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Agonie | Marlon

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TW : addiction, drogue

Le talon bat le sol, emporte toute la jambe dans une répétition mécanique et nerveuse. Assis sur mon fauteuil au coussin fendu par l’usure, j’me penche sur mon bureau et retourne mon clavier, mon casque, un mug avec un fond de café de trois jours, une carte électronique dont j’ai arraché la moitié des composants, le fer à souder, y’a du bordel qui tombe par terre, impact de la chute étouffé par les fringues qui traînent par-là.

Putain.
J’suis à sec.

J’me mordille les lèvres, le corps pris par d’étranges courbatures, enfonce les doigts dans l’accoudoir en simili-cuir et lève les yeux vers le plafond coloré par les lumières de la ville souterraine. Ma rétine s’illumine brièvement, les micro-mouvements de mes yeux me font naviguer dans l’interface de l’ordinateur intégré.

Téléphone. Contacts. Marlon.

Sonnerie. Allez, réponds. Putain…

J’commence à envisager le type louche du coin de la rue quand mon ami décroche. Le regard toujours planté dans le vide, j’articule sans détours, “T’as quelque chose pour moi ? N’importe quoi.” J’sens mon esprit aussi contracté que mon corps, comme un bourdonnement de plus en plus fort sous l’tympan. J'doute pas que ça s'entende. “T’es où ? Tu peux passer ? J’peux te rejoindre sinon. Juste… au plus rapide, ok ?”
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— T’étais où au juste ? Marlon apparait aussitôt dans la pièce, après avoir attendu de pied ferme le retour de la sœur cadette, Hollis. Regard accusateur fixant cette dernière, qui pose à peine les pieds dans la baraque. Pas de réponse. — J’t’ai appelé six fois bordel, ça t’arrive de répondre ? Jappement de l’aîné donc l’estomac se tord d’inquiétude, incapable de s’exprimer autrement que par le biais d’une irritabilité corrosive.

Regard passablement blasé en réponse. — Ouais. Mais tu savais que j’étais en soirée, j't'avais dit que je serai pas joignable ptain ! Soupir lâché. — Alors lâche moi la veste. Les deux se fixent, tension palpable ne pouvant être ignorée, prémisse d’une dispute qu’elle ne préférerait aucunement attiser. — En soirée, ou avec ton mec chelou ? Silence d’un long instant laissant place à la remarque équivoque, piètre opinion du gars qu’Hollis fréquente depuis quelques semaines seulement. — En soirée avec des potes, faut…

Un bruit la coupe dans son élan. Le téléphone de Marlon. — Attends deux secondes. Appareil sorti de sa veste, attention se posant aussitôt sur le nom affiché sur l’écran. Rio. Geste allant pour décrocher, avant d’être coupé par Hollis. — T’es sérieux ? Il hausse des épaules en réponse. Quoi, il va pas planter son pote-client en le laissant sur messagerie, non ? Agacé par la conversation menée avec elle, leurs prises de bec devenant plus fréquentes, ces temps ci. Ce serait plus simple si elle faisait ce qu’il lui demandait, à savoir donner des nouvelles.

Appel décroché, la voix nerveuse de Rio se fait rapidement entendre à travers le téléphone. Pas de doute, il est en manque. — Tu sais que j’ai toujours du stock. Quelques pas pour s’éloigner, et garder une partie de l’échange privé. Pas très enclin à étaler ses activités devant sa sœur, ni à exposer son interlocuteur malgré lui. — Ouais. J’passe chez toi, bouge pas. Conversation coupée sans rien ajouter de plus, veste aussitôt mise sur les épaules. — Urgence. J’sais pas quand je rentre. Les pas se font rapides, pressés, jusqu’à la chambre où se trouve le fameux stock. Trois petits sachets choppés au passage. Ça devrait l’faire.

Les coups se font lourds, contre la porte d’entrée. Arrivé rapide, moins de trente minutes au compteur: il est déjà sympa de se déplacer de suite, figeant au passage son propre emploi du temps. Chanceux le Rio, parce qu’il n’a rien à faire pour le moment. Finalement la porte s’ouvre, et il se retrouve face au concerné, pas au meilleur de sa forme. — Ah, ouais. T’inquiètes j’ai ce qu’il te faut. Commentaire lancé tandis qu’il entre, autant éviter les oreilles traînantes.
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Quand il répond par l’affirmative, c’est déjà un premier soulagement. Mes épaules se relâchent légèrement, j’ressens presque l’apaisement de la came par anticipation. “Tu me sauves.” Littéralement. “Merci.”

La communication se coupe, l’interface s’estompe sous mes rétines jusqu’à disparaître totalement, me laissant face à la porte-vitrée de mon minuscule bureau. J’m’y perds dans une triste contemplation, sais qu’il faudra au minimum quelques longues dizaines de minutes à Marlon pour arriver jusqu’ici. Je serais tenté de l’attendre au pied de l’immeuble pour nous faire gagner du temps, mais je me sens complètement scotché au fond de mon siège.

