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I don't drink coffee ❦ Husan & Heidi

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CORPS
ESPRIT
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I don't drink coffeI take tea my dear

Une forte odeur de café embaume l’air matinal de la pièce ; à cette heure-ci, vous êtes assez peu à en profiter. Même si tu n’aimes pas la boisson, tu dois avouer que son odeur te plaît, aussi étrange que cela puisse paraître. Enfin, dans cette succursale quelconque d’une grande chaine tout aussi quelconque, ils ne torréfient rien sur place : ils utilisent des vaporisateurs pour faire en sorte d’artificiellement l’odeur d’inox et de désinfectant alors pas étonnant que le parfum soit agréable au nez. Minutieusement élaborée en laboratoire pour plaire ; ce serait si facile de ne pas s’en soucier, mais toi ça te dérange. C’en est presque douloureux, de s’imposer cette dissonance cognitive, mais c’est un mal nécessaire. Ils endorment le peuple avec des effluves de vanille et d’arabica pour que le reste des habitudes viciées qu’ils imposent ne souffre pas d’un regard trop sévère.
Assez régulièrement, tu te demandes si tu ne vois pas des liens qui n’existent pas. Tu les entendrais presque, ces voix qui veulent se faire passer pour raisonnable : « c’est seulement du café Heidi, tout n’est pas lié au capitalisme ; parfois, du café est juste du café. » Oh, si tu pouvais mettre les mains sur les gorges immatérielles qui polluent ton esprit d’appels à la modération… C’est grave ces pulsions violentes, docteur ? Docteure toi-même, tu trouves qu’elles n’ont rien de problématique.
Est-ce que l’homme qui se trouve en face de toi partirait s’il savait tous les maux et les plans qui assombrissent ton esprit ? Tu es franchement tentée à l’idée d’en faire l’expérience en bonne scientifique que tu es. Malheureusement, ça pourrait aussi te valoir quelques menus problèmes. Et puis, comment tu en es arrivée là d’ailleurs ? A cette heure-ci, tu devrais être confortablement installée sur ton canapé avec un livre entre les mains et une serviette autour de la tête, pas inconfortablement assise sur une banquette trop brillante en train d’attendre un verre d’eau chaude parfumée. Sans rire, comment est-ce que ton aura de cynisme absolu n’a pas réussi à repousser ce mec ?

D’ailleurs, c’est qui ce type ? Un ancien patient, de ce que tu as compris. Il paraîtrait que le hasard a fait se croiser vos parcours de jogging quelques fois. Eh, s’il est encore capable de courir c’est que tu n’as pas fait un trop mauvais travail, non ? En fait, c’est là où ta capacité de compréhension de l’esprit humain pêche : il te dit que tu l’as rudoyé pendant ta garde aux urgences, et pourtant c’est lui qui tient à t’offrir un café ? Il y a un élément de la logique qui t’échappe. Toi aussi tu aurais bien aimé lui échapper ; tu as esquivé une fois, deux fois, prétexté un rendez-vous, une course à faire, mais cette fois tu n’as pas su te substituer aux griffes cruelles de la sociabilité. Un drame, véritablement.
Te voilà donc en face de cet ancien patient sans doute traité à la va-vite pendant une nuit de garde surchargée. Comment il s’appelle, déjà ? « Hm, Husan, c’est ça, donc ? » Silencieusement, tu soupires. Tu n’as pas besoin d’un ami, et si c’est son cas à lui, il aurait difficilement pu faire un pire choix.
Tu parles d’une ambiance… les quelques autres clients n’osent même pas regarder dans votre direction tant tu irradies l’envie d’être ailleurs. On t’a déjà dit que tu fais peur. Pour de vrai. C’est quelque chose dans ton regard, il paraît. Une sorte d’éclat qui ferait passer toute envie de te faire perdre ton temps. Jusque-là, rares sont ceux qui s’y sont essayés. A voir si la rumeur est fondée, à présent.


ft. @Husan Garrett