gagner du temps, ne sais pas vraiment pourquoi. Le bon Dieu ne descendra pas sur Terre pour voler à mon secours quoi qu’il arrive. Je ne peux compter que sur moi, et moi seule. « Je suis sûr que tu t’en trouveras un autre, il y en a plein dans le genre, par ici. — Qu’est-ce que tu lui veux, exactement ? sifflé-je. » Je ne sais pas quoi faire de plus. J’esquisse encore quelques pas, songe que je ne pourrai rien faire s’il se décide à me poignarder. Mais qu’est-ce que je risque, au pire ? Mourir ? J’ai presque envie de rire.

« Ace, ne fais pas ça. Je me doute que mes mots n’auront aucun impact sur toi, mais je me dois de les dire. Ne fais pas ça. » J’insuffle tout ce que je peux de bonté dans ma phrase, mon don mouchetant chacune de mes lettres. Même si ça ne peut pas le faire intimement changer d’avis, au moins ça peut le retenir un instant. Juste un, dans l’espoir que je trouve une porte de sortie. « C’est parce que tu es en colère ? C’est parce que tu t’ennuies ? Pourquoi est-ce que tu agis comme ça ? » Et au pire, quoi ? Il s’énervera contre moi ? Ça vaudrait toujours mieux que sur un inconnu. N’est-ce pas ?

ft. @Ace Caldwell