Le temps se distord, c’est pas faute d’essayer de l’ignorer en regardant quelques vidéos débiles qui ne m’arrachent pas un sourire. Je guette l’horloge numérique, je guette chaque seconde, sursaute quand on cogne à ma porte.

J’manque de tomber du fauteuil, me précipite pour dévaler l’escalier qui sépare la mezzanine de l’entrée. J’ouvre sans réfléchir ; ni à ce que ça pourrait être quelqu’un d’autre, ni à quoi je dois ressembler. Le regard de Marlon me le rappelle. J’ai une gueule de malade.

“Cool.” Nerveusement, alors que le géant pénètre dans l’appartement définitivement pas adapté à sa carrure. Je referme et le suis, sans le lâcher d’une semelle. Comme s’il était susceptible de faire demi-tour, de changer d’avis, et il ne faudrait surtout pas que ça arrive.

J’plonge les mains dans les poches de mon jeans aux coutures élimées, en sors deux pauvres billets. Vingt balles, c’est clairement pas assez. Un pochon en vaut au moins le triple. “J’te filerai le reste demain, ok ?” L’argent, je ne l’ai tout simplement pas pour le moment.
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L’impression d’être un géant coincé dans une maison de poupée, à peine à l’intérieur de l’appartement. Tout semble petit autour de lui, et l’est de toute manière un peu, au vu de sa grande carrure. Rio à sa trace, presque dans ses pattes, à le coller comme s’il allait soudainement disparaître. Il n'a pas fait tout ce chemin pour rien, surtout pas après avoir laissé en plan Hollis.  

Regard se posant sur les deux billets tendus, dont le total se situe bien loin de la somme attendue. Moue se dessinant sur son visage tandis qu’il récupère ledit fric, simple hochement de tête aux propos de son client du jour. — Ok. Max après-demain, alors. Sinon faudra payer l'reste autrement. Temps de pause. — Mais j’t’apprends rien. Toujours explicite là-dessus, surtout quand il s’agit de marchandises et de thunes. Paiements parfois troqués contre des services, un coup de main… sans oublier les paiements en nature, plus rarement. Désespoir en figure de proue pour ce choix.

— Tiens. Pochon finalement tendu, posé dans la main de Rio. — D’la morphine. Ca ira ? Pas trop le choix, il n’a que ça. Et de toute façon au vu de son état, aucun doute que ce dernier se contentera de ces quelques cachets, addiction le menant par le bout du nez. — T’veux que je reste ou pas ? Sait on jamais s’il a besoin de compagnie ou non. Si c’est le cas… well, le voilà déjà présent. Et si non, eh bah, tant pis. Il n’aura plus qu’à partir.
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Payer autrement ? Je hoche la tête sans même prendre le temps d’y réfléchir. Si Marlon a besoin de mes services de programmeur, de réparer son téléphone ou d’installer un logiciel espion sur celui de sa soeur, il aura tout ce qu’il souhaite. Et s’il a besoin d’un massage des pieds il l’aura, s’il a besoin d’une pipe il l’aura. Merde, à ce stade j’pourrais lui céder une main ou un pied juste pour fourrer le nez dans le sachet qu’il agite devant moi.

Mes doigts se referment prudemment sur le plastique transparent. J’recule de deux pas pour venir m’asseoir au bord du canapé, l’ouvre avant même de savoir de quoi il s’agit. De la morphine. “C’est parfait.” La voix est tremblotante, les gestes nerveux quand j’étale une fine ligne de poudre sur la table basse. J’y plonge en me bouchant une narine pour aspirer de l’autre, brûlure vive dans les sinus alors que j’bascule en arrière pour m’affaler dans le dossier dont le moelleux semble subitement m'absorber.

Il me faut quelques secondes de silence pour encaisser le produit qui file dans le sang et jusqu’au coeur qui s’apaise. “Ouais.” Murmuré en gardant les yeux fermés. Il peut rester. Ce s’ra toujours mieux que le vide glacé de l’appartement.

J’le laisse s’installer, les paupières se rouvrant fébrilement pour ciller face au géant. Marlon est le seul type de mon entourage qui soit plus haut que moi - j’me demande comment il survit sans se péter le dos à force de se plier pour se faxer dans les endroits exigus comme celui-ci.

“L’truc…” L’articulation est molle, “J’ai dû investir dans du matos… pour une commande… j’ai plus un rond mais…” le sourire idiot commence à étirer mes lèvres à mesure que le corps se détend, libéré du manque. “J’livre ça dès que… dès que j’ai fini mes réglages.” Ca aurait pu être dès ce soir, si je ne m’étais pas retrouvé bêtement paralysé. J’glisse une main sur son épaule - le boug est musclé - et lui désigne d’un coup de menton le pochon encore bien garni sur la table. “Sers toi.”
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